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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre bis (formation à 3), 09/11/2022, 20BX02610, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'avis de sommes à payer valant titre exécutoire du 17 mai 2018 émis par la direction départementale des finances publiques de la Vienne d'un montant de 9 780,69 euros. Par un jugement n° 1801527 du 10 juin 2020 le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'avis des sommes à payer émis le 17 mai 2018 et déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme de 9 780,69 euros. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20BX02610 les 11 août 2020 et 21 octobre 2021, le groupe hospitalier Nord Vienne, représenté par la SCP KPL avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1801527 du 10 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ; 2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le groupe hospitalier Nord Vienne soutient que : - le titre exécutoire émis le 17 mai 2018 et le bulletin de salaire du mois de mai 2018 ont permis à Mme A... de connaître les bases de liquidation de la créance dont le paiement était demandé ; - conformément à l'article L. 90 du code des pensions civiles et militaires, une personne placée en retraite pour invalidité imputable au service a droit au versement de sa pension de retraite à compter du jour où elle a cessé son activité, soit le jour de sa radiation des cadres ; dans ces conditions, un agent radié des cadres ne peut prétendre au versement d'un traitement et d'indemnités de fonction afférentes à l'absence de tout service fait et le directeur du groupe hospitalier était alors en situation de compétence liée pour poursuivre le remboursement des sommes indûment et illégalement versées, surtout si, corrélativement, l'agent a perçu une pension de retraite pour invalidité pour la même période ; la date d'admission provisoire à la retraite de Mme A... ayant été fixée au 6 octobre 2017, l'intéressée ne pouvait prétendre au versement d'un salaire à compter de cette date ; - le titre exécutoire émis le 17 mai 2018 ne constitue pas une décision valant retrait illégal d'une décision individuelle créatrice de droits qui serait contenue dans la lettre du 15 novembre 2017 qui informait Mme A... que son traitement lui serait maintenu jusqu'à l'avis de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales sur sa mise à la retraite. Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Gand, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du groupe hospitalier Nord Vienne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués par le groupe hospitalier Nord Vienne ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B... C..., - les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public, - les observations de Me Kolenc, pour le groupe hospitalier Nord Vienne. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a été recrutée à compter du 1er octobre 2001 en qualité d'ouvrier professionnel qualifié contractuel par le centre hospitalier Camille Guérin de Châtellerault (Vienne), devenu groupe hospitalier Nord Vienne, puis titularisée le 17 juillet 2007. Par décision du 18 juin 2012 de l'établissement de santé, la cervicalgie dont était atteinte Mme A... a été reconnue imputable au service à compter du 1er décembre 2011. Cette pathologie étant de plus en plus invalidante, le groupe hospitalier Nord Vienne a informé Mme A..., par courrier du 15 novembre 2017, de son placement d'office à la retraite pour invalidité à compter du 6 octobre 2017 et du maintien de son traitement dans l'attente de l'avis de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) sur sa mise à la retraite. Après que cette dernière a émis, le 18 avril 2018, un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité de Mme A..., l'établissement de santé, par un titre exécutoire émis le 17 mai 2018, a demandé à cette dernière la restitution de l'indu de rémunération perçu entre octobre 2017 et mai 2018 à hauteur de 9 780,69 euros. Le groupe hospitalier Nord Vienne relève appel du jugement n° 1801527 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire émis le 17 mai 2018 et déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme de 9 780,69 euros. Sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par le tribunal : 2. Pour annuler le titre exécutoire émis le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a retenu, en premier lieu, que ni ce titre ni aucun autre document ne permettaient à Mme A... de connaître la base de liquidation et les éléments de calcul sur lesquels le groupe hospitalier Nord Vienne s'était fondé pour mettre la somme en cause à sa charge. 3. Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les dispositions du titre Ier du présent décret sont applicables aux administrations publiques (...) mentionnées aux 1° à 5° suivants (...) : (...) 3° Les établissements publics de santé (...) ". Selon l'article 24 du même décret : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de liquidation ". Pour satisfaire à ces dispositions, un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. 4. Le titre exécutoire en litige du 17 mai 2018 comporte seulement, dans la rubrique " désignation ", la mention : " retraite au 06/1018-05/18 - UF 1010 Standard et accueil ". Ce titre n'explicite pas les modalités de calcul de la créance réclamée à Mme A... et ne comporte aucune référence précise à un document, indiquant les bases de liquidation et les éléments de calcul retenus, dont cette dernière aurait antérieurement reçu notification. Si le groupe hospitalier Nord Vienne soutient que, outre le titre exécutoire du 17 mai 2018, Mme A... a été destinataire de son bulletin de salaire du mois de mai 2018, lequel détaillerait les bases de la liquidation de la créance, il résulte toutefois de l'instruction que le titre ne comportait, en tout état de cause, aucune référence précise à ce bulletin de salaire. Ainsi, l'état exécutoire litigieux est irrégulier faute de préciser, directement ou par référence, les bases de liquidation et les éléments de calcul retenus, et c'est dès lors à bon droit que les premiers juges l'ont annulé pour ce motif. 5. Pour annuler le titre exécutoire en litige, le tribunal administratif de Poitiers a, en second lieu, estimé que le groupe hospitalier Nord Vienne ne pouvait procéder légalement au rappel de la somme en litige en raison des droits que Mme A... a acquis de la décision de l'établissement de maintenir sa rémunération dans l'attente de l'avis de la CNRACL. 6. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service (...) Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 7. Aux termes de l'article 2 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " (...) L'admission à la retraite est prononcée, après avis de la caisse nationale des retraites des collectivités locales, par l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination. ". Aux termes de l'article 30 du même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) ". L'article 31 du même décret prévoit que : " (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. (...) ". 8. Il résulte des dispositions précitées que le fonctionnaire qui bénéficie d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service consécutive à un accident reconnu imputable au service a droit au versement de l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. S'il se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions, il doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. Il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent. En l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement. 9. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'avis émis le 5 octobre 2017 par la commission de réforme, qui a estimé que Mme A... était inapte totalement et définitivement à toutes fonctions, ce qui justifiait sa mise à la retraite pour invalidité, le groupe hospitalier Nord Vienne a décidé, par un courrier du 15 novembre 2017, de placer cette dernière en retraite d'office pour invalidité à compter du 6 octobre 2017, sous réserve de l'avis favorable de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Par ce même courrier du 15 novembre 2017, l'établissement a décidé, en se référant aux dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, de maintenir la pleine rémunération de Mme A... pendant le temps de l'instruction de son dossier par la CNRACL. Ainsi, ce courrier du 15 novembre 2017 présentait, pour Mme A..., le caractère d'une décision créatrice de droits. 10. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'avis favorable de la CNRACL du 18 avril 2018 à la mise à la retraite pour invalidité de Mme A..., le directeur du groupe hospitalier a, par une décision du 19 avril 2018, prononcé cette mise à la retraite à compter du 6 octobre 2017. Contrairement à ce que soutient le groupe hospitalier, l'application rétroactive de la décision du 19 avril 2018 n'était pas nécessaire pour placer dans une situation régulière Mme A..., qui était en congé pour invalidité temporaire imputable au service entre octobre 2017 et avril 2018. Ainsi, en donnant à sa décision de mise à la retraite une portée rétroactive, le directeur du groupe hospitalier a commis une illégalité. Il s'ensuit que le groupe hospitalier n'est pas fondé à soutenir, pour justifier du bien-fondé du titre exécutoire, que Mme A... ne pouvait légalement cumuler, entre octobre 2017 et mai 2018, la rémunération dont elle a continué à bénéficier avec une pension de retraite. De plus, la rémunération versée à Mme A... pendant la période précitée ne présentait pas un caractère provisoire dès lors qu'elle résulte de l'application des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et restait en conséquence acquise à l'agent. 11. Enfin, l'avis conforme de la CNRACL prévu à l'article 31 précité du décret du 26 décembre 2003 a seulement pour objet de faire obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination puisse décider la mise à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire lorsque la demande présentée à ce titre n'est pas fondée ou que l'intéressé n'a pas droit à pension. En cas d'avis favorable de la CNRACL, cette autorité, à laquelle appartient le pouvoir de décision, n'est pas tenue de mettre l'agent à la retraite. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le groupe hospitalier Nord Vienne, l'avis favorable de la CNRACL du 18 avril 2018 ne l'a pas placé en situation de compétence liée pour prononcer la mise à la retraite de Mme A... à compter du 6 octobre 2017. 12. Il résulte de ce qui précède que le groupe hospitalier Nord Vienne ne pouvait procéder légalement, par le titre exécutoire du 17 mai 2018, au rappel de la somme litigieuse de 9 780,69 euros. 13. Il résulte de tout ce qui précède que le groupe hospitalier Nord Vienne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 17 mai 2018 et déchargé Mme A... de l'obligation de payer cette somme de 9 780,69 euros. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le groupe hospitalier Nord Vienne au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupe hospitalier Nord Vienne une somme de 1 500 euros à verser à Mme A..., en application de ces mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête du groupe hospitalier Nord Vienne est rejetée. Article 2 : Le groupe hospitalier Nord Vienne versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier Nord Vienne et à Mme D... A.... Délibéré après l'audience du 17 octobre 2022 à laquelle siégeaient : M. Frédéric Faïck, président, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, Mme Pauline Reynaud, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022. La rapporteure, Pauline C...Le président, Frédéric Faïck La greffière, Angélique Bonkoungou La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 20BX02610 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 22/11/2022, 20MA04307, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 26 juin 2018 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a informé d'un trop-perçu de traitements, sur la période de janvier à juillet 2018, d'un montant de 7 055, 93 euros et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018. Par un jugement n° 1806655 du 21 septembre 2020, rectifié par ordonnance du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 et 27 novembre 2020, 30 décembre 2020, 29 janvier 2021 et les 6 septembre et 11 octobre 2022, M. C..., représenté en dernier lieu par la société d'avocats interbarreaux Sanguinède Di Frenna et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 26 juin 2018 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a informé d'un trop-perçu par lui, d'un montant de 7 055, 93 euros, et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la procédure suivie devant le tribunal est irrégulière, dès lors, d'une part, que le jugement a été rectifié par voie d'ordonnance, pour corriger une erreur qui n'est pas purement matérielle, une telle ordonnance étant entachée de fraude, d'autre part, que le tribunal s'est fondé sur les dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 qui n'étaient pas invoquées par l'administration et enfin, que par sa motivation, le jugement querellé prive le requérant d'un recours efficace contre la décision en litige, et ne répond pas à tous ses moyens ; - la décision litigieuse, qui ne s'analyse pas comme une simple mesure comptable, mais comme une décision de récupération de sommes indument versées et donc comme imposant une sujétion, doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et ne l'est pas en l'espèce ; - il avait droit, sur le fondement de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, au maintien de l'intégralité de son traitement pour la période du 31 octobre 2017, date de consolidation de sa maladie, au 1er juillet 2018, date de son admission à la retraite pour invalidité, dès lors que les arrêts de travail correspondants sont en lien direct et certain avec son accident de service du 18 décembre 2015, contrairement aux indications des décisions du 11 juin 2018, de sorte que la décision en litige méconnaît ces dispositions ; - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, son moyen tiré du défaut de prise en compte du report de ses droits à congé était suffisamment précis ; - ont été méconnus les principes de sécurité juridique, d'impartialité et de non-rétroactivité ; - en se fondant essentiellement sur la date de consolidation de l'état de santé du demandeur, le tribunal a rendu une décision discriminatoire, en méconnaissance des articles 1 et 7 de la déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - son recours se fonde également sur l'article 1er et le titre XI bis de la Constitution, les articles 1, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi sur son préambule, les articles 15, 16 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens et son préambule, les articles 2, 7, 8, 10 et 17 de la déclaration universelle des droits de l'homme et les articles 6, 13, 14 et 17 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que sur l'article 1er de son premier protocole additionnel. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., magistrat du siège exerçant les fonctions de vice-président du tribunal de grande instance de Marseille, a été victime le 17 décembre 2015 d'un accident qui a été reconnu imputable au service par une décision du 13 mai 2016. Par une décision du 14 juin 2018, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 octobre 2017, avec un taux d'incapacité partielle permanente de 35 %. Par arrêté du 31 décembre 2018, pris à sa demande, M. C... a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2018. Par une décision du 26 juin 2018, le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a informé d'un trop-perçu par lui, d'un montant de 7 055, 93 euros, pour la période de janvier à juillet 2018, et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018. Par un jugement du 21 septembre 2020, rectifié par ordonnance du 22 octobre 2020, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la nature de la décision en litige : 2. Une requête dirigée contre un titre exécutoire ou un ordre de reversement relève, par nature, du plein contentieux. Il en va de même pour la requête dirigée contre la lettre par laquelle l'administration informe un fonctionnaire qu'une somme indument payée fera l'objet d'une retenue sur son traitement. 3. Par la décision en litige, le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire ne s'est pas borné, au nom du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et du procureur général près cette cour, à opérer une retenue sur la rémunération devant être servie à M. C... pour le mois de juillet 2018, mais a décidé la récupération auprès de l'intéressé de la somme de 7 055, 93 euros au titre d'un trop-perçu et l'a informé qu'à ce titre, cette somme ferait l'objet d'une retenue sur son traitement. Ainsi cette décision n'est pas seulement une mesure comptable, susceptible de recours pour excès de pouvoir, mais un ordre de reversement, dont M. C... demande l'annulation par un recours qui a donc la nature d'un recours de pleine juridiction. Sur la légalité de la décision en litige : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 3° ...imposent des sujétions ; ". L'article L. 211-5 du même code précise que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". 5. La décision par laquelle l'autorité administrative procède à la récupération de sommes indûment versées à un fonctionnaire au titre de ses traitements est au nombre des décisions imposant une sujétion et doit, par suite, être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en résulte qu'une telle décision doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A ce titre, l'autorité administrative doit faire figurer dans la motivation de sa décision la nature de la prestation et le montant des sommes réclamées, ainsi que le motif et la période sur laquelle porte la récupération. En revanche, elle n'est pas tenue d'indiquer dans cette décision les éléments servant au calcul du montant de l'indu. 6. Si la décision litigieuse mentionne la nature de la créance détenue sur M. C..., son montant et la période au titre de laquelle elle est due, elle ne fait pas apparaître le motif pour lequel la récupération est ainsi décidée. Elle ne peut donc être regardée comme suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions législatives citées au point 4 et doit être annulée pour ce premier motif. 7. D'autre part, aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : 1° En activité... " et que selon l'article 68 : " les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après ". L'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, qui n'est pas contraire aux règles statutaires du corps judiciaire et qui s'applique aux magistrats judiciaires, dispose, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 8. Il résulte des dispositions précitées qu'un agent qui n'est plus apte à reprendre son service à la suite d'un accident de service et auquel aucune offre de poste adapté ou de reclassement n'a été faite a droit à être maintenu en congé de maladie avec le bénéfice de son plein traitement, sans autre limitation que celles tenant à sa mise à la retraite ou au rétablissement de son aptitude au service. 9. Il résulte de l'instruction que si, par une décision du 14 juin 2018, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. C... au 31 octobre 2017, avec un taux d'incapacité partielle permanente de 35 %, ce n'est que par des décisions du 11 juin 2018 que cette autorité a déterminé le nombre de jours de congés de maladie de l'intéressé donnant lieu à versement de demi-traitements, en considération desquelles a été prise la mesure en litige. Par suite, la circonstance, non contestée, que M. C... n'a pas remis en cause la légalité de cette décision du 14 juin 2018 demeure sans incidence sur la recevabilité de l'exception, qu'il doit être regardé comme ayant soulevée dès sa requête introductive de la présente instance, eu égard à l'argumentation qu'il y présente, et qu'il articule à l'encontre de ces mesures du 11 juin 2018. 10. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, à la suite de son accident de service survenu le 17 décembre 2015, M. C... n'a plus été en mesure de reprendre son service jusqu'à son admission à la retraite, prononcée à compter du 1er juillet 2018 par arrêté du 3 décembre 2018 pris sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il devait bénéficier de son plein traitement jusqu'au 1er juillet 2018. C'est donc en méconnaissance des dispositions législatives citées au point 7 que, pour décider par la décision en litige, de récupérer la somme de 7 055, 93 euros auprès de M. C..., le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire a considéré, sur la base des décisions du 11 juin 2018, que l'intéressé ne pouvait bénéficier de son plein traitement pour la période de janvier à juin 2018 inclus. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 2018. Ce jugement et cette décision doivent donc être annulés. Sur les frais liés au litige : 12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance au bénéfice de M. C..., la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1806655 du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2020, rectifié le 22 octobre 2020, et la décision du 26 juin 2018 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire a informé M. C... d'un trop-perçu de traitements, sur la période de janvier à juillet 2018, d'un montant de 7 055, 93 euros et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018, sont annulés. Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022. N° 20MA043072
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 15/11/2022, 20BX03075, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le président du conseil départemental de la Charente a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 18 décembre 2017. Par un jugement du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2020 et le 23 août 2021, Mme C..., représentée par Me Renner, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Poitiers ; 2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 du président du conseil départemental de la Charente ; 3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Charente de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 18 décembre 2017, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ; 4°) de mettre à la charge du département de la Charente une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont entaché leur décision d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont elle a été victime alors qu'elle revenait sur son lieu de travail après sa pause méridienne constitue un accident de trajet ; - la réalité de cet accident est établie par les pièces versées au dossier que le département de la Charente se borne à contester sans apporter aucune preuve. Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2020 et le 13 septembre 2021, le département de la Charente, représenté par Me Heymans, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 900 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B... A..., - les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique, - et les observations de Me Platel pour le Département de la Charente. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... C..., adjointe administrative principale de 2ème classe, exerce ses fonctions au sein du service " bâtiments " du département de la Charente à Angoulême. Le 18 décembre 2017, elle a été victime d'une chute à la suite de laquelle elle a été placée en congé de maladie. Par un arrêté du 19 juin 2018, le président du conseil départemental de la Charente a refusé de reconnaître l'imputabilité au service cet accident. Mme C... relève appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Dès lors, la situation de Mme C..., victime d'un accident survenu le 18 décembre 2017, est régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 introduit par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas encore entré en vigueur à la date de l'accident, faute de décret d'application. Le décret d'application du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale n'est entré en vigueur que le 13 avril 2019. 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". 4. Est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 décembre 2017, Mme C... a renseigné une déclaration d'accident de service en y indiquant qu'elle avait été victime d'une chute sur le trottoir de la rue d'Austerlitz entre 13 h 15 et 13 h 20, lors de sa pause méridienne, alors qu'elle se trouvait sur le parcours entre son domicile et son lieu de travail situé rue de l'Arsenal. Le 4 avril 2018, Mme C... a adressé à la commission de réforme, appelée à émettre un avis sur l'imputabilité au service de son accident, un courrier relatant pour la première fois que, le 18 décembre 2017, elle avait pris son repas au restaurant inter-administratif, où il est d'ailleurs établi par les pièces versées au dossier qu'elle a été servie à 12 h 26, et avait ensuite effectué des tâches de la vie courante. Le 3 mai suivant, Mme C... a déclaré avoir été victime de l'accident en cause sur le trajet depuis son domicile ainsi que depuis son lieu de prise habituelle des repas et s'être déplacée non seulement en bus et à pied mais également en voiture pour retourner à son domicile y récupérer des médicaments. En outre, tandis que dans la déclaration de service établie le 18 décembre 2017, Mme C... avait uniquement renseigné les coordonnées d'un témoin indirect qui l'avait aidée à reprendre ses esprits après la chute, elle s'est nouvellement prévalue le 5 février 2018 de l'existence d'un témoin direct, au surplus présenté comme une inconnue alors qu'elle faisait partie de ses " amis " sur le réseau social Facebook. Ces éléments ont d'ailleurs justifié le prononcé d'un blâme par un arrêté du 9 juillet 2018, contre lequel a été formé un recours en annulation rejeté par un jugement du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Poitiers, confirmé par un arrêt du 11 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux devenu définitif. Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges qui n'ont pas inexactement analysé les pièces du dossier, les différentes déclarations de Mme C... sont ainsi à tout le moins entachées d'omissions et de contradictions. Dans ces conditions, et alors même que la commission de réforme avait émis un avis favorable le 5 avril 2018, l'accident dont Mme C... a été victime le 18 décembre 2017 ne peut être regardé comme revêtant le caractère d'un accident de trajet. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2018 du président du conseil départemental de la Charente. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, faire droit aux conclusions présentées par le département de la Charente sur le fondement de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge Mme C... la somme de 900 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Mme C... versera au département de la Charente la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de la Charente. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Karine Butéri, présidente, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, M. Anthony Duplan, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022. L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau Caroline Gaillard La présidente-rapporteure, Karine A... La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Charente en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX03075
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/11/2022, 21NT00998, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes puis au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles d'hépatite virale " et " séquelles de mélanome stade III de la cuisse gauche, œdème chronique et cicatrice ", le cas échéant, après expertise médicale. Il a également demandé au tribunal de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour " diminution de l'ouverture palpébrale gauche " et " hypoacousie bilatérale : perte auditive moyenne oreille droite 33,75 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 30 décibels ". Par un jugement n° 1905817 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 avril et 10 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Fleck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 février 2021 en tant qu'il concerne ses problèmes hépatiques et son mélanome ; 2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre des séquelles d'hépatite virale et du mélanome, le cas échéant après expertise médicale. Il soutient que sa requête est recevable dès lors qu'il n'est pas en mesure d'apporter d'autres éléments ; S'agissant de l'hépatite virale : - il conserve des troubles et un nodule au niveau hépatique ; les conclusions de l'expert ne sont pas catégoriques de sorte qu'une nouvelle expertise médicale est nécessaire ; S'agissant du mélanome : - il conserve une cicatrice importante, des douleurs et des raideurs au niveau de la jambe qui l'empêchent de rester debout de façon prolongée ; - il a démontré l'imputabilité au service de cette pathologie liée à son exposition au soleil durant sa carrière en Afrique et au Moyen-Orient. Par des mémoires, enregistrés les 12 octobre 2021 et 2 mars 2022, la ministre des armées, conclut à l'irrecevabilité de la requête pour défaut de motivation et, à titre subsidiaire, à son rejet. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1948, s'est engagé dans l'armée de terre à compter du 1er octobre 1967. Il a poursuivi sa carrière militaire jusqu'en 1988. En 1981, une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % lui a été concédée au titre des séquelles qu'il a conservées d'une hépatite virale contractée au Tchad en 1970. Par ailleurs, en 2013, il a été opéré d'un mélanome à la cuisse gauche, qui a nécessité un curage ganglionnaire au mois de janvier 2014 et un traitement médicamenteux pendant deux ans. Le 7 septembre 2016, l'intéressé a sollicité le renouvellement de sa pension au titre de l'hépatite et l'attribution d'une nouvelle pension militaire d'invalidité au titre du mélanome. Par une décision du 26 septembre 2018, ses demandes ont été rejetées. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'il concerne ses problèmes hépatiques et son mélanome. Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre : 2. Si le requérant reprend pour une très large partie ses écritures et conclusions de première instance, il ne s'est pas borné, dans sa requête d'appel, à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance et, dans les circonstances particulières de l'espèce, en sollicitant de nouveau en appel une expertise médicale, il doit être regardé comme motivant de façon suffisante sa requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être rejetée. Sur les pathologies en litige : 3. M. A... soutient qu'il conserve des troubles et un nodule au niveau hépatique et que cette pathologie implique le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité. Il ressort de l'expertise médicale réalisée le 26 mars 2018, confirmée par le médecin chef chargé des pensions militaires d'invalidité le 23 mai 2018, que sa biologie hépatique est normale, que les sérologies anciennes vont dans le sens d'une guérison et que les anticorps anti-HBc n'évoquent pas un portage chronique mais plutôt une guérison ou une vaccination récente. Le premier expert indique cependant que les lésions rapportées sur l'imagerie hépatique ne lui paraissent " pas forcément avoir un lien évident avec l'hépatite virale " mais évoque cependant une possible relation avec le mélanome qu'il présente par ailleurs. Il précise que cette tumeur a été traitée notamment par interféron. L'expert militaire estime pour sa part que les troubles hépatiques de M. A... sont d'origine vasculaire et ne sont pas en relation avec le mélanome découvert en 2013. 4. S'agissant du mélanome, M. A..., qui ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité pour cette nouvelle pathologie, présente une cicatrice importante, des douleurs et des raideurs au niveau de la jambe qui l'empêchent de rester debout de façon prolongée. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été affecté durant ses années de service soit en Afrique, soit au Moyen-Orient, et qu'à l'époque il portait un short relativement court. Les experts reconnaissent que son mélanome se situe au-dessous de la ligne de short. Lors de l'examen du 26 mars 2018, l'expert a confirmé ces troubles impliquant notamment la nécessité pour l'intéressé de porter en permanence des contentions ainsi que l'accroissement d'un nodule hépatique. Il a estimé " probable " le lien entre cette pathologie et l'exposition prolongée au soleil en l'absence de protection de M. A... et évalué le taux de cette pathologie à 30 %. Le médecin chef chargé des pensions militaires d'invalidité évalue en revanche le taux d'invalidité de cette pathologie à moins de 10 % et écarte, ainsi qu'il a été dit, tout lien entre le nodule hépatique que présente M. A... et son mélanome. 5. Compte tenu du lien possible entre ces deux pathologies et des divergences de conclusions de ces deux experts, tant sur l'origine que sur le taux retenus, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'expertise et à solliciter la réalisation d'une nouvelle expertise médicale. Il y a lieu, dès lors, avant de statuer sur la requête visée ci-dessus, d'ordonner cette expertise dans les conditions mentionnées ci-dessous. DÉCIDE : Article 1er : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire entre les parties. Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 3 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. A..., en ce qui concerne les deux pathologies en litige, se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ; - d'examiner l'intéressé, décrire son état de santé actuel ; - déterminer l'origine des problèmes hépatiques actuels de l'intéressé et ses possibles relations tant avec l'hépatite virale contractée en 1970 qu'avec le mélanome qu'il a développé au niveau de la cuisse en 2013 ; - fixer le taux d'invalidité de M. A... imputable à chacune de ces deux infirmités ; - de façon générale, donner tous autres éléments d'information nécessaires. Article 4 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, dans le délai de deux mois suivant la prestation de serment, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties. Article 5 : L'expert appréciera l'utilité, pour lui, de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport qui, s'il est rédigé, ne pourra avoir pour effet de conduire à dépasser le délai fixé à l'article 4 ci-dessus. Article 6 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT00998
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 08/11/2022, 19VE03977, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions des Hauts-de-Seine d'annuler la décision du ministre de la défense du 21 octobre 2016 lui refusant la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son hypoacousie. Par un jugement n° 17/00003 du 12 juillet 2019, le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande. La cour régionale des pensions de Versailles, saisie le 23 juillet 2019, a transmis Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Versailles, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête de M. A.... Procédure devant la cour : Par cette requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 6 mars 2021 et 6 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Rochefort, avocate, demande à la cour : 1°) avant dire droit, de désigner un expert, pour déterminer l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale et des acouphènes et de fixer en conséquence les taux d'invalidité selon le guide barème de PM ; 1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2019 ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la défense de 21 octobre 2016 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre une décision reconnaissant l'aggravation de son infirmité et révisant sa pension pour aggravation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement n'est pas motivé pour comprendre le taux de 45 % d'invalidité retenu pour l'hypoacousie ; - la décision du 21 octobre 2016 est entachée d'incompétence négative ; - l'aggravation est imputable à la seule hypoacousie déjà pensionnée ; - une aggravation même due au vieillissement peut justifier une révision de la pension d'invalidité ; - le taux initial d'invalidité pour l'hypoacousie est de 35 % et non de 45 % retenu à tort par le tribunal. Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mai et 8 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la requête est irrecevable car elle a été déposée plus de deux mois après la décision du bureau d'aide juridictionnelle ; - le taux d'aggravation de l'infirmité est de 5 % et donc inférieur au minimum de 10 points permettant la révision de la pension ; - le taux global d'invalidité de 45 % ne regroupe pas deux infirmités, hypoacousie et acouphènes mais est celui de l'hypoacousie bilatérale avec audioprothèse gauche ; une part documentaire de 10 % non indemnisable a été retenue. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique, - et les observations de Me Rochefort pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., engagé dans l'armée de terre en 1949, a été blessé en service en 1953 en Indochine, puis en 1957, et en 1972. En 1993, une pension militaire d'invalidité lui est attribuée, notamment pour hypoacousie. Le 31 octobre 2014, il en a demandé la révision pour aggravation de son hypoacousie. Par une décision du 21 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que l'aggravation est étrangère au service. Le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine, après avoir ordonné une expertise, a rejeté la demande présentée par M. A... au motif que l'aggravation de l'hypoacousie était inférieure au seuil de 10 points permettant la révision de la pension militaire d'invalidité. M. A... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". M. A... soutient que le jugement ne permet pas de comprendre comment les premiers juges ont abouti à un taux d'invalidité initial de 45 %, et s'ils ont additionné deux infirmités distinctes, l'hypoacousie et les acouphènes. Il ressort toutefois de l'examen du jugement attaqué que le moyen tiré du défaut de motivation du jugement manque en fait. Sur le bien-fondé du jugement : 3. En premier lieu, il ne ressort pas des termes de la décision du ministre de la défense du 21 octobre 2016 que ce dernier se serait senti lié par les différents avis médicaux rendus à la suite de la demande de révision de pension. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur à la date de la demande de révision de pension, devenu L. 154-1 : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée/Cette demande est recevable sans condition de délai./La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur./Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ". 5. Pour contester la décision attaquée, M. A... soutient que l'infirmité résultant de son hypoacousie, pensionnée au taux de 35 % s'est aggravée de plus de 10 %, pour atteindre 50 % selon l'expert judiciaire. 6. Il ressort des pièces du dossier et du " descriptif des infirmités ayant donné lieu à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité ", que si un taux de 35 % de degré d'invalidité est mentionné pour déterminer le taux de la pension qui sera concédée, il est toutefois détaillé, en face, dans le descriptif de cette infirmité, " une hypoacousie bilatérale avec audioprothèse gauche, (taux global de 45%, taux antérieur 10% documentaire) ", expliquant ainsi le taux de 35 % pouvant être pris en compte pour déterminer le taux de la pension militaire d'invalidité. Ainsi, le taux d'invalidité de M. A... entraîné par l'hypoacousie dont il souffrait était de 45 %, alors même que cette affection ne pouvait être prise en compte dans la détermination du taux de pension militaire d'invalidité qu'au taux de 35 %. Dans ces conditions, le taux d'invalidité de 50 % retenu par l'expert judiciaire pour l'hypoacousie, lequel ne déduit aucun taux antérieur, n'a augmenté que de 5 % par rapport au taux antérieur d'invalidité reconnu pour cette affection, soit une augmentation inférieure au taux de 10 % exigé par les dispositions rappelées ci-dessus. Par ailleurs M. A... ne peut se prévaloir d'un certificat médical relatif à sa perte d'audition au 11 mars 2021, soit postérieurement à sa demande de révision de pension présentée le 31 octobre 2014. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense ni d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, Mme Bonfils, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022. La rapporteure, A-C. B...Le président, S. BROTONSLa greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N°19VE03977 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/11/2022, 21NT01088, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du ministre de la défense du 24 mai 2017 refusant de lui attribuer une pension militaire d'invalidité et à ce qu'il lui soit accordé une pension militaire d'invalidité au taux de 35%. Par un jugement n° 1902700 du 19 février 2021 le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision et a accordé à M. C... une pension d'invalidité de victime civile de guerre au taux de 35% à compter du 17 mars 2015. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 avril 2021 et le 7 décembre 2021, le ministre des armées, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2021 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. C.... Il soutient que : - le tribunal n'a pas précisé, dans son dispositif, l'intitulé de l'infirmité reconnue au taux de 35% ; - la nature de l'infirmité n'est pas précisée ; - il n'a pas été tenu compte par le tribunal des données médicales à la date de la demande de pension ; - le taux de 35% retenu n'est pas justifié ; - le lien de causalité entre l'assassinat du père du requérant et son état psychologique n'est pas démontré. Par des mémoires en défense enregistrés le 27 septembre 2021 et le 22 novembre 2021 M. C... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, en son article 6 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... a sollicité, le 17 mars 2015, une pension militaire pour des troubles psychologiques survenus à la suite de l'assassinat de son père le 21 avril 1958 à ...(...). Le ministre de la défense a rejeté sa demande le 24 mai 2017. M. C... a été regardé par le tribunal administratif de Caen comme demandant l'annulation de cette décision et que lui soit concédée une pension de victime civile de guerre à un taux de 35 %. Le ministre des armées relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé sa décision du 24 mai 2017 et a accordé à M. C... une pension de victime civile de guerre d'invalidité au taux de 35 % à compter du 17 mars 2015. Sur les conclusions d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes ayant subi en ... entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre ..., bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 124-11 du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 113-6 relatif à la réparation des dommages physiques subis en relation avec la guerre ..., ouvrent droit à pension les infirmités ou le décès résultant : / 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre ; / 2° De maladies contractées du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". 3. D'une part, il résulte de l'instruction que M. C... souffre depuis au moins 1972 de troubles psychiques pour lesquels il a été hospitalisé en ... et pour lesquels il est suivi régulièrement en France, où il vit depuis 1987, comme cela est établi par les différents certificats médicaux produits. Le tribunal du contentieux de l'incapacité de Caen a, le 26 juin 2006, pour ces troubles de la personnalité avec forme de paranoïa, délires interprétatifs à teneur persécutive, troubles de l'adaptation et probables troubles post-traumatiques, fixé à 70 % le taux d'incapacité de M. C.... Le psychiatre expert qui l'a examiné le 13 janvier 2020 dans le cadre d'une expertise ordonnée par le tribunal des pensions a conclu, à l'issue d'un examen psychique de l'intéressé, que celui-ci souffrait d'une psychose paranoïaque consécutive au traumatisme vécu en 1958. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de police judiciaire établi le 1er juillet 1958 que, le 21 avril 1958, le père de M. Ouanouche, président de la délégation spéciale de D..., a été abattu de trois coups de feu, dans un champ jouxtant sa demeure, par des indépendantistes algériens venus le chercher de force chez lui, alors qu'il prenait son repas avec son épouse et ses enfants. Si le psychiatre expert qui a examiné M. C... le 13 décembre 2016 a dénié le caractère post-traumatique de ses symptômes et a retenu le concernant des troubles atypiques de l'humeur, il résulte des termes mêmes de cette expertise qu'elle est fondée de façon erronés sur le caractère hypothétique de l'assassinat du père de l'intéressé en 1958. Dans ces conditions, M. C... apporte la preuve d'un lien de causalité direct et déterminant entre l'assassinat de son père et son état psychique sans que le ministre puisse soutenir que la nature de l'infirmité serait imprécise ou qu'il aurait fallu tenir compte de l'état médical de M. C... au moment de sa demande de pension, lequel, eu demeurant, comme il a été dit, était déjà suffisamment établi et corrélé avec l'assassinat de son père. 4. D'autre part, si le ministre soutient que le taux de 35% retenu ne serait pas justifié et que ce taux a été fixé à 20 % par l'expertise réalisée le 13 décembre 2016, il résulte de l'instruction que le psychiatre expert qui a examiné M. C... le 13 janvier 2020 a fixé son taux d'invalidité à 35 % pour la pathologie psychiatrique de l'intéressé en indiquant notamment que " l'examen psychiatrique de M. C... objective ce jour une psychose paranoïaque consécutive au traumatisme vécu en 1958 " alors que, ainsi que dit précédemment, l'expertise du 13 décembre 2016 reposait sur des éléments de faits erronés, relatifs notamment à l'assassinat du père de M. C.... Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément contraire, le taux d'invalidité lié à aux troubles psychiques de M. C... imputables à l'assassinat de son père, sans que le ministre ne puisse sérieusement soutenir que cette qualification est imprécise compte tenu notamment de l'expertise médicale du 13 janvier 2020, doit être fixé à 35 %. 5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Caen a annulé sa décision du 24 mai 2017 et a accordé à M. C... une pension de victime civile de guerre d'invalidité au taux de 35% à compter du 17 mars 2015. Sur les frais liés au litige : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Giraud, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022. Le rapporteur, T. B... Le président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01088
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 7ème chambre, 10/11/2022, 21LY01598, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité par octroi d'une majoration tierce personne et de l'indemniser des préjudices dont il se prévaut, non réparés par la pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1903223 du 9 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 19 mai 2021, M. A..., représenté par Me Le Bigot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision contestée ; 2°) de l'indemniser à hauteur de 10 000 euros des préjudices dont il se prévaut et non réparés par la pension militaire d'invalidité ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise avant dire droit. Il soutient que : - il peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 18 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors que son infirmité nécessite l'assistance d'une tierce personne six heures par semaine, son épouse lui servant de chauffeur et l'assistant pour ses soins et pour les actes de la vie quotidienne ; - la décision est entachée d'une erreur de droit faute pour le ministre d'avoir recherché s'il était dans l'une des situations lui permettant de bénéficier de la majoration tierce personne ; - il doit être indemnisé des souffrances endurées, de son préjudice esthétique, du surcoût induit par l'aménagement d'un véhicule adapté, de son préjudice d'agrément et de son préjudice sexuel. Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la demande indemnitaire que M. B... A... a présentée pour les préjudices non réparés par la pension militaire d'invalidité est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, rapporteur ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 M. A..., né en 1956, engagé dans la gendarmerie nationale, a été victime le 14 juin 2001 d'un accident de service. Une première pension militaire d'invalidité au taux de 10 % lui a été accordée à compter du 2 novembre 2008, suivie d'une nouvelle pension au taux de 95 %, avec effet au 11 décembre 2012. Les 26 janvier et 30 mai 2017, il a demandé à la ministre des armées une majoration de sa pension pour recours à tierce personne et l'indemnisation de divers préjudices non réparés par cette pension. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 mars 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation du refus que lui a opposé la ministre des armées le 21 juin 2019. Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires devant la cour : 2. Le tribunal, après avoir vainement invité M. A... à chiffrer ses conclusions indemnitaires, sous 15 jours, par un courrier du 14 décembre 2020, reçu le lendemain, les a rejetées comme irrecevables. Par suite, et comme le soutient en défense la ministre, la demande indemnitaire de M. A..., chiffrée pour la première fois devant la cour, ne peut qu'être rejetée. Sur le fond du litige : 3. Aux termes des dispositions désormais codifiées à l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension ". Cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie. Elle impose toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé. 4. M. A... soutient que son infirmité nécessite l'assistance d'une tierce personne non médicale ou spécialisée sur la base de six heures hebdomadaires et qu'il peut se mouvoir à l'aide d'une prothèse qui continue à le faire souffrir, en dépit d'aménagements successifs, et qu'il a engagé des frais importants en vue d'aménager son véhicule et le rendre propre à sa conduite. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 15 juin 2018 que si M. A... nécessite l'aide d'une tierce personne pour se vêtir et se dévêtir, pour faire sa toilette et pour les déplacements extérieurs, ce dernier peut quitter son lit ou se coucher seul, satisfaire ses besoins naturels, boire et manger seul, se déplacer seul sur de courtes distances. Ainsi la fréquence et la périodicité de l'assistance dont l'intéressé a besoin, peuvent être subordonnées à un horaire préétabli et cette assistance n'est pas nécessaire pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée. Par suite, et comme s'en est assurée la ministre des armées, il n'apparaît pas se trouver dans une situation qui justifierait une majoration de sa pension militaire d'invalidité. Aucune violation des dispositions précitées de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne saurait donc être retenue. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022. La rapporteure, C. Djebiri Le président, V.-M. Picard La greffière, S. Lassalle La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N°21LY01598 2 ap
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/11/2022, 21NT01000, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes puis au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 23 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté ses demandes de pensions militaires d'invalidité au titre d'une " diminution de l'ouverture palpébrale gauche " et d'une " hypoacousie bilatérale : perte auditive moyenne oreille droite 33,75 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 30 décibels ". Par un jugement n° 1905621 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 avril 2021, M. A..., représenté par Me Fleck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 février 2021 ; 2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de ces deux pathologies ; 3°) de faire droit à sa demande de constat d'aggravation de l'infirmité " défiguration liée à la diminution d'ouverture palpébrale gauche ". Il soutient que : - il souffre d'une aggravation de l'infirmité pensionnée ; - l'expert a constaté sa perte auditive ; il a besoin d'un haut-parleur pour le téléphone et subit une gêne dans sa vie quotidienne. Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2021, la ministre des armées, conclut à l'irrecevabilité de la requête pour défaut de motivation et à titre subsidiaire, à son rejet. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1948, s'est engagé dans l'armée de terre à compter du 1er octobre 1967. Il a poursuivi sa carrière militaire jusqu'en 1988. Au cours du mois de juin 1968, alors qu'il était en service, il a été blessé à l'arcade sourcilière gauche. Par un arrêté du 10 juin 2013, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au titre de l'infirmité " défiguration. Diminution de l'ouverture palpébrale gauche ", au taux de 10 %. Le 6 janvier 2016, M. A... a sollicité la revalorisation de cette pension et invoqué les pathologies suivantes : - " hypoacousie bilatérale ", " rétrécissement de la partie supérieure du champ visuel de l'œil gauche " ainsi que les " séquelles de traitement de décollement de rétine de l'œil gauche ". Il relève appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 2017 du ministre de la défense rejetant ses demandes. Sur les pathologies en litige : 2. M. A... indique qu'il souffre d'une aggravation de l'infirmité pensionnée. Il ressort toutefois du rapport d'expertise du 18 octobre 2016 que l'intéressé présente un discret ptosis de l'œil gauche très peu visible en raison d'un blépharochalasis bilatéral lié à l'âge et non à la blessure pensionnée. Par ailleurs, l'expert constate que son champ visuel montre un rétrécissement de la partie supérieure au-delà de 30° moins prononcé du côté gauche que du côté droit. Il en conclut qu'on ne peut imputer le décollement de rétine de l'œil gauche survenu en 2015 au traumatisme subi au cours de l'année 1968, compte tenu du délai qui s'est écoulé entre ces deux dates. L'expert écarte ainsi toute aggravation ou nouvelle infirmité ophtalmique pensionnable. En l'absence d'éléments médicaux de nature à infirmer cette analyse, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision contestée en ce qui concerne cette infirmité. 3. Le requérant soutient par ailleurs qu'il a besoin d'un haut-parleur pour entendre ses interlocuteurs au téléphone et qu'il subit une gêne dans sa vie quotidienne. Il ressort toutefois du rapport d'expertise en date du 8 septembre 2016 que ses tympans sont normaux et que son bilan audiométrique montre une surdité mixte bilatérale prédominant à droite avec une perte auditive moyenne de 33,75 décibels à droite et de 27,50 décibels à gauche, ce qui correspond à un taux d'invalidité de 2 %, inférieurs au taux de 10 % indemnisable. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée en ce qui concerne également cette infirmité. 4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°21NT01000
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 6ème chambre, 13/10/2022, 21LY02612, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 1 350 783,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2016 et de leur capitalisation. D... un jugement n° 1905619 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 779 729,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019 et de leur capitalisation. Procédure devant la Cour : I - D... une requête, enregistrée le 30 juillet 2021, sous le n° 21LY02612, et un mémoire complémentaire enregistré le 2 décembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté D... la SELARLU Olivier Saumon avocat, membre de l'AARPI Jasper avocats, demande à la cour d'annuler le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant seulement qu'il a fixé le montant de l'indemnisation qu'il a été condamné à verser à Mme A... B... épouse C... à un montant excessif. Il soutient que : * l'indemnité afférente aux frais d'assistance D... tierce personne doit être allouée sous forme d'une rente viagère, s'agissant des frais futurs ; elle doit être diminuée des aides et prestations servies à la victime, à laquelle il doit être enjoint de produire tous justificatifs ; * l'indemnité afférente aux frais de logement adapté et aux frais d'aides techniques doit être limitée aux seuls lit et barres d'appui ; * le capital d'invalidité totale définitive perçu en exécution d'un contrat d'assurance passé avec la compagnie AGPM Vie devra être déduit du montant global de la condamnation. D... un mémoire enregistré le 21 mars 2022, Mme A... B... épouse C..., représentée D... la SELARL GERBI avocat, a produit des pièces. Un mémoire complémentaire, produit pour l'ONIAM et enregistré le 29 juin 2022, n'a pas été communiqué. II - D... une requête, enregistrée le 29 juillet 2021, sous le n° 21LY02615, Mme A... B... épouse C..., représentée D... la SELARL GERBI avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a limité à 779 729,48 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser ; 2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 1 438 403,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2018, eux-mêmes capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : * c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas retenu l'existence d'un préjudice de perte de gains professionnels et d'un préjudice d'incidence professionnelle ; * elle justifie D... ailleurs de préjudices indemnisables sous la forme d'un déficit fonctionnel temporaire, de souffrances endurées, d'un préjudice esthétique temporaire, de frais divers, d'un déficit fonctionnel permanent, d'un préjudice esthétique permanent, d'une nécessité d'assistance D... une tierce personne et d'un préjudice sexuel, pour lesquels le tribunal a retenu des évaluations insuffisantes. D... un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté D... la SELARLU Olivier Saumon avocat, membre de l'AARPI Jasper avocats, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce que les sommes allouées à Mme C... D... le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, soient réduites. Il soutient que : * les sommes allouées au titre de l'assistance D... une tierce personne doivent être réduites à hauteur des aides perçues à ce titre, qui devront être établies, et devront être versées sous forme de rente pour les frais futurs ; * les frais de logement adapté et d'aides techniques ne sont justifiés que pour le lit médicalisé et les barres d'appui ; * la somme perçue de la compagnie AGPM Vie, au titre d'un capital invalidité totale définitive, doit être déduite des montants alloués ; * pour le surplus, les moyens soulevés D... la requérante sont infondés. Un mémoire complémentaire, produit pour l'ONIAM et enregistré le 29 juin 2022, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : * le code des assurances ; * le code civil ; * le code de la santé publique ; * le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : * le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur, * les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique, * et les observations de Me Hemour représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B... épouse C..., née le 11 juin 1959, s'est vue diagnostiquer deux anévrismes situés au niveau de la terminaison du tronc basilaire et du siphon carotidien gauche. Deux opérations chirurgicales ont été effectuées au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble, le 14 octobre 2014 et le 31 mars 2015, pour traiter ces anévrismes. Lors de la seconde intervention, un accident vasculaire cérébral ischémique lié à la dissection de la paroi interne de la carotide a provoqué une hémiplégie droite accompagnée d'autres séquelles neurologiques. Saisie le 31 janvier 2017, et après une expertise médicale rendue les 8 et 27 mars 2018, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) Rhône-Alpes a rendu le 17 mai 2018 un avis dans le sens d'une indemnisation D... l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale. D... ordonnance n° 1900783 du 29 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... une provision de 685 260 euros, ramenée à 550 260 euros D... ordonnance n° 19LY04601 du 13 février 2020 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon. D... le jugement contesté du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 779 729,48 euros, sous déduction de la provision accordée. D... une première requête, l'ONIAM, qui ne conteste pas le droit à indemnisation, demande la réformation du jugement en ce qui concerne la seule évaluation de certains chefs de préjudice et le montant total alloué. D... une seconde requête, Mme C... demande également la réformation du jugement en tant seulement que le tribunal a apprécié l'existence et l'étendue de certains chefs de préjudice. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et présentant des questions communes à juger, il y a lieu de les joindre pour y statuer D... un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le droit à indemnisation : 2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé D... décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé D... décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé D... ledit décret. ". Aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis (...) ". 3. Il découle de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue D... ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé D... son état de santé en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. 4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise produit devant la CRCI de Rhône-Alpes que l'accident vasculaire cérébral ischémique survenu au cours de l'opération de radiologie interventionnelle effectuée sur Mme C... au CHU de Grenoble, constitue une complication connue mais rare dans les opérations de traitement des anévrismes intracrâniens. Cet accident médical non fautif a notamment entraîné un déficit fonctionnel permanent chez la victime, évalué à 85 %. D... suite, les critères d'anormalité et de gravité étant remplis, et au demeurant non débattus en cause d'appel, Mme C... a droit, en application des dispositions précitées du code de la santé publique, à la réparation intégrale D... l'ONIAM des préjudices en résultant, au titre de la solidarité nationale. En ce qui concerne les préjudices : 5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi devant la CRCI, que Mme C... est atteinte de séquelles graves, correspondant à un déficit fonctionnel permanent évalué à 85 %, et qui prennent la forme d'une hémiplégie droite partielle, entraînant difficultés à la préhension et la mobilité, ainsi que d'atteintes cognitives. S'agissant des préjudices patrimoniaux : 6. S'agissant des frais divers, aucune des parties ne conteste l'indemnité fixée D... le tribunal administratif de Grenoble à la somme de 2 048,48 euros, correspondant au remboursement de frais, en l'espèce utiles, d'honoraires d'un médecin conseil lors de l'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes pour 1 000 euros, et d'honoraires versés à un ergothérapeute pour des montants de 345,68 euros et 702,80 euros en vue de l'établissement d'un rapport d'expertise. 7. S'agissant des frais de logement adapté et des aides techniques, Mme C... a demandé le remboursement de diverses aides techniques et de frais d'adaptation de son logement, rendus nécessaires D... son handicap, en se fondant en particulier sur le rapport d'expertise d'un ergothérapeute établi à sa demande le 12 juin 2017. Si l'ONIAM oppose le caractère non contradictoire de ce rapport d'expertise privé, ainsi que l'absence de justificatifs d'acquisition des dispositifs visés, ledit rapport, sérieusement circonstancié et qui a été soumis au débat contradictoire dans le cadre contentieux, peut néanmoins servir, au terme de l'instruction, d'élément d'appréciation du préjudice invoqué. L'acquisition du lit médicalisé, du matelas, des barres d'appui, de l'attelle, de l'écharpe, de la planche de bains et du mitigeur est ainsi établie D... ce rapport, lequel justifie en outre de l'utilité de l'achat et du renouvellement des autres dispositifs, non sérieusement contestée D... l'ONIAM, au regard de la nature et de l'importance du handicap subi D... Mme C.... La circonstance que Mme C... soit concomitamment indemnisée des frais d'assistance D... tierce personne, qui relèvent d'un autre chef de préjudice, ne remet pas en cause la réalité des besoins d'adapter son logement et de disposer de certaines aides techniques, ces dépenses constituant un chef de préjudice distinct et dont la matérialité et la justification sont en l'espèce suffisamment établies. La dotation annuelle de 709 euros demandée pour assurer l'acquisition et le renouvellement des divers dispositifs est suffisamment justifiée D... le rapport circonstancié précité, qui dresse la liste des dispositifs déjà acquis et définit très précisément les dispositifs dont l'acquisition serait en l'espèce utile et nécessaire. Du 20 juin 2017, date de consolidation retenue D... les experts devant la CRCI de Rhône-Alpes, au 12 octobre 2022, date du présent arrêt, Mme C... a droit à ce titre à une indemnité de 3 768,38 euros. A compter de la présente décision, un capital de 16 680,64 euros lui sera D... ailleurs octroyé en appliquant un taux de capitalisation de 23,527 correspondant à la table de capitalisation établie en 2022 D... l'ONIAM et à la situation d'une femme de 63 ans, âge de la victime à la date du présent arrêt. 8. S'agissant des frais d'assistance D... tierce personne, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, D... référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues D... l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié D... les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'est pas contesté que Mme C... a eu besoin d'une assistance D... tierce personne non spécialisée, la gravité des séquelles subies justifiant que cette aide soit évaluée à hauteur de trois heures D... jour, tant avant qu'après consolidation. Si l'ONIAM reproche aux premiers juges de s'être fondés sur une attestation sur l'honneur établie D... Mme C... selon laquelle elle ne percevrait pas la prestation compensatrice du handicap, celle-ci produit en cause d'appel une attestation en ce sens de la direction des personnes âgées, personnes handicapées (DPAPH). Si Mme C... demande l'application d'un taux horaire de 23 euros, sur un total annuel de 400 jours, elle n'apporte toutefois aucun justificatif d'un recours à une aide à domicile à ce tarif. Il découle du point précédent qu'il y a donc lieu de retenir un taux équivalent au salaire minimum de croissance augmenté des cotisations patronales dues D... l'employeur et majorées pour les dimanches et jours fériés et tenant compte des congés payés en se fondant sur une année de 412 jours. S'agissant des frais d'assistance D... tierce personne temporaire, soit du 3 mars 2016 au 20 juin 2017, en appliquant un taux horaire de 14 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant la somme de 22 471,50 euros. S'agissant du même chef de préjudice entre la date de consolidation et celle du présent arrêt, soit du 21 juin 2017 au 12 octobre 2022, en appliquant le même taux horaire de 14 euros, la victime devra se voir octroyer la somme de 91 924,54 euros. S'agissant, enfin, des frais futurs, en retenant un taux journalier porté à 15 euros, sur 412 jours et pour trois heures D... jour, eu égard à l'âge de la victime, et en l'absence d'aides ou de prestations versées à la victime, il y a lieu de condamner l'ONIAM à verser un capital de 436 190,58 euros, correspondant à l'application du taux précité de capitalisation de 23,527. 9. S'agissant de la perte de gains professionnels, Mme C... expose qu'elle exerçait l'activité d'agent de caisse. Elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement en mai 2016. Elle demande la réparation de la perte de revenus résultant de la différence entre ses anciens revenus salariaux et les revenus de remplacement qu'elle a perçus. Il résulte de ses déclarations de revenus et de ses avis d'imposition qu'elle a perçu 19 141 euros au titre des revenus 2011 déclarés en 2012, 17 014 euros pour ceux de 2012 déclarés en 2013, 16 337 euros pour ceux de 2013 déclarés en 2014 et 13 598 euros pour ceux de 2014 déclarés en 2015. Compte tenu de la dégradation régulière et continue de ses revenus salariaux, elle doit être regardée comme percevant, au moment de l'accident médical, un revenu mensuel de 1 133,17 euros, calculé au vu de ses derniers revenus annuels établis. Elle fait valoir qu'au titre des revenus de 2016 déclarés en 2017, elle a perçu 5 582 euros de salaires et 8 504 euros de pensions, retraites et rentes, soit un montant total de 14 086 euros, couvrant ainsi intégralement ses pertes de revenus. Au titre des revenus de 2017 déclarés en 2018, elle a perçu 56 euros de traitements et salaires et 11 363 euros de pensions, retraites et rentes, soit un montant total de 11 419 euros. Elle établit ainsi, au titre de cette année, une perte de revenus de 2 179 euros. Au titre des revenus de 2018 déclarés en 2019, elle a perçu 11 264 euros de pensions d'invalidité, soit une perte de revenus de 2 334 euros. Au titre des revenus de 2019 déclarés en 2020, elle a perçu la somme de 11 307 euros, soit une perte de revenus de 2 291 euros. Enfin, au titre des revenus de 2020, elle a perçu la somme de 11 386 euros, soit une perte de revenus de 2 212 euros. Elle justifie ainsi d'une perte de revenus totale de 9 016 euros, dont elle est fondée à demander réparation. 10. En revanche, pour le surplus, le tribunal a constaté qu'en dépit de mesures d'instruction spécialement diligentées, la requérante ne lui a pas produit les éléments demandés sur les sommes versées D... des tiers-payeurs, de telle sorte qu'il ne résultait pas de l'instruction que d'autres pertes de revenus soient restées à sa charge. Dans le cadre de la présente instance d'appel, D... courrier en date du 13 juin 2022, la requérante a été à nouveau invitée à indiquer à la cour ses revenus perçus en 2020, 2021 et 2022, en produisant en particulier ses avis d'imposition et déclarations de revenus, et en produisant également son titre de pension de retraite faisant apparaître son montant mensuel, et une attestation sur la perception de l'allocation adulte handicapé. D... courrier en date du 6 septembre 2022, le conseil de la requérante a indiqué qu'il relançait sa cliente pour obtenir les documents utiles demandés, mais ils n'ont pas été produits. Dans ces conditions, la requérante ne peut être regardée comme établissant avoir subi un autre préjudice de perte de revenus qui serait resté à sa charge. 11. S'agissant de l'incidence professionnelle, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le principe de l'indemnisation de ce chef de préjudice en estimant que la victime ne serait plus susceptible d'exercer une activité professionnelle. Toutefois, l'existence d'un préjudice d'incidence professionnelle n'est nullement conditionnée à un retour à l'emploi mais peut également découler du préjudice tenant à la renonciation à exercer une activité professionnelle du fait du handicap. Compte tenu, en l'espèce, de l'âge de la victime à la date de consolidation, proche de l'âge de la retraite, ainsi que du type de poste occupé, il sera procédé à une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 5 000 euros. S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 12. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes, que Mme C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 15 avril 2015 au 2 mars 2016, puis un tel préjudice partiel, à un taux de 85 %, du 3 mars 2016 au 20 juin 2017, date de consolidation. En accordant la somme de 11 600 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas procédé en l'espèce à une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. 13. S'agissant du déficit fonctionnel permanent, celui-ci a été estimé D... l'expert à un taux de 85 %. Contrairement à ce que soutient la requérante, en octroyant la somme de 232 700 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas inexactement évalué ce chef de préjudice. 14. S'agissant des souffrances endurées, les experts devant la CRCI les ont évaluées à 5,5 sur 7. Le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 17 800 euros. 15. S'agissant du préjudice esthétique, temporaire puis définitif, les experts devant la CRCI l'ont évalué à 4 sur 7, du fait notamment de l'utilisation d'une canne et d'un fauteuil roulant. Le tribunal administratif de Grenoble a pu valablement faire, en l'espèce, une juste appréciation de ces chefs de préjudice, en octroyant à la victime une somme globale de 7 200 euros. 16. S'agissant, enfin, du préjudice sexuel, en accordant la somme de 5 000 euros, le tribunal administratif a justement procédé à l'évaluation de ce chef de préjudice. En ce qui concerne la somme versée au titre d'un capital invalidité D... l'Association Générale de Prévoyance Militaire (AGPM) : 17. Aux termes de l'article L. 131-2 du code des assurances : " Dans l'assurance de personnes, l'assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre. / Toutefois, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elles sont indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d'attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, les prestations d'assurances des personnes revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire. 18. Il est constant qu'en exécution d'un contrat d'assurance intitulé " contrat de carrière " conclu D... Mme C... le 25 janvier 2016, la compagnie AGPM vie lui a versé la somme totale de 102 287 euros au titre d'un " capital invalidité totale et définitive ". Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la circonstance que le juge du référé provision a fixé le montant purement provisionnel alloué en tenant compte de ce que cette somme pouvait, le cas échéant, être déductible, question qu'il a réservée comme excédant son office, est sans portée utile sur l'évaluation du préjudice faite D... le juge du fond, auquel il appartient de déterminer le montant global définitivement alloué, les montants qui ont pu être déjà effectivement versés à titre provisionnel étant uniquement pris en compte pour déterminer les sommes demeurant le cas échéant à verser en exécution de la décision définitive. 19. Il résulte de l'article 3 du titre I du contrat d'assurance, que l'invalidité totale et définitive (ITD), au sens de ce contrat, vise l'" impossibilité dans laquelle se trouve définitivement l'assuré, du fait d'une maladie ou d'un accident, de se livrer à toute activité génératrice de rémunération ou de profit ". Il est également précisé que " lorsqu'une ITD D... accident est précédée de la reconnaissance d'une incapacité permanente partielle ou totale D... accident (IPPTA), les capitaux des garanties IPPTA sont inclus dans les capitaux ITD accident ". Le même article précise à cet égard que l'IPPTA vise à couvrir " les conséquences d'un accident corporel privant définitivement la personne de tout ou partie de ses capacités physiques ou intellectuelles ". L'article 5 du titre II du même contrat précise D... ailleurs que l'ITD est accordée en fonction d'une décision prise au vu d'un dossier médical, et que l'IPPTA est pour sa part accordée au vu d'un barème de taux d'incapacité qui est celui du droit commun. L'article 7 du même titre précise que les garanties ITD et IPPTA peuvent, comme en l'espèce, être accordées en fonction d'une situation pré-définie standard, correspondant en l'espèce à une situation d'épouse. L'article 10 prévoit que les sommes prévues D... le contrat sont, en cas de décès, versés aux bénéficiaires que l'assureur a désignés. Enfin, l'article 14 précise que les sommes versées sont celles définies D... le contrat. Aucune forme de subrogation n'est stipulée. Ces prestations, qui visent ainsi à couvrir de façon forfaitaire un sinistre, au sens du 1er alinéa de l'article L. 131-2 du code des assurances, et sans lien direct avec son indemnisation effective, doivent dès lors être regardées comme de nature forfaitaire et non indemnitaire. Elles ne peuvent donc être déduites des sommes susceptibles d'être allouées à Mme C.... 20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le montant total d'indemnisation auquel peut prétendre Mme C... s'élève à la somme de 861 400,12 euros. Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, date de réception de sa demande D... l'ONIAM. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 14 mai 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date. 21. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme C... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, D... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas porté la condamnation qu'il a prononcée au montant précité de 861 400,12 euros, outre intérêts et capitalisation. L'ONIAM n'est pour sa part pas fondé à soutenir que le tribunal aurait fait une évaluation excessive des préjudices. Sur les frais du litige : 22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros, à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est condamné à verser à Mme C... la somme de 861 400,12 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 14 mai 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date. Ces sommes seront versées sous réserve des montants qui ont été effectivement versés à titre provisionnel. Article 2 : Le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La somme de 1 500 euros, à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, à la caisse d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à Mme A... C.... Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient : * M. Pourny, président de chambre, * M. Stillmunkes, président assesseur, * Mme Bentéjac, première conseillère. Rendu public D... mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022. Le rapporteur, H. StillmunkesLe président, F. Pourny La greffière, F. Abdillah La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, Nos 21LY02612 - 21LY02615 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/10/2022, 21TL03793, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 29 octobre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître en tant que maladie professionnelle la pathologie dont elle souffre à l'épaule droite, et d'enjoindre au département de l'Aude de lui délivrer une décision de reconnaissance de maladie professionnelle ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de son dossier. Par un jugement n° 1906605 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 octobre 2019 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule droite dont souffre Mme A... dans un délai de deux mois. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2021 sous le n° 21MA03793 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03793, et des mémoires enregistrés les 15 avril 2022 et 13 mai 2022, le département de l'Aude, représenté par Me Walgenwitz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2021 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il est nécessaire de joindre cette instance avec celle enregistrée sous le n° 20TL00529, dans un souci de bonne administration de la justice ; - le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation et de qualification juridique des faits ; - la présence d'un état antérieur caractérisé de Mme A... justifie la décision de refus d'imputabilité ; en écartant cet élément, le tribunal a fait une inexacte appréciation des faits ; - il est entaché d'incohérence quant à la portée et la pertinence de l'expertise judiciaire ; - il est entaché d'erreur de droit en ce que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient inapplicables ; seules les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 demeuraient applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - les moyens invoqués à titre subsidiaire par Mme A... ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 mars 2022, 21 avril 2022 et 2 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Passet, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du département de l'Aude le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les moyens soulevés par le département de l'Aude ne sont pas fondés : sa pathologie est désignée par le tableau n° 57A du code de la sécurité sociale ; elle a été directement causée par l'exercice de ses fonctions ; aucun état antérieur ne peut être retenu ; - à titre subsidiaire, sa demande présentée devant le tribunal administratif est fondée en ses autres moyens invoqués : la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait et révèle un défaut d'examen sérieux de sa demande ; le rapport du docteur ... en tant qu'il méconnaît le principe du contradictoire et présente des erreurs ne saurait être pris en considération ; elle doit bénéficier d'une présomption de la maladie professionnelle conformément à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; à défaut, elle remplit les conditions exigées par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour la reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie. Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Brunière, représentant le département de l'Aude, et de Me Passet, représentant Mme A.... Une note en délibéré présentée pour le département de l'Aude a été enregistrée le 14 octobre 2022. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., qui est agent de maîtrise au sein du département de l'Aude depuis 2013, exerçait ses fonctions au sein de la structure accueil enfance de Narbonne en y effectuant des tâches d'agent d'entretien ménager. Par courrier du 29 janvier 2015, Mme A... a effectué une demande de reclassement professionnel en raison de son état de santé. Le 8 juillet 2015, le comité médical départemental a émis un avis favorable à sa demande. En septembre 2015, Mme A... a été affectée sur un poste de loge aménagé au sein du collège des ... de la commune de Sigean. Le 6 avril 2017, Mme A... a sollicité à nouveau son reclassement en raison de son état de santé. Le 20 avril 2017, son médecin généraliste traitant a établi un arrêt de travail pour maladie professionnelle du 20 avril au 21 mai 2017. Le même jour, Mme A... a demandé la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de la pathologie affectant son épaule gauche. Le 5 décembre 2017, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie de la requérante comme maladie professionnelle. Par arrêté du 18 décembre 2017, le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître la pathologie de Mme A... comme étant imputable au service. Par courrier du 27 septembre 2017, elle a introduit une demande de reconnaissance du caractère imputable au service d'une pathologie de l'épaule droite. Le 2 juillet 2019, la commission de réforme a donné un avis favorable à la prise en charge de la pathologie de l'épaule droite de la requérante au titre de la maladie professionnelle. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le président du département de l'Aude a refusé de reconnaître la pathologie de Mme A... comme étant imputable au service. L'intéressée a été placée en congé de longue maladie du 20 avril 2017 au 19 janvier 2019 par arrêté du 3 décembre 2018, prolongé jusqu'au 19 juillet 2019 par arrêté du 22 février 2019. Par un jugement du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 octobre 2019 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule droite dont souffre Mme A.... Le département de l'Aude relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. (...) ". 3. Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 4. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / ...2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la pathologie de l'épaule droite dont est atteinte Mme A... a été diagnostiquée le 27 septembre 2017, date du certificat médical du médecin traitant de l'intéressée. A cette date, Mme A... a sollicité la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de cette affection, à l'exclusion de toute demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service instaurée par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dès lors, au regard de la date à laquelle sa pathologie a été diagnostiquée, sa demande devait être traitée en faisant application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issues de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 7. En deuxième lieu, il est constant que Mme A... souffre à l'épaule droite d'une " rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ", pathologie mentionnée dans le tableau n° 57 A des maladies professionnelles. Pour annuler l'arrêté contesté du 29 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., les premiers juges ont estimé que, si l'intéressée ne pouvait pas se prévaloir d'une présomption d'imputabilité en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, pour la reconnaissance en tant que maladie professionnelle de sa pathologie à l'épaule droite, au regard notamment des conclusions rendues le 19 avril 2019 par le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier, l'existence d'un lien direct entre la pathologie et l'exercice des fonctions confiées à Mme A... était cependant établie par les différents médicaux produits. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a exercé des fonctions d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013. Souffrant de douleurs lombaires importantes à compter de l'année 2014, elle a sollicité un reclassement professionnel en raison de lombalgies chroniques le 29 janvier 2015. Après avis favorable du comité médical le 8 juillet 2015, Mme A... a été affectée sur un poste d'agent d'accueil et d'entretien ménager au sein du collège des ... de Sigean en septembre 2015. Alors que le médecin du travail a émis les recommandations prohibant la manutention de charges de plus de 5 kilogrammes et limitant les tâches de ménage aux locaux administratifs et à une heure par jour au plus, Mme A... a continué d'effectuer des tâches d'entretien ménager dans une moindre mesure que dans son précédent poste dès lors que ses fonctions consistaient essentiellement en des tâches d'accueil des usagers du collège et d'accueil téléphonique, mais elle a toutefois continué d'effectuer des mouvements avec le membre supérieur surélevé. Selon l'étude de son poste de travail réalisée par l'ingénieur préventeur responsable du service santé et sécurité au travail le 5 mars 2019, Mme A... était ainsi chargée de tâches d'entretien ménager des locaux administratifs pendant une durée comprise entre trente minutes et une heure chaque matin, et de la fermeture des portes, des volets à commande électrique ainsi que des fenêtres coulissantes des bâtiments pendant une durée d'une heure chaque soir. De plus, elle était chargée de manière hebdomadaire de la fermeture des rideaux en fer des toilettes, nécessitant de se munir d'une perche de 1,4 mètre, de l'accrocher à la poignée du rideau située à environ 2,4 mètres du sol afin de descendre chaque rideau. Si le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier a estimé dans son rapport rendu le 6 février 2019 que les tâches confiées à Mme A... à compter de septembre 2015 comportaient des mouvements des épaules dans des gestes ne relevant pas de mouvements de travail de force, il ressort toutefois de l'étude de son poste de travail que l'intéressée a continué d'effectuer des mouvements mobilisant son membre supérieur élevé dans une moindre mesure à compter de septembre 2015, après avoir cependant exercé des fonctions d'agent polyvalent au sein de collèges à compter de janvier 2007, puis d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013 comportant des gestes avec des épaules surélevées. En outre, il n'est pas contesté que lors des permanences dont la fréquence n'est pas précisée, Mme A... effectuait huit heures de ménage quotidien, comportant en particulier le lavage des vitres, ainsi qu'il en est attesté par une collègue de travail ainsi que par le médecin de prévention dans un courrier du 19 octobre 2017. Ainsi, la pathologie contractée par Mme A... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, si le rapport du docteur ... conclut à l'absence de lien direct et certain entre l'activité professionnelle de Mme A... au poste adapté auquel elle était affectée depuis septembre 2015 et la pathologie de son épaule, cet expert se prononce principalement sur les conditions particulières posées par le tableau n° 57 A des maladies professionnelles entraînant, si elles sont remplies, une présomption d'imputabilité au service et notamment sur celle tenant aux travaux susceptibles de provoquer de telles maladies. Le département de l'Aude invoque ensuite l'état antérieur de Mme A.... Toutefois, la circonstance que Mme A... souffrait de lombalgies chroniques depuis 2014, la conduisant à solliciter davantage ses membres supérieurs, ainsi que l'a relevé le médecin expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, ne saurait être de nature à caractériser la préexistence d'un état antérieur excluant tout lien direct entre la pathologie et le service. En outre, alors que le rapport d'expertise établi par le docteur ..., rhumatologue, le 20 juillet 2018, relève l'absence d'état antérieur préexistant en rapport avec la pathologie en cause, aucun des autres rapports d'expertise produit ne fait état d'un état antérieur. Si les deux médecins experts désignés par le tribunal administratif de Montpellier pour le premier et par la cour administrative d'appel de Marseille pour le second dont le rapport a été remis le 21 avril 2022, évoquent une pathologie dégénérative des deux épaules comprenant un syndrome sous acromial et une perforation du sus-épineux, imputable aux lésions des épaules, il n'en résulte pas davantage que Mme A... présentait un état antérieur évolutif excluant sa prise en charge par le service. Enfin, la commission de réforme a émis un avis favorable à sa demande dans sa séance du 2 juillet 2019, se fondant sur les conclusions du docteur .... Dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le département de l'Aude, la pathologie contractée par Mme A... doit être regardée comme imputable au service dès lors qu'aucun fait personnel ou circonstance particulière ne conduisent à détacher sa survenance du service. 8. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Aude n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé sa décision du 29 octobre 2019. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de l'Aude demande sur ce fondement. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Aude le versement à Mme A... de la somme de 1 000 euros. D E C I D E : Article 1er : La requête du département de l'Aude est rejetée. Article 2 : Le département de l'Aude versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Aude et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL03793 2
Cours administrative d'appel
Toulouse