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CAA de DOUAI, 2ème chambre, 21/02/2023, 22DA00032, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 7 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1903546 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 janvier, 17 mai 2022 et 4 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Hélène Detrez-Cambrai, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2018 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées, à titre principal, de lui attribuer une pension militaire d'invalidité et, à titre subsidiaire, de diligenter une nouvelle expertise afin d'établir le taux d'invalidité à 30 % et de lui attribuer ladite pension ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SELARL Detrez-Cambrai avocat sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, cette condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle. Il soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le taux d'invalidité retenu de 20 % ne tient pas compte de l'aggravation de son infirmité qui lui cause des douleurs et une gêne fonctionnelle persistante. Par des mémoires, enregistrés les 3 octobre 2022 et 3 février 2023, le ministre des armées demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 mars 2022. Par une ordonnance du 19 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., né le 15 février 1957, s'est engagé dans l'armée de l'air en 1977. Par une demande enregistrée le 9 août 1996, il a sollicité une pension militaire d'invalidité correspondant à des gonalgies du genou droit. Par décision du 11 août 1997, le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande au motif que le degré d'invalidité retenu de 10 % était inférieur au taux minimum de 30 % ouvrant droit à pension au titre d'une infirmité consécutive à une maladie contractée en période hors guerre. Le 19 mai 2014, M. A... a présenté une nouvelle demande de pension militaire d'invalidité. Par décision du 7 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité relatif aux gonalgies droites avec syndrome rotulien qu'il présente est seulement de 20 %. M. A... relève appel du jugement n° 1903546 du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ;(...). ". Aux termes de l'article L. 4 du même code, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". 3. Il résulte de l'instruction que M. A... est atteint d'une gonalgie droite chronique depuis 1987. Un taux d'infirmité de 10 % a été fixé par décision du 11 août 1997 en raison d'un kyste au ménisque qui s'est aggravé à l'occasion d'une course à pieds de 15 km le 20 octobre 1995 dans le cadre du service. Les douleurs au genou ne s'étant pas apaisées, les soins ont été prolongés. Une chondrocalcinose articulaire a été diagnostiquée le 19 mai 2000 et l'ablation de dépôts calciques a été réalisée lors d'une arthroscopie du 30 janvier 2003. A la suite des expertises des 20 avril 2016 et 8 mars 2018, diligentées dans le cadre de l'instruction de sa seconde demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité le 19 mai 2014, ont été constatés une inflammation du genou, la présence d'un kyste poplité et un syndrome rotulien. L'expertise du docteur B... indique dans son rapport du 8 mars 2018, au titre de la symptomatologie du genou droit : " ne conduit plus, marche avec deux cannes anglaises, difficultés pour les escaliers, pour s'accroupir, douleurs la nuit aussi, absence d'épanchement, gros kyste poplité à l'examen (vu IRM), choc rotulien avec douleur à la mobilisation de la rotule, flexion de 20°, maxi, douloureux, pas de tiroir ou de laxité ". Le docteur B... conclut ce rapport en proposant de porter le taux d'invalidité à 20 %. Si, pour établir que la ministre aurait dû fixer ce taux à 30 % afin pouvoir bénéficier d'une pension militaire d'invalidité, M. A... soutient que les douleurs occasionnées par son genou entraînent un déficit fonctionnel l'empêchant de s'accroupir, d'emprunter les escaliers sans difficulté, de conduire et l'oblige à marcher avec deux cannes anglaises, il ne produit aucun document médical qui indiquerait que le taux de 20 % retenu par la ministre après avis de l'expert est sous-évalué. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce taux doit être porté à 30 %. 4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2018. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre des armées et à Me Hélène Detrez-Cambrai. Délibéré après l'audience publique du 7 février 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00032
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 02/02/2023, 22DA00227, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I. Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le président du conseil départemental du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge du département du Nord la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002726 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. II. Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 avril 2018 par lequel le président du conseil départemental du Nord l'a radiée des cadres pour être admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2018, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge du département du Nord la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1908047 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : I. Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 février 2022, le 29 août 2022 et le 30 septembre 2022 sous le n° 22DA00227, Mme C..., représentée par Me Myriam Maze-Villesèche, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2002726 du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Lille ; 2°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la maladie dont elle est affectée est en lien direct avec des conditions de travail pathogènes ; - cette pathologie ne résulte pas d'un état antérieur susceptible d'expliquer exclusivement l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 juin 2022, le 27 septembre 2022 et le 20 octobre 2022, le département du Nord, représenté par Me Laurent Fillieux, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête est tardive ; - les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 novembre 2022. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 25 % par une décision du 2 décembre 2021 et une décision modificative du 3 mars 2022. II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2022 et le 29 août 2022 sous le n° 22DA00228, Mme C..., représentée par Me Myriam Maze-Villesèche, demande à la cour : 1°) de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de l'arrêt statuant sur la requête n° 22DA00227 ; 2°) d'annuler le jugement n° 1908047 du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Lille ; 3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de la réintégrer dans ses fonctions dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'elle était en droit de bénéficier d'un congé de longue durée pendant une période totale de huit ans, dès lors que la pathologie dont elle souffre est imputable au service. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le département du Nord, représenté par Me Laurent Fillieux, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête est tardive ; - les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2022. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 25 % par une décision du 2 décembre 2021 et une décision modificative du 3 mars 2022. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Fillieux, représentant le département du Nord. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., qui exerçait les fonctions de secrétaire médico-sociale au sein du service de prévention santé de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E... en qualité de rédacteur territorial stagiaire, a bénéficié en raison d'un syndrome anxio-dépressif chronique d'un congé de maladie de longue durée du 22 mai 2012 au 21 mai 2017. Par lettre du 1er septembre 2012, Mme C... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Sa demande, qui a reçu, le 27 mai 2016, un avis défavorable de la commission de réforme, a été rejetée une première fois par un arrêté du président du conseil départemental du Nord du 13 juin 2016. Par un arrêté du 23 avril 2018, le président du conseil départemental du Nord a radié Mme C... des cadres pour être admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2018. Enfin, à la suite d'un jugement du 16 avril 2019 du tribunal administratif de Lille annulant l'arrêté du 13 juin 2016 au motif que le département ne justifiait pas de la convocation régulière de l'intéressée devant la commission de réforme, le président du conseil départemental du Nord a de nouveau saisi cette instance consultative, qui a émis, le 13 septembre 2019, un second avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressée. Par un arrêté du 17 janvier 2020, le président du conseil départemental du Nord a rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité au service présentée par Mme C.... 2. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00227, Mme C... relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2020 du président du conseil départemental du Nord refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre. 3. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00228, Mme C... relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental du Nord du 23 avril 2018 prononçant sa radiation des cadres. Sur la jonction : 4. Les requêtes enregistrées sous le n° 22DA00227 et le n° 22DA00228 sont relatives à la situation d'une même fonctionnaire et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur la requête n° 22DA00227 : 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 6. L'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 mentionnée au point précédent, instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 7. En l'espèce, il ressort notamment d'un certificat établi le 22 janvier 2013 par le chef de service du centre médico-psychologique pour adultes de B... qu'à cette date, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 bis de loi du 13 juillet 1983 issu l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, le syndrome anxio-dépressif chronique dont souffre Mme C... avait été diagnostiqué. Ainsi, les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 mentionnée ci-dessus sont applicables au présent litige. 8. Pour l'application de ces dispositions, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 9. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue d'un congé parental dont elle avait bénéficié du 11 décembre 2003 au 1er mai 2006, Mme C... a, conformément au vœu de mobilité géographique qu'elle avait formulé, été affectée à l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D.... Elle a alors rencontré des problèmes relationnels avec son chef de service, se plaignant d'une surcharge de travail et d'une mise à l'écart en raison desquelles elle a obtenu le soutien d'une organisation syndicale. Constatant que Mme C... présentait un état anxio-dépressif et se trouvait dans l'incapacité psychologique d'assurer son travail, son médecin traitant lui a prescrit le 15 décembre 2006 un arrêt de travail, qui a été renouvelé jusqu'en décembre 2007. Le médecin agréé qui, à la demande de l'administration, a examiné Mme C... le 13 septembre 2007, s'est prononcé en faveur de son maintien en congé de maladie ordinaire jusqu'à ce qu'elle obtienne un changement d'affectation. Par une note de service du 20 décembre 2007, Mme C... a été affectée, à compter du 1er décembre 2007, au service de prévention santé de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E.... 10. Il ressort également des pièces du dossier qu'en juin 2009, les services du département du Nord ont signalé au procureur de la République la possibilité de " dérives sectaires " au sein de ce service. Un rapport de la direction centrale de la police nationale du 22 avril 2010 et le procès-verbal de synthèse de l'enquête préliminaire confiée aux services de la gendarmerie nationale, rédigé le 31 janvier 2012, ont mis en évidence que l'une des infirmières et l'une des secrétaires médico-sociales du service de prévention santé s'étaient livrées de manière prosélyte, au sein même de ce service, à des pratiques présentées comme relevant de la " psycho-énergétique " et de la " biologie totale ", que leurs agissements avaient créé un clivage entre les agentes du service selon qu'elles s'étaient positionnées comme adhérant ou non à ces pratiques et que les conditions de travail de ce second groupe, dont faisait partie Mme C..., s'étaient fortement dégradées. Cette dernière invoque l'impact sur son état de santé tant de ces événements particuliers que des investigations qui s'en sont suivies et au cours desquelles elle a été entendue par les services de gendarmerie le 6 mai 2011. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été placée en congé de maladie ordinaire du 13 mai au 28 juillet 2011, sans précision apportée par l'intéressée sur les motifs des arrêts de travail correspondants. Elle fait en revanche valoir que les conditions dans lesquelles s'est déroulé, en août 2011, un entretien avec sa supérieure hiérarchique et la psychologue du travail ont entraîné, pour elle, une décompensation psychique. De nouveaux arrêts de travail ont été prescrits à Mme C... à compter du 19 janvier 2012. Placée, dans un premier temps, en congé de maladie ordinaire, elle a bénéficié, à compter du 22 mai 2012, d'un congé de longue maladie, transformé par un arrêté du 12 septembre 2013 en congé de maladie de longue durée, ultérieurement renouvelé jusqu'au 21 mai 2017. Mme C... a, en outre, adressé au département du Nord un " arrêt de travail initial " pour accident de travail, en date du 10 décembre 2013, se référant à l'entretien du mois d'août 2011. 11. En premier lieu, pour rejeter, par l'arrêté contesté du 17 janvier 2020, la demande d'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre présentée par Mme C... dans un courrier du 1er septembre 2012, le président du conseil départemental du Nord s'est fondé sur différentes expertises, en particulier sur le rapport adressé en octobre 2013 par un médecin agréé au médecin du travail et sur un rapport d'expertise collégiale rédigé le 27 février 2016 à la demande de la commission de réforme. Le département du Nord se réfère également, dans ses écritures, à un rapport rédigé le 14 février 2013 par un médecin psychiatre du centre hospitalier de Valenciennes. Ces rapports relèvent l'absence de preuve relative aux conditions de travail auxquelles Mme C... attribue sa pathologie. Toutefois, d'une part, l'existence de relations conflictuelles entre l'intéressée et son chef de service au sein de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D... et l'existence d'un lien entre cette situation professionnelle et les troubles psychiques ayant justifié les arrêts de travail prescrits entre décembre 2006 et décembre 2007 sont établis par les certificats médicaux produits par l'intéressée, ainsi que par le rapport rédigé par un médecin agréé le 13 septembre 2007, et corroborés par les différentes courriers d'intervention rédigés en sa faveur par un représentant syndical. Par ailleurs, l'ambiance très particulière qui régnait au sein du service de prévention santé relevant de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E..., lorsque l'intéressée y a pris ses nouvelles fonctions, est établie par les conclusions des enquêtes de police et de gendarmerie. L'existence d'un lien entre les conditions de travail pathogènes résultant tant de ces événements que des enquêtes policières qui s'en sont suivies et la pathologie anxio-dépressive qui a justifié le congé de maladie de longue durée dont Mme C... a bénéficié du 22 mai 2012 au 21 mai 2017 est établie tant par les certificats médicaux produits par l'intéressée que par un rapport d'expertise médicale rédigé le 24 novembre 2021 par un médecin spécialisé en victimologie, concluant que l'intéressée " est atteinte de troubles psychologiques importants qui semblent dus à la gestion délétère des personnels de la part des cadres administratifs ". 12. En second lieu, les rapports médicaux sur lesquels s'est fondée l'administration, qui relèvent l'existence de troubles antérieurs présentés par Mme C..., comportent des imprécisions et des confusions en ce qui concerne la chronologie des mutations successives de Mme C... à l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D..., puis à l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E.... Par ailleurs, les troubles anxio-dépressifs dont Mme C... a souffert à l'occasion de sa première affectation présentent, ainsi qu'il a été dit au point précédent, un lien avec les conditions de travail qu'elle a rencontrées à cette occasion. Toutefois, il ressort également du compte-rendu d'examen clinique détaillé, indépendant de la chronologie des faits, figurant dans le rapport rédigé le 14 février 2013 par un médecin psychiatre, que Mme C... présente de nombreux traits de la personnalité du registre névrotique, décompensés à la suite des difficultés professionnelles rencontrées. L'existence de ces troubles de la personnalité de Mme C... est confortée par les éléments relevés tant dans le rapport émis, le 13 septembre 2007, par le premier médecin agréé consulté sur sa pathologie, que dans le rapport rédigé, en octobre 2013, par le médecin agréé qui l'a rencontrée en juin et en octobre 2013. Les troubles névrotiques dont elle souffre sont également relevés dans le rapport collégial du 27 février 2016. Ces constats ne sont contredits par aucun élément d'ordre médical figurant dans les autres pièces versées au dossier, en particulier dans le rapport d'expertise médicale rédigé le 24 novembre 2021. Ainsi, les troubles de la personnalité du registre névrotique présentés par Mme C... constituent un élément de nature à détacher du service la pathologie anxio-dépressive chronique dont elle demande la reconnaissance comme maladie professionnelle, alors même qu'il ressort des entretiens d'évaluation produits par l'appelante qu'ils ne s'étaient pas manifestés dans le cadre professionnel antérieurement à son retour de congé de maternité en 2006. 13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 12, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Nord, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2002726 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental du Nord du 17 janvier 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur la requête n° 22DA00228 : 14. D'une part, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Aux termes de l'article 39 de ce même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30. (...) ". 15. D'autre part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en position d'activité a droit : / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...) ". Ces dispositions sont, comme il a été dit au point 7, applicables à la situation de Mme C.... 16. Ainsi qu'il a été dit au point 12, les conditions de travail auxquelles Mme C... a été confrontée, successivement, au sein de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D... et du service de prévention santé de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E... ne peuvent être regardées comme étant directement à l'origine de la pathologie anxio-dépressive chronique dont elle demande la reconnaissance comme maladie professionnelle. En l'absence d'imputabilité au service de cette pathologie, Mme C... n'est pas fondée à soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2018 prononçant sa radiation des cadres à compter du 1er mai 2018, qu'en application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, elle aurait dû bénéficier d'un congé de longue durée pendant une période de huit ans, soit jusqu'au 21 mai 2020. 17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 et 16, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Nord, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1908047 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental du Nord du 23 avril 2018 prononçant sa radiation des cadres à compter du 1er mai 2018, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur les frais relatifs aux instances d'appel : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par Mme C... dans les instances n° 22DA00227 et n° 22DA00228, soient mis à la charge du département du Nord qui n'est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C..., sur le même fondement, les frais exposés par le département du Nord dans le cadre de ces deux instances. DÉCIDE : Article 1er : Les requêtes de Mme C... sont rejetées. Article 2 : Les conclusions présentées devant la cour par le département du Nord sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au département du Nord et à Me Myriam Maze-Villesèche. Délibéré après l'audience publique du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Nathalie Massias, présidente de la cour, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de la cour, Signé : N. Massias La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière C. Huls-Carlier 2 Nos 22DA00227, 22DA00228
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 24/01/2023, 21TL20008, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 juin 2018 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " a refusé de reconnaître sa pathologie comme maladie professionnelle, ensemble la décision du 2 octobre 2018 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1805594 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions des 14 juin et 2 octobre 2018 et mis à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " une somme de 1 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2021 sous le n° 21BX00008 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL20008, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée ", représenté par la SELARL Houdart et Associés agissant par Me Lesné, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2020 ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse ; 3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation des faits en ce qu'il a considéré que les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale étaient inapplicables en l'espèce, alors d'une part que les dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 issues de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le 21 janvier suivant et, d'autre part, que les décisions ne font pas état d'une présomption d'imputabilité ; en tout état de cause, la pathologie de Mme B... n'est pas au nombre des pathologies pouvant bénéficier d'une présomption d'imputabilité ; il est sollicité à titre subsidiaire une substitution de motifs tenant à l'absence de lien de causalité ; - il est entaché d'erreur d'appréciation quant à la dégradation des conditions de travail de Mme B..., en l'absence de tout élément ou pièce venant témoigner d'un lien direct avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, et en ce qu'il s'appuie seulement sur les dires de la requérante repris dans les certificats médicaux ; - Mme B... n'avait pas porté à la connaissance de l'expert ses antécédents médicaux, alors qu'elle présente un état antérieur pouvant expliquer sa pathologie. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2022, Mme B..., représentée par Me Duverneuil, conclut au rejet de la requête, demande de confirmer le jugement du 5 novembre 2020, de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " le versement de la somme de 1 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande, par la voie de l'appel incident, d'enjoindre à l'établissement de régulariser sa situation statutaire, au besoin sous astreinte, et de transmettre au comité médical et à la commission de réforme le jugement et l'arrêt à intervenir. Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'établissement ne sont pas fondés. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse la requête de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée ". Par ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Jacquet de la SELARL Houdart et Associés, représentant l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée ", et de Me Duverneuil, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " situé à Lauzerte (Tarn-et-Garonne) en 2008 et titularisée le 1er juillet 2010 en qualité d'infirmière en soins généraux. A compter du 17 mai 2017, elle a été placée en congé de longue maladie puis en congé de longue durée. Le 13 novembre 2017, elle a demandé la reconnaissance de sa pathologie comme imputable au service. L'établissement a rejeté sa demande par décision du 14 juin 2018, confirmée sur recours gracieux par décision du 2 octobre 2018. L'établissement relève appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces deux décisions. Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif de Toulouse : 2. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) ". Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans ses dispositions applicables à l'espèce : " (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. / Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1. / Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire. ". 5. Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la pathologie dont est atteinte Mme B... a été diagnostiquée le 17 mai 2017, date de l'arrêt de travail établi par le médecin traitant de l'intéressée. Le 23 octobre 2017, Mme B... a saisi la commission de réforme afin de solliciter la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de cette affection, avant d'en informer le directeur de l'établissement par lettre du 13 novembre 2017. Sa demande était exclusive de toute demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service instaurée par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dès lors, au regard de la date à laquelle sa pathologie a été diagnostiquée, sa demande était susceptible d'être traitée en faisant application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issues de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, lesquelles instaurent une présomption d'imputabilité au service des maladies désignées par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Pour émettre un avis défavorable à sa demande, la commission de réforme s'est fondée sur la circonstance que la pathologie dont est atteinte Mme B... ne figure pas sur le tableau des maladies professionnelles du régime général et a estimé qu'il existait un état antérieur. Si la décision contestée en date du 14 juin 2018 indique suivre l'avis de la commission de réforme et ne pas reconnaître le caractère d'imputabilité au service de la maladie en raison d'antécédents médicaux, la décision de rejet de son recours gracieux mentionne dans son article 1er que la pathologie de l'intéressée ne figure pas sur le tableau des maladies professionnelles du régime général. La pathologie psychique dont souffre Mme B... n'étant pas inscrite au tableau des maladies professionnelles, le premier motif qui lui a été opposé n'est entaché d'aucune erreur de droit, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. 7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions contestées sont également fondées sur un second motif, tiré de ce que les troubles psychiques développés par Mme B... seraient antérieurs aux évènements professionnels survenus en 2017 et résulteraient d'une fragilité propre de l'intéressée. Il résulte des conclusions initiales rendues le 13 mars 2018 par l'expert désigné que l'appelante " ne présente aucun antécédent psychiatrique connu ", celle-ci ayant évoqué une seule période difficile au moment du décès de son père en janvier 2006 où elle avait dû bénéficier d'entretiens avec un psychologue pendant quelques semaines. L'établissement a toutefois porté à la connaissance de la commission de réforme le fait que Mme B... avait bénéficié d'un précédent arrêt de travail établi par un médecin psychiatre pour la période allant du 12 au 29 mars 2015, conduisant l'expert à modifier ses conclusions le 21 juin 2018 en précisant que l'intéressée " n'évoque aucun antécédent psychiatrique ayant nécessité des soins rapprochés ". Il ne ressort cependant d'aucune pièce que Mme B... aurait été suivie médicalement en raison de troubles psychiques après cet arrêt de travail d'une durée limitée à moins de trois semaines en mars 2015. Il ne résulte pas davantage des pièces du dossier que son divorce survenu en 2016 aurait été à l'origine d'une fragilité particulière pour Mme B.... Ainsi, la seule circonstance que l'appelante ait présenté des antécédents dépressifs en 2006, tels que relevés par un médecin psychiatre dans un certificat établi le 26 octobre 2017, ne permet pas à elle seule de considérer que l'état antérieur de Mme B... soit exclusivement à l'origine de sa pathologie. Toutefois, si l'appelante fait état de la dégradation de ses conditions de travail à compter de l'année 2015, en raison de la modification de l'organisation du travail qui aurait entraîné moins de possibilités d'échanges entre collègues et d'une ambiance qui serait devenue délétère, outre un surmenage avec perte de confiance envers sa hiérarchie et ses collègues, aucune pièce ne vient cependant justifier ses propos tenus devant l'expert. La seule production d'un document établi par elle-même correspondant aux propos qu'elle aurait tenus lors d'une réunion des infirmières en février ou avril 2017, évoquant un climat délétère au sein du service, en particulier son sentiment que l'une de ses collègues effectuerait une surveillance de tous ses gestes et mettrait constamment en doute son travail, ne saurait permettre à elle seule de justifier des faits qu'elle dénonce et qui ne sont corroborés par aucun autre document. Il en va de même de sa dernière évaluation professionnelle établie au titre de l'année 2017. Ainsi, s'il résulte de la proposition d'appréciation générale de son supérieur hiérarchique que : " Cette année aussi fluctue entre l'hyper investissement et l'usure professionnelle. Exprime assez peu ses points de vue en équipe infirmière. Cependant toujours très mobilisée auprès des stagiaires où elle semble trouver une certaine reconnaissance ", auxquels Mme B... a apporté les commentaires suivants : " Dissension au sein de l'équipe infirmière concernant les pratiques relatives au médicament (préparation, conservation...). Une partie des IDE remet alors en question mes compétences professionnelles et mes prises de décisions dans les soins. Actuellement, ai besoin de temps pour définir une reconversion professionnelle ", ces éléments se bornent à faire état de son investissement professionnel et d'une certaine lassitude, l'ayant conduite à envisager un changement d'activité. Sur ce point, Mme B... a d'ailleurs sollicité le 16 septembre 2016 le suivi de formations au titre de son droit individuel à la formation afin de suivre le cursus " Praticien + Maître Praticien en hypnose Ericksonienne " d'une durée de deux semaines, laquelle demande a été acceptée le 15 novembre 2016. La circonstance que sa demande d'exercice de son activité à temps partiel à 80% ait en revanche été refusée à la même date en raison de l'organisation actuelle du service ne saurait permettre de révéler que la dégradation de ses conditions de travail serait à l'origine de sa pathologie. Ainsi, ni les conclusions de l'expert qui s'est borné à reprendre les propos de Mme B... concernant son investissement professionnel et une prétendue modification de ses conditions de travail qui ne ressort d'aucune pièce, ni le certificat médical établi le 26 octobre 2017 par son médecin psychiatre le docteur C... selon lequel " la symptomatologie actuelle est survenue dans un contexte d'épuisement professionnel entretenu par un régime conflictuel avec son employeur ", ne permettent d'établir que la pathologie de l'appelante présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause. 8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur les motifs tirés de l'erreur de droit au regard des dispositions énoncées à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, et de la méconnaissance des dispositions énoncées à l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière pour annuler les décisions des 14 juin et 2 octobre 2018 du directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée ". 9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif. Sur les autres moyens soulevés en première instance : 10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". 11. Il résulte de ces dispositions législatives que le refus de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident est au nombre des décisions qui doivent être motivées. Si le respect des règles relatives au secret médical ne peut avoir pour effet d'exonérer l'administration de l'obligation de motiver sa décision, dans des conditions de nature à permettre au juge de l'excès de pouvoir d'exercer son contrôle, il ne lui appartient pas de divulguer des éléments d'ordre médical couverts par le secret. Il en va ainsi alors même que la décision à intervenir, ayant le caractère d'un acte individuel, ne doit pas normalement faire l'objet d'autres mesures de publicité que celle de sa notification à son destinataire. 12. Si Mme B... soutient que les décisions ne reprennent aucun élément argumenté sur un plan médical et administratif pour refuser la reconnaissance de maladie professionnelle et ne se réfèrent à aucun document en particulier, il ressort cependant des termes des décisions contestées qu'elles énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent, permettant à l'intéressée de connaître les raisons pour lesquelles sa demande a été rejetée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées ne peut qu'être écarté. 13. En second lieu, il y a lieu d'écarter, pour les motifs énoncés au point 7, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit dont seraient entachées les décisions contestées, en l'absence de lien de causalité directe entre la pathologie de Mme B... et son activité professionnelle. 14. Il résulte de tout ce qui précède que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ses décisions des 14 juin et 2 octobre 2018 et a mis à sa charge le versement d'une somme de 1 200 euros à Mme B... en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par Mme B... par la voie de l'appel incident doivent être également rejetées par voie de conséquence. Sur les frais de l'instance : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1805594 du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2020 est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions devant la cour sont rejetées. Article 3 : Les conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La médiévale argentée " et à Mme A... B.... Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL20008
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 02/02/2023, 22DA00914, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) d'Hornoy-le-Bourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au président du CCAS de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les arrêts, soins et frais médicaux auxquels elle a été exposée du fait de cette pathologie entre le 2 juin 2017 et le 19 avril 2018, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et enfin de mettre à la charge du CCAS la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 2000595 du 3 mars 2022, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, annulé la décision du 24 décembre 2019 du président du CCAS d'Hornoy-le-Bourg, d'autre part, enjoint à ce dernier de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 2 juin 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le tribunal a par ailleurs mis à la charge du CCAS, une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 avril 2022, le 5 juillet 2022 et le 5 décembre 2022 (non communiqué), le CCAS d'Hornoy-le-Bourg, représenté par Me Leclercq, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la requête de Mme B... ; 3°) de mettre à la charge de Mme B..., outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la pathologie de Mme B... inscrite au tableau 57C était présumée imputable au service ; - le tribunal s'est fondé sur deux expertises médicales favorables à la présomption du lien entre l'affection du canal carpien de la main gauche et le service, qui ont été rendues sur la base d'éléments factuels erronés, rapportés par l'intéressée elle-même ; si Mme B... a déclaré aux praticiens avoir travaillé en cuisine et avoir notamment porté des charges lourdes et effectué des gestes répétitifs depuis sa titularisation au CCAS en 2008, elle n'a en réalité réalisé aucune de ces tâches entre le 26 décembre 2009 et le 26 décembre 2015 dans la mesure où elle était placée en congé de longue maladie durant toute cette période ; - sa pathologie ayant été diagnostiquée le 26 janvier 2016, il peut être présumé qu'elle a présenté des symptômes plusieurs semaines auparavant, soit avant qu'elle ne reprenne son service pour seulement deux journées équivalentes à huit heures de travail, les 28 et 29 décembre 2015 ; - outre que l'agent doit participer de bonne foi aux opérations d'expertise, ce dont Mme B... s'est abstenue, cette dernière n'a par ailleurs jamais signalé son syndrome du canal carpien au médecin de prévention ; - aucune expertise n'a été menée avant l'intervention chirurgicale. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Rabbé, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge du CCAS d'Hornoy-le-Bourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en sus des entiers dépens. Elle soutient que : - les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés ; - le CCAS n'apporte aucun élément établissant l'existence de causes médicales préexistantes ou indépendantes permettant de renverser la présomption d'imputabilité au service de sa pathologie ; - tant la commission de réforme que les deux experts ont eu connaissance de son entier dossier médical ; ils n'ignoraient pas qu'elle avait connu une longue interruption d'activité jusqu'en 2015 mais ils ont estimé cette circonstance sans incidence dès lors que la pathologie inscrite au tableau des maladies professionnelles est présumée imputable au service ; les médecins ont vérifié qu'il n'y avait pas de pathologie indépendante évoluant pour son propre compte, ni d'état préexistant ; - avant sa titularisation en 2008, elle a exercé durant plusieurs années au CCAS en qualité de non-titulaire ; - la circonstance que la commission de réforme a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie du canal carpien droit est sans incidence sur la décision attaquée. Par une ordonnance du 4 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 5 décembre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 modifié ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Louette pour le CCAS d'Hornoy-le-Bourg. Considérant ce qui suit : 1. Alors qu'elle était employée au sein de l'EHPAD administré par le centre communal d'action sociale de la commune d'Hornoy-le-Bourg, Mme B..., titulaire du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, a été placée en arrêt de travail à compter du 2 juin 2017 pour subir une intervention chirurgicale du canal carpien de la main gauche. Le 6 juin 2017, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité de cette pathologie au service auprès de son employeur. La commission de réforme a rendu un avis favorable le 24 septembre 2018 que le président du CCAS a décidé de ne pas suivre de sorte que par un arrêté en date du 24 décembre 2019, il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme B.... Mme B... a contesté cette décision auprès du tribunal administratif d'Amiens qui l'a annulée et a enjoint au président du CCAS de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les arrêts, soins et frais médicaux auxquels elle a été exposée du fait de cette pathologie entre le 2 juin 2017 et le 19 avril 2018. Le CCAS d'Hornoy-le-Bourg relève appel du jugement du 3 mars 2022 du tribunal administratif d'Amiens. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (....) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 5. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B..., dont la " souffrance majeure du nerf médian au tunnel carpien gauche " a été diagnostiquée le 26 janvier 2016 et dont la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée le 6 juin 2017, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Selon le tableau n° 57C figurant à l'annexe II " tableaux des maladies professionnelles prévus à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale ", le syndrome du canal carpien résulte de l'exécution de travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main. 8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'expertise du chirurgien orthopédiste agréé ayant examiné Mme B... le 26 juillet 2018, qu'un électromyogramme (EMG) effectué le 26 janvier 2016, a permis de confirmer la souffrance du nerf médian au niveau du poignet gauche qui a été opéré le 2 juin 2017 et qu'il est " logique de déduire que celle-ci est en rapport avec l'exercice professionnel dans la mesure où il n'y a pas d'antériorité et/ou de causes adjacentes d'ordre médical, chirurgical et/ou traumatique ". Selon ce praticien, " les contractions isométriques répétées et prolongées d'origine professionnelle peuvent tout à fait expliquer la survenue de la pathologie dégénérative au tunnel carpien gauche " et il n'existe pas de " pathologie indépendante évoluant pour son propre compte ", ni " d'état préexistant ". Il ressort d'une seconde expertise réalisée le 25 janvier 2019 par un médecin rhumatologue agréé la confirmation des conclusions de la première expertise, en ce qui concerne tant le rattachement du syndrome du canal carpien gauche à l'activité professionnelle que l'absence de pathologie indépendante et d'état préexistant. 9. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les fonctions occupées au CCAS d'Hornoy-le-Bourg par Mme B... en tant qu'agent technique titulaire depuis 2008, consistaient à accomplir, à raison de trente-cinq heures hebdomadaires, d'une part, diverses tâches de préparation en cuisine impliquant le port de charges de 10 à 20 kg, la manipulation de chariots, l'épluchage de légumes, la découpe de viandes ainsi que la préparation des pâtisseries, d'autre part, à effectuer le ménage des sols, des murs, des étagères et des plafonds. 10. Si l'exécution répétée et intensive de telles tâches sur une période prolongée et significative est susceptible d'expliquer la survenue d'une pathologie du canal carpien, il est toutefois constant qu'en raison d'une pathologie dépressive, Mme B... a cessé toute activité professionnelle du 26 décembre 2009 au 26 décembre 2015, période au cours de laquelle elle a été placée en congé de longue maladie puis de longue durée. Si elle a ensuite repris ses fonctions, le 28 décembre 2015, il apparait toutefois qu'elle n'a travaillé que durant dix-neuf jours, à mi-temps thérapeutique, en raison d'une autre pathologie, avant que ne soit diagnostiquée sa pathologie du canal carpien, lors d'un examen neurologique réalisé le 26 janvier 2016. La faible amplitude d'exposition à des conditions de travail sollicitant, plusieurs fois par jour, des mouvements répétés d'extension ou de préhension du poignet ou de la main, telles que décrites dans sa fiche de poste, entre la reprise de service et le diagnostic de la pathologie de Mme B..., fait ainsi obstacle à la reconnaissance du caractère professionnel du syndrome du canal carpien opéré le 2 juin 2017. Par suite, cette pathologie ne présente pas un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à en susciter le développement. 11. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le président du CCAS d'Hornoy-le-Bourg, qui aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif, a refusé, par sa décision du 24 décembre 2019, de reconnaître imputable au service la maladie déclarée par Mme B... le 6 juin 2017. Le jugement du 3 mars 2022 doit par conséquent être annulé. 12. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision du 24 décembre 2019. Sur les autres moyens : 13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". 14. L'arrêté du 24 décembre 2019 comporte la mention " le président " et la signature de son auteur. Si la mention des nom et prénom de l'auteur de l'acte n'est pas précisée, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil d'administration du CCAS d'Hornoy-le-Bourg qui administre l'EHPAD ..., était aisément identifiable par Mme B..., qui avait auparavant été destinataire de plusieurs arrêtés de la même autorité, comportant les mêmes signature et qualité. Par suite le moyen tiré de ce que l'absence des nom et prénom de l'auteur de l'arrêté en litige est de nature à entacher d'illégalité cet acte doit être écarté. 15. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par Mme Fournier, le président du CCAS n'a pas eu pour volonté de la sanctionner pour les faits de falsification de documents médicaux à raison desquels l'intéressée a été licenciée. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le CCAS devant le tribunal, que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le président du centre communal d'action sociale d'Hornoy-le-Bourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte. Sur les dépens : 17. La présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions à ce titre présentées par Mme B... de même que par le CCAS d'Hornoy-le-Bourg, doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS d'Hornoy-le-Bourg, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B..., la somme demandée par le CCAS d'Hornoy-le-Bourg au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 3 mars 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens ainsi que ses conclusions devant la cour sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par le CCAS d'Hornoy-le-Bourg tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles relatives aux entiers dépens, sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre communal d'action sociale d'Hornoy-le-Bourg. Délibéré après l'audience publique du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Nathalie Massias, présidente, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023. Le rapporteur, Signé : F. MalfoyLa présidente, Signé : N. Massias La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier N° 22DA00914 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de LYON, 3ème chambre, 25/01/2023, 21LY00628, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon : 1°) d'annuler la décision du 5 avril 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 2°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or, à titre principal, de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer toutes les conséquences de droit ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1902371 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or du 5 avril 2019, enjoint au centre hospitalier de prendre une décision de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., dans un délai de deux mois, et a mis à la charge de cet établissement une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 1er mars 2021 et deux mémoires enregistrés le 6 décembre 2021 et le 23 mai 2022, le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or, représenté par Me Renouard, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 janvier 2021 ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Dijon ; 3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la pathologie de l'intéressée ne présente pas de lien direct et certain avec le service, dès lors qu'elle tient à sa personnalité et est par suite détachable du service ; - les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés ; - à supposer même le moyen tiré de l'erreur de droit fondé, une substitution de motifs pourra être opérée, la pathologie de l'intéressée ne présentant pas de lien direct et certain avec le service. Par deux mémoires en défense enregistrés le 15 juillet 2021 et le 15 février 2022, Mme B..., représentée par Me Tronche (SCP CGBG), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés et réitère ses autres moyens soulevés en première instance. Par ordonnance du 12 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère, - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Brendel, avocate, représentant le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or, et de Me Tronche, avocat, représentant Mme B... ; Une note en délibéré, enregistrée le 12 janvier 2023, a été présentée pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or relève appel du jugement du 7 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de son directeur du 5 avril 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B..., alors assistante médico-administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Mme B... a été recrutée en 1992 par l'hôpital local F..., depuis devenu centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or, d'abord comme aide-soignante puis, à la suite d'un accident de service qui lui a causé une invalidité de 21 % et a justifié sa reconversion professionnelle, comme adjointe administrative hospitalière puis, à compter de 2011, comme assistante médico-administrative en charge de tâches de secrétariat médical. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'inspection du travail du 11 octobre 2018, que son poste d'assistante médico-administrative a régulièrement évolué et qu'à compter du mois d'avril 2013, elle a été chargée de la coordination des secrétariats médicaux des cinq établissements du centre hospitalier. Elle s'est pleinement investie dans cette mission, jusqu'à ce que celle-ci soit supprimée, au mois de mai 2015. Elle a alors été affectée comme secrétaire dans deux de ces sites. Compte tenu d'un manque d'effectifs et de la distance séparant les différents établissements du centre hospitalier, elle a ainsi assumé une importante charge de travail et de nombreux déplacements, outrepassant les restrictions préconisées par le médecin du travail le 7 juillet 2011. Alors que le projet de l'affecter dans un seul établissement du centre hospitalier venait d'être abandonné, Mme B... a été arrêtée à compter du 14 janvier 2016 par son médecin traitant pour pathologie psychique, de type épuisement professionnel ou dépression. 5. S'il est ainsi établi qu'à compter de 2013, Mme B... a connu des conditions de travail difficiles, il ressort toutefois du rapport d'examen psychiatrique établi le 5 janvier 2017 par le Pr G..., expert près la cour d'appel de Dijon, qui relève que " dans le discours de Mme B..., il n'est pas question d'un excès de travail qui l'aurait mise en difficulté " et évoque " une quête de reconnaissance " et " une profonde insatisfaction " de l'intéressée, que le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre n'est pas lié à cette charge de travail, mais à la remise en cause des responsabilités qui lui avaient été confiées en tant que coordinatrice des secrétariats médicaux et à un manque de reconnaissance de son implication professionnelle. Ce rapport n'est pas utilement contredit, à cet égard, par celui établi le 8 septembre 2016 par le Dr A..., psychiatre, lequel ne rapporte aucun propos de l'intéressée relatif à cette charge de travail, mais laisse apparaître que sa pathologie s'est développée à compter de mai 2015, alors qu'elle était affectée " au même niveau de responsabilité que les gens qu'elle a encadrés pendant deux ans ". Cette analyse est par ailleurs corroborée par les premiers constats opérés par son médecin traitant qui, dans une attestation établie le 13 octobre 2016, a indiqué qu'elle avait alors " ressenti une dévalorisation de son activité " à la suite d'une modification brutale de son poste de travail, ainsi que par l'expertise réalisée le 26 novembre 2016 par le Dr D..., psychiatre, qui mentionne qu' " elle se présente comme hyperactive " et " a été blessée par le fait de se retrouver en mai 2015 (...) auprès d'agents qu'elle avait plus ou moins formés ", qu'elle a " un sentiment d'injustice " et est " dévalorisée " et par les constats du Dr C..., psychiatre, du 26 septembre 2017, évoquant son " parcours professionnel " dans lequel elle se sent " déclassée voire désavouée ", des " ruminations incessantes " et " un sentiment de dévalorisation ". Ainsi, et alors même que certaines font par ailleurs état de la charge de travail et des nombreux déplacements qui lui incombaient, il résulte de l'ensemble de ces pièces médicales que le syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme B... n'est pas lié à ses conditions de travail mais à des traits de sa personnalité, détachables du service. 6. Il suit de là que le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a, pour annuler la décision de son directeur du 5 avril 2019, retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par celui-ci en écartant l'existence d'un lien direct entre la pathologie de Mme B... et l'exercice de ses fonctions. 7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Dijon que devant la cour. 8. En premier lieu, selon l'article 3 de l'arrêté 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l'administration ; 3. Deux représentants du personnel (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision litigieuse. 9. Il est constant que, outre le rapport précis du Pr G... visé dans son avis, la commission de réforme a notamment disposé des rapports des Dr A... et D..., tous deux psychiatres, pour se prononcer sur la demande de Mme B.... Nonobstant les appréciations divergentes que peuvent comporter certains de ces rapports, il n'est, dès lors, pas manifeste que la participation d'un psychiatre à la séance de la commission était en outre nécessaire. Par suite, l'absence d'un tel spécialiste n'a pas été de nature à entacher la consultation de la commission de réforme d'irrégularité. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Le médecin du travail attaché à l'établissement auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales (...) remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 21, 23 et 32 ". Sont notamment concernées les demandes tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie. 11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. 12. Il est constant que la commission de réforme n'a pas disposé, pour l'examen de la demande de Mme B..., d'un rapport du médecin du travail, pourtant obligatoire. Toutefois, et comme indiqué au point 9, elle a disposé, à cette fin, de trois rapports médicaux de spécialistes en psychiatrie, dont l'un, établi par le Pr G..., décrivait précisément la carrière et les conditions de travail de l'intéressée. Ces dernières, notamment sa charge de travail et les déplacements requis, ont également fait l'objet d'un rapport détaillé de l'inspection du travail daté du 11 octobre 2018, et, sans que cela ne soit contesté, soumis à la commission. Par suite, et dans la mesure où le rapport du médecin du travail tend à éclairer la commission quant aux conditions et à l'environnement de travail de l'agent, l'absence d'un tel rapport, qui n'a pas affecté la compétence de l'auteur de la décision en litige, n'a pas davantage été de nature, dans les circonstances particulières de l'espèce, à priver Mme B... d'une garantie, ni à exercer une influence sur le sens de la décision en litige. Le moyen tiré de ce vice de procédure doit donc être écarté. 13. En dernier lieu, si la décision litigieuse reprend les conclusions du rapport du Pr G..., qui écarte l'existence d'un lien " direct, certain et exclusif " entre la pathologie de Mme B... et l'exercice de ses fonctions, et suit l'avis de la commission de réforme, également émis au vu de ce même rapport, il ne résulte pour autant ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le directeur du centre hospitalier se serait, à tort, fondé sur le défaut de lien exclusif entre la pathologie de Mme B... et le service pour rejeter sa demande. Le moyen tiré d'une telle erreur de droit manque en fait et doit être écarté. 14. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de son directeur du 5 avril 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... et lui a enjoint de prendre une décision de reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 janvier 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions présentées en appel sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or et à Mme E... B.... Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Sophie Corvellec, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023. La rapporteure, Sophie CorvellecLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de la Côte-d'Or en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY00628
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 3ème chambre, 03/02/2023, 21NT02869, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 26 juillet 2018 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des souffrances endurées, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis à raison de la maladie professionnelle dont elle a été victime, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de ses frais de conseil. Par un jugement n° 1804159 du 9 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021, Mme B... C..., représentée par Me Buors, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 9 septembre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande au titre de la réparation des souffrances endurées, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis à raison de la maladie professionnelle qu'elle a contractée ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2018, en réparation de ces préjudices ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - la responsabilité sans faute de l'Etat au titre de la maladie professionnelle qu'elle a contractée lui ouvre droit à la réparation des souffrances endurées, du préjudice moral, des troubles dans les conditions d'existence qui en ont découlés et qui doivent être évalués à une somme globale de 30 000 euros. Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer a été enregistré le 4 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civile et militaire de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-16 du 11 janvier 1984 ; - l'arrêté du 28 décembre 2017 du ministre de l'intérieur portant délégation de pouvoir en matière de recrutement et de gestion des personnels administratifs du ministère de l'intérieur ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Buors, représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., adjointe administrative, affectée à la sous-préfecture de ..., a été placée en congé de longue durée à compter du 13 décembre 2010. Par un arrêté du 18 février 2015, le préfet des Côtes d'Armor a reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie. Le 18 juin 2015, elle a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre du harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime. Par décision du 21 septembre 2015, un refus a été opposé à cette demande par le ministre de l'intérieur. Mme C... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Rennes qui l'a annulée par un jugement du 18 avril 2018. Le 24 juillet suivant, elle a demandé au ministre de l'intérieur qu'il exécute ce jugement, qu'il procède à un nouvel examen de sa demande et l'indemnise de ses préjudices. Le 26 juillet 2018, le ministre a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Mme C... a alors demandé au tribunal l'annulation de cette nouvelle décision et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de la maladie professionnelle dont elle a été victime, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre des frais de conseil qu'elle a exposés. Par un jugement du 9 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Mme C... relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 30 000 euros en réparation des souffrances endurées, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis à raison de la maladie professionnelle qu'elle a contractée. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Côtes-d'Armor en première instance à la demande de Mme C... : 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". Les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du CJA n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. 3. Il résulte de l'instruction que Mme C... a, par un courrier du 24 juillet 2018, adressé par son conseil au ministre de l'intérieur, et reçu le 27 juillet 2018, non seulement sollicité du ministre l'exécution du jugement du 18 avril 2018 afin qu'il réexamine sa demande de protection fonctionnelle, mais encore formé une réclamation indemnitaire sur le fondement notamment de la responsabilité sans faute de l'Etat au titre de la maladie professionnelle contractée et tendant au versement d'une indemnité d'une montant de 30 000 euros en réparation des préjudices subis. Dans les circonstances de l'espèce, le silence gardé par l'administration sur la réclamation du 24 juillet 2018 a fait naître une décision implicite de rejet de cette réclamation. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Côtes-d'Armor à la demande la requérante et tirée de l'absence de décision liant le contentieux doit être écartée. En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée par le préfet des Côtes-d'Armor en première instance à la demande de Mme C... : 4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudices, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers. 5. L'imputabilité au service de la pathologie dont souffre la requérante a été reconnue par un arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 18 février 2015. L'intéressée était alors en congé pour maladie et l'est restée jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité en décembre 2018. Dans ces circonstances, il résulte de l'instruction et notamment du courrier du préfet du 8 juin 2015, que l'état de santé de l'intéressée ne pouvait être regardé comme consolidé en 2015. Dès lors, la créance en litige n'était pas prescrite, lorsque Mme C... a formé en juillet 2018 sa réclamation indemnitaire. L'exception de prescription quadriennale opposée par le préfet doit donc être écartée. En ce qui concerne les préjudices subis par Mme C... en raison de sa maladie professionnelle : 6. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 7. Il résulte de l'instruction que la pathologie reconnue comme imputable au service dont souffre la requérante est caractérisée par un état anxio-dépressif marqué par de la tristesse, une forte anxiété, des troubles du sommeil, des ruminations morbides, une irritabilité, une aboulie, un apragmatisme et un anhédonisme ainsi qu'une perte d'efficience intellectuelle et des facultés de concentration. Cette pathologie a nécessité de très nombreux arrêts de travail reconnus comme imputables au service, ainsi que plusieurs hospitalisations en milieu psychiatrique, l'intéressée ayant fait quatre tentatives de suicide. Elle a eu comme autres répercussions une dévalorisation de soi, un sentiment de carrière interrompue brutalement par la faute d'autrui, une perte d'espoir, une prise de poids et un arrêt de l'activité sexuelle. En outre, Mme C... s'est vu reconnaître en 2018 un taux d'incapacité physique permanente de 44%. 8. Eu égard aux éléments exposés au point précédent, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par Mme C... en lui allouant des sommes de 5 000 euros au titre du préjudice moral, de 5 000 au titre des souffrances endurées, ainsi qu'une somme de 15 000 euros au titre des divers troubles subis dans ses conditions d'existence. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis à raison de la maladie professionnelle qu'elle a contractée. Il en résulte que l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 25 000 euros à ce titre. Sur les intérêts : 10. La requérante a droit aux intérêts au taux légal sur la somme que l'Etat est condamné à lui verser par le présent arrêt à compter du 27 juillet 2018, date de réception de sa réclamation indemnitaire. Sur les frais d'instance : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 9 septembre 2021 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de la maladie professionnelle qu'elle a contractée. Article 2 : L'Etat versera la somme de 25 000 euros à Mme C... en réparation de ses préjudices. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2018. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient : - M. Salvi, président, - Mme Brisson, présidente-assesseure, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023. Le rapporteur, X. A...Le président, D. SALVI La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT02869
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de PARIS, 4ème chambre, 27/01/2023, 21PA05817, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil : 1°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le ministre de la transition écologique a accepté sa démission ; 2°) d'enjoindre au ministre de le réaffecter à un poste similaire ou supérieur à celui qu'il occupait en catégorie B ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme correspondant aux traitements dus à compter du 20 avril 2019 jusqu'à la date de sa réintégration ; 4°) de condamner le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement d'Ile-de-France (CEREMA IDF) à lui verser une somme de 20 000 euros au titre de la réparation des préjudices qu'il a subis. Par un jugement n° 1907830 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 14 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Lacroix, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1907830 du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; 2°) de condamner le CEREMA IDF à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis ; 3°) d'enjoindre au ministre de le réaffecter à un poste similaire ou supérieur à celui qu'il occupait en catégorie B ; 4°) de condamner le CEREMA IDF à lui verser la somme correspondant aux traitements dus à compter du 20 avril 2019 jusqu'à sa réintégration ; 5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 6°) de condamner l'Etat à verser à Me Lacroix une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; 7°) de condamner l'Etat aux entiers dépens. Il soutient que la décision acceptant sa démission : - est entachée d'une erreur d'appréciation dans la mesure où, ayant été victime de harcèlement de la part de sa hiérarchie, sa démission ne procède pas d'une volonté non équivoque et lucide quant à sa portée et ses conséquences ; - est, du fait de son illégalité, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du CEREMA IDF à hauteur de 20 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, notifiée le 14 septembre 2021. M. C... a adressé une lettre au greffe de la Cour le 3 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; - le décret n° 94-874 du 7 septembre 1994 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, - les conclusions de Mme Marie-Dominique Jayer, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ayant été reconnu pupille de la Nation le 30 avril 1980, était éligible aux emplois réservés de l'administration. Il a ainsi intégré le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement d'Ile-de-France (CEREMA IDF) comme chargé d'affaires en diagnostic et études de réhabilitation d'ouvrages d'art, en qualité de fonctionnaire stagiaire, pour une période d'un an allant du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2018. Par une lettre du 18 mars 2019, M. C... a présenté sa démission et a demandé que celle-ci prenne effet au 1er avril 2019. Par une lettre du 27 mars 2019, M. C... a sollicité du CEREMA IDF le versement d'une somme de 10 000 euros du fait du harcèlement moral qu'il dit avoir subi. Il n'a pas été répondu expressément à cette demande. Par un arrêté du 26 avril 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire a accepté cette démission, avec effet à compter du 20 avril 2019. Par un jugement du 2 juillet 2021, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019 et d'autre part, à l'engagement de la responsabilité du CEREMA IDF. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 241-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les emplois réservés sont également accessibles, sans condition de délai :1° Sous réserve que les intéressés soient, au moment des faits, âgés de moins de vingt-et-un ans : a) Aux orphelins de guerre et aux pupilles de la Nation (...) ". Aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 7 octobre 1994 : " Le fonctionnaire stagiaire qui veut démissionner doit adresser sa demande écrite à l'autorité ayant le pouvoir de nomination, un mois au moins avant la date prévue pour la cessation de fonctions ". Aux termes de l'article 58 du décret susvisé du 16 septembre 1985, dans sa version alors applicable : " La démission ne peut résulter que d'une demande écrite de l'intéressé marquant sa volonté expresse de quitter son administration ou son service. Elle n'a d'effet qu'autant qu'elle est acceptée par l'autorité investie du pouvoir de nomination et prend effet à la date fixée par cet arrêté ". Selon l'article 24 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " La cessation définitive de fonctions qui entraine la radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : 2° De la démission régulièrement acceptée (...) ". 3. En premier lieu, M. C... fait valoir que sa demande de démission ne résulte pas d'une volonté non équivoque de cesser ses fonctions. Ces allégations sont toutefois contredites par les pièces du dossier. L'intéressé a en effet adressé le 18 mars 2019 au directeur territorial et à la secrétaire générale du CEREMA IDF une demande de démission en prenant soin de préciser que : " le présent courrier marque (...) ma volonté non équivoque de cesser mes fonctions en qualité de fonctionnaire stagiaire au sein du CEREMA IDF ". Le conseil de M. C... a doublé cette demande de deux lettres datées des 27 mars et 12 avril 2019, qu'il a adressées respectivement au CEREMA IDF et au ministre de la transition écologique et solidaire, par lesquelles il confirme la volonté de son client de démissionner. Entre temps, le 1er avril 2019, le directeur du CEREMA IDF avait pris soin d'indiquer à son agent d'une part, le caractère irrévocable d'une démission acceptée et d'autre part, le fait que celle-ci n'ouvrait pas droit aux allocations chômage. M. C..., non seulement était informé de la portée de sa demande, mais avait encore à cette date la possibilité d'y renoncer, ce qu'il n'a pas fait, la circonstance que l'intéressé ait pu dire à sa hiérarchie en novembre 2018, soit plusieurs mois auparavant, qu'il n'entendait pas démissionner étant sans incidence. Au vu de ces éléments, il y a donc lieu de considérer que la demande de démission de M. C... était dépourvue d'ambiguïté. 4. En second lieu, M. C... soutient que le harcèlement moral dont il a été victime a constitué une contrainte qui l'a poussé à démissionner, et qu'ainsi son consentement a été vicié. Il fait valoir à ce titre que le CEREMA IDF a été à l'origine de la dégradation des relations de travail, qu'en effet, il n'a pas été mis à même d'exercer les fonctions pour lesquelles il avait été recruté, que sa hiérarchie, et notamment son premier chef d'unité, a fait en sorte qu'il soit exclu de ces fonctions, qu'il ne s'est vu confier que des tâches inutiles, qu'il a été tenu à l'écart des réunions de service et qu'il n'a pas pu assister à une formation qui devait se tenir à Marseille. Il ajoute qu'on lui a volontairement caché sa fiche de poste et que son arrêté de nomination lui a été adressé un mois après sa prise de poste. Cependant, M. C... se borne à l'appui de ces allégations à produire des courriels qu'il a lui-même envoyés, des arrêts de travail et une lettre du médecin du centre de santé Rosa Park du 12 novembre 2018. Certes, ces documents évoquent ces faits et font état d'un stress réactionnel dans un contexte de souffrance au travail. Toutefois, ils reposent sur les seuls dires de l'agent et ne font ainsi que traduire son ressenti. En outre, s'il est constant que l'arrêté nommant M. C... lui a été notifié un mois environ après sa prise de poste et qu'aucune fiche de poste ne lui a été remise - ce à quoi l'administration n'était en tout état de cause pas tenue -, l'intéressé n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces agissements lui auraient causé préjudice et, surtout, proviendraient d'une intention de nuire de sa hiérarchie. Et ce d'autant que les faits allégués sont contredits par le compte rendu de stage du directeur territorial du CEREMA IDF en date du 3 octobre 2018, dont il ressort que M. C... a, dans un premier temps, suivi une formation par compagnonnage lui permettant d'appréhender ses nouvelles fonctions et d'intégrer l'équipe, qu'il s'est ensuite vu attribuer, de manière progressive, de multiples missions conformes à son poste de chargé d'affaires en études et diagnostic d'ouvrages d'art, qu'on ne lui a pas attribué des tâches subalternes ou inutiles, mais qu'en revanche, M. C... a rencontré des difficultés dans l'exécution de certaines tâches, ainsi que dans la rédaction de ses écrits, qu'il a manifesté, de manière réitérée, des réticences et objections à prendre en compte les demandes de corrections émises par son supérieur hiérarchique, qu'il s'est même vu reprocher des écarts de comportement, ainsi que des difficultés à respecter le règlement relatif au temps de travail, à suivre des procédures administratives et à rendre compte de ses tâches. Par conséquent, les éléments dont M. C... entend se prévaloir ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre l'ayant contraint à démissionner, sans qu'il en ait eu le souhait. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. C..., dont il faut noter qu'il était assisté d'un conseil et donc pleinement informé, a fait part d'une volonté non équivoque et non viciée de démissionner. Par suite, le directeur du CEREMA IDF n'a pas entaché sa décision du 26 avril 2019 d'une erreur d'appréciation de nature d'une part, à entrainer son annulation et d'autre part, à engager, pour illégalité fautive, la responsabilité du CEREMA IDF, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de M. C... tendant à être indemnisé. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement d'Ile-de-France. Délibéré après l'audience du 13 janvier 2023, à laquelle siégeaient : Mme Heers, présidente de chambre, Mme Briançon, présidente-assesseure, Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023. La rapporteure, La présidente, L. D'ARGENLIEU M. B... La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA05817
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 3ème chambre, 03/02/2023, 21NT02781
Vu la procédure suivante : Par un arrêt avant dire droit n° 21NT02781 du 1er juillet 2022 la cour a, en application de l'article R. 625-3 du code de justice administrative, avant de statuer sur les conclusions de la requête d'appel de M. E... tendant à l'annulation du jugement n° 1500510 du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à indemniser les préjudices qu'il estime avoir subis à la suite d'une vaccination obligatoire ainsi que les préjudices subis par ses enfants en raison des mêmes faits, procédé à une mesure d'instruction en invitant l'Académie nationale de médecine à lui fournir des observations sur le point de savoir si, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre une myofasciite à macrophages et une vaccination contre le virus de l'hépatite B. L'Académie nationale de médecine a produit ses observations le 6 octobre 2022. Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2022, M. A... E..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de son fils mineur B... E... et G... F... E..., devenue majeure, représentés par Me Jeudi, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mai 2017 ; 2°) de condamner l'État à verser à M. A... E... la somme de 58 000 euros en réparation des préjudices qu'il allègue avoir subis en raison des vaccinations imposées dans le cadre de son activité professionnelle, outre la somme de 5 000 euros à verser à chacun de ses enfants F... et B... en réparation de leur préjudice moral ; d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2013 ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'avis émis par l'Académie nationale de médecine ne permet pas d'exclure toute probabilité qu'un lien de causalité existe entre la vaccination et la survenue d'une myofasciite à macrophages ; il ne constitue pas une étude scientifique ; - il ressort d'études étrangères que la myofasciite à macrophages est induite par les adjuvants vaccinaux, l'aluminium étant une substance neurotoxique, et figure au nombre des maladies rares reconnues par la communauté scientifique internationale. Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2021, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. C..., - et les observations de Me Jeudi, représentant les consorts E.... Une note en délibéré a été présentée le 12 janvier 2023 pour les consorts E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E... a été vacciné, à titre obligatoire, contre le virus de l'hépatite B pendant son service militaire en mai, juin et août 1994 et en février 1995. A partir de septembre 1995, il a souffert de divers troubles qui ont été attribués à une myofasciite à macrophages. Il a bénéficié à ce titre, à partir de 2001, d'une pension militaire d'invalidité dont le taux a été progressivement porté de 40 % à 60 %. Le 13 novembre 2013, il a adressé au ministère de la défense une demande d'indemnisation de divers préjudices non indemnisés par sa pension, demande qui a été rejetée par une décision du 9 juillet 2014. Le 31 juillet 2014, il a contesté cette décision devant la commission des recours des militaires. Le ministre de la défense a, après avis de la commission, rejeté son recours par une décision du 17 mars 2015. M. E... a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans de demandes tendant notamment à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 58 000 euros au titre de ses préjudices propres et celle de 10 000 euros au titre des préjudices de ses deux enfants mineurs. Le tribunal a rejeté cette demande au motif que sa créance était prescrite. Par un arrêt n° 17NT03250 du 5 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de M. E.... Par sa décision n° 435323 du 29 septembre 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT02781. Par un arrêt du 1er juillet 2022, la cour a, en application de l'article R. 625-3 du code de justice administrative, invité l'Académie nationale de médecine à lui présenter des observations écrites, de caractère général, de nature à l'éclairer sur le point de savoir si, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre la survenue de symptômes pouvant se rattacher aux manifestations cliniques caractéristiques d'une myofasciite à macrophages et l'administration de vaccins comportant des adjuvants aluminiques et éventuellement d'autres vaccins ne comportant pas de tels adjuvants. Sur l'obligation de l'État : 2. Il appartient à la juridiction saisie d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, de rechercher, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, s'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe entre cette vaccination et les troubles dont elle souffre. Dans l'hypothèse inverse, elle doit procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et ne retenir l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par l'intéressée et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, s'il ne ressort pas du dossier que ces symptômes peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que les vaccinations. 3. La cour, eu égard à la teneur des débats devant elle quant à l'absence de toute probabilité d'un lien de causalité entre la myofasciite à macrophages et la vaccination contre le virus de l'hépatite B a, par son arrêt du 1er juillet 2022, invité l'Académie nationale de médecine à lui présenter des observations de nature à l'éclairer quant au point de savoir, si, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre cette pathologie et une vaccination contre le virus de l'hépatite B. 4. En vue d'émettre son avis, l'Académie nationale de médecine a procédé à l'examen d'un ensemble de travaux scientifiques réalisés depuis 1999 en vue de rechercher l'existence d'un éventuel lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une myofasciite à macrophages. 5. Si le comité consultatif pour la sécurité des vaccins de l'Organisation mondiale de la Santé a, en 1999, conclu à un lien de causalité probable entre l'hydroxyde d'aluminium des vaccins et la lésion histologique de myofasciite à macrophage et recommandé la réalisation d'études complémentaires, le conseil scientifique de l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, a, le 5 mai 2004, procédé à un examen des connaissances en la matière en y incluant notamment le rapport publié en 2003 par cette même agence et portant, en réponse aux préconisations de l'OMS, sur des cas-témoins. Ce conseil a observé que si l'association de la lésion histologique sur le site musculaire de la vaccination et l'administration de vaccins contenant un adjuvant aluminique est hautement probable, il indique qu'en revanche, l'état des connaissances scientifiques ne permet pas de considérer qu'il existe une association entre l'entité histologique " myofasciite à macrophages " et un syndrome clinique spécifique. L'Académie de médecine se réfère également aux travaux effectués par elle en 2012, à ceux du Haut Conseil de la santé publique de 2013 et de l'Académie nationale de pharmacie de 2016 qui aboutissent aux mêmes conclusions sur l'absence de lien entre la lésion localisée histologique et un syndrome spécifique associant myalgies, arthralgies et/ou asthénie. 6. Au regard de ces éléments, l'Académie nationale de médecine conclut que " si l'hypothèse que la persistance d'une quantité microscopique d'aluminium au site d'injection pendant des années après une vaccination reflèterait la distribution normale de l'élimination de l'aluminium au sein d'une population vaccinée peut être retenue, celle de son rôle éventuel dans la mise en œuvre d'une maladie clinique générale, qu'elle soit inflammatoire et/ou auto-immune n'est pas démontrée à ce jour ". 7. Dans ces conditions, en l'état des connaissances scientifiques telles que rappelées ci-dessus, aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B contenant ou non un adjuvant aluminique et la survenue de symptômes pouvant se rattacher aux manifestations cliniques caractéristiques d'une myofasciite à macrophages ne peut être retenue. 8. Il s'ensuit que les consorts E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. E.... Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettent pas d'en faire bénéficier la partie perdante ou tenue aux dépens. Par suite, les conclusions présentées par les consorts E... tendant à ce que l'État leur verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête des consorts E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Mme F... E... et au ministre des armées. Copie en sera transmise, pour information, à l'Académie nationale de médecine. Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient : - M. Salvi, président de chambre, - Mme Brisson, présidente-assesseure, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023. La rapporteure, C. D... Le président, D. Salvi Le greffier R. Mageau La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°21NT02781
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 24/01/2023, 22NT01181, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation. Par un jugement n° 1905853 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 avril 2022, M. A..., représenté par Me Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2022 ; 2°) d'ordonner une expertise médicale aux fins de vérifier si la baisse auditive qu'il présente est due ou non au vieillissement de l'infirmité pensionnée ou si elle est liée à l'âge ; 3°) d'annuler la décision du 18 février 2019 ; 4°) d'ordonner la révision de sa pension militaire d'invalidité ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - s'il justifie d'une perte auditive de 108,75 décibels à droite et de 100 décibels à gauche en produisant les résultats de ses derniers audiogrammes, l'aggravation auditive dont il se plaint est plus ancienne ; - l'aggravation d'une affection liée au vieillissement justifie la révision d'une pension militaire d'invalidité ; - la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors que le décret n° 2003-924 du 25 septembre 2003 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexé au livre IV du code de la sécurité sociale ne s'applique pas aux pensions militaires d'invalidité ; - cette affection a nécessairement été contractée en période de guerre notamment en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire présenté le 3 janvier 2023 pour M. A... n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui est né en 1929, a effectué sa carrière militaire dans l'Armée de Terre du 4 novembre 1949 au 1er décembre 1976. Il est bénéficiaire de plusieurs pensions militaires d'invalidité. Le 14 avril 2017, il a sollicité la révision pour aggravation de sa pension correspondant à l'infirmité : " hypoacousie bilatérale des deux côtés - audiogramme du 6 novembre 1986 - perte auditive oreille droite = 65 décibels - perte auditive oreille gauche = 70 décibels ". Il relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 février 2019 de la ministre des armées rejetant sa demande. Sur l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale dont souffre M. A... : 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur depuis le 1er janvier 2017 : "Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée (...). Toutefois l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée.". 3. Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. Dans son rapport du 12 juin 2018, l'expert oto-rhino-laryngologiste, qui a examiné M. A... le 29 décembre 2017, indique que l'hypoacousie bilatérale dont il souffre ne s'est pas aggravée par rapport aux examens figurant dans son dossier. Il ressort toutefois des résultats de l'audiogramme que ce médecin spécialisé a lui-même pratiqué, que l'intéressé présente, à cette date, une perte auditive de 108,75 décibels à droite et de 100 décibels à gauche, ce qui confirme les examens réalisés par le patient le 13 avril 2017, alors qu'à la date de l'attribution de sa pension sa perte auditive était de 65 décibels au niveau de l'oreille droite et de 70 décibels au niveau de l'oreille gauche. Ni cet expert, ni le médecin chef des pensions militaires d'invalidité n'ont évoqué une autre pathologie auditive qui serait liée à l'âge de l'intéressé. Pour rejeter la demande de révision présentée par M. A..., la ministre des armées s'est fondée sur le motif tiré de ce que cette infirmité pensionnée ne s'est en réalité pas aggravée, la baisse d'audition constatée ne pouvant, selon elle, être en relation avec l'accident de service dont il a été victime alors qu'il est radié des contrôles depuis plus de 40 ans. Elle invoque, sans toutefois le documenter, les connaissances médicales généralement admises qui reconnaissent le caractère stationnaire, voire régressif, des hypoacousies d'origine sono traumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées. La ministre des armées ne justifie cependant pas de ces allégations alors que l'infirmité pensionnée relevait du régime de la présomption et que les constatations de l'expert montrent une évolution défavorable de la surdité de M. A.... Dans ces conditions, en l'absence d'éléments médicaux de nature à établir l'apparition d'une nouvelle pathologie, indépendante de l'infirmité pensionnée, liée uniquement au vieillissement, l'intéressé a droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " hyperacousie bilatérale" dont il souffre. Le taux d'invalidité de cette infirmité doit être porté à 100 %, à la date de sa demande présentée le 14 avril 2017. 5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. A... : 6. Le ministre des armées procédera à la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. A... sur la base d'un taux de 100 % à compter du 14 avril 2017 pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale" dont il souffre. Sur les frais liés au litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905853 du tribunal administratif de Rennes en date du 21 février 2022 ainsi que la décision du 18 février 2019 de la ministre des armées sont annulés. Article 2 : Le ministre des armées procédera à la liquidation de la pension militaire d'invalidité allouée à M. A... sur la base d'un taux de 100 % à compter du 14 avril 2017 pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale ". Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01181
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANCY, 4ème chambre, 24/01/2023, 21NC00116, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de réexamen et d'octroi du bénéfice de l'aide financière présentée sur le fondement du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 et d'enjoindre au premier ministre de lui verser cette aide financière sous forme d'une rente viagère à partir du 1er septembre 2004. Par un jugement n° 1802157 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 14 janvier 2021, M. D..., représenté par Me Choffrut, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de réexamen et d'octroi du bénéfice de l'aide financière présentée sur le fondement du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ; 3°) d'enjoindre au premier ministre de lui verser l'aide financière prévue par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 sous forme d'une rente viagère avec effet rétroactif à partir du 1er septembre 2004 conformément à l'article 2 de ce décret et en prenant en compte la revalorisation prévue à l'article 5 de ce même décret ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il remplit les conditions pour bénéficier du dispositif d'indemnisation mis en place par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ; - son père a été tué alors qu'il n'était pas en opération ; les opérations de la résistance avaient cessé lorsqu'il a été exécuté ; il a été fusillé sans sommation par les allemands ; le décès de son père est brutal et manifeste une volonté de tuer alors qu'il était dans l'incapacité de se défendre. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, - le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme G..., - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un courrier du 23 mars 2018, M. D... a demandé à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre le réexamen de sa demande tendant au bénéfice de l'aide financière instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 pour les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale après lui avoir vainement adressé une demande ayant le même objet en 2004, en se prévalant des circonstances du décès de son père. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite. 2. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code. (...) ". Aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité, abrogé et remplacé par l'article L. 342-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre depuis le 1er janvier 2017 : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ ". Aux termes de l'article L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité, abrogé et remplacé par l'article L. 343-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur le champ ". 3. Il ressort des témoignages du lieutenant B... et du capitaine E..., produits en défense devant les premiers juges, que le père du requérant, M. A... D..., adjudant, chef de trentaine, conduisait une patrouille américaine à Habeaurupt lorsqu'il tomba dans une embuscade tendue par des allemands et fût tué par une rafale de mitraillettes, le 26 novembre 1944. Le requérant se prévaut d'un témoignage établi, en 1946, par le lieutenant H... selon lequel : " (...) c'est en sortant que nous trouvâmes le lieutenant D... et Monsieur C.... Je lui dis de ne pas continuer sa route car les allemands étaient encore à la Truche, que les américains descendaient derrière moi mais il ne voulait pas nous écouter et continuer sa route. Il fût tué un peu plus haut faubourg Saint Thérèse, quelques instants après d'une rafale de mitraillettes (...) ". Toutefois, ce témoignage n'est pas de nature à remettre en cause les faits tels qu'ils ont été rapportés par le lieutenant B... et le capitaine E..., dont les témoignages sont, au demeurant, plus proches de la date des faits. Si le requérant fait également valoir que le capitaine E... avait reçu l'ordre de cesser les opérations de guerilla à partir d'octobre 1944, cette circonstance n'est pas suffisante pour établir que les opérations de résistance auxquelles avait participé son père avaient effectivement cessé et elle n'est pas plus de nature à remettre en cause la version des faits résultant des témoignages les plus proches temporellement du décès. 4. Dans ces conditions, les circonstances du décès du père de M. D... ne répondant pas aux conditions fixées par le décret du 27 juillet 2004, c'est sans méconnaître ces dispositions que le premier ministre a pu refuser d'accorder une aide financière au requérant. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et à la première ministre. Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023. La présidente-rapporteure, Signé : A. G... L'assesseure la plus ancienne, Signé : S. Roussaux La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne à la première ministre en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC00116
Cours administrative d'appel
Nancy