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CAA de NANCY, 4ème chambre, 10/10/2023, 21NC01472, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 janvier 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé le 28 août 2019 à l'encontre de la décision du 5 août 2019 par laquelle la ministre a refusé d'agréer sa candidature à un recrutement dans un emploi de la fonction publique civile. Par un jugement n° 2000580 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 18 mai 2021, M. C..., représenté par Me Rattaire, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 7 janvier 2020 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui délivrer l'agrément sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 60 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges n'ont pas relevé d'office le moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du principe selon lequel le non-respect du délai de deux mois, à la suite d'une demande formée par un fonctionnaire à son administration, vaut acceptation de la demande ; - la décision attaquée du 7 janvier 2020 est entachée d'un défaut de motivation et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elle a méconnu le principe du contradictoire au regard des dispositions de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 et qui ne peut être purgée puisque la décision attaquée est intervenue après la naissance d'une décision implicite d'agréement, née le 29 juillet 2019 ; - elle est entachée d'une erreur de droit car seule la nécessité impérieuse de service public pouvait justifier un refus d'agrément ; - elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation : la situation des effectifs à l'unité de Saint-Dizier était de 105 % dans sa qualification de sorte que sa présence n'était pas indispensable sur ce site ; le ministre ne saurait invoquer sa spécialité dans le nucléaire puisqu'il a été muté par la suite sur un site non nucléaire ; - la décision constitue une sanction disciplinaire déguisée entachée d'un détournement de procédure. Une mise en demeure de produire a été adressée à la ministre des armées le 18 janvier 2022. Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2022 à midi. Un mémoire en défense du ministre des armées a été enregistré à la cour le 14 septembre 2023, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de la défense ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 2 mai 2019, alors qu'il était affecté à l'escadron de la sécurité incendie et sauvetage de la base aérienne 113 de Saint-Dizier, M. C... a reçu une réponse favorable à sa candidature à un emploi d'officier de garde de sapeur-pompier professionnel par la voie du détachement auprès du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Marne. Il a donc formulé une demande d'agrément à sa hiérarchie le 14 mai 2019, laquelle a été enregistrée le 29 mai 2019. Par une décision du 5 août 2019, la ministre des armées a refusé l'agrément de sa candidature à un emploi de la fonction publique civile. Le 28 août 2019, M. C... a saisi la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 5 août 2019. Par une décision du 7 janvier 2020, notifiée à M. C... le 22 janvier 2020, la ministre des armées a rejeté ce recours administratif préalable. M. C... relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 janvier 2020. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. M. C... soutient que le jugement attaqué est irrégulier au motif que les premiers juges ont omis de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le non-respect du délai de deux mois, à la suite d'une demande formée par un fonctionnaire à son administration, vaut acceptation de la demande. Toutefois un tel moyen, qui était soulevé par le requérant en première instance et auquel le tribunal a répondu au point 5 du jugement, n'est en tout état de cause pas d'ordre public et n'avait pas à être soulevé d'office. Quant à l'appréciation de la naissance éventuelle d'un agrément tacite, elle relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". Aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent (...). La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) ". 4. La décision par laquelle le ministre de la défense refuse de délivrer l'agrément nécessaire à l'intégration d'un militaire sur un emploi civil n'a pas à être motivée dès lors qu'elle ne refuse pas un avantage qui constitue un droit. Toutefois, la décision par laquelle le ministre chargé de la défense rejette le recours administratif préalable formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle doit être motivée en vertu des dispositions rappelées au point précédent. 5. La décision litigieuse du 7 janvier 2020 de rejet du recours préalable formé par M. C... devant la commission des recours des militaires rappelle les textes applicables, les éléments pertinents de la carrière de l'intéressé et indique le motif du refus de sa demande d'agrément de sa candidature dans un emploi de la fonction publique civile, à savoir la situation des effectifs dans la spécialité " pompier de l'armée de l'air " au sein de l'unité de Saint-Dizier. Cette décision précise, en outre, que le site sur lequel est affecté le requérant présente un caractère sensible. Par suite, cette décision est suffisamment motivée et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle de M. C.... 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4125-8 du code de la défense : " La procédure d'instruction des recours est écrite. La commission ne peut statuer qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites sur les éléments recueillis auprès de l'autorité mentionnée à l'article R. 4125-3, dans un délai de quinze jours à compter de leur réception par lui. Si elle l'estime nécessaire, la commission peut convoquer l'intéressé. Lors de son audition, ce dernier peut se faire assister d'un militaire de son choix en position d'activité, à l'exclusion de toute autre personne. Les membres de la commission ainsi que les rapporteurs procèdent à toute mesure utile à l'examen des recours ". 7. Si le requérant fait valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, il ressort des termes mêmes des visas de la décision litigieuse qui précise " vu la réplique de l'auteur du recours " que le requérant a été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de celle-ci. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté. 8. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense, dans sa version applicable au litige : " Le militaire, à l'exception du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 511-3 du code de la fonction publique : " Hormis les cas où le détachement et la mise en disponibilité sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord du service, de l'administration ou de l'organisme public ou privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu'en raison des nécessités du service ou, le cas échéant, d'un avis rendu par la commission de déontologie mentionnée à l'article 25 octies. Elle peut exiger de lui qu'il respecte un délai maximal de préavis de trois mois. Son silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) / 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". 9. D'une part, il résulte des dispositions précitées que le code de la défense a institué une procédure spécifique de détachement applicable aux militaires souhaitant accéder à l'une des trois fonctions publiques civiles. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'article 14 de la loi du 13 juillet 1983, dont les militaires ne relèvent pas, pour soutenir que le silence de l'administration pendant deux mois valait acceptation de sa demande d'agrément. 10. D'autre part, le bénéfice de l'accès des militaires à des emplois civils est subordonné non seulement à la réunion, par les militaires qui le demandent, de certaines conditions de grade et de durée de services, mais encore à l'agrément du ministre qui peut l'accorder ou le refuser après avoir procédé à un examen particulier de la demande et pour des motifs tirés notamment des besoins du service et de la gestion des effectifs. Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les motifs, tirés du besoin du service et de la gestion des effectifs, fondant un refus d'agrément opposé par le ministre des armées. 11. Il résulte du point précédent que, contrairement à ce que soutient le requérant, la légalité du refus d'agrément n'est pas soumise à la condition d'une nécessité impérieuse de service public mais à des besoins du service et de la gestion des effectifs sur lesquels s'est fondée la décision litigieuse. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 12. Enfin, pour refuser l'agrément sollicité par M. C..., la ministre des armées s'est fondée sur la situation des effectifs de pompiers sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier et sur les compétences et l'expérience du requérant qu'il convenait de préserver au sein de la base aérienne. Il ressort des termes de la décision litigieuse que la base aérienne de Saint-Dizier était, toutes qualifications confondues, en sous-effectif à hauteur de 10 % tandis qu'au niveau national ce sous-effectif était de 4 %, et que si l'effectif de pompiers dans la spécialité nucléaire était en revanche de 105 %, la ministre a toutefois considéré qu'il avait une nécessité de conserver M. C... sur cette base dans l'escadron de la sécurité incendie et sauvetage (ESIS) en raison de son expérience et de ses qualités professionnelles, dès lors qu'il était immédiatement employable. Il ressort en effet d'un courriel d'octobre 2019 produit par le requérant que l'escadron d'affectation de M. C... était à cette date en sous-effectif pour le personnel réellement employable, les jeunes recrues restant à former. Si le requérant soutient qu'il a ensuite fait l'objet d'un ordre de mutation le 5 mars 2020 à compter du 31 août 2020 à l'ESIS de la base d'Orléans, cette circonstance postérieure à la décision en litige est sans incidence sur sa légalité dès lors qu'elle ne révèle pas d'éléments de nature à remettre en cause le bien-fondé des motifs de la décision en litige à la date à laquelle elle a été prise. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que les besoins du service ont bien motivé la décision de refus d'agrément. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la ministre des armées a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation. 13. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée constitue une sanction déguisée. M. C... n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un climat de confiance dégradé avec ses supérieurs. Il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir une intention punitive de la part de sa hiérarchie au travers du refus d'agrément. Le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté. 14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 janvier 2020 de la ministre des armées. Ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre, - Mme Samson-dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. B... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M. B... 2 N° 21NC01472
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/10/2023, 21NT03724, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 21 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'alignement de sa pension militaire d'invalidité sur celle applicable aux militaires de la marine nationale ayant un grade équivalent. Par un jugement n° 1905856 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 30 décembre 2021, régularisée le 25 février 2022, et un mémoire récapitulatif enregistré au greffe de la cour le 16 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Louvel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 décembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 21 février 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui verser la somme de 7 838,97 euros, au titre de ses arrérages de pension pour la période du 1er octobre 1989 au 11 octobre 2012 ; 4°) à titre subsidiaire, de lui verser la somme à 2 316,23 euros, pour la période du 1er janvier 2003 au 11 octobre 2012 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - son recours devant le tribunal administratif n'était pas tardif dans la mesure où il est fondé à se prévaloir de circonstances particulières qui font obstacle à l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat Czabaj ; il n'a été informé qu'en 2009 qu'il pouvait prétendre à une revalorisation de sa pension ; - la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle créé une discrimination entre les militaires de l'armée de terre et ceux de la marine nationale ainsi qu'entre lui et ses collègues placés dans une situation similaire qui ont bénéficié de cette revalorisation ; - il justifie d'un préjudice moral résultant de la discrimination subie par rapport à ses " frères d'armes ". Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 octobre et 1er décembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et que c'est à juste titre que le tribunal administratif a jugé que sa requête était tardive et par suite irrecevable. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Me Louvel, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant-chef dans l'armée de terre, bénéficie depuis le 3 mars 1988 d'une pension militaire d'invalidité. A plusieurs reprises, l'intéressé a sollicité la revalorisation de cette pension sur la base de l'indice, plus favorable, appliqué aux militaires de la marine nationale. Par une décision du 21 février 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 décembre 2021, rejetant sa requête tendant à la revalorisation de sa pension et à l'indemnisation de son préjudice moral. Sur la tardiveté de la demande de M. B... : 2. Aux termes de l'article 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, repris à l'article L. 154-4 du même code : " I- Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise ; 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces au vu desquels l'arrêté de concession a été pris sont reconnues inexactes, ou bien en ce qui concerne le grade ou les circonstances du décès, ou bien en ce qui concerne l'état des services, ou bien en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, ou bien en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) ". 3. M. B... ne conteste ni une erreur matérielle de liquidation de sa pension, ni une erreur dans les faits ayant conduit à ce que cette pension lui soit concédée. Par suite, il n'entre pas dans les prévisions des dispositions précitées, lui permettant de solliciter sans délai la révision de sa pension militaire d'invalidité. 4. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, repris à l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er novembre 2019, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II de ce code, à l'exception de celles entrant dans le champ d'application des dispositions citées au point 2, sont susceptibles de recours devant les juridictions compétentes dans le délai de six mois à compter de leur notification. 5. M. B... s'est vu, en dernier lieu, attribuer à titre définitif une pension militaire d'invalidité au taux de 35 % par un arrêté du 5 juillet 1994. Il aurait donc dû solliciter la révision de sa pension dans les six mois suivant la notification de cette décision. S'il n'est pas contesté que l'intéressé a eu connaissance de cette décision au plus tard le 1er septembre 1994, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'il aurait été régulièrement informé des voies et délais de recours lui permettant de contester notamment l'indice retenu par l'administration pour le calcul de cette pension. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Rennes a jugé que ce délai de six mois, prévu par le décret du 20 février 1959 puis par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne lui était pas opposable. 6. Toutefois, ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 7. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, il n'est pas contesté que M. B... a eu connaissance de l'arrêté du 5 juillet 1994 au plus tard le 1er septembre 1994 ainsi qu'en atteste le certificat d'inscription au grand livre de la dette publique produit en première instance par le ministre. L'intéressé soutient qu'il n'a été informé de la faculté de solliciter la révision de sa pension afin de bénéficier des modalités de calcul retenues pour les militaires de la marine nationale qu'au cours de l'année 2009 à la suite d'un jugement du tribunal des pensions de Paris rendu le 19 janvier 2005. Il se prévaut également des attestations de deux militaires de l'armée de terre, ayant également le grade de caporal-chef, qui ont bénéficié de cette revalorisation en 2015 et 2016. Ces décisions anciennes qui concernent la situation de tiers, ne sont toutefois pas de nature à établir que M. B..., qui dans la présente instance sollicite l'annulation d'une décision du 21 février 2019, était dans l'impossibilité de contester sa propre pension militaire d'invalidité concédée par l'arrêté du 5 juillet 1994 dans un délai raisonnable d'un an à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le recours présenté par l'intéressé le 27 mai 2019 devant le tribunal des pensions militaires de Rennes était tardif et par suite irrecevable. Sur les conclusions pécuniaires et indemnitaires présentées par M. B... : 8. M. B... sollicite d'abord la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 7 838,97 euros au titre de ses arrérages de pension pour la période du 1er octobre 1989 au 11 octobre 2012, et à titre subsidiaire, la somme à 2 316,23 euros, pour la période du 1er janvier 2003 au 11 octobre 2012 mais ces conclusions doivent être rejetées par voir de conséquence des motifs développés aux points 6 et 7 du présent arrêt. Il demande en outre de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi à raison de l'illégalité du refus de révision de sa pension militaire d'invalidité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par des arrêtés des 14 mars 2016 et 27 mars 2017 prenant effet au 23 novembre 2013, l'intéressé a bénéficié à titre purement gracieux d'une revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que cette revalorisation serait insuffisante. Au vu de ces décisions, l'intéressé ne justifie pas davantage du préjudice moral qu'il invoque. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT03724
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/10/2023, 454135, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : 1° Sous le n° 454135, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 1er juillet 2021 et 14 mars 2022, M. C... E... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 7 juillet 2017 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 454137, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et le 14 mars 2022, M. C... D... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 6 septembre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 3° Sous le n° 454138, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et le 14 mars 2022, M. F... G... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 30 décembre 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 4° Sous le n° 454139, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et 14 mars 2022, M. B... A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 10 avril 2018 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces des dossiers que MM. E..., D..., G... et A... sont des fonctionnaires de police, mis à disposition de l'organisation internationale Interpol. Lors du renouvellement de leurs conventions de mise à disposition, l'administration leur a refusé le bénéfice des bonifications d'ancienneté réservées aux fonctionnaires des services actifs de police qui leur étaient accordées antérieurement, à savoir la bonification spéciale des fonctionnaires de police (BSFP) prévue par la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police et l'avantage en matière de pension de retraite institué par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. L'administration a fondé ce refus sur une note du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 disposant notamment que " le policier mis à disposition ne bénéficie pas du classement en catégorie active, ni de la BSFP, même s'il exerce des tâches analogues à celles exercées par un policier. Il s'agit de l'application de l'article L. 73 du code des pensions qui ne reconnaît le maintien des avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services actifs, seulement aux fonctionnaires détachés dans un emploi similaire ". Par quatre requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, M. E... et autres demandent au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler cette disposition de la note de service du 4 juillet 2016 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier en conséquence leur convention de mise à disposition, en tant qu'elle reproduit les dispositions contestées. Sur les conclusions tendant à l'annulation partielle de la note du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 : 2. Aux termes, d'une part, de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat. " Aux termes de l'article 41 de la même loi : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir. / (...) ". 3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " La police nationale comprend des personnels actifs, ainsi que des personnels administratifs, techniques et scientifiques. / Les sujétions et obligations particulières applicables aux personnels actifs de la police nationale sont définies à l'article 19 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. " Aux termes de l'article R. 411-2 du même code : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : / 1° De protection des personnes et des biens ; / 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; / 3° De police administrative ; / 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ; / 5° De recherche de renseignements ; / 6° De maintien de l'ordre public ; / 7° De coopération internationale ; / 8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ; / 9° De formation des personnels. / (...) ". En ce qui concerne le bénéfice de la bonification spéciale des fonctionnaires de police : 4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police (...) bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités. " Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les services actifs de police sont ceux qui impliquent l'exercice de fonctions de la nature de celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure cité ci-dessus. 5. L'avantage d'ancienneté, dit " bonification spéciale des fonctionnaires de police " ou " bonification du 1/5ème ", prévu par les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 8 avril 1957 est attaché à la nature des fonctions que ces agents exercent en position d'activité. Il suit de là qu'un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition a droit au bénéfice de la bonification d'ancienneté pour autant que les fonctions qu'il exerce soient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police conformément aux dispositions rappelées au point 3 ci-dessus. En ce qui concerne le bénéfice du classement de l'emploi dans la catégorie active : 6. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I. - La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". La liste des emplois du ministère de l'intérieur classés dans la catégorie active est fixée par le tableau annexé à l'article R.* 34 du même code, et comprend tous les grades des corps des personnels actifs de police. 7. Eu égard à l'objet des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite citées au point 6., les fonctionnaires relevant des différents corps et grades des personnels actifs de la police nationale, qui sont, dans leur ensemble, classés dans la catégorie active par le tableau annexé au même code conformément à l'article R*. 34, en bénéficient lorsqu'ils sont mis à disposition, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point 2. ci-dessus de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 en vertu desquelles le fonctionnaire mis à disposition est réputé occuper son emploi, sans que le ministre de l'intérieur puisse utilement, pour leur en dénier le bénéfice, se prévaloir des dispositions de l'article L. 73 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui ne s'appliquent qu'à certains fonctionnaires détachés. 8. Il résulte de ce qui est dit aux points 5. et 7. que la note de service contestée est illégale en tant qu'elle prévoit que les services accomplis par les fonctionnaires actifs de police placés en position de mise à disposition ne sont pas pris en compte, d'une part, pour l'attribution de la bonification spéciale des fonctionnaires de police, sans distinction selon la nature des fonctions exercées par le fonctionnaire de police dans l'organisme qui l'accueille et, d'autre part, pour le bénéfice du classement de l'emploi dans la catégorie active en application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les requérants sont fondés à en demander, pour ce motif, l'annulation dans cette mesure. Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de modifier les conventions de mise à disposition des requérants au profit de l'organisation internationale Interpol : 9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". 10. L'exécution d'un jugement annulant un acte réglementaire n'implique pas que le juge enjoigne à l'administration de revenir sur les mesures individuelles qu'elle a prises en application de cet acte. Par suite, les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de modifier les conventions de mise à disposition au profit de l'organisation internationale Interpol ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions relatives aux frais d'instance : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Dans la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016, les phrases : "le policier mis à disposition ne bénéficie pas du classement en catégorie active, ni de la BSFP, même s'il exerce des tâches analogues à celles exercées par un policier. Il s'agit de l'application de l'article L. 73 du code des pensions qui ne reconnaît le maintien des avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services actifs, seulement aux fonctionnaires détachés dans un emploi similaire " sont annulées. Article 2 : L'Etat versera à chacun des requérants une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... E..., à M. C... D..., à M. F... G..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 27 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 11 octobre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Alain Seban La secrétaire : Signé : Mme Anne-Lise CalvaireECLI:FR:CECHR:2023:454135.20231011
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 03/10/2023, 22MA01202, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Marseille, premièrement, d'annuler la décision du 17 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, deuxièmement, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux de son invalidité à 30 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 octobre 2016, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit, troisièmement, d'ordonner à la ministre des armées la communication au tribunal de son livret médical militaire et enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003816 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 avril 2022, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2022 ; 2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " cervicalgies aggravées par des discopathies étagées de C3 à C7, avec névralgie cervico-brachiale gauche sur le trajet C7 ", liée à l'accident de service survenu en Nouvelle-Calédonie, au taux de 30 % à compter du 21 octobre 2016, date de sa demande ; 3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il a rapporté la preuve, qui peut être en la matière fournie par tout moyen, du lien direct entre sa maladie et le service au cours duquel a eu lieu l'accident le 1er novembre 2011 en Nouvelle-Calédonie, compte tenu de l'absence d'affection lors de son incorporation dans la légion étrangère en 2009, des mentions du rapport circonstancié, d'un témoignage et de l'avis d'un médecin expert, et en l'absence de tout élément relatif à une maladie constitutionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qui y sont présentés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Ravenaux, substituant Me Stark, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ancien légionnaire, a demandé le 21 octobre 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, au titre, d'une part, de " séquelles d'entorse du ligament latéral externe de la cheville droite ", d'autre part, de " séquelles de tendinite achiléenne et des péroniers latéraux de la cheville gauche ", et enfin, de " cervicalgies sur canal cervical étroit congénital aggravé par des discopathies étagées de C3 à C7, avec névralgie cervicobrachiale gauche sur le trajet, céphalées responsables de malaises ". Par une décision du 17 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement du 22 mars 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant que par celle-ci, la ministre a rejeté sa demande de pension concernant la troisième infirmité invoquée. Sur le cadre juridique applicable : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version en vigueur au jour de la demande de pension de M. A... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve, qui peut être rapportée par tout moyen, ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. Ces principes n'interdisent pas aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité au service doit, par dérogation à ces principes, être regardée comme établie. 4. Par ailleurs, au sens des dispositions citées au point 2, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. En l'absence de tout fait précis de service ayant causé un traumatisme qui serait à l'origine de l'infirmité litigieuse, celle-ci doit être qualifiée de maladie. Sur les droits à pension de M. A... : 5. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment d'un rapport circonstancié établi le 4 novembre 2011, et des mentions concordantes de son livret médical militaire, que le 1er novembre 2011, à 6 heures 30, M. A... a été victime à Nouméa d'un malaise lors d'une course à pied avec céphalée pariéto-occipitale droite latérale ayant nécessité l'arrêt de l'effort. Si ce livret indique que le 4 novembre 2011, un repos sportif a été prescrit au militaire et qu'il est observé, le 7 novembre 2011, qu'il a dormi tout le week-end, et s'est plaint alors d'une sensation d'engourdissement du membre supérieur et de cervicalgies sous la pression des doigts, ce même document, dont les mentions sont confirmées par le certificat médical du 1er octobre 2014, précise que les résultats de l'examen tomodensitométrique se sont avérés normaux. Ni cette pièce ni aucune autre du dossier d'instance, pas même le témoignage du 4 février 2020 d'un militaire en mission en Nouvelle-Calédonie en même temps que l'intéressé, évoquant une blessure lors du stage commando, " au niveau du cou lors de l'entraînement sur la piste nautique ", en contradiction avec le rapport circonstancié de cet événement, ne mettent au jour, concernant cette course à pied du 1er novembre 2011, un fait précis de service à l'origine d'une lésion soudaine ayant procuré à M. A... une blessure et de l'affection au titre de laquelle celui-ci sollicite une pension. 6. D'autre part, ni la circonstance que les premiers symptômes de la maladie de M. A... sont apparus au cours du service, ni celle qu'avant son incorporation, il a été déclaré médicalement apte sans réserve, ne peuvent suffire à établir un lien de causalité, direct et certain, entre le service et cette affection. Certes, l'appréciation portée par le médecin auteur du certificat du 1er octobre 2014, ainsi que les mentions du constat provisoire et de la décision en litige, selon lesquelles M. A... présenterait un canal cervical rétréci d'origine congénitale et acquis par arthrose, sont sérieusement contredites par l'analyse du médecin expert du 22 juillet 2020, qui identifie les causes possibles d'un tel rétrécissement dans des situations physiques qui sont étrangères à celle de l'intéressé. Toutefois, alors que cette dernière analyse médicale ne se prononce pas sur les causes possibles de la maladie de M. A..., et qu'il résulte des mentions du livret médical de M. A..., que celui-ci a souffert le 16 juillet 2010 d'une contracture cervicale droite et gauche, sans lésion ni traumatisme, que ni ce document, ni d'ailleurs l'argumentation de l'intéressé, ne rattachent à un fait précis de service ou à des conditions particulières de service, l'ensemble des éléments de l'instruction ne permet pas de considérer comme rapportée par le requérant la preuve, qui pourtant lui incombe, de l'imputabilité de sa maladie au service. 7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 janvier 2019 et à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de lui accorder des droits à pension, au taux d'invalidité de 30 %. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023. N° 22MA012022
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 10/10/2023, 22DA01020, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie et d'enjoindre à cette dernière de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1904163 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Ahmed Akaba, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le mémoire en défense produit par la ministre des armées en première instance devait être écarté des débats dès lors qu'il méconnaissait les dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative ; - le lien entre sa pathologie et les faits de violence allégués durant la guerre d'Algérie est établi et lui donne par suite droit au bénéficie d'une pension en qualité de victime civile. Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable en raison de l'insuffisance de sa motivation et que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023. Par ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur ; - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., née le 27 septembre 1958 à Foum El Guerza en Algérie, a demandé le 18 août 2017 l'attribution d'une pension en qualité de victime civile de guerre, en raison d'une blessure à l'œil gauche qu'elle impute à un fait de violence survenu durant la guerre d'Algérie. Mme A... fait appel du jugement n° 1904163 du 31 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 juillet 2018 lui refusant le bénéfice de cette pension. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes des deux derniers alinéas de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Les parties et mandataires inscrits dans l'application doivent adresser tous leurs mémoires et pièces au moyen de celle-ci, sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. (...) / Lorsque les parties et mandataires inscrits dans l'application transmettent, à l'appui de leur mémoire, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire qui en est dressé. S'ils transmettent un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Ces obligations sont prescrites aux parties et mandataires inscrits dans l'application sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. " 3. Il résulte de ces dispositions que la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. 4. Mme A..., en soutenant que le jugement attaqué est irrégulier au motif que le mémoire en défense de la ministre des armées enregistré le 28 novembre 2019 n'était pas conforme aux prescriptions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur, doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des dispositions de même portée, citées au point 2, applicables aux mémoires en défense. 5. Il résulte des pièces du dossier que l'intitulé de chaque signet au sein du fichier unique global de pièces jointes au mémoire en défense de la ministre des armées enregistré le 28 novembre 2019 correspondait au même numéro d'ordre que celui figurant sur l'inventaire détaillé de ces pièces. Dès lors, ce mémoire était conforme aux prescriptions des dispositions citées au point 2. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 6. D'une part, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". 7. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 124-20 du même code qu'il appartient aux postulants qui se prévalent des dispositions de l'article L. 113-6 de ce même code de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits mentionnés au même article. Cette preuve, qui implique l'existence d'un lien de causalité direct et déterminant, ne saurait résulter d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une hypothèse médicale. 8. En vue d'établir le lien entre les dommages physiques dont elle a été victime et un fait de guerre mentionné à l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, Mme A... produit plusieurs certificats médicaux indiquant qu'elle est suivie depuis de nombreuses années par le service d'ophtalmologie du centre hospitalier régional universitaire de Rouen pour un traumatisme à l'œil gauche avec un corps étranger intraoculaire, qui a donné lieu à plusieurs opérations chirurgicales. Toutefois, Mme A... ne produit aucun document, de nature médicale ou autre, qui serait contemporain des faits allégués. En outre, les certificats médicaux, notamment celui du Pr C... précisant que Mme A... a été " victime en 1962 d'un traumatisme à l'œil gauche ", ainsi que les différentes attestations de membres de sa famille et de Mme Louisa Mameri, présidente nationale du collectif Harkis, qui se bornent à imputer le traumatisme oculaire de Mme A... à la guerre d'Algérie, sont insuffisamment circonstanciés pour permettre de justifier de la réalité des faits de violence allégués et de leur lien de causalité avec les dommages physiques subis par Mme A.... De plus, la description par l'intéressée des circonstances des faits présente des contradictions et imprécisions puisque, dans le formulaire de sa demande de pension datée du 30 août 2017, Mme A... précisait que son traumatisme était survenu " suite à l'explosion d'une grenade dans un camp militaire entraînant la projection d'un corps étranger dans l'œil ", en " janvier 1962 ", " à Alger ou à Foum El Guerza " tandis que, dans sa requête devant le tribunal des pensions de Rouen, Mme A... indiquait que " la date et le lieu des faits étaient erronés " et qu'elle aurait été victime d'une " balle perdue le 11 décembre 1960 à Alger dans le quartier de Belcourt " et qu'elle se serait vu refuser les soins en Algérie en raison de sa situation d'enfant de harkis. Dans ces conditions, et dès lors, notamment, que les recherches effectuées par les services de la ministre des armées auprès des archives de la brigade de gendarmerie de Biskra territorialement compétente pour la commune de Foum El Guerza et auprès du service historique de la défense se sont révélées infructueuses, Mme A... n'établit pas que l'infirmité invoquée trouve son origine dans une blessure causée par l'un des faits mentionnés à l'article L. 113-6 du code des pensions militaires et des victimes de guerre. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction ainsi que, en toute hypothèse, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur ; - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01020
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/10/2023, 22NT01202, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'une part, d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande regardée comme tendant à " la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité ", d'autre part, de dire que l'infirmité diagnostiquée - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande - est imputable au service, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 1905896 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, M. B..., représenté par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 26 février 2019 de la ministre des armées ; 3°) de dire qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au titre de ses épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -la maladie dont il souffre - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif - est une maladie nouvelle, distincte des plaques pleurales, qui doit être reconnue imputable au service en application des dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; tous les éléments médicaux versés aux débats confirme ce diagnostic ; on ne saurait rattacher la gêne pulmonaire due aux épaississements pleuraux, qui sont caractérisés par un syndrome " restrictif ", à une broncho pneumopathie post tabagique laquelle entraine un trouble ventilatoire obstructif ; - son exposition au risque amiante est incontestable et les épaississements pleuraux dont il est atteint sont en lien direct et certain avec cette exposition. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le ministre des armées, qui se réfère à l'avis du médecin émis le 11 juillet 2023, laisse le soin à la cour de préciser si M. B... peut bénéficier d'une pension pour l'infirmité " Insuffisance respiratoire mixte. Taux global de 40%. Taux non imputable : 30% lié à la bronchopneumopathie chronique post tabagique. Taux imputable : 10% restant était lié au syndrome restrictif en lien avec les épaississements pleuraux et l'atélectasie secondaire à l'exposition à l'amiante ". Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui est né le 13 août 1953, a effectué sa carrière militaire dans la marine nationale du 1er octobre 1972 à 1979 puis de 1981 au 1er mai 1992, date de radiation des contrôles. Il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30% à titre définitif qui lui a été concédée par un arrêté du 5 septembre 2016, pour l'infirmité " plaque pleurales bilatérales calcifiées ", maladie résultant d'une exposition professionnelle à l'amiante constatée le 5 avril 2006. Il a présenté, le 6 novembre 2017, une demande de pension d'invalidité pour infirmité nouvelle au titre d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande, demande réceptionnée par la direction des pensions le 15 novembre 2017. Par une décision du 26 février 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande aux motifs " que cette pathologie n'était qu'une conséquence de sa première maladie et qu'aucune aggravation de l'infirmité n'avait été constatée après expertise médicale réglementaire ". Sur la légalité de la décision du 26 février 2019 : 2. M. B... a, le 7 août 2019, contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Il relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande dirigée contre la décision ministérielle du 26 février 2019 et sollicite que l'infirmité diagnostiquée - épaississements pleuraux - soit déclarée comme une maladie nouvelle et reconnue imputable au service. 3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " . 4. M B... soutient, comme en première instance, que la maladie dont il souffre - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif - est une maladie nouvelle distincte des plaques pleurales et qui doit être reconnue imputable au service en application des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que M. B... est atteint de plaques pleurales bilatérales calcifiées au titre desquelles il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis le 11 juin 2007, au taux définitif de 30%. Il est également atteint d'une broncho pneumopathie obstructive post tabagique, ainsi que le rappelle d'ailleurs le requérant, infirmité évaluée à 10% et non imputable au service en l'absence de relation médicale certaine, directe et déterminante avec l'autre infirmité imputable, maladie qui a fait l'objet d'une décision de rejet de demande de pension militaire d'invalidité le 12 novembre 2013 et qui n'est pas contestée par l'intéressé. D'autre part, l'expert après avoir relevé, dans son rapport en date du 4 octobre 2018, que " le contrôle fonctionnel respiratoire [de M. B...] s'était dégradé " a conclu à une " majoration du syndrome interstitiel et des plaques pleurales entrainant une majoration de l'obstruction bronchique ". Par ailleurs, au vu de ces conclusions et de la demande présentée à son administration par M. B..., confirmée d'ailleurs dans la requête visée ci-dessus, le médecin, conseiller technique auprès du ministère, saisi par l'administration, a, dans son avis du 11 juillet 2023, retenant " une insuffisance respiratoire mixte ", confirmé la majoration de l'obstruction respiratoire et a alors proposé de reconnaître une infirmité nouvelle. Il a indiqué que " le taux global de cette infirmité pouvait être estimé à 40% ", étant alors précisé que " 30% se rattachait à la bronchopneumopathie chronique post tabagique et que les 10% restant était lié au syndrome restrictif en lien avec les épaississements pleuraux et l'atélectasie secondaire à l'exposition à l'amiante ". Sur la base de ces dernières constatations médicales, qui ne sont pas contestées par l'administration, il y a lieu de retenir une infirmité nouvelle " insuffisance respiratoire mixte ". Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant, par la décision contestée du 26 février 2019, de reconnaitre cette nouvelle infirmité et en rejetant sa demande, que l'administration a au demeurant à tort comprise comme une demande d'aggravation de son infirmité " plaque pleurales bilatérales calcifiées ", la ministre des armées a commis une illégalité. Sur le droit de M. B... à obtenir une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle : 6. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : (...) 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, l'infirmité nouvelle résultant de l'existence " d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande " a été évaluée à un taux de 10%, soit un pourcentage inférieur au taux minimum requis par l'article L. 121-5 du code précité pour ouvrir droit à pension militaire d'invalidité au titre d'une infirmité. 7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est, d'une part, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 26 février 2019, entachée d'illégalité, refusant de reconnaitre comme une infirmité nouvelle sa maladie résultant de l'existence " d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande ", et d'autre part, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le même jugement, sa demande de pension a été rejetée. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905896 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Rennes et la décision du ministre des armées du 26 février 2019 sont annulés. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande présentées par M. B... est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22NT01202 2
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 6ème chambre, 11/10/2023, 456136, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Vienne d'ordonner une expertise avant-dire droit et d'annuler la décision du ministre de la défense du 19 octobre 2016 rejetant sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a réformé ce jugement et ordonné une expertise. Par un arrêt n° 19BX04087 du 23 mars 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre le jugement du tribunal des pensions militaires de la Vienne. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 25 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et d'enjoindre à l'Etat de porter le taux de sa pension à 55 % à compter du 16 septembre 2013 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à son avocat, la SCP Delamarre, Jéhannin, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 10 juillet 1937, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % avec effet au 22 avril 1991 pour une asbestose en lien avec son exposition à l'amiante alors qu'il était affecté en Algérie en qualité de mécanicien d'escadrille militaire, entre le 11 février 1957 et le 19 novembre 1958. Par une décision du 19 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension, au motif qu'après expertise médicale, aucune aggravation n'avait été constatée. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'une expertise soit ordonnée. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a réformé ce jugement et ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 29 août 2019. Par un arrêt du 23 mars 2021 contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal des pensions militaires de la Vienne. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version alors applicable : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 29, alors en vigueur, du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 26, alors applicable, du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport rendu le 29 août 2019 par l'expert désigné par la cour régionale des pensions, ainsi que des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué, d'une part, que des scanners effectués en 2003 puis en 2013 ont mis en évidence une progression des épaississements pleuraux ainsi qu'une nette augmentation des plaques pleurales par rapport à ce qui avait été observé en 1991, d'autre part, que M. A..., qui a développé un syndrome d'anxiété lié à l'éventualité d'être atteint, à terme, d'un mésothéliome, présente une dyspnée de grade II ainsi qu'une toux et une expectoration chroniques auxquelles s'ajoute, comme principal symptôme fonctionnel de l'asbestose, une douleur thoracique invalidante en hémi ceinture dans l'hémichamp thoracique droit évoluant par poussées. Si l'expert a estimé pouvoir conclure à une majoration " d'environ 10 %, ce qui permet de fixer ce taux d'incapacité fonctionnelle à 55 % ", son constat portait sur l'aggravation des lésions pleurales et non sur l'aggravation de la gêne fonctionnelle en résultant. Dès lors, en se fondant sur l'absence d'aggravation des signes fonctionnels, qualifiés de minimes dans ce rapport d'expertise, pour juger que les éléments au dossier ne suffisaient pas à justifier une majoration d'au moins 10 % du taux de pension de 45 % qui avait été attribué à M. A... en 1991, la cour administrative d'appel, qui n'était pas liée par les conclusions du rapport d'expertise, n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 4. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 7 septembre 2023 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 11 octobre 2023. Le président : Signé : M. Cyril Roger-Lacan Le rapporteur : Signé : M. Cédric Fraisseix La secrétaire : Signé : Mme Angélique RajaonariveloECLI:FR:CECHS:2023:456136.20231011
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/09/2023, 21TL03733, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 février 2018 de la ministre des armées portant rejet de sa demande de pension militaire d'invalidité du 1er avril 2016 pour ses acouphènes et hypoacousie, et d'enjoindre à l'administration de lui accorder des taux d'invalidité de 10 et 25 %. Par un jugement n° 1905985 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 août 2021 sous le n° 21MA03733 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03733, et un mémoire enregistré le 8 juillet 2022, M. A... E..., représenté par Me Mesans-Conti, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 5 février 2018 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à l'administration de lui accorder une pension militaire d'invalidité aux taux de 25% et 10% pour chacune des infirmités, à compter du 1er avril 2016 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la preuve de l'imputabilité au service des infirmités dont il souffre est établie, dès lors que la perte auditive et les acouphènes bilatéraux résultant de l'affrontement du 8 mars 2003 ont été déclarés blessures de guerre par un certificat d'homologation du 19 octobre 2018 ; - la présomption d'imputabilité est applicable, les deux conditions énoncées à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre étant remplies ; - le tribunal n'a pas répondu à ce moyen soulevé dans ses écritures ; - le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction entrée en vigueur à compter du 15 juillet 2018 alors que la décision a été prise antérieurement ; - les deux infirmités dont il souffre atteignent un taux d'invalidité atteignant ou dépassant 10%, il est fondé à se voir attribuer une pension calculée conformément aux dispositions des articles L. 121-5 et suivants et R. 121-5 et suivants du code précité. Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mai 2022 et 11 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la décision a été prise dans le respect des dispositions des articles L. 2, L. 3, L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans ses dispositions applicables au litige. Par ordonnance du 12 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Mesans-Conti, représentant M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., né le 17 décembre 1975 au Chili, qui s'est engagé dans la Légion étrangère à compter du 1er juin 2001 et a été rayé des contrôles le 1er juin 2021, a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité le 1er avril 2016 au titre de trois infirmités concernant une hypoacousie bilatérale, des acouphènes bilatéraux permanents et des séquelles de traumatisme de la cheville gauche. Par décision du 5 février 2018 prise après expertise médicale, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par jugement du 12 mars 2019, le tribunal des pensions militaires de Montpellier a, avant-dire droit, ordonné une expertise judiciaire, avant de transmettre la demande de M. E... au tribunal administratif de Montpellier en application du décret du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité. L'expert désigné a déposé son rapport le 23 mars 2021. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2018 et à ce qu'il lui soit accordé une pension militaire d'invalidité aux taux de 10 et 25 % au titre des acouphènes et de l'hypoacousie bilatérale. M. E... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Il résulte des termes du jugement attaqué, qu'après avoir fait mention au point 3 du principe selon lequel lorsque la présomption légale d'imputabilité n'est pas applicable, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'une relation de causalité médicale certaine et directe entre l'origine ou l'aggravation de l'infirmité qu'il invoque et un ou des faits précis ou circonstances particulières de service, le tribunal administratif de Montpellier a statué, au point 4 du jugement contesté, sur le moyen tiré de la présomption d'imputabilité en l'écartant en raison de l'absence de preuve de la filiation médicale entre les infirmités et l'incident survenu le 8 mars 2003. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur ce point. Sur les droits à pension : 3. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de pension, la pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé et son entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. Aux termes de l'article L. 2 du même code : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". L'article L. 9 de ce code renvoie à un décret le soin de fixer " les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité ". Aux termes de l'article L. 26 de ce code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 4. En outre, l'article L. 3 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; (...) 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, (...) soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (...) ". 5. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre citées précédemment, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 6. M. E..., qui a servi dans la Légion étrangère jusqu'au 1er juin 2021, soutient avoir été exposé à un traumatisme sonore le 8 mars 2003, dans le cadre de l'opération " Licorne " en Côte d'Ivoire, au cours de laquelle sa section a été prise à partie par un groupe de rebelles. L'affrontement a donné lieu à un tir nourri d'armes automatiques auquel il a riposté, en sa qualité de tireur antichar très courte portée. Il expose qu'à l'issue des combats, il a souffert de sifflements aigus des oreilles et d'une baisse de l'audition. Selon les conclusions de l'expert médical qui a remis son rapport le 27 septembre 2017, M. E... est atteint d'une perte auditive dont le taux d'invalidité est évalué à 25% et d'acouphènes au taux de 10%. Pour dénier à M. E... un droit à pension au titre de ces infirmités, la ministre des armées a considéré, d'une part, que la preuve d'imputabilité n'était pas établie, en l'absence d'un état médical contemporain du fait de service et, d'autre part, que la présomption d'imputabilité ne pouvait s'appliquer dès lors que les infirmités n'ont pas été constatées pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice. Le requérant soutient que le docteur D... a établi un certificat médical de constatations le 8 mars 2003, posant un diagnostic de traumatisme sonore bilatéral, dont la mention a été portée sur son livret médical, et qu'un rapport circonstancié a ensuite été établi par le capitaine B... le 14 mars 2003. Il se prévaut en outre du rapport établi le 6 mai 2003 par le colonel C..., commandant le 2ème régiment étranger de parachutistes, sur la base du certificat médical de constatations du 8 mars 2003 et du rapport circonstancié du 14 mars 2003. Il résulte toutefois des conclusions de l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires de Montpellier, qui a remis son rapport le 23 mars 2021, qu'un lien de causalité formelle ne peut être établi entre les infirmités de M. E... et l'accident du 8 mars 2003. L'expert a en effet relevé plusieurs incohérences et anomalies dans le dossier médical de l'intéressé. Ainsi, alors que la consultation médicale du docteur D... en date du 8 mars 2003 ne figure pas dans le livret médical et n'est pas signée par ledit médecin, il a pu constater sur la photocopie qu'il existait un " copier photocopie " avec une superposition de documents différents. En outre, cette consultation n'a donné lieu à aucune exploration audiométrique et le même médecin a indiqué dans le livret médical de l'intéressé, le 13 mars 2003, à l'occasion de la fin de l'opération extérieure " Licorne ", que celui-ci n'avait bénéficié d'aucune consultation et n'avait pas de doléance, en apposant la mention " RAS ". Alors que M. E... a été déclaré apte à la plongée en 2004, sans baisse d'audition ni acouphènes un an après l'accident, aucune visite médicale figurant dans son livret médical jusqu'en 2015 ne fait référence aux traumatismes en cause. Il relève que l'intéressé, qui a intégré un peloton de parachutistes jusqu'en 2008 puis des régiments d'infanterie jusqu'à sa radiation des contrôles le 1er juin 2021, n'a bénéficié d'examens audiométriques qu'à trois reprises les 30 mai 2011 et 13 août 2012 alors qu'il était en mission à Kourou (Guyane), et le 28 juillet 2015, lesquels révèlent un déficit auditif. Ainsi, au regard de l'intervalle de huit ans qui s'est écoulé entre l'accident supposé responsable et la première consultation pour déficit auditif en 2011, des mentions figurant sur son livret médical et des anomalies figurant dans son dossier médical, l'imputabilité des infirmités avec l'accident survenu le 8 mars 2003 ne peut être tenue pour établie. M. E... ne peut utilement se prévaloir du certificat d'homologation de blessure de guerre en date du 16 octobre 2018 concernant les faits survenus le 8 mars 2003, en l'absence de constat médical des séquelles ayant résulté de cet accident, ainsi qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé. Dans ces conditions, alors que M. E... ne peut prétendre au bénéfice de la présomption d'imputabilité, il ne résulte pas de l'instruction que les infirmités dont il souffre concernant sa perte auditive et ses acouphènes soient imputables au service. 7. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 797 euros, à la charge définitive de l'Etat. 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Les frais et honoraires de l'expert désigné par le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier, taxés et liquidés à la somme de 797 euros, sont laissés à la charge définitive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL03733 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/09/2023, 21NT03609, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 29 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à ce qu'une pension militaire d'invalidité lui soit allouée en qualité de conjointe survivante à la suite du décès de son mari, M. A... C..., ancien militaire. Par un jugement n° 1905823 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021, Mme C..., représentée par le cabinet d'avocats Teissonnière et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 29 juin 2018 ; Elle soutient que : - la légalité de la décision contestée doit s'apprécier au regard des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018, lesquelles instituent une présomption d'imputabilité pour les pathologies correspondant au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; - les pièces médicales qu'elle produit attestent que son mari, qui est décédé d'un cancer broncho-pulmonaire, remplissait toutes les conditions requises pour bénéficier de cette présomption ; - à supposer que la présomption d'imputabilité ne puisse pas être reconnue, les éléments du dossier révèlent une probabilité suffisante que la pathologie dont son mari est décédé, est en rapport avec son activité professionnelle ; l'administration n'établit pas que d'autres facteurs en seraient la cause déterminante ; - en rejetant sa demande aux motifs que l'existence d'un lien direct et déterminant ne serait pas établi la ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit ; le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né en 1946, a exercé ses fonctions de mécanicien embarqué au sein de la marine nationale entre 1966 et 1986. A la suite d'un scanner effectué le 8 octobre 2008, qui a révélé la présence de plaques pleurales chez cet ancien marin, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée pour cette infirmité au taux de 30 %. L'intéressé est décédé le 17 août 2017. Son épouse a contesté devant le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, la décision du 29 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à ce qu'une pension militaire d'invalidité lui soit allouée en qualité de conjointe survivante. Elle relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 juin 2018 : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". L'article L. 121-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la demande présentée par Mme C..., dispose que : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires (...) Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". Aux termes de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le droit à pension est ouvert au conjoint (...) survivant (...) : (...) 3° Lorsque le décès du militaire résulte de maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit. ". Aux termes de l'article R. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité (...) est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". 3. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. C..., qui bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité depuis le 26 novembre 2008 pour l'infirmité " plaques pleurales calcifiées ", est décédé le 17 août 2017. Par un courrier reçu le 1er septembre 2017, Mme C... a sollicité une pension militaire d'invalidité en sa qualité de conjointe survivante. Par une décision du 29 juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Pour contester la légalité de cette décision, la requérante se prévaut des dispositions de la loi susvisée du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions, instituant une présomption d'imputabilité au service pour toutes les maladies désignées par les tableaux des maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale, et contractées dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions. En l'absence de précision contraire de ce texte, ces dispositions législatives n'ont toutefois pas vocation à s'appliquer avant l'entrée en vigueur de cette loi parue au Journal officiel de la République le 15 juillet 2018. Il s'ensuit que la présomption prévue à l'article L. 121-2 dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018 n'est pas applicable à la demande déposée le 1er septembre 2017 par Mme C.... 5. Lorsque le demandeur d'une pension ne peut bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il incombe à l'intéressé d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 6. Selon le tableau 30 bis des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale, constitue une maladie professionnelle un cancer broncho-pulmonaire apparu dans un délai de 40 ans chez un salarié ayant exercé pendant au moins dix ans des travaux d'entretien ou de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante. Il n'est pas contesté que, sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord, de même que les réacteurs et moteurs des avions de l'aéronavale et que ces matériaux d'amiante avaient tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. En outre, il est admis, sur le plan scientifique, que l'inhalation de poussières d'amiante, sur une durée longue, peut, à plus ou moins long terme, et parfois vingt à trente ans après l'exposition, être la cause de cancers bronchiques mortels. 7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a travaillé en qualité de mécanicien embarqué sur des bâtiments de la marine nationale de 1966 à 1986, soit pendant plus de 20 ans. Par ailleurs, alors que des plaques pleurales calcifiées avaient été diagnostiquées chez cet ancien marin, les examens qui ont été effectués lors de son hospitalisation au début du mois d'août 2017 ont permis de diagnostiquer un adénocarcinome métastasé. Dans son certificat du 23 août 2017, la pneumologue du centre hospitalier de Bretagne Sud évoque un diagnostic en faveur " d'une métastase d'un adénocarcinome peu différencié pouvant s'accorder avec une origine digestive haute, une différenciation pancréato biliaire ou encore pulmonaire malgré la négativité du TTF1". Elle souligne l'existence d'un nodule de 8 mm au niveau du lobe supérieur du poumon droit et ajoute que l'intéressé ne présentait pas d'antécédent notable autre que son exposition à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre de son activité professionnelle, ce que confirme la pneumologue qui suivait régulièrement M. C.... En défense, l'administration n'apporte aucun élément de nature à établir que d'autres facteurs seraient la cause déterminante de la pathologie dont l'intéressé est décédé. Dans ces conditions, et compte tenu de la durée d'exposition et des fonctions exercées, de surcroît en milieu confiné, par son mari décédé, Mme C... doit être regardée comme établissant un lien suffisant entre la pathologie à l'origine du décès de son mari et son activité professionnelle. En conséquence, la requérante est fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante, la ministre des armées a entaché sa décision d'illégalité. 8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur l'octroi d'une pension militaire d'invalidité à Mme C... : 9. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de renvoyer Mme C... devant le ministre des armées afin qu'il détermine le montant de la pension militaire d'invalidité à laquelle elle peut prétendre en qualité de conjointe survivante, sur la base d'un taux d'invalidité de 100 % correspondant selon le guide-barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre aux affections cancéreuses malignes " en évolution dont la caractéristique commune est de faire peser une menace certaine sur l'existence de l'individu ". DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905823 du tribunal administratif de Rennes en date du 26 octobre 2021, ainsi que la décision de la ministre des armées du 29 juin 2018 sont annulés. Article 2 : Mme C... est renvoyée devant le ministre des armées pour le calcul de la pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante à laquelle elle peut prétendre sur la base d'une infirmité de 100 %. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT03609
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/09/2023, 22MA00441, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de réformer la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité et de faire droit à cette demande pour aggravation en fixant le taux d'invalidité à tout le moins à 90 % au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire droit. Par un jugement n° 1910176 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 4 février 2022, M. A..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 1910176 du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille et, par voie de conséquence, d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 2°) en conséquence, de faire droit à sa demande de révision et de fixer le taux d'invalidité ; 3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance. Il soutient que : - l'administration rejette l'idée même d'une aggravation de l'infirmité d'hypoacousie d'origine sono-traumatique dont elle considère sur la foi de " connaissances médicales " qu'elle ne produit pas, qu'elle aurait un caractère stationnaire ; aussi, outre que la motivation de la décision de l'administration manque en fait, elle n'est étayée d'aucune précision quant aux connaissances médicales mentionnées, ni d'aucune pièce médicale ; - la motivation de cette décision contredit de surcroît manifestement les conclusions de l'expertise que l'administration avait ordonnée ; en effet, dans les conclusions d'expertise du 15 avril 2019, le docteur C... indique que l'audiométrie confirme l'aggravation de la surdité, l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale et l'aggravation des acouphènes ; - si le ministère des armées considère également que l'infirmité invoquée n'est pas imputable au service et que la baisse récente de l'hypoacousie résulte du vieillissement physiologique des oreilles qui entraîne une affection distincte de l'infirmité 4073, il ne rapporte nullement la preuve qu'elle ne serait pas imputable au service ; les expertises médicales constatant une aggravation de l'hypoacousie bilatérale, celle-ci ayant été reconnue comme imputable au service, il n'avait pas à être à nouveau réalisé la démonstration de son imputabilité au service, contrairement à ce qu'avance le tribunal administratif dans sa décision du 7 décembre 2021 ; ni le constat provisoire, ni le rapport d'expertise médicale ne démontrent en quoi l'aggravation de son infirmité auditive est due au vieillissement ; - si l'administration prétend ainsi que le tableau n° 42 des maladies professionnelles du régime de la sécurité sociale a " reconnu et acté " le " caractère stationnaire et régressif des hypoacousies sono-traumatiques ", de sorte qu'il ne serait pas possible que son état se soit aggravé mais qu'il serait a contrario susceptible de s'améliorer, cet argument est inopérant et manque de sérieux, dès lors que l'expert mandaté par l'administration elle-même fait état d'une aggravation de l'hypoacousie et à aucun moment d'une " presbyacousie liée aux facteurs de risques présents chez le requérant " ; ainsi deux expertises, l'une civile et l'autre mandatée par l'administration, corroborent une aggravation de sa surdité et non une " infirmité nouvelle ", et ces deux mêmes expertises estiment nécessaire la révision du taux d'invalidité accordé au titre de ses infirmités ; - concernant le tableau des maladies professionnelles, il est à noter que le décret encadrant le régime de ces troubles est en date du 10 avril 1963, qu'il n'a pas été modifié depuis le décret n° 2003-924 du 25 septembre 2003 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale, et ne s'applique pas aux pensions militaires d'invalidité ; dès lors, il semble que les " connaissances médicales généralement admises " dont se prévaut la ministre des armées sont cantonnées à ce qu'elles étaient en 2003 ; - il n'est fait mention à aucun moment dans les différentes expertises médicales ayant été pratiquées de " facteurs de risques ", encore moins en ce qu'elles aient pu entraîner l'apparition d'une infirmité nouvelle ; il s'agit ainsi d'un raisonnement par probabilité au regard de la personne du requérant en lieu et place d'examens médicaux circonstanciés retenant l'existence d'une hypoacousie s'aggravant du fait de l'accident traumatique. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête d'appel n'est pas motivée conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 6 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 23 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, M. A... a été invité à transmettre à la Cour l'ensemble des pièces mentionnées dans les bordereaux communiqués par son conseil en cause d'appel. En réponse à cette mesure d'instruction, des pièces ont été produites le 15 juin 2023 par M. A.... Un mémoire, enregistré le 21 juin 2023, présenté par le ministre des armées, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 30 janvier 1944, a été radié des contrôles le 15 septembre 1989 au grade de gendarme. Il a subi une blessure de guerre, survenue le 5 mai 1985 alors qu'il assurait la sécurité de l'ambassade de France à Beyrouth au Liban. A ce titre, il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée par une décision du 3 juillet 2015 suivant l'arrêté de pension du 22 juin 2015, au taux global de 90 %, soit 70 % au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale (...) ", 30 % + 5 au titre de l'infirmité " Acouphènes (...) ", et 25 % + 10 au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme complexe du coup de pied droit (...) ". Par une demande enregistrée le 20 décembre 2017, il a sollicité une révision de pension pour aggravation des infirmités " hypoacousie " et " acouphènes ". Par une décision du 2 septembre 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 3. D'une part, il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. D'autre part, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de l'intéressé pour évaluer ses droits à révision de pensions militaires d'invalidité. Enfin, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, pour rejeter la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A..., l'administration a relevé qu'aucune aggravation des infirmités pensionnées n'avait été constatée et que, s'agissant de la nouvelle baisse auditive médicalement objectivée, il s'agissait d'une infirmité distincte non imputable au service car postérieure et, par conséquent, étrangère à celui-ci, l'évolution récente de l'hypoacousie résultant du vieillissement physiologique des oreilles. Pour justifier cette position, elle s'est fondée tant sur l'avis émis le 3 juin 2019 par la commission consultative médicale que sur celui émis par la commission de réforme le 27 août 2019, selon lesquels l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale que présente l'intéressé, par rapport aux constatations ayant donné lieu à la fixation du taux d'invalidité de 70 % au titre de cette affection, est liée à la presbyacousie, c'est-à-dire une infirmité distincte, liée au vieillissement physiologique de l'appareil auditif. Alors que ces avis sont corroborés par l'analyse réalisée le 5 août 2020 par le médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale, certes plus de deux ans après la demande de révision mais dont les conclusions peuvent être prises en compte dès lors que, évoquant des facteurs de risque anciens présentés par M. A..., elles ne reposent pas sur des données postérieures à cette demande, l'appelant ne produit pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments médicaux de nature à contredire de telles conclusions. A cet égard, il ne résulte nullement des conclusions de l'expertise médicale diligentée par l'administration à la suite de la demande de révision de M. A..., et pas davantage du certificat médical établi le 4 décembre 2017 par le praticien assurant le suivi médical de l'intéressé, que l'aggravation médicalement objectivée de l'hypoacousie bilatérale serait imputable au service, et non au vieillissement à l'origine d'une nouvelle infirmité distincte de l'infirmité pensionnée. Par suite, le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une aggravation de ses infirmités en lien avec l'accident de service survenu le 5 mai 1985. 6. Enfin, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait se référer au tableau n° 42 des maladies professionnelles du régime général de la sécurité, M. A... se bornant à réitérer ce moyen en cause d'appel dans les mêmes termes qu'en première instance. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait droit à sa demande de révision doivent être rejetées, ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat des entiers dépens de l'instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 19 septembre 2023. N° 22MA00441 2
Cours administrative d'appel
Marseille