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CAA de NANTES, 6ème chambre, 20/06/2023, 21NT01972, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler le titre de perception du 21 novembre 2018 émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne pour le compte de l'académie de Rennes afin de recouvrer un indu de rémunération de 36 464,43 euros ainsi que la décision implicite ayant rejeté sa réclamation préalable, ensuite, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 36 464,43 euros, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1904790 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, annulé le titre de perception émis le 21 juin 2018 ainsi que la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a rejeté la réclamation préalable de Mme A..., en deuxième lieu, accordé à Mme A... la décharge de l'obligation de payer la somme de 36 464,43 euros mise à sa charge par le titre de perception, et, enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet 2021 et 27 juin 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 19 mai 2021 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif ; Il soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ; si le demi-traitement versé à un agent, qui a épuisé ses droits à congé maladie ordinaire ou de longue maladie, dans l'attente de la décision du comité médical, ne présente pas un caractère provisoire et reste acquis à l'agent alors même que celui-ci a, par la suite, été placé rétroactivement dans une position statutaire n'ouvrant pas par elle-même droit au versement d'un demi-traitement, ce principe ne trouve pas toutefois à s'appliquer dans l'hypothèse de l'admission rétroactive de l'agent à la retraite qui ne peut cumuler sur une même période le versement de son traitement et la mise en paiement de la pension de retraite qui lui est servie rétroactivement ; - à titre subsidiaire, le tribunal a commis une erreur de droit en déchargeant Mme A... de la totalité de l'obligation de payer la somme de 36 464,43 euros mise à sa charge par le titre de perception du 21 novembre 2018. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Collet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens présentés par le ministre ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code des relations entre le public et l'administration ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; Vu le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, - et les observations de Me Leduc, substituant Me Collet, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., qui était professeure certifiée d'espagnol, affectée en dernier lieu au lycée polyvalent C... à ..., a été placée en congé de longue maladie à compter du 19 avril 2013. Le 16 novembre 2015, elle a sollicité son admission à la retraite pour invalidité. Ses droits au congé de longue maladie parvenant à épuisement le 19 avril 2016, elle a alors été placée, à compter de cette date, en disponibilité dans l'attente de l'avis des instances médicales et son droit à la perception d'un demi-traitement a été maintenu. Le 27 août 2018, Mme A... a été admise à la retraite pour invalidité avec effet au 19 avril 2016. Par un courrier du 25 septembre 2018, le recteur de l'académie de Rennes a informé l'intéressée qu'elle allait être destinataire d'un titre de perception lui réclamant le remboursement des sommes perçues, à titre de demi-traitement, durant la période allant du 19 avril 2016 au 31 août 2018. Ce titre de perception, d'un montant de 36 464,43 euros, a été émis le 21 novembre 2018. Mme A... l'a contesté par une réclamation du 22 janvier 2019, dont le directeur régional des finances publiques de Bretagne a accusé réception le 24 janvier 2019 et qui a été transmise au rectorat de Rennes. 2. Constatant, au terme du délai de six mois, accordé à l'ordonnateur, par le troisième aliéna de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, pour statuer sur une telle réclamation, que sa contestation avait été implicitement rejetée, Mme A... a alors, le 24 septembre 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de ce titre de perception et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 36 464,43 euros. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel du jugement par lequel cette juridiction a fait droit aux demandes de Mme A.... Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Pour annuler le titre de perception émis le 21 novembre 2018 et prononcer la décharge totale de la somme mise sur ce fondement à la charge de Mme A..., le tribunal a estimé, après avoir rappelé les dispositions de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, que le fait de lui avoir accordé, dans l'attente de la décision des instances médicales, un demi-traitement du 19 avril 2016 au mois d'août 2018 - lequel restait acquis à l'agent - était une décision créatrice de droit qui ne pouvait pas être retirée au-delà du délai de quatre mois, prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration. 4. Aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction résultant du décret du 5 octobre 2011 relatif à l'extension du bénéfice du maintien du demi-traitement à l'expiration des droits statutaires à congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée des agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ". 5. Aux termes de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi (...) soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ". 6. Il résulte des dispositions citées aux points 4 et 5, que, lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire ou de longue maladie, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical. Par ailleurs, la circonstance que la décision prononçant la reprise d'activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l'admission à la retraite emporte effet rétroactif à la date de fin des congés de maladie n'a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par ces dispositions. Ainsi le demi traitement versé au titre de ces dispositions, qui ne présente pas un caractère provisoire, reste acquis à l'agent alors même que celui-ci a, par la suite, été admis rétroactivement à la retraite. 7. Il résulte de ce qui vient d'être dit, d'une part, que Mme A... avait droit au maintien de son demi-traitement qui lui restait acquis après son admission rétroactive à la retraite. Le ministre de l'éducation nationale, ordonnateur de ce demi-traitement entre le 19 avril 2016 et le 31 août 2018, ne pouvait, en conséquence, légalement répéter, par le titre exécutoire litigieux, cette somme qui ne constituait pas un indu de rémunération. 8. D'autre part, si Mme A... ne tenait d'aucune disposition statutaire ou du code des pensions civiles et militaires de retraites - sa situation ne relevant pas des cas dérogatoires de cumul légal prévus par les articles L.84 et L.86 du code des pensions civiles de retraites- le droit de cumuler les sommes versées au titre de son demi-traitement et sa pension de retraite perçue rétroactivement pour la même période, il n'appartenait pas cependant au ministre de l'éducation nationale, ordonnateur de la rémunération, de procéder à la répétition d'un éventuel trop perçu de pension civile. 9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal estimant le titre de perception du 21 novembre 2018 entaché d'illégalité, a prononcé la décharge totale de l'obligation de payer la somme de 36 464,43 euros mise à la charge de Mme A.... Sur les frais liés au litige : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête du Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est rejetée. Article 2 : l'Etat versera à Mme A... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 2 juin 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 N° 21NT01972 2 1
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 20/06/2023, 21NT01849, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité, puis au tribunal administratif de Rennes devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 30 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905810 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juillet 2021 et 14 juin 2022, M. B..., représenté par Me Uzan-Kauffmann, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 mai 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 30 juillet 2018 ; 3°) de fixer à 30 % le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'épaule droite. Amyotrophie significative du moignon de l'épaule. Limitation importante des mouvements. Périarthrite scapulohumérale " ; 4°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale afin de déterminer son taux d'invalidité ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que l'infirmité en litige est une périarthrite scapulo-huméral limitant ses mouvements de l'épaule et non une limitation des mouvements du bras en lien avec une cicatrice de l'aisselle ; la comparaison des expertises des 25 janvier 2018 et 22 mars 2010 permet de constater une aggravation de cette infirmité ; le taux de 25 % est insuffisant compte tenu de l'atrophie significative dont il souffre. Par des mémoires, enregistrés les 16 mai et 29 juin 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pension militaire d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., caporal-chef dans l'armée de terre à la retraite, perçoit une pension militaire d'invalidité au taux de 25 % pour les séquelles qu'il conserve de blessures à la jambe et à la cheville droite ainsi qu'une seconde pension au taux de 40 % au titre d'un stress post-traumatique. L'intéressé bénéficie d'une troisième pension militaire d'invalidité pour un traumatisme au niveau de l'épaule droite survenu le 23 octobre 1978 alors qu'il était en mission au Liban. Le taux d'invalidité de cette dernière infirmité, initialement fixé à 10 %, a été porté à " 20 % + 5 " au 23 février 2010. Le 22 juin 2017, M. B... a sollicité la révision pour aggravation de la pension militaire d'invalidité accordée au titre de cette dernière infirmité. Par une décision du 30 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. L'intéressé relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à l'octroi d'une pension pour cette infirmité au taux de 30 %. Sur le taux d'invalidité de l'infirmité en litige : 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pension militaire d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que l'infirmité pour laquelle M. B... était pensionné au taux 10 % au 1er janvier 2003 correspondait à une légère amyotrophie du moignon de l'épaule droite, à une limitation des mouvements en abduction à 80°, en élévation antérieure du bras à 90 ° et en rétropulsion. A compter du 23 février 2010, un taux de 20 % + 5 lui a été accordé pour une légère amyotrophie du moignon de l'épaule avec limitation des mouvements et une périarthrite scapulo-humérale. Le requérant se prévaut cependant des constatations de l'expert qui l'a examiné le 25 janvier 2018, pour solliciter une majoration à hauteur de 30 % du taux qui lui a été accordé. Si l'expert a constaté une aggravation de la limitation de ses mouvements en élévation antérieure et en abduction et a proposé de retenir une aggravation de l'affection dont souffre M. B..., il ressort des pièces du dossier que cet expert a également constaté une amélioration de la rotation externe du coude au corps chez cet ancien militaire, qui passe de 15° à 40°. Sur la base de ces constatations, la commission de réforme a, lors de sa séance du 26 juillet 2018, écarté toute aggravation de l'infirmité de M. B... en précisant qu'à cette date il ne présentait aucune aggravation fonctionnelle. Aucun justificatif médical ne permet d'infirmer cette analyse. En outre, selon le guide-barème des pensions militaires d'invalidité une périarthrite chronique douloureuse justifie un taux entre 5 et 25 % en cas de limitation des mouvements et un taux de 35 % en cas d'abolition des mouvements et d'atrophie marquée. Or, M. B... admet qu'il ne présente pas d'abolition totale de ses mouvements, qui seule justifierait de porter son taux d'invalidité à 35 %. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, en rejetant la demande de révision pour aggravation de l'infirmité concernant l'épaule droite de l'intéressé, la ministre des armées n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pension militaire d'invalidité et des victimes de guerre. 4. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 2 juin 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01849
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 2ème chambre, 20/06/2023, 468163, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 5 novembre 2020 par lesquelles la ministre des armées a rejeté ses demandes de pensions de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme au titre, respectivement, de la pension militaire de retraite et de la pension militaires d'invalidité dont bénéficiait son père. Par un jugement n° 2100038 du 13 septembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes. Par un mémoire, enregistré le 9 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de Me Carbonier, son avocat, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des pensions civiles et militaire de retraire ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes, - les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de Mme A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 5 novembre 2020, la ministre des armées a rejeté les demandes de pensions de réversion présentées par Mme B... A... en tant qu'orpheline majeure infirme au titre, respectivement, de la pension militaire de retraite et de la pensions militaire d'invalidité dont bénéficiait son père. Mme A... défère au Conseil d'Etat le jugement du 13 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions. 2. En premier lieu, il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges en matière de pension de retraite des agents publics. Les contestations relatives aux pensions militaires d'invalidité ne sont pas au nombre de ces litiges. 3. Il en résulte que le jugement attaqué n'a pas été rendu en premier et dernier ressort en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire d'invalidité dont bénéficiait son père. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer à la cour administrative d'appel de Nantes le jugement des conclusions de Mme A... qui, dans cette mesure, présentent le caractère d'un appel. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 5. Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant que celui-ci a statué sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire de retraite dont bénéficiait son père, Mme A... soutient que : - le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où il n'est pas signé et où elle n'a pas pu prendre connaissance des pièces visées versées au dossier ; - le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique en ce qu'il a estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions pour avoir droit à une pension de réversion de retraite. 6. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement des conclusions de la requête de Mme A... dirigées contre le jugement en tant qu'il a rejeté son recours contre la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire d'invalidité dont bénéficiait son père, est attribué à la cour administrative d'appel de Nantes. Article 2 : Les conclusions de Mme A... dirigées contre le jugement en tant qu'il a rejeté son recours contre la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire de retraite dont bénéficiait son père, ne sont pas admises. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A.... Copie en sera adressée au ministère des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 25 mai 2023 où siégeaient : M. Jean-Yves Ollier, assesseur, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 20 juin 2023. Le président : Signé : M. Jean-Yves Ollier Le rapporteur : Signé : M. Julien Eche La secrétaire : Signé : Mme Annie Di VitaECLI:FR:CECHS:2023:468163.20230620
Conseil d'Etat
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 08/06/2023, 20VE03079, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le recteur de l'académie de Versailles l'a admise à la retraite pour invalidité à compter du 6 septembre 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 24 juin 2018 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert chargé d'évaluer son aptitude à une reprise de fonction ou d'un reclassement, d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de la réintégrer dans ses fonctions ou de la reclasser dans un autre emploi dans lequel les conditions de service sont de nature à lui permettre d'exercer ses fonctions, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1810684 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 13 février 2018 portant admission à la retraite d'office de Mme B... en tant qu'elle prend effet à compter du 6 septembre 2017 et non du 18 avril 2018, enjoint au recteur de l'académie de Versailles de procéder à la régularisation de sa situation pour la période comprise entre le 6 septembre 2017 et le 17 avril 2018 et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et des pièces, enregistrées le 27 novembre 2020, le 3 août 2022, le 25 août 2022 et le 20 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Azoulay, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Versailles du 13 février 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer si elle est en capacité de reprendre ses fonctions ; 3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de l'autoriser à reprendre ses fonctions ou de la reclasser dans un autre emploi dans lequel les conditions de service sont de nature à lui permettre d'assurer les fonctions correspondantes, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'irrégularité de la composition du comité médical ; - l'arrêté du 13 février 2018 a été pris par une autorité incompétente ; - il est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'avis conforme rendu par le service des retraites de l'Etat préalablement à son admission à la retraite ; - l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'avis rendu par la commission de réforme ; à supposer que cet avis ait été prononcé, il a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour l'exposante d'avoir été régulièrement convoquée, d'avoir été invitée à prendre connaissance de son dossier et d'avoir été informée en temps utile de la date à laquelle la commission de réforme devait l'examiner ; la commission de réforme n'a pas été saisie de tous les avis, témoignages et rapports propres à éclairer son avis, notamment pas des avis médicaux rendus le 23 novembre 2017 par un psychiatre ; - l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence de recueil de l'avis du médecin de prévention préalablement à son édiction afin de vérifier que son reclassement n'était pas envisageable et qu'elle était définitivement inapte à toutes fonctions ; - l'avis du comité médical supérieur a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne s'est fondé que sur les pièces du dossier médical dont disposait le comité médical départemental ; il aurait dû se fonder sur l'ensemble des pièces dont il disposait le jour où il a rendu son avis ; la procédure suivie devant ce comité médical supérieur est entachée d'un autre vice tiré de l'absence d'audition de l'exposante et de l'absence d'information de la tenue de sa séance le 12 décembre 2017 ; enfin, il appartient au rectorat d'établir que la composition de ce comité médical supérieur était régulière ; - les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des droits de la défense dès lors que l'arrêté du 13 février 2018 n'a pas été précédé de la saisine du comité médical départemental, qu'elle n'a pas pu présenter d'observations orales avant son édiction et qu'elle n'a pas été informée de la date de la séance du comité médical supérieur ; - le tribunal administratif ne pouvait procéder à la substitution de base légale sollicitée par le rectorat dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations devant le service des retraites de l'Etat et la commission de réforme et, d'autre part, que le rectorat n'aurait pas pu prendre la même décision sur la base de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires, la mise à la retraite d'office sur le fondement de ces dernières dispositions impliquant que l'agent se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; - les décisions contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elles se fondent sur le seul avis de la commission de réforme du 21 avril 2017 alors que de nombreux avis médicaux postérieurs établissent qu'elle était apte à reprendre son travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, la rectrice de l'académie de Versailles conclut au rejet de la requête. Elle s'en remet à ses écritures de première instance. Par un courrier du 13 avril 2023, le magistrat rapporteur a invité, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le rectorat de l'académie de Versailles à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 84-6 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Janicot, - les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique, - et les observations de Me Caron, substituant Me Azoulay, pour Mme B... et celles de Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Après avoir recueilli l'avis du comité médical départemental le 16 mars 2017 et l'avis de la commission de réforme le 20 avril 2017, favorables à l'admission à la retraite de Mme B..., professeur des écoles née en 1984, pour inaptitude totale et définitive à toutes fonctions, la rectrice de l'académie de Versailles a admis, par un arrêté du 13 février 2018, Mme B... à la retraite pour invalidité à compter du 6 septembre 2017. Par un courrier du 23 avril 2018, Mme B... a formé auprès du directeur académique des services de l'éducation nationale du Val-d'Oise un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 13 février 2018 seulement en tant qu'il prend effet avant le 18 avril 2018, date de sa notification, a enjoint au recteur de l'académie de Versailles de procéder à la régularisation de la situation de Mme B... pour la période comprise entre le 6 septembre 2017 et le 17 avril 2018, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme B... interjette appel à l'encontre de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Sur l'existence d'un désistement d'office en première instance : 2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". 3. La rectrice de l'académie de Versailles a fait valoir que, par une ordonnance n° 1913500 du 28 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de Mme B... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en litige, au motif qu'aucun moyen n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que la requérante a produit, le 18 décembre 2019, un mémoire, tendant à ce que sa requête soit mise au rôle, confirmant ainsi le maintien de cette requête. Il suit de là que la rectrice de l'académie de Versailles n'est pas fondée à demander qu'il soit donné acte du désistement de Mme B... en application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative. Sur la légalité des décisions attaquées : 4. Aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances. ". 5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme. La légalité de la décision qu'il appartient à l'autorité administrative de prendre en vue du placement d'office d'un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu'elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s'apprécie au regard de l'ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n'auraient pas été communiqués à l'autorité administrative préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu'ils éclairent cette situation. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire. 6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été mise d'office à la retraite pour invalidité par l'arrêté attaqué du 13 février 2018 sur le fondement du seul rapport médical établi par le docteur F... le 9 février 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de plusieurs documents médicaux, rédigés de manière circonstanciée, établis pour les uns avant la décision attaquée et pour les autres après cette décision mais comportant des éléments éclairant la situation de Mme B... au jour de cette décision, que la décision de mise en retraite pour invalidité de l'intéressée n'était plus justifiée le 13 février 2018 et que Mme B... était apte à reprendre une activité professionnelle. En particulier, il ressort de la contre-expertise établie par le docteur C... le 17 octobre 2017 que " la mise en invalidité n'est plus justifiée à ce jour, alors qu'elle a pu paraître la seule solution envisageable en février 2017 " et que " la reprise de travail à temps complet dans un poste administratif est justifiée ". Par ailleurs, le docteur G..., psychiatre praticien hospitalier à l'hôpital de Pontoise, a indiqué dans un certificat médical établi le 8 janvier 2018, que " la reprise d'une activité professionnelle pourrait lui être bénéfique ". De même, le docteur A..., psychiatre qui a suivi Mme B... lors de son hospitalisation au cours des mois de janvier à juin 2017, indique, dans un certificat médical établi le 23 novembre 2017, que " son état de santé permet aujourd'hui d'envisager un reclassement professionnel ". En outre, le docteur H..., médecin généraliste, a mentionné dans un certificat du 5 décembre 2017 que son état de santé " apparaît à ce jour compatible avec une reprise professionnelle ". Enfin, plusieurs documents médicaux établis postérieurement à la date de la décision contestée confirment que Mme B... était apte à cette date à reprendre une activité professionnelle. Par suite, au vu de l'ensemble de ces pièces médicales qui concluent de manière concordante à son aptitude à reprendre une activité professionnelle, Mme B... est fondée à soutenir que le recteur de l'académie de Versailles a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en la plaçant d'office en retraite pour invalidité par son arrêté du 13 février 2018 et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 6 ci-dessus, il y a lieu d'enjoindre à l'Etat de réintégrer juridiquement Mme B... à compter du 18 avril 2018, de réexaminer son aptitude à exercer des fonctions d'enseignante et, le cas échéant, de la reclasser dans un autre emploi dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 8. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de la requérante tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1810684 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B.... Article 2 : L'arrêté du 13 février 2018 plaçant d'office Mme B... en retraite pour invalidité, ensemble le rejet de son recours gracieux, sont annulés en totalité. Article 3 : Il est enjoint à l'Etat de réintégrer Mme B... à compter du 18 avril 2018, de réexaminer son aptitude à exercer les fonctions d'enseignante et, le cas échéant, de la reclasser dans un autre emploi, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à la rectrice de l'académie de Versailles et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Janicot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023. La rapporteure, M. Janicot La présidente, C. Signerin-Icre La greffière, M. E... La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 20VE03079 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 01/06/2023, 21BX02303, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 26 avril 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saintonge a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident du 13 juin 2018 et d'enjoindre au centre hospitalier de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 juin 2018, ainsi que de procéder à la reconstitution de sa carrière et au versement des rappels indemnitaires dus, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1901545 du 30 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Sutre, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Saintonge du 26 avril 2019 ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Saintonge de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 juin 2018 et de procéder à la reconstitution de sa carrière et au versement des rappels indemnitaires dus ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saintonge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a déposé sa déclaration d'accident du travail dans le délai de quinze jours prévu à l'article 47-3 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la mention ou non d'un tiers responsable sur l'arrêt de travail est sans incidence sur l'imputabilité au service de l'accident, et au demeurant, le certificat médical du 19 décembre 2018 précise qu'elle présentait un état de sidération morale ; - la déclaration d'accident du travail fait référence à un choc psychologique subi pendant et à l'issue d'un entretien professionnel, un médecin a constaté que son état nécessitait un arrêt de travail, l'expert désigné par l'administration a conclu à une relation directe et exclusive de sa pathologie avec les faits en cause, et la commission départementale de réforme, qui a en outre tenu compte d'un rapport du médecin de prévention du 29 octobre 2018, a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service ; - contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le choc qu'elle a subi n'était pas en lien avec la baisse de notation, notifiée postérieurement à l'entretien et par écrit, mais avec les propos tenus par le cadre de santé ; alors qu'il appartenait à l'administration d'apporter la preuve de circonstances particulières permettant de faire échec à la présomption d'imputabilité de l'accident survenu dans le temps et sur le lieu du service, le tribunal a " inversé la charge de la preuve " en jugeant qu'il ne ressortait d'aucun élément que les propos tenus par le cadre de santé auraient été caractérisés par leur violence ou leur agressivité, ou qu'ils auraient revêtu un caractère insultant ou humiliant ; - les conditions d'agressivité dans lesquelles l'entretien a eu lieu montrent une volonté délibérée de la placer dans une position lui interdisant tout commentaire et toute défense ; elle a été verbalement agressée, aucune des observations défavorables ne lui avait été antérieurement opposée, et les griefs étaient préparés avant l'entretien, lequel a été mené à charge ; des reproches infondés lui ont été faits pour lui indiquer qu'un autre poste devrait être envisagé ; son état de choc à l'issue de l'entretien est attesté par plusieurs témoignages, et elle n'a pas été seule à faire l'objet d'un tel traitement inacceptable par le même cadre de santé ; une psychologue du centre hospitalier atteste que le cadre de santé pratique un management par la peur et l'insécurité ; ainsi, il doit être fait droit à l'ensemble de ses demandes. Par des mémoires en défense enregistrés le 22 décembre 2021 et le 14 octobre 2022, le centre hospitalier de Saintonge, représenté par la société SHBK Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête d'appel est insuffisamment motivée ; - dès lors que l'intitulé des pièces ne correspond pas aux pièces versées, celles-ci doivent être écartées des débats ; - les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Bousquet, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., infirmière titulaire affectée au centre médico-psychologique (CMP) de Saintes relevant du centre hospitalier de Saintonge, placée en arrêt de travail à compter du 14 juin 2018, a déposé une déclaration d'accident du travail pour un syndrome anxio-dépressif consécutif à des violences psychologiques subies le 13 juin 2018 lors de son entretien annuel d'évaluation. Par une décision du 26 avril 2019, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître un accident imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 14 juin 2018. Mme B... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...)." 3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement, quelle que soit sa nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 4. Il ressort des pièces du dossier que la fermeture de lits d'hospitalisation en psychiatrie a conduit le centre hospitalier de Saintonge à développer les soins ambulatoires, notamment par un renforcement du personnel et une réorganisation du travail dans les CMP, afin d'améliorer l'accueil du public en proposant rapidement un premier rendez-vous. La nouvelle organisation du travail au CMP de Saintes comportait la mise en place systématique, à partir de juillet 2017, d'un entretien d'accueil infirmier, dit entretien de première intention, pour toute nouvelle personne demandant à consulter, destiné à évaluer la demande et la nature de la réponse devant être apportée. La répartition des entretiens entre les infirmiers était assurée au moyen d'un agenda informatique partagé sur lequel chacun devait proposer des plages horaires, permettant ainsi à l'agent chargé de l'accueil téléphonique d'attribuer les rendez-vous. Le 9 février 2018, le cadre de santé dont relevait Mme B... lui a demandé pourquoi elle n'avait pas renseigné l'agenda partagé depuis quatre semaines, et elle lui a répondu qu'il lui fallait du temps pour s'adapter au changement et qu'elle trouvait l'outil informatique compliqué, tout en refusant l'aide proposée par son supérieur hiérarchique. Ce dernier l'a avertie que si elle n'utilisait pas cet outil et ne réalisait pas d'entretiens de première intention, elle devrait revoir son projet professionnel et quitter le CMP, et lui a en outre demandé d'organiser plus efficacement son temps de travail en commençant ses entretiens à 9 heures 30, afin de recevoir au moins deux patients le matin et autant l'après-midi. Le 10 avril 2018, alors que deux de ses collègues étaient absentes pour maladie, Mme B... s'étant plainte d'un doublement de sa charge de travail l'ayant conduite à recevoir quatre patients dans la journée, le cadre de santé lui a fait observer qu'il s'agissait du minimum réalisé par ses collègues, et qu'il souhaitait s'entretenir avec elle à ce sujet. 5. L'entretien professionnel a été réalisé le 13 avril 2018 dans le contexte exposé au point précédent, alors que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B... avait été avertie à deux reprises de ce que son implication dans son travail n'apparaissait pas satisfaisante. Il ressort du compte-rendu de cet entretien, produit en première instance, qu'il a été reproché à Mme B... de ne pas avoir renseigné les agendas partagés, d'avoir réalisé trop peu d'entretiens infirmiers de première intention (11 en 11 mois), et de ne pas avoir tenu compte des remarques concernant une organisation plus optimale de ses missions. L'évaluateur a conclu en lui conseillant de changer de service, dès lors qu'elle ne parvenait pas à s'adapter au changement d'organisation au CMP et que son expérience lui permettrait d'encadrer de nouveaux professionnels dans les unités intra-hospitalières. Si l'entretien a été conduit, comme il est d'usage, sur la base d'un document préparé par l'évaluateur, il ne peut en être déduit que Mme B... aurait été placée " dans une position lui interdisant tout commentaire et toute défense ", alors qu'elle a quitté l'entretien de sa propre initiative sans signer le compte-rendu, et sans porter d'observations dans l'espace réservé à cet effet. Ce bilan, tel que présenté par l'évaluateur, n'est pas contredit par les pièces produites en première instance par Mme B..., lesquelles se bornent à rapporter qu'elle a été très affectée par l'entretien et à énoncer, en ce qui concerne le comportement de l'évaluateur, des généralités caractérisant davantage une incompréhension du rôle de l'encadrement de la part des auteurs des attestations qu'une attitude inappropriée du cadre de santé. Les reproches figurant dans le compte-rendu d'entretien n'apparaissent pas infondés, et la circonstance que Mme B... les a ressentis comme une agression n'est pas de nature à caractériser un comportement ou des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lesquels ne ressortent pas des pièces du dossier. Par suite, et alors même que la commission de réforme a émis un avis favorable, cet entretien ne peut être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. 7. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Saintonge à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Saintonge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse B... et au centre hospitalier de Saintonge. Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02303
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/06/2023, 22MA00816, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les décisions des 13 décembre 2018, 6 et 25 mars 2019 par lesquelles le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a respectivement fait droit à sa demande d'allocation en fixant son montant 28 046 euros, fait partiellement droit à son recours gracieux contre cette décision en lui accordant une somme supplémentaire de 9 348 euros et rejeté le recours gracieux contre cette seconde décision, et d'autre part, à titre principal, d'enjoindre au directeur de l'établissement de réviser son allocation en la fixant à 93 485 euros et subsidiairement, de lui enjoindre de procéder à une nouvelle instruction de son dossier. Par un jugement n° 1904898 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions, a enjoint au directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique de réexaminer la situation de M. A... et de procéder à la liquidation de la somme de 93 485 euros dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, et a mis à la charge de l'établissement public la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédures devant la Cour : I - Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mars, 19 mai et 20 juillet 2022, sous le n° 22MA00816, l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, représenté par Me Abecassis, demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2022 et de rejeter la demande de M. A... ; 2°) subsidiairement, de réformer ce jugement en tant qu'il a fixé le montant correspondant au solde d'allocation principale pour invalidité restant dû et de le fixer à la somme de 56 091 euros ; 3°) de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance. L'établissement public soutient que : - son appel est recevable, dès lors qu'il présente des moyens qui critiquent le jugement attaqué et qui ne sont pas la simple reproduction des écritures en défense de première instance ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'interprétation des dispositions de l'article D. 4123-8 du code de la défense, dès lors que la base de leur raisonnement, tenant à l'allocation complémentaire, est erronée faute de tenir compte du paramètre des enfants à charge dont elle dépend pourtant, que ce texte clair et dépourvu " de maladresses rédactionnelles ", ne laisse aucune marge d'interprétation à l'administration qui en a fait une stricte application, le principe de légalité prévalant sur le principe d'égalité de traitement et que ce dernier principe n'est pas méconnu en cas de différences de situations, ici liées à des différences de taux d'invalidité - l'erreur de fait invoquée pour la première fois en cause d'appel, quant au taux d'invalidité retenu pour le calcul de son allocation, n'est pas établie, puisque ce taux a été fixé par le ministre des armées à 35 %, de sorte que sa demande de révision en ce sens de son allocation est irrecevable ; - en ne réclamant dans ses dernières écritures que la somme de 56 091 euros, l'intimé reconnaît l'erreur commise par le tribunal en omettant de déduire la somme déjà versée à son bénéfice. Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril 2022 et 7 juin 2022, M. A... , représenté par Me Picard, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique à lui verser la somme de 56 091 euros, pour tenir compte de celle qu'il a déjà reçue d'un montant de 37 394 euros, et à ce que soient mis à la charge de l'établissement les entiers dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les moyens d'appel ne sont pas fondés ; - les décisions en litige sont entachées d'une erreur de fait quant au taux d'invalidité qui n'est pas de 35 % mais de 40 %. Par une ordonnance du 21 juillet 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022, à 12 heures. II - Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 mars, 19 mai et 20 juillet 2022, sous le n° 22MA00859, l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, représenté par Me Abecassis, demande à la Cour, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille. L'établissement public soutient que : - sa requête d'appel est recevable ; - les moyens développés dans sa requête d'appel sont sérieux ; - l'erreur de fait invoquée pour la première fois en cause d'appel, quant au taux d'invalidité retenu pour le calcul de son allocation, n'est pas établie, puisque ce taux a été fixé par le ministre des armées à 35 %, de sorte que sa demande de révision en ce sens de son allocation est irrecevable ; - en ne réclamant dans ses dernières écritures que la somme de 56 091 euros, l'intimé reconnaît l'erreur commise par le tribunal en omettant de déduire la somme déjà versée à son bénéfice ; - il existe un risque de non-recouvrement des fonds versés en exécution du jugement attaqué. Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 avril et 7 juin 2022, M. A..., représenté par Me Picard, conclut au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à ce que soit mise à la charge de l'établissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par l'établissement public ne sont pas de nature à justifier le sursis à exécution du jugement attaqué et que celui-ci lui a déjà versé la somme de 37 394 euros. Par une ordonnance du 21 juillet 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022, à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 2007-888 du 15 mai 2007 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Abecassis, représentant l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., caporal-chef de la légion étrangère, titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 35 % à titre temporaire du 27 décembre 2016 au 26 décembre 2019, et radié des contrôles pour réforme définitive, par arrêté du 19 mai 2017, à compter du 21 septembre 2017, a présenté une demande tendant au bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire, sur le fondement de l'article R. 4123-8 du code de la défense. Par une décision du 13 décembre 2018, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a fait droit à sa demande en lui allouant la somme de 28 046 euros, à laquelle il a accepté d'ajouter, par décision du 6 mars 2019, après recours gracieux de l'intéressé, la somme de 9 348 euros. Par une décision du 25 mars 2019, le directeur de l'établissement public a en revanche rejeté le nouveau recours gracieux de M. A... tendant à ce que la somme qu'il estime lui être due au titre de cette allocation soit fixée à 93 485 euros. Par un jugement du 3 janvier 2022, dont l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique relève appel par sa requête n° 22MA00816 et dont il demande le sursis à exécution par sa requête n° 22MA00859, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 13 décembre 2018, 6 mars et 25 mars 2019, a enjoint au directeur de l'établissement de réexaminer la situation de M. A... et de procéder à la liquidation de la somme de 93 485 euros dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, et a mis à la charge de l'établissement public la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative 2. Les requêtes n° 22MA00816 et 22MA00859 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. ". L'article D. 4123-8 du même code dispose que : " Lorsque l'infirmité imputable à l'un des risques exceptionnels spécifiques au métier militaire énumérés à l'article D. 4123-9 entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive, il est versé à l'intéressé : 1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : a) Si celui-ci est marié, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou a des enfants à charge, montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle correspondant à : i) L'indice brut 762 s'il est officier ; ii) L'indice brut 560 s'il est non-officier. b) Dans les autres cas, montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle correspondant à : i) L'indice brut 546 s'il est officier ; ii) L'indice brut 398 s'il est non-officier. c) Pour les taux d'invalidité inférieurs à 40 %, l'allocation principale est calculée proportionnellement aux taux d'invalidité. 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à deux fois la solde budgétaire annuelle correspondant à l'indice brut 702. / Les allocations mentionnées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'affilié. Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ". 4. Il résulte clairement de ces dispositions, d'une part, qu'une allocation principale est versée à tous les militaires qui en ont fait la demande et qui ont été admis à la retraite ou réformés de manière définitive du fait d'une infirmité imputable à un risque exceptionnel spécifique au métier de militaire et pour laquelle un taux d'invalidité a été fixé, quel que soit ce taux, et d'autre part, qu'une allocation complémentaire leur est versée, par enfant à charge, lorsque le taux d'invalidité est égal ou supérieur à 40 %. Pour le calcul de l'allocation principale, est déterminé un montant calculé en multipliant par quatre la solde annuelle correspondant à un indice déterminé en fonction de la situation familiale (suivant que l'intéressé est marié ou non) et suivant le grade (officier ou non). Lorsque le taux d'invalidité est inférieur à 40 %, seule l'allocation principale est versée, proportionnellement aux taux d'invalidité en vertu des dispositions de l'alinéa c) du 1° de l'article D. 4123-8. Lorsque le taux d'invalidité est compris entre 40 % et 100 %, l'intéressé bénéficie du montant maximal de l'allocation principale et d'une allocation complémentaire calculée suivant les modalités prévues par le 2°) de cet article. 5. Il résulte de la fiche descriptive des infirmités du 20 mars 2018, que M. A... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 35 % depuis le 27 décembre 2016. Il ne pouvait ainsi prétendre, en application des dispositions de l'article D. 4123-8 du code de la défense, qu'à une allocation principale liée à l'infirmité ayant entraîné sa réforme définitive, et devant être calculée suivant les modalités prévues au 1° de cet article. En déterminant le montant qui lui était dû à ce titre, par l'application au montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle, soit 106 840 euros, du pourcentage correspondant au taux d'invalidité du militaire, soit 35 %, et en obtenant le montant de 37 394 euros, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a fait une exacte application de ces dispositions. La circonstance, retenue par les premiers juges pour annuler les décisions en litige, que l'application ainsi faite de ce texte par l'administration, qui n'avait pas à l'interpréter en se référant à l'intention de ses auteurs, créerait une rupture d'égalité entre militaires est par elle-même sans incidence sur le sens à attribuer à ce texte et, partant, sur la légalité de ces mesures. Il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les décisions en litige. 6. Néanmoins, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens présentés en première instance et en appel. 7. D'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, les dispositions claires de l'article D. 4123-8 du code de la défense, dont M. A... n'excipe pas de la contrariété avec le principe d'égalité de traitement entre militaires, font obstacle à ce que soit retenue l'interprétation de ce texte dont il revendique le bénéfice, selon laquelle le maximum de l'allocation principale susceptible d'être accordé, pour un taux d'invalidité de 40 %, correspond à un taux de 100 % et l'allocation correspondant au taux d'invalidité inférieur résulte de la multiplication de 40 et de 100 et de la division du résultat par le degré d'invalidité du militaire (40 X 100 : Degré d'invalidité du militaire). 8. D'autre part, en l'absence de décision de l'autorité compétente qui aurait porté le taux d'invalidité attribué à M. A... à un degré supérieur à 35 %, et notamment à un taux supérieur aux 40 % prévus par le 2° de l'article R. 4123-8 du code de la défense, à la suite de l'expertise médicale du 17 novembre 2017 dont il se prévaut, l'intéressé ne peut utilement affirmer qu'en se fondant sur le taux d'invalidité de 35 % pour procéder au calcul de l'allocation, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique aurait commis une erreur de fait. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête d'appel, que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2022 doit être annulé et que la demande présentée par M. A... doit être rejetée. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution : 10. La Cour s'étant prononcée sur l'appel de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique contre le jugement du 3 janvier 2022, il n'y a pas lieu pour elle de statuer sur les conclusions de son recours tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, qui n'est la partie perdante dans aucune des instances, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'intéressé ne peuvent donc qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique aux fins de sursis à exécution du jugement n° 1904898 rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille. Article 2 : Le jugement n° 1904898 rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions d'appel aux fins de condamnation et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique et à M. B... A.... Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023. N° 22MA00816, 22MA008592
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 02/06/2023, 21MA04640, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arles a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service à compter du 25 août 2013 et, d'autre part, d'enjoindre au directeur de cet établissement de reconnaître imputables au service ses arrêts de travail pour maladie à compter du 25 août 2013 jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité. Par un jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 décembre 2019, a enjoint au directeur du centre hospitalier d'Arles, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... à compter du 25 août 2013, a mis à la charge de Mme A... le versement au centre hospitalier d'Arles d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2021 et 5 décembre 2022, le centre hospitalier d'Arles, représenté par la SELARL Favre de Thierrens-Barnouin-Vrignaud-Mazars-Drimaracci, agissant par ELEOM avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de rejeter la requête de Mme A... ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... est suffisamment motivée ; - elle ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ; - en indiquant que la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de Mme A... était tardive, la décision en cause n'est entachée d'aucune erreur de de droit ; - la décision litigieuse n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; les certificats médicaux présentés ne sont pas probants ; - l'administration n'est pas lié par l'avis favorable qui a été rendu par la commission de réforme, lequel est en outre dépourvu de motivation ; aucun élément ne démontre que l'agent aurait exercé ses fonctions dans des conditions anormales. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Icard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 17 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - les observations de Me Icard représentant Mme A..., qui a également présenté des observations. Une note en délibéré et des pièces, enregistrées les 17 mai et 18 mai 2023, ont été produites pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., qui exerçait ses fonctions d'infirmière en soins généraux titulaire au centre hospitalier d'Arles, a été placée en congé de longue maladie puis de longue durée du 25 août 2013 au 24 août 2017, en raison d'un état dépressif. Estimant être victime de harcèlement moral de la part de certains collègues de travail, celle-ci a demandé, par un courrier du 2 février 2017, au directeur du centre hospitalier d'Arles de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie dépressive. Cette demande a été rejetée par une décision du 10 février 2017, laquelle a été annulée par un jugement n° 1702664 du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille, en raison notamment du défaut de consultation préalable de la commission de réforme. Le 30 octobre 2019, la commission de réforme hospitalière a émis un avis favorable à la reconnaissance d'imputabilité de la maladie de Mme A... au service à compter du 25 août 2013. Par une décision du 16 décembre 2019, sa demande de reconnaissance d'imputabilité de sa maladie au service a cependant été à nouveau rejetée. Cette décision a été annulée par un jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille. Le centre hospitalier d'Arles relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite , à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Si les certificats médicaux établis par le médecin traitant de Mme A... entre 2013 et 2017 ont relevé le lien fait par l'intéressée entre ses troubles dépressifs et ses conditions de travail, l'unique attestation d'une collègue de travail datée du 3 juillet 2014 qu'elle produit indiquant, d'une part, qu'elle aurait été victime d'une maltraitance et de pressions de la part de deux agents, d'autre part, qu'elle aurait été sanctionnée par sa hiérarchie qui serait cependant revenue sur cette décision, ne permet pas, à elle-seule, de caractériser un contexte professionnel pathogène depuis l'année 2010, ni, a fortiori, la situation de harcèlement moral qu'elle dénonce, alors qu'elle ne justifie même pas la réalité de la sanction dont elle aurait fait l'objet et de son retrait, et, le cas échéant, leurs motifs. Il en va de même du compte-rendu du médecin du travail effectué le 30 août 2013 puis le 21 octobre 2013, qui, en se limitant à expliquer que Mme A... " se dit être harcelée au sein de son service ", se borne à faire état de son ressenti sans objectiver aucun élément de nature à caractériser une dégradation objective de ses conditions de travail, et, a fortiori, une situation de harcèlement, laquelle ne saurait se déduire des seules doléances exprimées par l'agent. Dans ces conditions, et en dépit de l'avis favorable rendu par la commission de réforme, au demeurant dépourvu de toute précision sur le contexte professionnel en cause, et de la circonstance que l'intéressée ne présentait aucun état antérieur dépressif, les répercussions sur l'état psychologique de Mme A... des difficultés qu'elle soutient avoir éprouvées dans l'exercice de son activité professionnelle ne peuvent être regardées comme résultant des conditions dans lesquelles elle a exercé son activité et, par suite, comme une maladie contractée en service. 5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le centre hospitalier d'Arles est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 décembre 2019 de son directeur et a enjoint à ce dernier de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A.... 6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel. Sur les autres moyens de la demande de Mme A... : 7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie déclarée par un agent doit être regardée comme " refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ", au sens du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et est ainsi au nombre de celles qui, en application de cet article, doivent être motivées. 8. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables notamment les lois des 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986 et mentionne les différentes étapes de la procédure, tels que les décisions successives plaçant Mme A... en congé de longue maladie ou de longue durée, l'avis d'expertise du médecin agréé et l'avis émis par la commission de réforme le 30 octobre 2019. Elle précise les motifs en raison desquels le directeur du centre hospitalier d'Arles a décidé, contrairement à l'avis de la commission de réforme précité, de ne pas reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A..., en indiquant qu'aucune des neuf décisions de placement de congé de maladie n'a été contestée dans les délais requis et que la matérialité de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée n'était pas établie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté comme manquant en fait. 9. Si l'administration a opposé à Mme A... la tardiveté de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, elle l'a néanmoins examiné au fond et estimé, sans entacher, ainsi qu'il est dit au point 4, sa décision d'une erreur d'appréciation, qu'aucun lien direct entre l'affection dont elle souffre et le service n'était caractérisé. Par suite, les moyens tirés de ce que la tardiveté de la demande de reconnaissance de l'imputabilité des arrêts de travail au service aurait été opposée à tort à Mme A... et, au surplus, en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2018 doivent, en tout état de cause, être écartés. 10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2019 du directeur du centre hospitalier d'Arles refusant d'admettre l'imputabilité au service de sa pathologie doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence celles présentées à fin d'injonction. Sur les frais liés au litige : 11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que le centre hospitalier d'Arles demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par Mme A... soient mises à la charge du centre hospitalier d'Arles, qui n'est pas la partie perdante. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par Mme A... est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Arles et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente, - M. Mahmouti, premier conseiller, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2023. N° 21MA04640 2 nl
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/06/2023, 22MA01569, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, et d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux d'invalidité de l'hypoacousie bilatérale à titre principal à 12 %, et à titre subsidiaire à 10 %, celui des acouphènes permanents à 10 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 3 mai 2016. Par un jugement n° 2003847 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2022 et 23 février 2023, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2003847 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) à titre principal, de dire et juger qu'il a droit, à compter du 3 mai 2016, à une pension à raison d'un taux d'invalidité de 12 % au titre de l'hypoacousie bilatérale et de 10 % au titre des acouphènes permanents, l'ensemble en application du barème de 1919 modifié, ou, à titre subsidiaire, de dire et juger qu'il a droit, à compter du 3 mai 2016, à une pension à raison d'un taux d'invalidité de 10 % au titre d'une dureté des deux oreilles en application du barème de 1915 et de 10 % au titre des acouphènes permanents en application du barème de 1919 modifié, ou, très subsidiairement et avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise médicale et de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions ; 4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en ce qui concerne l'infirmité " acouphènes permanents ", il est acquis qu'elle résulte d'un traumatisme sonore bien identifié et documenté de 1985 et non de conditions générales de service ; - en ce qui concerne l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", elle résulte du traumatisme sonore de 1985 rapidement classé " O2 " ; la perte de sélectivité existe dès 1994 et même dès 1992 et n'a pas changé en 22 ans ; aucune mesure d'exemption n'a été prise après le traumatisme de 1985, ce qui constitue en lui-même un second fait de service et une erreur d'appréciation du service de santé militaire ; il peut se prévaloir du barème le plus favorable de 1915 aux termes de l'article L. 125-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, justifiant l'application d'un taux minimum de 10 % voire de 15 %. Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 février et 15 mars 2023, le ministère des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 24 février 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans la Légion Etrangère le 8 septembre 1982 et radié des contrôles le 1er novembre 2018, s'est vu concéder à titre définitif une pension militaire d'invalidité par un arrêté du 23 décembre 2002 pour l'infirmité " Hépatite virale B chronique avec persistance de l'antigène HBS à 7 ans du début de l'infection ". Le 3 mai 2016, M. B... a demandé la révision de sa pension militaire d'invalidité en se prévalant de deux infirmités nouvelles, à savoir une hypoacousie bilatérale et des acouphènes. Par une décision du 17 octobre 2018, la ministre des armées a refusé de réviser sa pension. M. B... relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 3 de ce même code, également dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. ". 3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du même code, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques. 4. En l'espèce, et d'une part, il est constant que M. B... ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, il lui appartient d'apporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. 5. D'autre part, il résulte de l'instruction que la demande de revalorisation de pension présentée par M. B... au titre de deux nouvelles infirmités se fonde sur la circonstance que ces infirmités trouveraient leur origine dans une séance de tirs au fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Etienne (FAMAS) auquel il a participé le 2 juin 1985 à Villemaury. 6. Toutefois, en qui concerne, tout d'abord, l'infirmité " acouphène permanent ", outre que ce n'est que par un rapport du 1er décembre 1986, établi un an et demi après les faits, que le médecin des armées a mentionné, pour la première fois, l'apparition de sifflements au niveau des deux oreilles, ce rapport, imprécis sur la date de l'évènement à l'origine des constatations effectuées, ne peut être regardé comme rapportant la preuve de l'existence d'un fait précis de service à l'origine de l'affection en cause. Une telle preuve ne résulte pas davantage du rapport du 12 mars 1987, qui évoque de manière laconique un traumatisme de septembre 1986, et pas d'avantage du compte rendu d'expertise médicale du 17 juillet 2018 qui évoque, sur la base des seules déclarations de l'intéressé consignées au registre des constatations le 17 avril 1987 seulement, la séance de tirs du 2 juin 1985. Dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exige l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée. 7. En ce qui concerne, ensuite, l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", si l'expertise précitée du 17 juillet 2018 révèle que M. B... est atteint d'une perte auditive évaluée à 33,75 décibels (dB) à droite et 18,75 dB à gauche, correspondant à un taux d'invalidité de 12 %, et que l'expert indique que cette perte est liée à l'exposition sonores des tirs nourris et répétés quotidiennement, pendant plusieurs heures et plusieurs années, il résulte toutefois de l'instruction que ce n'est qu'à l'occasion d'une consultation à l'infirmerie régimentaire le 26 novembre 1986 qu'une surdité de perception bilatérale a été pour la première fois diagnostiquée. Ni ce rapport, pas plus qu'aucune autre des pièces médicales produites par l'appelant, ne permettent d'établir qu'il existerait un lien entre cette hypoacousie et le traumatisme sonore allégué du 2 juin 1985, l'avis rédigé le 2 août 2018 par le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité mentionnant au demeurant la circonstance, non contredite, que l'intéressé présente des antécédents de nombreux épisodes d'otites bilatérales. Dans ces conditions, la seule exposition de M. B... à des nuisances sonores subies à l'occasion de séances d'entraînement au tir sans protection auditive, qui constituent des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires soumis, à cet égard, à des contraintes et sujétions identiques quelle que soit l'unité à laquelle ils appartiennent, ne suffit pas apporter la preuve de l'imputabilité à un fait précis de service de l'hypoacousie bilatérale qui a été diagnostiquée. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 octobre 2018 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction, et tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais d'instance doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023. N° 22MA01569 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 8ème chambre, 05/06/2023, 22PA02307, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au Tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 26 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour " syndrome anxio-dépressif sur troubles psychotiques ". Par jugement n° 1923673/5-3 du 15 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par requête enregistrée le 18 mai 2022, M. C..., représenté par Me Rouanet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1923673/5-3 du 15 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 26 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ; 3°) d'ordonner une expertise ; 4°) d'enjoindre à la ministre des armées de prendre une décision lui accordant le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à hauteur de 10 % à compter du 22 mars 2016 dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter l'expiration de ce délai. Il soutient que : - la décision du 26 février 2018 est insuffisamment motivée ; - elle a été prise par une autorité incompétente ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - une nouvelle expertise est utile dès lors que par décision du 24 février 2017, la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées de Seine-et-Marne lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé à compter du 12 avril 2016 avec un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 % ; - une pension militaire d'invalidité peut lui être attribuée au titre de son invalidité de 10 % dès lors que l'affection dont il souffre relève d'un événement précis dans sa carrière militaire à savoir le harcèlement dont il a été victime entre 2009 et 2016 et n'était pas préexistante à son incorporation ; son affection correspond à une blessure et non à une maladie. Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. C.... Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 18 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C..., né le 14 novembre 1989, a servi dans l'armée de terre du 1er décembre 2009 jusqu'au 16 novembre 2016, date de sa radiation des contrôles. Le 22 mars 2016, il a sollicité le bénéfice d'une pension d'invalidité pour " syndrome anxio-dépressif sur troubles psychotiques ". Par décision du 26 février 2018, la ministre des armées lui a opposé un rejet au motif que le taux d'invalidité lié à cette infirmité, évalué à 10 %, est inférieur au minimum indemnisable de 30 % susceptible d'ouvrir droit à pension. Par jugement n° 1923673/5-3 du 15 décembre 2021, dont M. C... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le droit de M. C... à obtenir le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité : 2. En premier lieu, M. C... invoque les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée et de l'insuffisance de motivation de cette décision. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés en première instance, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué. Il y a, dès lors, lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par ces derniers. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1 ° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que suite à sa demande de bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, M. C... a été examiné par le docteur A... dans le cadre de la mission d'expertise qui lui a été confiée et qui a conduit à la remise d'un rapport suite à l'examen réalisé le 20 juillet 2017. L'expert indique qu'avant son incorporation, l'intéressé présentait une souffrance psychologique à type d'inhibition sociale avec tendance au repli, une difficulté à s'intégrer dans les groupes où il se trouve et une hypersensibilité au jugement d'autrui, qu'il a affirmé qu'il souffrait de cette difficulté avant de s'engager et que M. C... lui a indiqué que " son passage dans l'institution n'a pas arrangé ses difficultés ". Il précise qu'il a présenté en 2014/2015 un épisode dépressif majeur lié au harcèlement professionnel de sa hiérarchie qu'il aurait subi mais que cet épisode dépressif s'est amendé et que " l'imputabilité à l'événement générateur (harcèlement allégué) n'est à appliquer qu'à l'épisode dépressif aujourd'hui révolu ", de sorte que les troubles de la personnalité dont il souffre aujourd'hui sont les mêmes que ceux qu'il présentait avant son incorporation. L'expert en conclut que M. C... présente un trouble de personnalité de type personnalité évitante préexistant à son engagement à l'origine d'un taux d'invalidité de 10 %. 5. D'une part, si pour contester ces conclusions, M. C... se prévaut de la décision du 12 février 2017 par laquelle la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées de Seine-et-Marne lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé à compter du 12 avril 2016 avec un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %, il n'apporte toutefois aucun élément permettant d'établir que le taux d'invalidité qui lui a ainsi été reconnu serait lié à la même affection dont il s'est prévalu lorsqu'il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité et, en tout état cause, la législation lui ayant permis une telle reconnaissance est distincte de celle applicable aux pensions militaires d'invalidité dont le bénéfice est régi par des textes spécifiques. Par suite, la décision du 26 février 2018 de la ministre des armées n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour ce motif. 6. D'autre part, pour contester la qualification de son infirmité en tant que " maladie contractée en temps de paix " retenue par la décision attaquée, M. C... se prévaut de la circonstance qu'il s'agirait au contraire d'une blessure trouvant son origine dans un fait précis de service au sens et pour l'application des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Toutefois, en se prévalant du feuillet SIGYCOP qui a pour objet de recenser l'aptitude médicale à servir du personnel militaire, M. C... n'établit pas qu'il ne souffrait pas avant son incorporation du trouble de la personnalité mentionné au point 4 du présent arrêt. Par ailleurs, la circonstance que son désinvestissement professionnel apparaisse à compter de 2015 dans les appréciations figurant sur ses feuilles de notation ne permet pas davantage d'établir qu'il aurait été victime d'une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service qualifiable de blessure pouvant lui ouvrir droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité de 10 %. 7. Il s'ensuit, d'une part, que l'infirmité pour laquelle M. C... a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité n'est pas qualifiable de blessure dès lors qu'elle n'est pas liée à une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service mais qu'elle était au contraire préexistante à son incorporation comme l'intéressé l'a lui-même indiqué lors de l'expertise diligentée par la ministre des armées, d'autre part, que cette maladie qui n'est à l'origine que d'un taux d'invalidité de 10 %, inférieur ainsi au seuil minimal de 30 % prévu par les dispositions de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ne peut lui ouvrir droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour " syndrome anxio-dépressif sur troubles psychotiques ". Dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées, Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président de chambre, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère . Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2023. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02307
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 6ème chambre, 06/06/2023, 21NT01696, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de sa qualité de conjointe survivante et le paiement d'intérêts au taux légal. Par un jugement n° 1905726 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 juin 2021 et 2 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 20 juin 2017 ; 3°) de dire et juger qu'elle doit bénéficier d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 4°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts au taux légal sur le montant des prestations dues à compter de la saisine de la cour ; 5°) le cas échéant, d'ordonner une expertise médicale judiciaire afin de déterminer s'il existe un lien de causalité direct entre l'exposition à l'amiante de son mari au sein de la marine nationale et la pathologie dont il est décédé ou si le tabagisme en est la cause exclusive et de mettre les frais de cette expertise à la charge de l'Etat ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par des mémoires, enregistrés les 6 mai et 21 juin 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête présentée par Mme A.... Il soutient que les moyens soulevés par l'intéressée ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1946, a exercé ses fonctions d'électricien d'armes dans la marine nationale entre le 1er avril 1964 et le 3 mai 1995, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Il est décédé le 21 octobre 2016. Le 14 décembre 2016, son épouse a sollicité le versement d'une pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante sur le fondement de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une décision du 20 juin 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande aux motifs que " la preuve de l'imputabilité au service de la pathologie de son mari n'était pas établie ". Mme A... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité. Par un jugement du 26 avril 2021 le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement. Sur l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... : 2. Aux termes de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " Ont droit à pension : (...) 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2 du même code : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". L'article L. 3 de ce code institue une présomption d'imputabilité pour les militaires à condition que leur maladie ait été constatée après le 90ème jour de service effectif et avant le 60ème jour suivant leur retour dans leurs foyers et que soit établie médicalement la filiation entre la maladie et l'infirmité invoquée. 3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il incombe à l'intéressé d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 4. Mme A... se prévaut de l'attestation du 13 décembre 2016 du directeur du personnel militaire de la marine du ministère de la défense reconnaissant que son mari a travaillé à plusieurs reprises entre le 15 novembre 1966 et le 22 novembre 1994 sur des bâtiments renfermant des matériaux à base d'amiante. Elle produit également le témoignage de plusieurs collègues de son mari, qui dénoncent la présence d'amiante dans les bâtiments de la marine nationale. Le ministre fait toutefois valoir que M. A... était électronicien d'armes et que son métier consistait à contrôler les machines à bord, à prévenir les risques de pannes et à réparer ou échanger le matériel électronique défectueux. Il souligne que ces fonctions ne figurent pas dans la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire par inhalation de poussières d'amiante correspondant au tableau 30 bis des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale. Il est cependant constant que sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord. Ces matériaux d'amiante avaient tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. 5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du scanner réalisé le 17 décembre 2008, que M. A... présentait plusieurs adénopathies pulmonaires et notamment des " lésions d'emphysème pulmonaire éparses prédominantes au niveau du lobe supérieur de l'hémichamp pulmonaire droit ". En revanche, cet examen n'a révélé aucune calcification pleurale visible, ni d'épaississement suspect de la plèvre ou de signe d'épanchement pleural. En outre, ainsi que l'oppose le ministre, M. A... présentait un facteur de risque lié à une forte consommation de tabac durant de nombreuses années. Or, ainsi que l'a rappelé la commission consultative médicale dans ses avis des 15 juin 2017 et 5 avril 2018, les données de la science confirment que l'asbestose, à la différence du tabagisme, ne peut être responsable des lésions d'emphysème. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'imputabilité au service de l'adénocarcinome primitif bronchique à l'origine du décès de M. A... ne pouvait être regardée comme établie. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. COIFFET La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01696
Cours administrative d'appel
Nantes