5821 results
CAA de NANTES, 6ème chambre, 25/10/2022, 21NT00908, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905780 du 15 février 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021, Mme B..., représentée par Me Ledoux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2021 ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le lien entre le décès et la maladie est certain même s'il n'est pas unique ; l'absence de lien exclusif ne peut justifier le refus de prise en charge ; - le lien entre la pathologie et le service est établi ; - son exposition à l'amiante dans le cadre professionnel est établi. Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2021 le ministre de la défense conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience et ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique Considérant ce qui suit : 1. M. B..., maitre principal dans la marine nationale radié des contrôles le 2 avril 1997, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif, concédée par arrêté ministériel du 15 mai 2017, à compter du 22 mars 2016, au taux global de 30 pour cent pour 1'infirmité " plaques pleurales bilatérales asbestosiques ". Il est décédé le 8 août 2017 à l'âge de 71 ans. Mme B... a sollicité le 26 août 2017 une pension de conjointe survivante. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par décision du 18 décembre 2017. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2017. 2. Aux termes de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le droit à pension est ouvert au conjoint ou partenaire survivant mentionnés à l'article L. 141-1 : / (...) / 3° Lorsque le décès du militaire résulte de maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit. ". Aux termes de l'article R. 153-2 du même code : " Les demandes de pension, formulées par les conjoints ou partenaires survivants ou les orphelins de militaires dont le décès n'est pas survenu lors de l'accomplissement du service, et dans les cas où l'invalide n'était pas titulaire d'une pension d'au moins 85 % permettant d'ouvrir droit à pension au taux normal, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné le militaire ou l'ancien militaire pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. Le rapport mentionné à l'alinéa précédent fait ressortir d'une façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service. Les postulants à pension doivent fournir tous documents utiles pour établir la filiation médicale entre l'affection, cause du décès, et les blessures ou maladies imputables au service dans les conditions définies aux articles L. 121-1 et L. 121-2. ". 3. Lorsque le demandeur d'une pension ne peut, comme en l'espèce, du fait que l'affection invoquée n'a pas été constatée par un document émanant de l'autorité militaire dans les délais prescrits rappelés au point précédent, bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il lui incombe d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Il peut, à cet égard, faire état de son exposition à un environnement ou à des substances toxiques, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. S'il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui a affecté le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 4. Il résulte de l'instruction, en particulier du certificat médical d'un pneumologue en 2015, que M. B... souffrait d'un carcinome broncho-pulmonaire micro cellulaire en rapport avec l'amiante. 5. Il résulte de l'instruction que, sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord et ces matériaux d'amiante ont tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. 6. M. B... a servi dans la marine nationale entre 1967 et 1986 dans la spécialité de missilier artilleur, sur des bâtiments effectuant des missions de longue durée comportant des équipements renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages, comme cela ressort de l'attestation en date du 25 octobre 2016 du directeur du personnel militaire de la marine. M. B... était d'ailleurs titulaire d'une pension d'invalidité pour l'infirmité " plaques pleurales bilatérales asbestosiques " en lien direct avec l'amiante inhalée, au taux de 30%, confirmant une exposition effective et intense à cette substance cancérogène. Enfin, Mme B... a produit une attestation du fonds d'intervention des victimes de l'amiante mentionnant le lien entre le cancer broncho-pulmonaire dont il était atteint et l'exposition de son mari à l'amiante. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu, d'une part, du lien, admis par la science, entre l'exposition à l'amiante et les cancers bronchiques, d'autre part, des éléments établissant que M. B... a été exposé pendant près de vingt ans à un environnement professionnel à forte présence d'amiante ainsi que des conditions dans lesquelles il exerçait ses fonctions, la preuve de l'imputabilité au service de sa pathologie doit être regardée comme établie sans que l'administration compte tenu du faisceau d'indices réunis puissent se borner à opposer l'absence de production du rapport médico-légal mentionné à l'article R. 153-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. En l'état du dossier, l'administration n'établit pas que d'autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie cause du décès. Ainsi, Mme B... pouvait bénéficier d'une pension au titre du décès de son mari dans les conditions prévues à l'article R. 153-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905780 du 15 février 2021 du tribunal administratif de Rennes et la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité sont annulés. Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Giraud, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. Le rapporteur, T. A... Le président, O. GASPON Le greffier, S. PIERODE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT00908
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 08/11/2022, 19VE03972, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé la révision de sa pension en raison de l'aggravation de sa perte auditive. Par un jugement du 27 mars 2018, le tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté cette demande. Par un arrêt n° RG18/02426 du 25 janvier 2019, la cour régionale des pensions de Versailles a, sur appel de M. C..., infirmé ce jugement et ordonné une expertise médicale. Par une décision n° 429275 du 3 juillet 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le ministre des armées, a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions de Versailles du 25 janvier 2019 et a renvoyé l'affaire devant la cour régionale des pensions de Versailles. La cour régionale des pensions de Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Versailles, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par M. C... enregistrée à son greffe le 28 mai 2018. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 28 mai 2018, 26 juin 2018, 23 novembre 2018, 25 septembre 2019, 29 août 2022, et 10 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Puech, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2018 du tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine ; 2°) d'annuler la décision du 10 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé la révision de sa pension militaire d'invalidité pour hypoacousie ; 3°) de mettre à la charge de tout succombant le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - son hypoacousie n'est pas récente, plusieurs documents en font état depuis 1961 ; - le tribunal n'a pas tenu compte de l'audiogramme de l'hôpital Simone Veil indiquant un taux d'invalidité de 10 %, suffisant pour avoir droit à une pension d'invalidité ; - la commission consultative médicale a commis des erreurs ; - même si son hypoacousie pouvait être considérée comme une infirmité nouvelle, sa demande est recevable dès lors que son infirmité préexistante en est la cause directe et déterminante ; - le lien entre sa perte d'audition et les activités de service est établi ; - l'autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée dès lors qu'en matière médicale, les situations évoluent et les pathologies sont parfois décelables plusieurs années après le fait générateur, et que la cour régionale des pensions a jugé que l'aggravation de la perte auditive faisait obstacle à l'autorité de la chose jugée. Par des mémoires en défense enregistrés les 24 septembre 2018, 4 juin 2019, 3 octobre 2019 et 27 septembre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - M. C... a déjà demandé à plusieurs reprises la prise en compte de son hypoacousie dans la fixation de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie ; la cour régionale des pensions de Versailles a jugé le 1er décembre 2015, que cette affection n'avait pas pour cause le traumatisme sonore subi en 1961 ; le tribunal a donc jugé à bon droit que cette demande avait été jugée définitivement ; il n'est plus possible de remettre en cause ce qui a été jugé ; - l'aggravation récente de l'hypoacousie dont souffre le requérant ne peut être lié au traumatisme subi 50 ans auparavant ; M. C... bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... bénéficie depuis 1987 d'une pension militaire d'invalidité au taux de 25 % pour acouphènes à la suite d'un traumatisme sonore subi en 1961 pendant son service militaire en Algérie. En 1988, il a sollicité une révision de sa pension, que l'administration lui a refusée, mais par un arrêt du 3 mars 1994, la cour régionale des pensions de Versailles a fait droit à sa demande de révision de sa pension pour que soient pris en compte des vertiges de type rotatoire survenant par crise, liés à l'accident subi en 1961. En 1995 sa pension militaire d'invalidité a été fixée au taux global de 40 %, dont 25 % pour les acouphènes permanents et 15 % au titre des vertiges de type rotatoire survenant par crise. En 2011, M. C... a sollicité une nouvelle révision de sa pension pour hypoacousie, qui a été refusée. Par un arrêt du 1er décembre 2015, devenu définitif, la cour régionale des pensions de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine refusant sa demande d'annulation de la décision ministérielle refusant la révision de sa pension. En novembre 2014, M. C... a de nouveau sollicité une révision de sa pension pour hypoacousie, qui a été refusée par une décision du ministre de la défense du 10 avril 2017. Le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté par un jugement du 27 mars 2018 sa demande d'annulation de la décision ministérielle du 10 avril 2017. La cour régionale des pensions de Versailles, saisie par M. C... a annulé ce jugement et ordonné une expertise. Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le ministre des armées a annulé cet arrêté et renvoyé l'affaire à la cour. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Il résulte de ces dispositions qu'au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. 3. Pour rejeter le 10 avril 2017 la demande de révision de pension militaire d'invalidité présentée par M. C... le 28 novembre 2014, le ministre de la défense a considéré que l'infirmité invoquée de baisse d'audition bilatérale n'était pas imputable au service car postérieure. Si M. C... conteste le caractère récent de son hypoacousie et soutient qu'elle est directement imputable aux exercices d'entraînement intensif au tir effectués lors de son service militaire effectué en Algérie dans un régiment d'artillerie anti aérienne en 1960 et 1961, que son hypoacousie est mentionnée dans le bulletin de visite dès 1961 ainsi que dans des certificats médicaux de 1984, 1991, 1992 et 1993, qu'elle s'est aggravée, et que la commission consultative médicale s'est fondée sur des documents comportant des erreurs, il est toutefois constant que par un arrêt du 1er décembre 2015, la cour régionale des pensions de Versailles a jugé que l'hypoacousie invoquée par M. C... pour demander la révision de sa pension d'invalidité n'était pas liée au traumatisme sonore subi en 1961, et que cet arrêt est devenu définitif. Dès lors que la demande de M. C... porte sur la même affection, son hypoacousie, qu'il impute au traumatisme sonore subi en 1961, et sur le même fondement juridique, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 1er décembre 2015 de la cour régionale des pensions de Versailles fait obstacle à ce que la décision du ministre de la défense du 10 avril 2017 refusant la demande de révision de pension militaire d'invalidité soit annulée. 4. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être également rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, Mme Bonfils, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022. La rapporteure, A-C. B...Le président, S. BROTONSLa greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 19VE03972
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/11/2022, 20BX02878, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Saint-Denis d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90 ° et de l'antépulsion à 30° ". La procédure a été transmise au tribunal administratif de La Réunion. Par un jugement n° 1901754 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 22 juillet 2016 en tant qu'elle impute l'infirmité à une maladie contractée en temps de paix sans recherche de son origine et fixe le taux d'invalidité à 10 %, a jugé que l'infirmité dont se prévaut Mme C... trouve son origine dans une maladie en lien direct avec l'accident dont elle a été victime le 14 octobre 2009 et justifie d'un taux d'invalidité de 15 %, et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 28 août 2020 et un mémoire enregistré le 5 novembre 2020, la ministre des armées demande à la cour de réformer ce jugement et de juger que l'infirmité " tendinopathie séquellaire du supra-épineux épaule droite " relève d'une maladie contractée en temps de paix, dont le taux d'invalidité de 10 % est inférieur au minimum indemnisable. Elle soutient que : - la décision de rejet porte sur une " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90° et de l'antépulsion à 30° ", le premier expert a conclu en 2016 à une " raideur moyenne non compensée par l'omoplate " de 20 % avec une majoration de 10 % pour la douleur, et l'expert judiciaire a retenu en 2018 une " tendinopathie post-traumatique du sus-épineux épaule droite " au taux de 15 % ; en s'abstenant de préciser l'intitulé de l'infirmité dans le dispositif, le tribunal a statué d'une manière imprécise et méconnu son office de juge de plein contentieux ; - le tribunal a retenu que l'infirmité trouve son origine dans une maladie et que le taux d'invalidité est de 15 %, en contradiction avec les dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui imposent un taux minimum de 30 % pour ouvrir droit à pension lorsque les infirmités résultent de maladies ; - la douleur à l'épaule droite ressentie le 14 octobre 2009 n'a pas donné lieu à un arrêt de travail, l'examen clinique du 23 novembre 2009 était normal, et aucun suivi ni aucune restriction particulière en lien avec une gêne de l'épaule droite n'ont été portés au dossier jusqu'au départ en retraite de Mme C... en 2013 ; le diagnostic de tendinopathie séquellaire du sus-épineux a été confirmé par les deux expertises, et l'invalidité correspondante a été justement évaluée à 10 % par l'administration, ce qui est inférieur au minimum de 30 %, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de rechercher l'origine de l'infirmité ; le tribunal a opéré une confusion entre les notions de maladie et de blessure, ce qui l'a conduit à tort à accorder un droit à pension pour une maladie avec un taux d'invalidité de 15 % ; - les éléments du dossier médico-administratif ne permettent pas de retenir une blessure comme le revendique Mme C... ; - elle s'en remet à la sagesse de la cour sur la demande subsidiaire de Mme C... tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise. Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2020, Mme C..., représentée par la SELARL Ker Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, à titre principal de réformer le jugement en tant qu'il a retenu que l'infirmité trouve son origine dans une maladie et de juger que l'infirmité résulte de blessures et ouvre droit à une pension au taux de 30 %, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise. Elle fait valoir que : - l'accident du 14 octobre 2009 a bien été à l'origine d'une blessure dont elle conserve des séquelles ; le lien entre cet accident et la lésion de tendinopathie post-traumatique du sus-épineux de l'épaule droite a été reconnu par l'expert judiciaire ; le taux d'invalidité ouvrant droit à pension est ainsi de 10 % et non de 30 % comme l'a retenu le tribunal ; - en l'espèce, l'expert de l'administration a retenu un taux de 30 %, plus pertinent que le taux de 15 % fixé par l'expert judiciaire dès lors qu'elle est droitière et que l'infirmité la gêne dans la plupart des tâches quotidiennes ; - à titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à ses demandes, il conviendrait d'ordonner une nouvelle expertise. Par ordonnance du 15 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2021. Par lettre du 12 septembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de l'appel de la ministre des armées dès lors que le jugement, qui rejette la demande de pension de Mme C..., ne fait pas grief à l'Etat. Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées par le ministre des armées le 23 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. 1. Mme C..., aide-soignante au service de santé des armées sous contrats successifs, puis admise à l'état de sous-officier de carrière à compter du 31 décembre 1991 et radiée des cadres pour atteinte de la limite d'âge à compter du 19 février 2013 au grade d'aide-soignante de classe exceptionnelle, a déposé le 10 mai 2011 une demande de pension militaire d'invalidité pour une blessure à l'épaule droite, consécutive à un accident du travail du 14 octobre 2009 inscrit au registre des constatations et blessures. L'expert missionné par l'administration a retenu un taux d'invalidité imputable au service de 30 %, dont 20 % pour une raideur moyenne de l'épaule et 10 % de majoration pour la douleur. Par une décision du 22 juillet 2016, le ministre, suivant l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, a rejeté la demande de pension en retenant une infirmité de " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90° et de l'antépulsion à 30° " au taux de 10 %, inférieur au minimum indemnisable de 30 % pour une maladie contractée en temps de paix, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'en rechercher l'origine. 2. Mme C... a saisi le tribunal des pensions militaires de Saint-Denis, lequel a ordonné une expertise médicale par un jugement avant dire droit du 13 mars 2018. L'expert judiciaire a retenu un taux de 15 % pour une " tendinopathie post-traumatique du sus-épineux de l'épaule droite chez une droitière ", en lien avec l'accident du 14 octobre 2009. Par un jugement du 29 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion, auquel l'affaire avait été transférée en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée, a annulé la décision du ministre de la défense du 22 avril 2016 en tant qu'elle impute l'infirmité à une maladie contractée en temps de paix sans recherche de son origine et fixe le taux d'invalidité à 10 %, a substitué à ce fondement du refus celui tiré de ce que " l'infirmité dont se prévaut Mme C... trouve son origine dans une maladie en lien direct avec l'accident dont elle a été victime le 14 octobre 2009 et justifie d'un taux d'invalidité de 15 % ", et a rejeté le surplus de la demande. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Mme C... demande à la cour, à titre principal de réformer ce jugement et de juger que l'infirmité résulte de blessures et ouvre droit à une pension au taux de 30 %, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise. 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite (...) d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / (...). " 4. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, le tribunal n'a pas accordé un droit à pension pour une maladie avec un taux d'invalidité inférieur à 30 %, mais au contraire a rejeté la demande de pension de Mme C..., en substituant, comme base légale du refus, le 2° de l'article L. 4 au 3° du même article retenu par la décision initiale, l'ouverture du droit à pension étant conditionnée dans les deux cas par un taux d'invalidité de 30 % dont les premiers juges, comme l'administration, ont estimé qu'il n'était pas atteint. Par suite, et alors même qu'il a annulé partiellement la décision du 22 juillet 2016 dans son dispositif alors qu'il aurait dû se borner à rejeter la demande de Mme C..., le jugement ne fait pas grief à l'Etat, et l'appel de la ministre des armées est irrecevable. 5. L'irrecevabilité de l'appel principal du ministre des armées entraîne, par voie de conséquence, celle de l'appel incident de Mme C.... DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées et les conclusions d'appel de Mme C... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme A... D... épouse C.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX02878
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 25/10/2022, 21NT03619, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 13 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité, d'autre part, d'ordonner une expertise. Par un jugement n° 1905821 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 décembre 2021, M. C... A... demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 13 juillet 2018 de la ministre des armées; 3°) d'ordonner une expertise afin que le taux de sa pension militaire d'invalidité soit augmenté ; Il soutient que son état de santé s'est aggravé et qu'il conteste le taux maintenu à 30 pour cent alors que l'expert a conclu à un taux de 40 pour cent. Par un mémoire enregistré le 29 août 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pension militaire d'invalidité et des victimes de la guerre. - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., ancien premier maître, a exercé son activité professionnelle dans la marine nationale du 1er janvier 1965 au 3 août 1989. Il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis le 22 avril 2012 au taux de 30 pour cent à titre définitif pour l'infirmité " Plaque pleurale droite partiellement calcifiée d'origine asbestosique ". Il a présenté, le 10 février 2017, une demande de révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. Par une décision du 13 juillet 2018, le ministre de la défense a, après avis de la commission de réforme, rejeté sa demande. M. A... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes devenu compétent par l'effet de la loi. L'intéressé relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction alors applicable : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 3. Il résulte de l'instruction que l'expert ayant examiné M. A... le 13 avril 2018 constate une auscultation normale et un pouls régulier à 80 bpm, une imagerie médicale montrant une plaque pleurale antérieure droite et un discret épaississement des stepas sous-pleuraux selon un scanner thoracique du 31 mai 2016, une exploration fonctionnelle respiratoire montrant une pléthysmographie normale, une capacité de diffusion alvéolo-capillaire normale et une valeur donnée par l'oxymètre de pouls au repos à 98 %. Ces constatations sont similaires à celles effectuées par l'expertise réalisée le 16 décembre 2011 qui mentionnait, une absence de pathologie interstitielle visible et une fonction respiratoire présentant des valeurs normales. Si M. A... relève, sur la base du scanner thoracique réalisé le 31 mai 2016, l'extension de la plaque pleurale au lobe gauche de ses poumons, ce constat ne signifie pas toutefois que la maladie dont il souffre s'est aggravée, l'expert indiquant, en effet, sur ce point en 2018 que les lésions pulmonaires asbestosiques sont stables par rapport à l'examen de 2013. Dans ces conditions, même si l'expert note un discret syndrome interstitiel sous-pleural, les séquelles et la gêne fonctionnelle observées ne permettent pas d'établir que l'état de l'intéressé présenterait une aggravation justifiant une révision de sa pension. M. A... ne saurait de plus se prévaloir de la proposition de l'expert qui avançait un taux de 40 pour cent alors que ce dernier n'en justifie pas par des constatations médicales. M. A... n'apporte ainsi aucun élément médical permettant de contredire l'appréciation faite par l'administration. Dans ces conditions, en l'absence d'évolution avérée de l'infirmité de M. A..., c'est sans erreur d'appréciation que le ministre a décidé, par la décision contestée, qu'aucune aggravation n'était constatée et a maintenu le taux de 30 pour cent dont bénéficiait déjà l'intéressé. 4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 13 juillet 2018 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la ministre des Armées. Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2022. Le rapporteur, O. B...Le président, O. GASPON La greffière, S. PIERODE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°21NT03619 2
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 2ème chambre, 27/10/2022, 453606, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une décision du 24 février 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de M. A... B... contre l'arrêt n° 18MA04962 du 13 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant seulement que cet arrêt a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'aggravation de sa pathologie lombaire. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. B..., et à la SCP Foussard, Froger, avocat de La Poste ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B..., ancien fonctionnaire de La Poste mis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 12 mars 2011, tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2012 par laquelle La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire, rejeté comme non fondées ses conclusions indemnitaires fondées sur la faute tirée de l'illégalité de cette décision et condamné La Poste à lui verser 10 000 euros en réparation des préjudices distincts de ceux couverts par l'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité résultant de la faute commise par celle-ci en s'abstenant de mettre en œuvre les recommandations de la médecine de prévention. Par un arrêt du 21 mars 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires. Par une décision du 24 février 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par M. B... contre cet arrêt en tant seulement qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'aggravation de sa maladie. 2. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 3. Il ressort des écritures d'appel que M. B... soutenait que La Poste avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'aggravation de sa pathologie lombaire alors, d'une part, que les modalités d'exercice de son activité avaient contribué à cette aggravation et, d'autre part, que cette pathologie est au nombre de celles pour lesquelles il existe une présomption d'origine professionnelle. En se bornant, pour écarter la responsabilité de La Poste à ce titre, à relever que celle-ci avait pu refuser à bon droit de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, et que les dispositions dont se prévalait l'intéressé pour invoquer une présomption d'imputabilité n'étaient pas applicables à sa situation, sans se prononcer sur l'imputabilité au service de l'aggravation de cette pathologie, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation. 4. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de l'aggravation de sa maladie. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par La Poste au même titre. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 13 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis par M. B... du fait de l'aggravation de sa maladie. Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille. Article 3 : La Poste versera une somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de La Poste présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à La Poste.ECLI:FR:CECHS:2022:453606.20221027
Conseil d'Etat
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 04/10/2022, 21DA02859, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 39 791,80 euros en réparation de son préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 6 juillet 2017 la plaçant en congé de longue durée à demi-traitement et des décisions des 15 juin 2018, 24 septembre 2018 et 5 février 2019 la plaçant en disponibilité d'office à demi-traitement et de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1908862 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 décembre 2021, le 4 mars 2022 et le 16 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Leuliet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision implicite du président du conseil départemental du Pas-de-Calais du 18 août 2019 rejetant sa demande indemnitaire reçue le 18 juin 2019 ; 3°) de condamner le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 39 791,80 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté du 6 juillet 2017 la plaçant en congé de longue durée à demi-traitement à compter du 21 juin 2017 jusqu'au 20 décembre 2017 et des arrêtés des 15 juin 2018, 24 septembre 2018 et 5 février 2019 la plaçant en disponibilité d'office à demi-traitement pour une période comprise entre le 21 juin 2018 et le 31 mars 2019 ; 4°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont estimé irrecevable sa demande fondée sur l'illégalité des arrêtés des 6 juillet 2017 et 15 juin 2018, alors, d'une part, qu'ils ne constituent pas des décisions à objet purement pécuniaire et, d'autre part, que le département n'apporte pas la preuve que ces décisions sont devenues définitives ; - la prescription quadriennale ne peut être soulevée pour la première fois en appel ; - le jugement considère à tort que la consolidation de son état de santé fixée par une décision du 21 octobre 2013 devenue définitive fait obstacle au bénéfice du régime applicable aux congés accordés à la suite d'un accident de service ; - tous ses arrêts maladie postérieurs à la consolidation sont consécutifs à l'accident de service dont elle a été victime le 18 novembre 2010 et devaient dès lors ouvrir droit au maintien de sa rémunération à plein traitement, conformément aux dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; - l'illégalité du refus du département du Pas-de-Calais de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie emporte, par voie de conséquence, l'illégalité des arrêtés subséquents du 6 juillet 2017 la plaçant en congé de longue durée à demi-traitement et des 15 juin 2018, 24 septembre 2018 et 5 février 2019 la plaçant en disponibilité d'office à demi-traitement ; - le refus du département de lui proposer un temps partiel thérapeutique est susceptible d'engager la responsabilité de ce dernier dans la mesure où l'absence de proposition adaptée à son état de santé est à l'origine des arrêtés illégaux qui ont suivi ; - elle a subi un préjudice de 39 791,80 euros correspondant à la perte d'un demi-traitement de juillet 2016 à mars 2019. Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 février 2022 et le 8 juin 2022, le département du Pas-de-Calais, représenté par Me Vergnon, conclut : - à titre principal, au rejet de la requête d'appel en raison du caractère inopérant de l'exception d'illégalité de la décision individuelle refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie ; - à titre subsidiaire, au rejet de la requête d'appel et à la confirmation intégrale du jugement contesté en ce qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires formées à l'encontre des arrêtés des 6 juillet 2017 et 15 juin 2018 et comme infondées celles formées à l'encontre des arrêtés des 24 septembre 2018 et 5 février 2019 ; - à titre infiniment subsidiaire, en cas de condamnation, à la réduction de la somme à verser par déduction des sommes relatives au régime indemnitaire ; - à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles se rattachent à des arrêtés devenus définitifs, qui n'ont pas été contestés par Mme A... dans le délai raisonnable d'un an ; - les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité des arrêtés du 6 juillet 2017 et du 15 juin 2018 sont prescrites depuis le 31 décembre 2018, sur le fondement des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 ; - les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 17 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 juillet 2022 à 12 heures. En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 13 septembre 2022, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions, présentées pour la première fois en appel, par lesquelles Mme A... invoque un nouveau fait générateur de responsabilité, fondé sur l'absence de proposition de reprise à temps partiel thérapeutique. Il s'agit d'un fait générateur distinct du préjudice invoqué devant les premiers juges, fondé sur l'illégalité fautive des arrêtés la plaçant en congé de longue durée à demi-traitement puis en disponibilité d'office pour raison de santé à demi-traitement et pour l'indemnisation duquel Mme A... avait formulé une demande préalable le 10 juin 2019. Mme A..., représentée par Me Leuliet, a répondu le 14 septembre 2022. Cette réponse a été communiquée au département du Pas-de-Calais. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 modifié ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Leuliet représentant Mme A..., et de Me Laurent représentant le département du Pas-de-Calais. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., assistante socio-éducative, employée par le département du Pas-de-Calais, a été victime, le 18 novembre 2010, d'une agression sur son lieu de travail qui lui a occasionné des contusions sur la jambe droite et un syndrome dépressif réactionnel. Cet accident ayant été reconnu imputable au service, Mme A... a bénéficié d'un congé de maladie imputable au service avec maintien intégral de son traitement jusqu'au 20 juin 2013. Par une décision du 21 octobre 2013, le département du Pas-de-Calais a fixé la date de consolidation au 21 juin 2013 et a considéré que la pathologie de Mme A... ne serait plus reconnue imputable au service à compter de ce jour. A compter de cette même date, l'administration l'a placée en congé de longue maladie non imputable au service jusqu'au 20 juin 2014 et l'a rémunérée à plein traitement. Mme A... a ensuite été placée en congé de longue durée du 21 juin 2014 au 20 juin 2016 à plein traitement. Par un arrêté du 11 octobre 2016, le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a prolongé son congé de longue durée du 21 juin 2016 au 20 décembre 2016 à demi-traitement. Un arrêté du 12 janvier 2017 a prolongé le congé de longue durée du 21 décembre 2016 au 20 juin 2017, à demi-traitement. Une décision du 6 juillet 2017 a prolongé le congé de longue durée du 21 juin 2017 au 20 décembre 2017, à demi-traitement. 2. Par un arrêté du 15 juin 2018, Mme A... a ensuite été placée en disponibilité d'office pour raison de santé, du 21 juin 2018 au 30 novembre 2018, à demi-traitement. Un arrêté du 24 septembre 2018 a prolongé cette disponibilité d'office du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2019, à demi-traitement. Un arrêté du 5 février 2019 a prolongé la disponibilité d'office du 1er février 2019 au 31 mars 2019, à demi-traitement. Enfin, un second arrêté du 5 février 2019 l'a mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2019. 3. Par une lettre du 10 juin 2019, notifiée le 18 juin, Mme A... a sollicité du département du Pas-de-Calais le versement d'une indemnité réparant le préjudice qu'elle estime avoir subi, résultant de l'illégalité de l'arrêté du 6 juillet 2017 prolongeant son congé de longue durée et des arrêtés des 15 juin 2018, 24 septembre 2018 et 5 février 2019 la plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé, qui l'ont selon elle indûment privée du maintien de son plein traitement. Mme A... relève appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 4. Mme A... soutient devant la cour que le refus du département de lui proposer un temps partiel thérapeutique, au moment de sa reprise de fonctions envisagée en 2012, est également susceptible d'engager la responsabilité de ce dernier. 5. Il résulte de l'instruction que si, dans sa requête de première instance, Mme A... a demandé au tribunal la condamnation du département du Pas-de-Calais au versement d'une indemnité tendant à la réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté du 6 juillet 2017 la plaçant en congé de longue durée à demi-traitement et des arrêtés des 15 juin 2018, 24 septembre 2018 et 5 février 2019 la plaçant en disponibilité d'office à demi-traitement, elle n'a toutefois pas sollicité l'indemnisation d'un préjudice en lien avec le refus que le département aurait opposé à sa demande tendant à bénéficier d'une reprise à temps partiel thérapeutique. Dès lors, ses conclusions à fin d'indemnisation des préjudices qui résulteraient de l'illégalité de cette dernière décision, qui constitue un fait générateur distinct de celui invoqué devant les premiers juges et pour la seule indemnisation desquels elle avait formulé une demande préalable le 10 juin 2019, doivent être rejetées comme irrecevables, ainsi qu'en ont été informées les parties. Sur la régularité du jugement : 6. L'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée. 7. Il ressort des termes du jugement contesté que, pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par Mme A..., le tribunal administratif de Lille a retenu que l'intéressée avait été rendue destinataire d'un premier arrêté du 6 juillet 2017 du président du département du Pas-de-Calais prolongeant sa période de congé de longue durée du 21 juin 2017 au 20 décembre 2017 puis d'un deuxième arrêté en date du 15 juin 2018 la plaçant en disponibilité d'office du 21 juin 2018 au 30 novembre 2018 et que l'intéressée n'ayant exercé aucun recours juridictionnel à leur encontre, ces deux décisions étaient devenues définitives, de sorte que ses conclusions indemnitaires, qui n'avaient pas d'autre objet que de remettre en cause rétroactivement les effets pécuniaires de ces deux arrêtés dont elle avait fait l'objet, n'étaient pas recevables. Toutefois, les arrêtés qui placent un agent en congé de longue durée et en disponibilité d'office en raison de son état de santé, emportent des effets juridiques sur sa situation individuelle qui ne sont pas exclusivement financiers, de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme ayant un objet purement pécuniaire. Dès lors, sans qu'il soit besoin de rechercher si ces arrêtés avaient ou non des effets pécuniaires, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Lille, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a rejeté, comme irrecevables, ses conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité des deux arrêtés pris les 6 juillet 2017 et 15 juin 2018 et à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette, pour ce motif, ces conclusions. 8. Il y a ainsi lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur l'illégalité des décisions du 6 juillet 2017 et du 15 juin 2018 puis par la voie de l'effet dévolutif de l'appel en ce qui concerne ses conclusions indemnitaires tirées de l'illégalité des décisions des 24 septembre 2018 et 5 février 2019 prolongeant sa disponibilité d'office pour raison de santé. Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité des décisions du 6 juillet 2017 et du 15 juin 2018 : Sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Pas-de-Calais : 9. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique. 10. Le département du Pas-de-Calais fait valoir que le caractère définitif de la décision du 21 octobre 2013 refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts maladie de Mme A... à compter du 21 juin 2013 fait obstacle à ce que l'intéressée invoque l'illégalité de cette décision au soutien de sa demande indemnitaire. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, aucun délai raisonnable n'est opposable à un recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité de personnes publiques. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le département doit être écartée. Sur le bien-fondé des demandes indemnitaires tirées de l'illégalité des arrêtés des 6 juillet 2017 et 15 juin 2018 : 11. Mme A... demande l'indemnisation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 6 juillet 2017 la plaçant en congé de longue durée à demi-traitement du 21 juin au 20 décembre 2017 et de l'arrêté du 15 juin 2018 la plaçant en disponibilité d'office à demi-traitement pour une période allant du 21 juin au 30 novembre 2018, en tant que ces deux arrêtés ne lui ont pas fait application du régime applicable lorsque la pathologie résulte d'un accident imputable au service. 12. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) / Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie ; 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) ". Aux termes de l'article 72 de cette loi : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / (...) La disponibilité est prononcée, (...) soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. (...) ". 13. D'une part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 14. Lorsque la maladie d'un fonctionnaire a été contractée ou aggravée dans l'exercice de ses fonctions, ce dernier conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite et bénéficie du remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par cette maladie, y compris, le cas échéant, s'ils sont exposés postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente. Le droit à la prise en charge au titre de la maladie contractée en service des arrêts de travail et des frais de soins postérieurs à la consolidation demeure toutefois subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation, mais au caractère direct et certain du lien entre l'affection et la maladie imputable au service. 15. En outre, en vertu des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 précité, dans sa rédaction alors applicable, le fonctionnaire en activité a droit à un congé de longue durée en cas de maladie mentale, lui ouvrant droit à un plein traitement durant trois ans et à un demi-traitement durant deux ans. En application de ces mêmes dispositions, dans le cas où la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les deux périodes précitées sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. 16. D'autre part, la date de consolidation de l'état de santé d'un agent correspond, sauf en matière de pathologie évolutive, non à la date de la guérison, mais à celle à laquelle l'état de santé peut être considéré comme définitivement stabilisé. La circonstance que l'état de santé de l'agent soit consolidé ne fait pas obstacle à ce que les arrêts de travail postérieurs à la date de cette consolidation puissent être pris en charge au titre de l'accident de service, s'ils sont directement liés aux séquelles résultant de cet accident. 17. Il résulte de l'instruction, qu'à la suite de l'agression dont Mme A... a été victime sur son lieu de travail le 18 novembre 2010, le département du Pas-de-Calais, a sollicité l'avis de la commission de réforme, d'une part, sur l'octroi d'un temps partiel thérapeutique à 50 % et, d'autre part, sur l'imputabilité de l'accident au service. Réunie le 16 mars 2012, la commission a rendu un avis favorable sur ces deux points et le département a ensuite placé son agent en congé de maladie ordinaire imputable au service avec maintien du plein traitement et l'a invitée à prendre contact avec la conseillère mobilité et insertion professionnelle en vue d'étudier les modalités de sa reprise de travail. Mme A... ayant fait savoir que son état de santé ne lui permettait pas une reprise du travail, le département a ensuite de nouveau sollicité l'avis de la commission de réforme, laquelle s'est réunie le 20 septembre 2013 et a estimé que la consolidation devait être fixée au 12 janvier 2012, que le temps partiel thérapeutique n'était pas médicalement justifié au titre de l'accident survenu le 18 novembre 2010 et que toutes les conditions " médicales et administratives " étant réunies pour une reprise du travail, l'arrêt de travail à compter du 6 août 2012 n'était pas à prendre en compte au titre de l'accident. 18. Dans le prolongement de l'avis de la commission de réforme, par un courrier du 21 octobre 2013, le président du département du Pas-de-Calais a porté à la connaissance de Mme A... sa décision de fixer la consolidation de son état de santé au 21 juin 2013 avec un taux d'IPP de 20 % et lui a fait savoir que, dans l'attente des conclusions du comité médical départemental et du médecin de prévention, ses arrêts de travail à partir du 21 juin 2013 étaient repris au titre de la maladie ordinaire. A cet effet, Mme A... s'est vu notifier un arrêté du 23 octobre 2013 décidant son placement en congé de maladie ordinaire rémunéré à demi-traitement à réception duquel elle a formé, le 12 novembre 2013, un recours gracieux au motif que le médecin expert l'ayant examinée en janvier 2013 avait indiqué à son médecin traitant la nécessité de prolonger ses arrêts en accident de service. 19. Ce recours gracieux établit de manière certaine que Mme A... avait acquis, dès cette date, la connaissance de la décision du département du Pas-de-Calais de mettre fin à la reconnaissance de l'imputabilité au service des conséquences de son accident à la date correspondant à la consolidation de son état de santé. Si Mme A... n'est plus fondée à demander l'annulation de cette décision devenue définitive, elle peut toutefois utilement faire valoir, au soutien de ses conclusions à fin d'indemnisation, dès lors que la date de consolidation ne fait pas obstacle à la prise en charge au titre de l'accident de service, que les arrêts de travail postérieurs à cette dernière date, sont susceptibles d'être en relation avec sa pathologie initialement prise en charge et de lui ouvrir droit au bénéfice des dispositions du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 permettant la prolongation de la période de congé de longue durée et le maintien du plein traitement en cas de maladie résultant d'un accident de service. 20. Conformément à ce qui a été dit aux points 14 et 15, le maintien du plein traitement, durant cinq ans, n'est dû au fonctionnaire placé en congé de longue durée que si les arrêts de travail dont il a bénéficié continuent d'être en lien avec sa pathologie reconnue comme imputable au service. 21. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à compter du 21 juin 2013, le département du Pas-de-Calais a décidé que les arrêts maladie de Mme A... seraient repris au titre de la maladie ordinaire. Il ressort du procès-verbal de la séance du 27 mars 2014 du comité médical départemental, que ses membres ont émis un avis favorable à l'octroi à Mme A... d'un congé de longue maladie de douze mois du 21 juin 2013 au 20 juin 2014, préconisations que le département du Pas-de-Calais a décidé de suivre par un arrêté en date du 2 avril 2014 accordant à son agent un congé de longue maladie à plein traitement durant cette période. A compter du 21 juin 2014, Mme A... a été placée en congé de longue durée à raison de son affection. Si elle se prévaut des expertises du médecin psychiatre qui l'a examinée à trois reprises entre 2012 et 2013, et dont la dernière expertise réalisée le 14 janvier 2013 indiquait que son état de santé psychique ne s'était pas amélioré depuis le précédent examen et que s'agissant de complications classiques du syndrome de stress traumatique sans état pathologique antérieur ses arrêts devaient être pris en accident de service, cette seule expertise ne suffit pas à remettre en cause l'avis ultérieur rendu le 20 septembre 2013 par la commission de réforme s'opposant à une telle prise en charge ainsi que tous les avis du comité médical départemental qui ont suivi. Si, pour relier ses arrêts de travail à sa maladie, Mme A... invoque également une expertise psychiatrique en date du 21 février 2014 qui diagnostiquait " un état de névrose post traumatique avec dépression sévère, douleur morale importante et vécu sensitif " puis concluait que son état de santé justifiait l'attribution d'un congé de longue maladie d'un an à partir du 21 juin 2013, cette pièce n'est pas davantage de nature à établir que les soins et arrêts ordonnés à partir du 21 juin 2014, correspondant à la période durant laquelle l'intéressée a ensuite été placée en congé de longue durée, étaient toujours en lien direct avec sa pathologie initialement reconnue imputable au service. Par suite, en l'absence au dossier de toute pièce médicale contemporaine à la période durant laquelle Mme A... a ensuite été placée en congé de longue durée jusqu'au 21 décembre 2017 puis en disponibilité d'office jusqu'au 30 novembre 2018 et alors qu'en vertu des dispositions alors applicables à sa situation, l'imputabilité au service ne peut être présumée, aucun élément ne permet d'établir que les arrêts de travail ordonnés à partir du 21 juin 2014 seraient en lien avec l'accident de service survenu le 18 novembre 2010. 22. Enfin, contrairement à ce que soutient Mme A..., l'avis favorable rendu le 14 septembre 2018 par la commission de réforme à sa mise à la retraite pour invalidité consécutivement à son inaptitude absolue et définitive à toutes fonctions ne saurait en aucun cas établir le lien entre le service et sa maladie. 23. Dans ces conditions, après avoir constaté que Mme A... avait bénéficié, du 21 juin 2013 au 21 juin 2014 d'un congé de longue maladie d'une durée d'un an à plein traitement, puis d'un congé de longue durée de deux ans rémunéré à plein traitement du 21 juin 2014 au 21 juin 2016, le président du département du Pas-de-Calais n'a pas fait une application erronée à sa situation des dispositions des alinéas 3° et 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, en la plaçant en congé de longue durée à demi-traitement du 21 juin 2016 au 21 juin 2018. Il n'a pas davantage méconnu les dispositions de l'article 72 de cette même loi, en décidant que Mme A..., ayant épuisé ses droits statutaires à congé de longue maladie et de longue durée, elle devait être placée en disponibilité d'office à demi-traitement du 21 juin au 30 novembre 2018. 24. Il s'ensuit que ni l'arrêté du 6 juillet 2017 plaçant Mme A... en congé de longue durée à demi-traitement, ni celui du 15 juin 2018 la plaçant en disponibilité d'office à demi-traitement ne sont entachés d'illégalité. 25. Dès lors qu'aucune faute en lien direct avec ces deux décisions ne peut engager la responsabilité du département du Pas-de-Calais, les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur leur illégalité, doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de l'exception de prescription quadriennale opposée pour la première fois en appel par le département du Pas-de-Calais. Sur les demandes indemnitaires tirées de l'illégalité des arrêtés des 24 septembre 2018 et 5 février 2019 : 26. Mme A... demande l'indemnisation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 24 septembre 2018 la plaçant en disponibilité d'office à demi-traitement pour une période allant du 1er décembre 2018 au 31 janvier 2019 et de l'arrêté du 5 février 2019 prolongeant du 1er février au 31 mars 2019 son placement dans cette position et les effets sur le traitement versé, en tant que ces deux arrêtés ne lui ont pas fait application du régime applicable lorsque la pathologie résulte d'un accident imputable au service. 27. Pour rejeter ses demandes, le tribunal a estimé que " Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait pas mettre fin à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie à compter de sa date de consolidation dès lors que cette décision, prise le 21 octobre 2013, est devenue définitive faute d'avoir été contestée en temps utile devant le tribunal ". 28. Comme il a été dit au point 16, la consolidation de l'état de santé de l'agent ne fait pas obstacle à ce que les arrêts de travail postérieurs à la date de cette consolidation puissent être pris en charge au titre de l'accident de service, s'ils sont directement liés aux séquelles résultant de cet accident. Dès lors, comme le soutient l'appelante, les premiers juges ne pouvaient rejeter sa requête au seul motif de l'absence de contestation de la décision du 21 octobre 2013, sans rechercher s'il existait ou non un lien direct entre l'accident de service et les arrêts de travail postérieurs à la date de consolidation. 29. Toutefois, il y a lieu de substituer à ce motif erroné les motifs retenus aux points 21 à 24, tirés de l'absence de lien direct entre la maladie et les arrêts de travail, y compris ceux entraînant le placement en disponibilité d'office à demi-traitement de Mme A... à compter du 1er décembre 2018 sur le fondement des dispositions de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984. 30. Il s'ensuit que les arrêtés du 24 septembre 2018 et du 5 février 2019 plaçant Mme A... en disponibilité d'office pour raison de santé à demi-traitement ne sont entachés d'aucune illégalité. 31. Dès lors qu'aucune faute en lien direct avec ces deux décisions ne peut engager la responsabilité du département du Pas-de-Calais, les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur leur illégalité, doivent être rejetées. 32. Il en résulte que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire. Sur les frais liés au litige : 33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Pas-de-Calais, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A..., la somme demandée par le département du Pas-de-Calais au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 novembre 2021 est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables les demandes indemnitaires de Mme A... en lien avec les décisions des 6 juillet 2017 et 15 juin 2018. Article 2 : Les conclusions indemnitaires en lien avec les décisions des 6 juillet 2017 et 15 juin 2018 présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A... et par le département du Pas-de-Calais au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022. Le rapporteur, Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier N° 21DA02859 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 04/10/2022, 20MA02457, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 avril 2018 par laquelle le maire de la commune d'Aubagne a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie, et de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1803383 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, M. A... B..., représenté par Me Gavaudan, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1803383 du 8 juin 2020 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de reconnaitre le caractère professionnel de sa maladie ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubagne, outre les dépens, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il a commis un détournement de procédure et méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à un précédent jugement du 7 novembre 2017, en relevant d'office un moyen d'ordre public difficilement compréhensible dans son libellé, sans laisser un délai suffisant aux parties pour s'exprimer, et portant sur un point qui avait été définitivement tranché par ce jugement ; - la décision du 17 avril 2018 révèle un acharnement dès lors qu'elle reprend à son encontre la seule motivation de l'existence d'une exposition discontinue au benzène ; - elle est entachée d'erreur de droit en tant qu'elle se réfère au critère de l'exposition continue, qui n'est pas conforme au droit ; - l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 a été méconnu dès lors que la commission de réforme ne pouvait se prononcer sans disposer de l'avis d'un médecin spécialiste ainsi qu'elle l'avait réclamé ; l'absence d'un tel avis l'a privé d'une garantie et entaché la procédure d'une irrégularité ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, dès l'origine, les certificats d'expertise médicale des Drs Finaud et Gimenez font état de la situation précise et du lien de causalité entre son travail et la maladie contractée, et que le tribunal ne pouvait privilégier les conclusions des professeurs Disdier et Sebahoun, ce dernier étant de surcroît salarié de la commune d'Aubagne. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021, la commune d'Aubagne, représentée par Me Mboup, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... le paiement de la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande est irrecevable dès lors que le requérant s'est borné à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif sans soumettre au juge d'appel des prétentions de fond ; - la requête de première instance était elle-même irrecevable dès lors qu'elle ne remplissait pas l'exigence de motivation fixée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tenant à l'irrecevabilité du moyen de légalité externe soulevé par le requérant à l'encontre de la décision du 17 avril 2018, tiré du vice de procédure, dès lors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est fondé sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans sa demande de première instance, qui se bornait à contester la légalité interne de la décision en litige. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 4 août 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Dermerguerian, substituant Me Mboup, représentant la commune d'Aubagne. Considérant ce qui suit : 1. M. B... exerçait comme titulaire en qualité d'ingénieur architecte au sein de la commune d'Aubagne. Au cours de l'année 2010, il a été diagnostiqué comme étant porteur d'une leucémie myéloïde chronique. Placé en position de congé maladie pour la période du 15 avril 2010 au 5 juillet 2010, puis admis à faire valoir ses droits à la retraite et radié des cadres à compter du 5 juillet 2012, il a saisi le maire de la commune d'Aubagne d'une demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, demande rejetée par une première décision du 30 avril 2015. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision et enjoint au maire de la commune d'Aubagne de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de trois mois. A la suite de ce jugement, la commune a saisi la commission de réforme, laquelle a émis un avis défavorable sur la demande de reconnaissance d'imputabilité lors de sa séance du 20 mars 2018 et, par décision du 17 avril 2018, le maire a de nouveau rejeté la demande de M. B... tendant à ce que sa pathologie soit reconnue comme correspondant à celles inscrites au tableau n° 4 des maladies professionnelles du code de la sécurité sociale. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 8 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 avril 2018. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 3. Pour rejeter la demande de première instance, le tribunal administratif, après avoir censuré pour erreur de droit le motif retenu par la commune d'Aubagne dans sa décision du 17 avril 2018, lui a substitué un nouveau motif tiré de l'incertitude quant à l'existence d'un lien direct entre la pathologie du requérant et son activité professionnelle. Il ressort du mémoire en défense produit par la commune devant le tribunal administratif que ce motif a été énoncé par l'administration, et que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations sur sa substitution à celui initialement retenu dans la décision en litige, par la seule communication des écritures de l'administration à laquelle il a été procédé le 18 mars 2019. Par conséquent, indépendamment des conditions dans lesquelles le tribunal a communiqué aux parties, par lettre du 15 mai 2020, un moyen d'ordre public en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, alors qu'il n'y était pas tenu, portant précisément sur cette substitution de motifs, M. B... n'a été privé d'aucune garantie et n'est donc pas fondé, par suite, à soutenir que les premiers juges, qui se sont bornés à exercer leur office en procédant à une substitution de motifs, auraient méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le caractère contradictoire de la procédure. 4. En second lieu, si M. B... soutient que les premiers juges, en procédant à cette substitution de motifs, auraient méconnu l'autorité de la chose jugée qui serait attachée au jugement rendu par le tribunal le 7 novembre 2017, un tel moyen, qui relève du bien-fondé du jugement attaqué, est sans incidence sur sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement : 5. En premier lieu, M. B... soutient, pour la première fois en appel, que la décision du 17 avril 2018 portant refus de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie serait entachée d'un vice de procédure tenant à ce que la commission de réforme aurait été irrégulièrement composée, en méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Ce moyen ressortit à la légalité externe de la décision attaquée et n'est pas d'ordre public. Il est par ailleurs constant que les seuls moyen soumis au tribunal administratif par le requérant étaient relatifs à la légalité interne de la décision attaquée. Par conséquent, le moyen précité, qui relève d'une cause juridique distincte de ceux soulevés en première instance, ne peut être invoqué pour la première fois en appel et doit être écarté comme irrecevable. 6. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". En outre, l'annexe II " Tableau n° 4 - Hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant " du livre IV du code de la sécurité sociale prévoit une durée d'exposition de six mois au benzène pour que les hémopathies provoquées par cette substance relèvent du régime de la maladie professionnelle. 7. D'autre part, l'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 8. Pour rejeter la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de M. B..., le maire de la commune d'Aubagne, qui s'est fondé sur l'unique motif d'une exposition discontinue au benzène, doit être regardé comme s'étant nécessairement fondé sur les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 qui prévoient un régime de présomption d'imputabilité lorsqu'une maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale a été diagnostiquée et contractée par l'agent dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. Toutefois, la maladie de M. B... ayant été diagnostiquée au cours de l'année 2010, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, aucune disposition ne permettait, à la date de la décision attaquée, de rendre applicable le régime de présomption d'imputabilité qu'elles prévoient aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale. Il en résulte que la décision du maire de la commune d'Aubagne est entachée d'erreur de droit. 9. Toutefois, après avoir à bon droit relevé le caractère erroné du motif ainsi retenu par le maire, les premiers juges lui ont substitué celui tenant à l'absence de lien direct entre la maladie et l'exercice de ses fonctions par M. B.... 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 11. Selon les certificats médicaux établis les 28 septembre 2019 par un médecin spécialiste en pneumologie et 19 décembre 2019 par un médecin spécialiste en oncologie et maladie du sang, M. B... aurait été exposé, dans le cadre de son activité professionnelle au sein de la commune d'Aubagne, au benzène et dérivés de cette substance, une telle exposition ayant pu entrainer une toxicité pulmonaire et être à l'origine de sa leucémie myéloïde chronique. Toutefois, selon le rapport d'expertise établi le 22 septembre 2012 par le médecin agréé mandaté par la commune d'Aubagne, ni le profil du poste occupé par le requérant, pas plus que la sémiologie fonctionnelle rapportée lors des visites de chantier ou des activités sur table à dessins, ne révèlent une exposition continue et intense à des substances toxiques susceptibles d'être responsables de syndromes myéloprolifératifs. L'analyse de cet expert est corroborée par le rapport particulièrement précis et documenté établi le 30 janvier 2013 par le chef du service d'hématologie de l'hôpital Nord de Marseille, selon lequel, si le requérant a été amené à inhaler occasionnellement des vapeurs de solvants volatils utilisés dans les peintures, le benzène était interdit depuis 1976 dans les préparations commerciales et industrielles à un taux supérieur à 0,1 %, de sorte qu'une exposition à cette substance n'est pas démontrée. De plus, toujours selon ce rapport, si les peintures contiennent des hydrocarbures aliphatiques halogénés qui peuvent provoquer des troubles reconnus comme maladies professionnelles inscrites au tableau n° 12 des maladies professionnelles du code de la sécurité sociale, ces substances ne sont pas de nature, en revanche, à générer des syndromes myéloprolifératifs. Dans ces conditions, l'existence d'un lien direct entre la pathologie de M. B... et le service n'est pas établie. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le maire de la commune d'Aubagne aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif, lequel ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que, par la décision en litige, le maire de la commune d'Aubagne a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... 12. En troisième lieu, la seule circonstance que le médecin, rédacteur du rapport du 30 janvier 2013 cité au point précédent, procèderait également, de manière ponctuelle, à des consultations médicales au centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne ne saurait, par elle-même, révéler une situation de conflit d'intérêt de nature à remettre en cause les constatations et conclusions médicales qu'il a réalisées dans son rapport du 30 janvier 2013. 13. En quatrième lieu, si M. B... considère que la décision du 17 avril 2018 révèle un " acharnement " à son encontre, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi, et ce d'autant que l'administration pouvait légalement, ainsi qu'il a été dit, rejeter la demande de reconnaissance d'imputabilité au service dont elle était saisie. 14. En cinquième et dernier lieu, à le supposer soulevé, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée ne peut qu'être écarté dès lors que la condition d'identité d'objet n'est pas remplie, la décision attaquée dans l'instance n° 1803383 devant le tribunal administratif de Marseille étant distincte de celle annulée, pour vice de procédure, par le jugement rendu par ce même tribunal le 7 novembre 2017. 15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel et de la demande de première instance, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aubagne au titre de ces mêmes dispositions. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aubagne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Aubagne. Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2022. 2 N° 20MA02457
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 04/10/2022, 20MA00597, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 avril 2018 par laquelle le maire de la commune d'Aubagne a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie, et de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1803383 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, M. A... B..., représenté par Me Gavaudan, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1803383 du 8 juin 2020 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de reconnaitre le caractère professionnel de sa maladie ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubagne, outre les dépens, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il a commis un détournement de procédure et méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à un précédent jugement du 7 novembre 2017, en relevant d'office un moyen d'ordre public difficilement compréhensible dans son libellé, sans laisser un délai suffisant aux parties pour s'exprimer, et portant sur un point qui avait été définitivement tranché par ce jugement ; - la décision du 17 avril 2018 révèle un acharnement dès lors qu'elle reprend à son encontre la seule motivation de l'existence d'une exposition discontinue au benzène ; - elle est entachée d'erreur de droit en tant qu'elle se réfère au critère de l'exposition continue, qui n'est pas conforme au droit ; - l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 a été méconnu dès lors que la commission de réforme ne pouvait se prononcer sans disposer de l'avis d'un médecin spécialiste ainsi qu'elle l'avait réclamé ; l'absence d'un tel avis l'a privé d'une garantie et entaché la procédure d'une irrégularité ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, dès l'origine, les certificats d'expertise médicale des Drs Finaud et Gimenez font état de la situation précise et du lien de causalité entre son travail et la maladie contractée, et que le tribunal ne pouvait privilégier les conclusions des professeurs Disdier et Sebahoun, ce dernier étant de surcroît salarié de la commune d'Aubagne. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021, la commune d'Aubagne, représentée par Me Mboup, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... le paiement de la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande est irrecevable dès lors que le requérant s'est borné à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif sans soumettre au juge d'appel des prétentions de fond ; - la requête de première instance était elle-même irrecevable dès lors qu'elle ne remplissait pas l'exigence de motivation fixée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tenant à l'irrecevabilité du moyen de légalité externe soulevé par le requérant à l'encontre de la décision du 17 avril 2018, tiré du vice de procédure, dès lors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est fondé sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans sa demande de première instance, qui se bornait à contester la légalité interne de la décision en litige. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 4 août 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Dermerguerian, substituant Me Mboup, représentant la commune d'Aubagne. Considérant ce qui suit : 1. M. B... exerçait comme titulaire en qualité d'ingénieur architecte au sein de la commune d'Aubagne. Au cours de l'année 2010, il a été diagnostiqué comme étant porteur d'une leucémie myéloïde chronique. Placé en position de congé maladie pour la période du 15 avril 2010 au 5 juillet 2010, puis admis à faire valoir ses droits à la retraite et radié des cadres à compter du 5 juillet 2012, il a saisi le maire de la commune d'Aubagne d'une demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, demande rejetée par une première décision du 30 avril 2015. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision et enjoint au maire de la commune d'Aubagne de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de trois mois. A la suite de ce jugement, la commune a saisi la commission de réforme, laquelle a émis un avis défavorable sur la demande de reconnaissance d'imputabilité lors de sa séance du 20 mars 2018 et, par décision du 17 avril 2018, le maire a de nouveau rejeté la demande de M. B... tendant à ce que sa pathologie soit reconnue comme correspondant à celles inscrites au tableau n° 4 des maladies professionnelles du code de la sécurité sociale. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 8 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 avril 2018. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 3. Pour rejeter la demande de première instance, le tribunal administratif, après avoir censuré pour erreur de droit le motif retenu par la commune d'Aubagne dans sa décision du 17 avril 2018, lui a substitué un nouveau motif tiré de l'incertitude quant à l'existence d'un lien direct entre la pathologie du requérant et son activité professionnelle. Il ressort du mémoire en défense produit par la commune devant le tribunal administratif que ce motif a été énoncé par l'administration, et que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations sur sa substitution à celui initialement retenu dans la décision en litige, par la seule communication des écritures de l'administration à laquelle il a été procédé le 18 mars 2019. Par conséquent, indépendamment des conditions dans lesquelles le tribunal a communiqué aux parties, par lettre du 15 mai 2020, un moyen d'ordre public en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, alors qu'il n'y était pas tenu, portant précisément sur cette substitution de motifs, M. B... n'a été privé d'aucune garantie et n'est donc pas fondé, par suite, à soutenir que les premiers juges, qui se sont bornés à exercer leur office en procédant à une substitution de motifs, auraient méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le caractère contradictoire de la procédure. 4. En second lieu, si M. B... soutient que les premiers juges, en procédant à cette substitution de motifs, auraient méconnu l'autorité de la chose jugée qui serait attachée au jugement rendu par le tribunal le 7 novembre 2017, un tel moyen, qui relève du bien-fondé du jugement attaqué, est sans incidence sur sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement : 5. En premier lieu, M. B... soutient, pour la première fois en appel, que la décision du 17 avril 2018 portant refus de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie serait entachée d'un vice de procédure tenant à ce que la commission de réforme aurait été irrégulièrement composée, en méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Ce moyen ressortit à la légalité externe de la décision attaquée et n'est pas d'ordre public. Il est par ailleurs constant que les seuls moyen soumis au tribunal administratif par le requérant étaient relatifs à la légalité interne de la décision attaquée. Par conséquent, le moyen précité, qui relève d'une cause juridique distincte de ceux soulevés en première instance, ne peut être invoqué pour la première fois en appel et doit être écarté comme irrecevable. 6. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". En outre, l'annexe II " Tableau n° 4 - Hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant " du livre IV du code de la sécurité sociale prévoit une durée d'exposition de six mois au benzène pour que les hémopathies provoquées par cette substance relèvent du régime de la maladie professionnelle. 7. D'autre part, l'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 8. Pour rejeter la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de M. B..., le maire de la commune d'Aubagne, qui s'est fondé sur l'unique motif d'une exposition discontinue au benzène, doit être regardé comme s'étant nécessairement fondé sur les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 qui prévoient un régime de présomption d'imputabilité lorsqu'une maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale a été diagnostiquée et contractée par l'agent dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. Toutefois, la maladie de M. B... ayant été diagnostiquée au cours de l'année 2010, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, aucune disposition ne permettait, à la date de la décision attaquée, de rendre applicable le régime de présomption d'imputabilité qu'elles prévoient aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale. Il en résulte que la décision du maire de la commune d'Aubagne est entachée d'erreur de droit. 9. Toutefois, après avoir à bon droit relevé le caractère erroné du motif ainsi retenu par le maire, les premiers juges lui ont substitué celui tenant à l'absence de lien direct entre la maladie et l'exercice de ses fonctions par M. B.... 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 11. Selon les certificats médicaux établis les 28 septembre 2019 par un médecin spécialiste en pneumologie et 19 décembre 2019 par un médecin spécialiste en oncologie et maladie du sang, M. B... aurait été exposé, dans le cadre de son activité professionnelle au sein de la commune d'Aubagne, au benzène et dérivés de cette substance, une telle exposition ayant pu entrainer une toxicité pulmonaire et être à l'origine de sa leucémie myéloïde chronique. Toutefois, selon le rapport d'expertise établi le 22 septembre 2012 par le médecin agréé mandaté par la commune d'Aubagne, ni le profil du poste occupé par le requérant, pas plus que la sémiologie fonctionnelle rapportée lors des visites de chantier ou des activités sur table à dessins, ne révèlent une exposition continue et intense à des substances toxiques susceptibles d'être responsables de syndromes myéloprolifératifs. L'analyse de cet expert est corroborée par le rapport particulièrement précis et documenté établi le 30 janvier 2013 par D..., selon lequel, si le requérant a été amené à inhaler occasionnellement des vapeurs de solvants volatils utilisés dans les peintures, le benzène était interdit depuis 1976 dans les préparations commerciales et industrielles à un taux supérieur à 0,1 %, de sorte qu'une exposition à cette substance n'est pas démontrée. De plus, toujours selon ce rapport, si les peintures contiennent des hydrocarbures aliphatiques halogénés qui peuvent provoquer des troubles reconnus comme maladies professionnelles inscrites au tableau n° 12 des maladies professionnelles du code de la sécurité sociale, ces substances ne sont pas de nature, en revanche, à générer des syndromes myéloprolifératifs. Dans ces conditions, l'existence d'un lien direct entre la pathologie de M. B... et le service n'est pas établie. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le maire de la commune d'Aubagne aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif, lequel ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que, par la décision en litige, le maire de la commune d'Aubagne a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... 12. En troisième lieu, la seule circonstance que le médecin, rédacteur du rapport du 30 janvier 2013 cité au point précédent, procèderait également, de manière ponctuelle, à des consultations médicales au centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne ne saurait, par elle-même, révéler une situation de conflit d'intérêt de nature à remettre en cause les constatations et conclusions médicales qu'il a réalisées dans son rapport du 30 janvier 2013. 13. En quatrième lieu, si M. B... considère que la décision du 17 avril 2018 révèle un " acharnement " à son encontre, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi, et ce d'autant que l'administration pouvait légalement, ainsi qu'il a été dit, rejeter la demande de reconnaissance d'imputabilité au service dont elle était saisie. 14. En cinquième et dernier lieu, à le supposer soulevé, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée ne peut qu'être écarté dès lors que la condition d'identité d'objet n'est pas remplie, la décision attaquée dans l'instance n° 1803383 devant le tribunal administratif de Marseille étant distincte de celle annulée, pour vice de procédure, par le jugement rendu par ce même tribunal le 7 novembre 2017. 15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel et de la demande de première instance, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aubagne au titre de ces mêmes dispositions. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aubagne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Aubagne. Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2022. 2 N° 20MA02457
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 27/09/2022, 21NT00581, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 19 juin 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905697 du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 mars et 25 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Bihan, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 janvier 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 19 juin 2017 ; 3°) de revaloriser sa pension militaire d'invalidité à la date du 28 juin 1988 ou subsidiairement au 1er janvier 2014 sur la base de l'indice 172,1 applicable pour un militaire de la marine nationale ayant un grade équivalent au sien ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; les premiers juges ont omis de se prononcer sur la primauté du principe de sécurité juridique sur celui d'égalité ; - sa demande est recevable dès lors que les dispositions de l'article 5 du décret du 20 février 1959, qui limite le délai de contestation de la pension à six mois à compter de son attribution, n'a pas vocation à s'appliquer ; en tout état de cause, ce délai ne pourrait courir qu'à compter de la décision contestée ; en outre, il appartient à l'administration d'établir que la décision du 7 juin 1988 comportait la mention de l'indice servant au calcul de sa pension militaire d'invalidité ainsi que les voies et délais de recours ; - il est fondé à solliciter la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité sur le fondement des articles 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de valeur constitutionnel d'égalité ; - sa demande n'a pas pour objet de contester la décision initiale lui concédant une pension militaire d'invalidité mais de revaloriser sa pension sur la base d'une évolution normative intervenue en 2010 pour mettre un terme à une situation discriminatoire ; - qu'en toute hypothèse, il ne serait pas porté atteinte au principe de sécurité juridique dès lors que la revalorisation aurait une portée rétroactive limitée à 3 ans à compter de sa demande ; - il est fondé à solliciter une revalorisation à compter du 28 juin 1988, à tout le moins au 1er janvier 2014. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, la ministre des armées, conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la requête est tardive et par suite irrecevable, et à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; - le décret n° 2010-473 du 10 mai 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., adjudant-chef dans l'armée de terre, bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % qui lui a été concédée, à titre définitif, par un arrêté du 7 juin 1988. Le 23 janvier 2017, l'intéressé a présenté une demande de revalorisation de cette pension. Il souhaite un alignement de l'indice servant au calcul de sa pension sur celui dont bénéficient les militaires de la marine nationale. Par une décision du 19 juin 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le décret du 10 mai 2010 relatif à la détermination des indices des pensions et accessoires de pensions alloués aux invalides, aux conjoints survivants et aux orphelins au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui a supprimé les différences de traitement entre les différents corps d'armée pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, ne s'appliquait que pour les pensions concédées après sa publication. M. C... a saisi le tribunal des pensions militaires qui a transmis ce dossier au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent. Il relève appel du jugement du 4 janvier 2021 par lequel les premiers juges ont rejeté sa requête pour tardiveté. Sur la régularité du jugement attaqué : En ce qui concerne la motivation du jugement attaqué : 2. Le tribunal administratif a estimé qu'eu égard au principe de sécurité juridique, M. C... n'avait pas introduit sa demande dans un délai raisonnable. Sa requête étant jugée tardive et par suite irrecevable, les premiers juges n'avaient pas à répondre aux moyens de fond présentés par l'intéressé, et notamment à celui tiré de ce que la décision contestée du 19 juin 2017 serait contraire au principe d'égalité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur la primauté du principe de sécurité juridique sur celui d'égalité. Contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité à raison de ce motif. En ce qui concerne la recevabilité de la requête présentée par M. C... : 3. Aux termes de l'article 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, repris à l'article L. 154-4 du même code, en vigueur à la date du 23 janvier 2017 : " I- Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise ; 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces au vu desquels l'arrêté de concession a été pris sont reconnues inexactes, ou bien en ce qui concerne le grade ou les circonstances du décès, ou bien en ce qui concerne l'état des services, ou bien en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, ou bien en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai, dans les mêmes formes que la concession, sur l'initiative du ministre chargé du budget ou du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ou à la demande des parties, par voie administrative si la décision qui a alloué la pension définitive ou temporaire ne faisait pas suite à une procédure contentieuse. / Dans le cas contraire, la demande en révision est portée devant la juridiction qui avait rendu la décision attaquée. Elle en est saisie dans les formes indiquées au livre VII.(...)". 4. M. C... ne conteste ni une erreur matérielle de liquidation de sa pension, ni une erreur dans les faits ayant conduit à ce que cette pension lui soit concédée. Par suite, il n'entre pas dans les prévisions de l'article 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permettant de solliciter la révision d'une pension militaire d'invalidité sans condition de délai. 5. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction en vigueur à la date du 23 janvier 2017 : " Les décisions prises par le ministre de la défense ou le ministre chargé du budget en application des dispositions des articles L. 115, L. 128 et R. 19 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. ". La demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par ces dispositions. Toutefois, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". 6. Il est constant que M. C... s'est vu attribuer à titre définitif une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % par un arrêté du 7 juin 1988. Il aurait donc dû solliciter la révision de sa pension dans les six mois suivant la notification de cette décision. Toutefois, si le ministre a produit en première instance un document daté du 28 juin 1988 signé par M. C... attestant qu'il a eu connaissance de cette décision, laquelle indiquait l'indice sur la base duquel sa pension était calculée, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'à cette date il aurait été régulièrement informé des voies et délais de recours lui permettant de contester notamment l'indice retenu par l'administration. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que les dispositions précitées ne lui étaient pas opposables, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le tribunal administratif. 7. Toutefois, ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 8. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a produit l'arrêté de concession définitive de la pension militaire d'invalidité de M. C... du 7 juin 1988 ainsi que la déclaration préalable à la mise en paiement de la pension. Celle-ci porte la signature de l'intéressé qui atteste l'avoir reçue le 28 juin 1988. Par suite, à compter de cette date, M. C... était en mesure de contester cette décision, ou les modalités de calcul de sa pension militaire d'invalidité, dont il avait alors eu connaissance. Les circonstances que le décret du 5 septembre 1956 relatif à la détermination des indices des pensions et accessoires de pensions alloués aux invalides au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre a fixé les indices de la pension d'invalidité afférents aux grades des sous-officiers de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la gendarmerie à un niveau inférieur aux indices attachés aux grades équivalents dans la marine nationale en méconnaissance du principe d'égalité, et que le décret du 10 mai 2010 a procédé, pour les pensions concédées après sa publication, à un alignement des indices applicables à tous les militaires quel que soit leur corps d'armée pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, ne peuvent être regardées comme l'ayant empêché d'exercer son recours devant l'administration avant le 23 janvier 2017, puis de saisir le tribunal des pensions militaires aux fins de révision de sa pension avant le 7 août 2017. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le recours présenté par M. C... tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, alors même qu'il avait été introduit dans le délai de deux mois suivant la décision de la ministre du 19 juin 2017 rejetant sa demande, avait été présenté au-delà du délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à ce que la cour procède à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité doivent, par voie de conséquence, également être rejetées. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 septembre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, S.PIERODE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT00581
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 3ème chambre, 28/09/2022, 20LY02547, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 23 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n° 1900639 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020 et un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B... épouse C..., représentée par Me Gras (SELAS Agis), avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2020 ; 2°) d'annuler la décision en date du 23 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) d'enjoindre à la commune de ... de déclarer sa pathologie imputable au service et de lui verser l'intégralité de son traitement et le remboursement de l'ensemble de ses frais médicaux, du 1er décembre 2015 à ce jour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) subsidiairement, d'ordonner la réalisation d'une expertise ; 5°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, aucun spécialiste de sa pathologie n'ayant participé à la séance de la commission de réforme préalablement consultée ; - elle méconnaît le 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, sa pathologie ayant une origine professionnelle. Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2021, la commune de ..., représentée par Me Cottignies (SELARL Philippe Petit et associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par ordonnance du 18 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2021. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - et les observations de Me Soalla, avocate, représentant Mme C..., et de Me Garaudet, avocate, représentant la commune de ... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B... épouse C..., alors adjointe territoriale au sein de la commune de ..., relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune du 23 novembre 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) La composition et le fonctionnement des commissions de réforme sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, de la santé et du budget, pris après avis du conseil supérieur compétent ". Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend : " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ". 3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision litigieuse. 4. Il ressort des pièces du dossier qu'en se prévalant d'un certificat médical du Dr M. daté du 4 juin 2018, Mme C... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une arthropathie acromio-claviculaire et d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de son épaule droite. Pour émettre un avis sur cette demande, la commission de réforme disposait notamment d'un avis rendu le 12 juillet 2018, après examen de l'intéressée, par le Dr M., rhumatologue. Mme C... ne démontre nullement que cet avis, rendu par un spécialiste de sa pathologie, était insuffisant pour éclairer la commission de réforme, en se prévalant uniquement de certificats émanant d'un médecin généraliste et d'un certificat établi par un rhumatologue, dépourvu de tout caractère affirmatif quant à l'origine de sa pathologie. Ainsi, il n'est pas manifeste que la participation d'un rhumatologue à la séance du 6 novembre 2018 aurait été nécessaire. Par suite, l'absence d'un tel médecin spécialiste n'a pas été de nature à entacher la procédure suivie devant la commission de réforme d'irrégularité. 5. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de Mme C..., le maire de ... a suivi l'avis émis par la commission de réforme le 6 novembre 2018, lui-même conforme à l'avis rendu par un médecin rhumatologue le 12 juillet 2018 et concluant à l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Si Mme C... se prévaut de deux certificats en sens inverse du Dr M., généraliste, il n'est pas établi, contrairement à ce qu'affirment ces certificats, que le poste de secrétaire médicale qu'elle occupait depuis 2009, à la suite d'un reclassement, supposait la manipulation de lourds dossiers. Il n'est, en outre, pas contesté que, précédemment affectée à un poste d'agent d'entretien, Mme C... a bénéficié d'adaptations excluant le port de charges lourdes dès 1994 et, à l'exception de quelques mois en 2001, a cessé d'exercer ces fonctions dès 1999. Enfin, et comme indiqué précédemment, le certificat établi par un rhumatologue le 15 novembre 2018 dont Mme C... se prévaut est dépourvu de tout caractère affirmatif quant à l'origine de sa pathologie. Dans ces conditions, il n'est nullement établi que la tendinopathie de la coiffe des rotateurs de son épaule droite, diagnostiquée en 2015, de même que les cervicalgies, apparues antérieurement, seraient directement liées à l'exercice de ses fonctions. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la réalisation d'une expertise, que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... épouse C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B... épouse C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par la commune de ... en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de ... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et à la commune de .... Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Sophie Corvellec, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022. La rapporteure, Sophie CorvellecLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY02547
Cours administrative d'appel
Lyon