5951 resultados
CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 13/10/2020, 18MA02467, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 58 000 euros à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 1602020 du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Montpellier a fait partiellement droit à cette demande en condamnant La Poste à verser à M. B... une somme de 3 000 euros. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 mai 2018 et 26 décembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 mars 2018 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ; 2°) de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 58 000 euros à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices qu'il a subis ; 3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité pour faute de La Poste est engagée du fait de l'illégalité des décisions des 18 juillet 2011 et 27 mars 2012 refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa rechute du 8 décembre 2003 ; - la décision du 14 janvier 2004 refusant cette reconnaissance est entachée d'un vice de procédure constituant une illégalité fautive ; - la reconnaissance tardive de l'imputabilité au service tant de cette rechute que de la dépression dont il souffre constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de La Poste ; - l'exécution tardive des jugements du tribunal administratif de Montpellier des 7 juillet 2010 et 5 juin 2013 constitue également une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste ; - il a été victime d'une discrimination liée à son état de santé ainsi que de faits de harcèlement moral ; - La Poste doit être condamnée à lui verser la somme totale de 35 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis du fait des différentes fautes ainsi commises ; - la responsabilité sans faute de la Poste est engagée compte tenu de ses souffrances physiques et morales, ainsi que de son préjudice d'agrément, liés à ses accidents de service et à la maladie professionnelle dont il souffre depuis 2006 ; - La Poste doit être condamnée à lui verser la somme totale de 23 000 euros au titre de ces souffrances et de ce préjudice d'agrément. Par des mémoires en défense enregistrés les 11 et 14 octobre 2019, La Poste, représentée par Me E..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 3 000 euros, au rejet des conclusions de l'intéressé et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; - les conditions d'engagement de sa responsabilité sans faute ne sont pas réunies ; - les préjudices allégués ne sont pas établis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D..., - les conclusions de M. Roux, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant M. B.... Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 8 octobre 2020. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., fonctionnaire de La Poste, relève appel du jugement du 23 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a fait partiellement droit à sa demande indemnitaire en condamnant La Poste à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du caractère tardif de l'examen de sa demande de mi-temps thérapeutique. Par la voie de l'appel incident, La Poste demande la réformation de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser cette somme de 3 000 euros à M. B.... Sur la responsabilité pour faute de La Poste : En ce qui concerne la rechute du 8 décembre 2003 : 2. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime, le 2 juin 1999, d'une chute de vélo, reconnue imputable au service, lui ayant occasionné un traumatisme du genou droit. La demande de l'intéressé tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa rechute, survenue le 8 décembre 2003, de cet accident de service a été rejetée par une décision de son employeur du 14 janvier 2004. Par une décision n° 309307 du 19 novembre 2008, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le jugement n° 0404106 du 20 juin 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier avait rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision du 14 janvier 2004. Après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, cette décision a finalement été annulée par un jugement n° 0805587 du 7 juillet 2010 en raison d'un vice de procédure. A la suite de ce jugement d'annulation, la demande de M. B... mentionnée ci-dessus a été rejetée une nouvelle fois par une décision de son employeur du 18 juillet 2011 qui a ensuite été retirée par une décision du 27 mars 2012 refusant également de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute du 8 décembre 2003. M. B... a, par la suite, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la désignation d'un expert en vue notamment de déterminer si cette rechute était imputable à l'accident de service dont il a été victime le 2 juin 1999. Par une décision du 15 février 2013, prise au vu notamment du rapport établi par l'expert désigné à la demande de M. B..., la rechute du 8 décembre 2003, caractérisée par un syndrome rotulien du genou droit, a finalement été reconnue imputable à cet accident de service. 3. En premier lieu, la décision du 14 janvier 2004 mentionnée au point précédent a été annulée par un jugement, devenu irrévocable, du 7 juillet 2010 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier pour un motif tiré du défaut de consultation de la commission de réforme. Cette illégalité constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de La Poste. 4. En second lieu, lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service. 5. Il résulte de l'instruction que la date de consolidation de l'état de santé de M. B..., à la suite de l'accident de service du 2 juin 1999, a été fixée au 26 janvier 2000 et que, postérieurement à cette consolidation, l'intéressé a présenté des douleurs au niveau de son genou droit. Par ailleurs, il résulte des rapports d'expertise établis respectivement le 17 juillet 2007 par le docteur Hatt et le 12 juillet 2012 par le professeur Chammas que les troubles dont M. B... a souffert le 8 décembre 2003 présentent un lien direct et certain avec cet accident de service, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu La Poste dans sa décision du 15 février 2013 évoquée au point 2. Dans ces conditions, l'appelant est fondé à soutenir que les décisions du 18 juillet 2011 et du 27 mars 2012 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de ces troubles, au demeurant qualifiés de " rechute " par les médecins mentionnés ci-dessus, étaient, avant leur retrait respectivement par des décisions du 27 mars 2012 et du 14 février 2013, entachées d'une erreur d'appréciation. L'intervention de ces décisions illégales constitue une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste. 6. Les illégalités entachant la décision du 14 janvier 2004, qui ne pouvait être légalement prise pour les motifs exposés au point 5, et les décisions du 18 juillet 2011 et du 27 mars 2012, qui étaient entachées d'une erreur d'appréciation, sont directement à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence invoqués par M. B.... En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les négligences fautives dont l'existence serait révélée par l'illégalité de ces décisions, ni en tout état de cause, que l'exécution tardive invoquée du jugement du 7 juillet 2010, seraient à l'origine d'un préjudice distinct. 7. En l'espèce, compte tenu du long délai qui s'est écoulé entre la demande de l'intéressé et la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa " rechute ", le 15 février 2013, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en condamnant La Poste à lui verser une somme de 5 000 euros à ce titre. En ce qui concerne la maladie professionnelle : 8. Il résulte de l'instruction que M. B... a sollicité, le 23 mars 2010, la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome dépressif dont il souffre depuis 2006. La décision implicite rejetant cette demande a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2013 pour un vice de procédure tiré de l'absence de consultation de la commission de réforme. Cette demande présentée par M. B... au cours de l'année 2010 a finalement été satisfaite par une décision du 20 octobre 2015. 9. Alors même qu'aucune injonction en ce sens n'avait été prononcée par le jugement du 5 juin 2013 évoqué au point précédent, il appartenait à l'autorité compétente de La Poste, à la suite de ce jugement, de statuer à nouveau sur la demande présentée le 23 mars 2010 par M. B.... Il résulte de l'instruction que l'intéressé a été contraint, à la suite de cette annulation contentieuse, de saisir la présidente du tribunal administratif de Montpellier, le 10 avril 2015, d'une demande tendant à l'exécution de ce jugement. En statuant le 20 octobre suivant sur la demande de M. B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, soit plus de deux ans après l'intervention du jugement du 5 juin 2013, La Poste, qui n'a pas exécuté ce jugement dans un délai raisonnable, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. 10. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'autre faute invoquée à cet égard par M. B..., tenant au caractère tardif de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, serait à l'origine d'un préjudice distinct, M. B... est en droit de prétendre à la réparation de ses préjudices avec lesquels la faute relevée au point précédent présente un lien direct de causalité. 11. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. B..., en raison de la faute relevée au point 9, en condamnant La Poste à lui verser une somme de 3 000 euros à ce titre. En ce qui concerne la demande de mi-temps thérapeutique : 12. Les premiers juges ont estimé que le retard avec lequel La Poste a pris position sur la demande de mi-temps thérapeutique de M. B... constitue une négligence fautive de nature à engager sa responsabilité. Ils ont, en conséquence, condamné La Poste à réparer les préjudices subis par M. B... du fait de ce retard en lui versant une somme globale de 3 000 euros. 13. En se bornant à soutenir que M. B... " ne démontre pas qu'il devait obligatoirement faire l'objet d'un placement sur un mi-temps thérapeutique " et à faire état de la circonstance que les décisions rejetant la demande présentée à cette fin par l'intéressé ont été annulées pour des motifs de légalité externe par le jugement déjà évoqué du 5 juin 2013, La Poste n'apporte en appel aucun élément susceptible d'infirmer la solution retenue, sur ce point, par les premiers juges.[0] Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par La Poste. En ce qui concerne le harcèlement moral et la discrimination : 14. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à toute discrimination et à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations ou les agissements de harcèlement allégués sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 15. D'une part, en se bornant à soutenir qu'il aurait été " stigmatisé en raison de son état de santé ", M. B... ne soumet à la Cour aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé. 16. D'autre part, si M. B... invoque les illégalités et fautes commises par La Poste dans le cadre de la gestion de son dossier médical depuis son accident de service du 2 juin 1999 et argue du caractère vexatoire de certains termes contenus dans la décision du 14 janvier 2004, ces seuls éléments ne sauraient suffire à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. Sur la responsabilité sans faute de La Poste : 17. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celleci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées cidessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 18. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... est en droit de prétendre, même en l'absence de faute commise par La Poste, à la réparation des préjudices personnels subis, tels que les souffrances physiques ou morales ainsi que le préjudice d'agrément, en lien direct et certain tant avec les accidents de service dont il a été victime qu'avec sa maladie professionnelle. 19. D'une part, M. B... n'établit pas, en se bornant à se référer au rapport d'expertise établi le 30 août 2007 par le docteur Doat dans lequel il fait état de ses difficultés à jardiner et à faire du vélo, la réalité du préjudice d'agrément qu'il prétend avoir subi. 20. D'autre part, il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise versés aux débats, que M. B... a notamment souffert, du fait de ses accidents de service et de sa maladie professionnelle, d'un syndrome rotulien, de douleurs lombaires ainsi que d'un syndrome anxio-dépressif. Il sera fait une juste appréciation des douleurs physiques et morales ainsi subies par l'intéressé en lui allouant une somme globale de 4 000 euros à ce titre. 21. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, pour la Cour, de porter à la somme totale de 15 000 euros le montant de l'indemnité que La Poste a été condamnée à verser à M. B... par le jugement attaqué. Sur les intérêts : 22. M. B... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité mentionnée au point précédent à compter du 21 décembre 2015, date de réception de sa demande préalable par La Poste. Sur les frais liés au litige : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste le versement, à M. B..., de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D É C I D E : Article 1er : L'indemnité que La Poste a été condamnée à verser à M. B... est portée à la somme de 15 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2015. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La Poste versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à La Poste. Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Chazan, président de chambre, - Mme F..., première conseillère, - M. D..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 13 octobre 2020. 6 N° 18MA02467
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/10/2020, 16MA03129, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C..., représenté par le cabinet d'avocats Teissonniere-Topaloff- Lafforgue-Andreu et Associés, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 17 mai 2013 par laquelle le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté sa demande, présentée en qualité d'ayant-droit de M. A... C..., tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Par un jugement n° 1204541 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 17 mai 2013 du ministre de la défense et des anciens combattants et a enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de présenter à M. D... C... une proposition d'indemnisation, dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 1er août 2016 et le 11 octobre 2017, le ministre de la défense demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1204541 du tribunal administratif de Nice ; 2°) de rejeter la requête de M. D... C.... Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. A... C... avait fait l'objet d'une contamination ; - le tribunal administratif a commis une erreur de droit en statuant en excès de pouvoir, alors que le litige dont il était saisi relève, par nature et à titre exclusif, du plein contentieux ; - le risque que la pathologie cancéreuse de l'intéressé soit attribuable aux essais nucléaires est négligeable en l'espèce ; - l'absence de surveillance médicale spécifique concernant l'intéressé était justifiée dès lors qu'il n'était pas exposé à un risque de contamination ; - les mesures de protection mises en place à l'attention des populations étaient incontestablement adaptées, et ne peuvent faire l'objet d'une remise en question permettant de contribuer à l'établissement d'un risque avéré de contamination dans le cas d'espèce. Par des mémoires, enregistrés le 16 novembre 2016, le 20 octobre 2017 et le 18 décembre 2017, le CIVEN demande à la Cour de faire droit au recours du ministre. Il soutient que les moyens du recours sont fondés et que les conditions d'exposition de M. A... C... à des rayonnements ionisants justifient que sa demande d'indemnisation soit rejetée. Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 février 2017 et le 19 septembre 2017, M. D... C..., représenté par Me F..., demande à la Cour : 1°) de rejeter le recours du ministre ; 2°) d'annuler la décision portant rejet de la demande de reconnaissance et d'indemnisation présentée en qualité d'ayant-droit de M. A... C..., tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; 3°) de constater qu'en date du 4 septembre 2017, le CIVEN a adressé à M. D... C... une proposition d'indemnisation, au titre de l'action successorale, d'un montant de 38 654 euros qu'il entend accepter ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que: - les moyens du recours ne sont pas fondés ; - le ministre de la défense ne rapporte pas la preuve que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de son père est négligeable en application du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, et ne renversait donc pas la présomption de causalité dont il bénéficie ; - il est nécessaire de faire application des nouvelles dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifié par l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer et portant d'autres dispositions en matière sociale et économique ; - il a accepté l'offre d'indemnisation qui lui a été présentée par le CIVEN en exécution du jugement attaqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ; - la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ; - la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ; - la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 et notamment son article 57 ; - le décret n°66-450 du 20 juin 1966 ; - le décret n°67-228 du 15 mars 1967 ; - le décret n°2010-653 du 11 juin 2010 ; - le décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 ; - le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ; - le décret du 24 février 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me G..., substituant Me F..., représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. Le ministre de la défense relève appel du jugement n° 1204541 du 17 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. D... C..., sa décision du 17 mai 2013 ayant rejeté la demande d'indemnisation présentée par l'intéressé en qualité d'ayant-droit de son père décédé, tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, le tribunal administratif de Nice a été saisi par M. D... C... de conclusions tendant exclusivement à l'annulation de la décision du 17 mai 2013 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation, au motif que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de son père, M. A... C..., était négligeable, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de saisir le CIVEN à fin de réexaminer sa demande. Le tribunal a considéré que le ministre n'établissait pas que le risque en cause était négligeable et qu'ainsi, la présomption de responsabilité posée par le législateur n'était pas renversée. Par suite, en annulant la décision contestée et en enjoignant au CIVEN de présenter à M. D... C... une proposition d'indemnisation des préjudices subis par son père, dans un délai de trois mois, le tribunal, qui a intégralement fait droit aux conclusions dont il était saisi, ne s'est pas mépris sur son office. 3. En deuxième lieu, eu égard au rôle dévolu au CIVEN par les dispositions législatives citées ci-dessous au point 7, et aux moyens d'investigation dont cet organisme dispose, le tribunal administratif n'a pas davantage méconnu son office en lui enjoignant de présenter à l'intéressé une proposition d'indemnisation au lieu de se prononcer lui-même sur l'évaluation des préjudices subis. Dès lors, l'administration n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée : 4. M. A... C..., militaire du contingent, a exercé ses fonctions d'aide-moniteur de sport au centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) à Mururoa et à Fangataufa, en Polynésie française, du 22 mai 1975 au 19 juillet 1976. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, du 5 juin 1975 au 11 juillet 1976, il a été procédé à quatre essais nucléaires souterrains réalisés à Moruroa et Fangataufa. M. A... C... a contracté une leucémie myéloblastique, diagnostiquée en 1995, qui a entraîné son décès en 1996 à l'âge de 39 ans. M. D... C... a adressé au ministre de la défense, une demande d'indemnisation des préjudices subis par son père décédé, en sa qualité d'ayant-droit, sur le fondement des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Par une décision du 17 mai 2013, le ministre a rejeté sa demande. Par sa requête, l'intéressé a demandé aux premiers juges d'annuler cette décision et d'enjoindre à l'Etat de faire procéder à l'indemnisation intégrale des préjudices subis par M. A... C... à la suite de son exposition aux rayonnements ionisants ayant causé son décès. 5. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, dans sa rédaction issue de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi (...). Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit (...) ". 6. Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : (...) entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française (...) ". 7. L'article 57 de la loi du 17 juin 2020 a rendu applicable le b du 2° du I de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 aux demandes déposées devant le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de cette loi du 28 décembre 2018, Dans leur rédaction issue de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, les dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relatives au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) énoncent que : " Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique (...) ". Il s'ensuit qu'est applicable au cas d'espèce la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2018. 8. Aux termes de l'article L.1333-2 du code de la santé publique : " Les activités nucléaires satisfont aux principes suivants : (...) 3° Le principe de limitation, selon lequel l'exposition d'une personne aux rayonnements ionisants résultant d'une de ces activités ne peut porter la somme des doses reçues au-delà des limites fixées par voie réglementaire, sauf lorsque cette personne est l'objet d'une exposition à des fins médicales ou dans le cadre d'une recherche mentionnée au 1° de l'article L. 1121-1. ". 9. Aux termes de l'article R. 1333-11 du même code : " Pour l'application du principe de limitation défini au 3° de l'article L. 1333-2, la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants résultant de l'ensemble des activités nucléaires est fixée à 1 mSv par an, à l'exception des cas particuliers mentionnés à l'article R. 1333-12 (...) ". 10. La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, modifiée par l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, a instauré une présomption de causalité au bénéfice de toute personne s'estimant victime des rayonnements ionisants provoqués par les essais nucléaires français dès lors qu'elle justifie souffrir d'une maladie inscrite sur la liste fixée par le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 et avoir séjourné dans l'une des zones géographiques et au cours d'une période déterminée par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Ainsi, le législateur a entendu qu'un demandeur, dès lors qu'il satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie, bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. En outre, cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que l'intéressé a reçu une dose inférieure à la limite prévue par la réglementation. 11. Il résulte de l'instruction que M. A... C... remplit les conditions de lieu, de temps et de maladie fixées par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 et le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014. Dès lors, il bénéficie de la présomption de causalité entre sa maladie et l'exposition à des rayonnements dus aux essais nucléaires français. 12. En premier lieu, si un risque de contamination externe est peu probable au regard du caractère souterrain des essais nucléaires effectués pendant le séjour de M. A... C..., qui n'était pas affecté à un poste de travail radiologiquement exposé, néanmoins, ce dernier n'a pas bénéficié d'une surveillance suffisante concernant les risques d'exposition interne permettant d'apprécier sa potentielle exposition totale. En effet, en l'absence de dosimétrie individuelle interne par tout examen de contrôle pratiqué sur l'intéressé pour les périodes comprises entre le 22 mai 1975 au 19 juillet 1976, période marquée, ainsi qu'il a été dit plus haut, par quatre essais nucléaires souterrains réalisés à Moruroa et Fangataufa, il ne peut être totalement exclu qu'il ait fait l'objet d'une contamination interne par quelque voie que ce soit. 13. Or, selon la procédure par laquelle le CIVEN apprécie le droit à indemnisation des victimes des essais nucléaires ayant présenté une demande en application de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, " le comité décide : - en cas de dosimétrie individuelle nulle, d'attribuer à chaque dosimètre, la valeur du seuil de détection (0,2 mSv) ; - en l'absence de dosimétrie individuelle, d'attribuer la valeur seuil pour chaque mois de présence lors des campagnes d'essais nucléaires atmosphériques (...) ". 14. Il s'ensuit que pour la période du 22 mai 1975 au 19 juillet 1976, période de présence de l'intéressé, ce dernier aurait dû se voir attribuer, de manière forfaitaire, une dose minimale de 2,8 millisieverts (mSv). Ainsi, M. A... C... a reçu une dose annuelle de rayonnements ionisants résultant des essais nucléaires français, supérieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants, soit un millisievert (mSv) par an. Et l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, n'établissant pas de manière formelle que M. A... C... a reçu, sur les périodes précitées, une dose efficace inférieure à cette limite posée par la réglementation, la présomption de causalité prévue par la loi n'est pas renversée de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que M. D... C... était fondé à soutenir que la décision du 17 mai 2013 du ministre de la défense est entachée d'excès de pouvoir. 15. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, annulé la décision du 17 mai 2013 et d'autre part, enjoint au CIVEN de présenter à M. D... C... une proposition d'indemnisation dans un délai de trois mois. Sur les frais liés au litige : 16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. D... C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le recours de la ministre des armées est rejeté. Article 2 : L'Etat (ministère des armées) versera à M. D... C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. D... C... et au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient : - M. B..., président, - M. Ury, premier conseiller, - Mme E..., première conseillère. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. 2 N° 16MA03129
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 7ème chambre, 15/10/2020, 19LY04055, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Grenoble d'annuler la décision du 1er août 2012, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision pour aggravation de pension militaire d'invalidité. Par un jugement du 21 janvier 2015, ce tribunal a renvoyé l'affaire au tribunal des pensions militaires de la Savoie, lequel, par un jugement du 1er juillet 2016, a fait droit à la demande de M. B.... Par un arrêt du 1er décembre 2017, la cour régionale des pensions de la Savoie, sur appel du ministre de la défense, a annulé ce jugement. Procédure devant la cour Par une décision n° 417107 du 12 juin 2019, le Conseil d'État, statuant en cassation, a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions du 1er décembre 2017 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon. Par un mémoire, enregistré le 13 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er septembre 2020, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de la Savoie du 1er juillet 2016 en tant qu'il a accordé à M. B... la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " baisse de l'acuité auditive bilatérale " ; 2°) de confirmer sa décision du 1er août 2012 en ce qu'a été rejetée la demande de révision de pension pour cette même infirmité. Elle soutient que : - le tribunal ne pouvait, sans erreur de droit, retenir les conclusions du rapport d'expertise du 30 novembre 2015 qui décrivait l'état de M. B... à cette date et non à celle de sa demande de révision de pension ; - l'expertise du 14 septembre 2011 établit tous les éléments d'appréciation pour fixer à 15 % le taux de la gêne fonctionnelle générée par l'hypoacousie bilatérale de M. B... à la date de sa demande de révision ; - en tout état de cause, l'hypoacousie d'origine traumatique n'a pu s'aggraver du fait du service depuis 1984, date de radiation des cadres de M. B... ; - la déficience auditive dont M. B... fait état depuis 2011 résulte de l'évolution physiologique normale ; - aucune aggravation de la perte de sélectivité ne peut être retenue au-delà du taux plafond de 10 % fixé par le guide-barème du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la ministre des armées ; 2°) de confirmer le jugement du tribunal des pensions militaires de la Savoie du 1er juillet 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'appréciation de l'aggravation de ses pertes auditives doit s'étendre sur la période du 8 février 1983 au 13 janvier 2011, le taux de son infirmité d'hypoacousie perceptive bilatérale ayant été rehaussé en dernier lieu à 25 % à cette première date ; - il établit l'aggravation de cette infirmité à compter de cette date ; - la valeur de ses pertes auditives résultant de la moyenne des constats effectués par les audiogrammes qu'il a subis conduit à un taux d'infirmité de 30 % conforme à celui retenu par l'expertise judiciaire du 30 novembre 2015 homologuée par le tribunal de première instance ; - il ne peut être soutenu médicalement que l'hypoacousie d'origine sono-traumatique n'est pas évolutive ; - le caractère indicatif du guide-barème exclut d'opposer le taux-plafond de 10 % à la perte de sélectivité. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Engagé volontaire dans l'armée de terre le 4 juillet 1952, M. A... B... a été radié sur sa demande des cadres au grade de lieutenant-colonel le 5 mai 1984. A la suite d'une blessure reçue en service le 5 mai 1972, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée par un arrêté du 19 mars 1985 au taux global de 50 % pour une baisse de l'acuité auditive bilatérale au taux, en dernier lieu, de 25 %, et pour des vertiges et des acouphènes, aux taux respectifs de 10 + 5 % et 10 + 10 %. Par une décision du 1er août 2012, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. B..., formée le 13 janvier 2011, tendant à la révision de sa pension pour aggravation des infirmités. Sur renvoi du tribunal des pensions militaires de Grenoble saisi initialement, et après avoir ordonné une expertise médiale conduite le 30 novembre 2015, le tribunal des pensions militaires de la Savoie, par un jugement du 1er juillet 2016, a fait droit à la demande de M. B... en fixant les taux d'invalidité respectivement à 45 % pour l'hypoacousie bilatérale, 15 % pour les acouphènes et sifflements bilatéraux, et 20 % pour les vertiges positionnels paroxystiques. Sur appel de la ministre des armées en tant que le tribunal avait fait droit aux demandes de M. B... de révision de sa pension pour aggravation de la baisse de l'acuité auditive bilatérale, la cour régionale des pensions militaires de la Savoie a annulé ce jugement par un arrêt du 1er décembre 2017, lui-même annulé sur pourvoi de M. B... par une décision du 12 juin 2019 du Conseil d'État statuant en cassation, qui a renvoyé l'affaire à la cour régionale des pensions de Lyon, laquelle l'a transférée à la cour en exécution du décret du 28 décembre 2018. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; (...). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " 3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " 5. L'arrêté initial du 19 mars 1985 concédant à l'intéressé une pension définitive, qui constate par ailleurs un droit à pension ouvert à compter du 30 juillet 1979, a reconnu que M. B..., à la suite d'une séance d'entraînement au tir de missiles le 5 mai 1972, était atteint, au titre d'une première infirmité, sous le n° 4073 de la nomenclature, d'hypoacousie bilatérale constituée pour première composante d'une perte auditive de 55 décibels (dB) à l'oreille droite et 35 db à l'oreille gauche, pour un taux d'invalidité de 15 %, et pour seconde composante d'une perte de sélectivité, pour un taux de 10 %, l'ensemble totalisant un taux de 25 % au titre de cette infirmité. 6. Il résulte de l'instruction, et notamment des bilans audiométriques réalisés le 21 juin 2011 par le docteur Barlatier, le 14 septembre 2011 par le docteur Benezeth, et le 28 juillet 2015 par l'expertise judiciaire du 30 novembre 2015, que les pertes auditives de M. B... ont été mesurées à ces dates respectives à 58 dB, 48,75 %, et 52,5 dB pour l'oreille droite, et 56 dB, 45% et 51,25 dB pour l'oreille gauche. Constatant dans son rapport le caractère superposable des courbes obtenues lors de ces différents examens, l'expert judiciaire, qui, contrairement à ce qu'affirme l'administration, s'est par sa méthode de rapprochement de l'ensemble de ces données et par les termes utilisés dans ses conclusions, placé à la date de la demande de l'intéressé, établit une altération marquée, particulièrement pour l'oreille gauche, des capacités auditives de M. B.... 7. Toutefois, d'une part, il n'est pas contesté qu'à la date de l'arrêté initial du 19 mars 1985 l'état de santé de M. B... consécutif à l'accident du 5 mai 1972 générateur de l'infirmité pensionnée, d'origine traumatique isolée, était consolidé sans qu'il n'allègue avoir été exposé, avant sa radiation des cadres, à un environnement de service susceptible de l'aggraver. 8. D'autre part, par la production d'éléments relatifs à des tiers ou des études générales, seulement susceptibles de montrer que les séquelles de traumatismes sonores ne régressent que très rarement dans le temps, il n'établit pas un caractère évolutif défavorable spontané de l'infirmité reçue en service à l'âge de trente-neuf ans. Enfin, nonobstant la circonstance qu'elle se produit sur un terrain déjà altéré, il n'apporte pas d'éléments qui infirmeraient l'attribution par l'expert de l'administration de l'étiologie de la dégradation de ses capacités auditives subsistantes au vieillissement physiologique documenté dans la science médicale. Par suite, M. B... n'établit pas le lien de filiation, au sens de l'article L. 121-2-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précité, entre les pertes de capacité auditives additionnelles à l'infirmité pensionnée dont il souffre et cette dernière. Dès lors, il n'est pas fondé à demander, à ce titre, l'annulation du refus du ministre de la défense du 1er août 2012 en tant qu'il a rejeté sa demande de révision à ce titre. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de la Savoie a annulé dans cette mesure la décision du 1er août 2012 en litige et fixé à 45 % le taux d'invalidité pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", dont 15 % pour perte de sélectivité. Par suite, le jugement du 1er juillet 2016 doit être annulé et les conclusions de M. B... rejetées, dont celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 16/00009 du 1er juillet 2016 du tribunal des pensions militaires de la Savoie est annulé en tant qu'il fixe à 45 % pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " (dont 15 % pour perte de sélectivité) le taux d'invalidité de M. B.... Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 1er août 2012 et à la révision du taux d'invalidité de son infirmité n° 4073 pour hypoacousie bilatérale fixé par l'arrêté du 19 mars 1985 sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. N° 19LY04055 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/10/2020, 19MA04847, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2017, M. D... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 17 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/00124 du 17 janvier 2019, le tribunal des pensions a rejeté la requête de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, sous le n° 19/00007, par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, M. B... demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 17 janvier 2019 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision de rejet de sa demande de pension d'invalidité et de lui reconnaitre un droit à pension au titre de l'infirmité " état dépressif majeur compliqué de conduites addictives. Personnalité sensitive " en appliquant le barème le plus favorable ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale judiciaire afin de déterminer l'imputabilité au service de son infirmité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que son état dépressif majeur est la conséquence de traumatismes psychologiques subis en opération extérieure (opération Licorne entre 2002 et 2003), d'un harcèlement professionnel subi au sein de sa compagnie et de l'inaptitude professionnelle du fait d'un accident de parachute entraînant une coxarthrose invalidante. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par des mémoires, enregistrés par la Cour le 20 novembre 2019 et le 26 mai 2020, la ministre des armées conclut à la confirmation du jugement précité 17 janvier 2019. Elle soutient que M. B... n'établit aucun lien entre son infirmité et le service, alors que les conditions de la présomption légale d'imputabilité ne sont pas réunies, et qu'une expertise ne présenterait aucune utilité. Par un mémoire, enregistré le 25 février 2020, M. B..., représenté par Me A..., maintient les conclusions présentées devant la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D... B..., né le 24 juin 1975, a souscrit un contrat d'engagement dans la Légion étrangère à compter du 28 juin 1999 et été rayé des contrôles de l'armée active le 29 juillet 2017, au grade de caporal-chef. Le 22 juillet 2015, il a formé une demande de pension militaire d'invalidité pour une dépression sévère. Par une décision du 17 juillet 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées et à ce qu'il lui soit concédé une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " état dépressif majeur compliqué de conduites addictives. Personnalité sensitive ". 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". 3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle-seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 4. M. B... soutient que son infirmité, évaluée au taux de 40%, dont 30 % imputables au service, par le docteur Aubry, psychiatre mandaté par l'administration pour examiner la dépression sévère dont il se prévaut, est la conséquence directe de plusieurs événements, qui relèvent tous du service. Il s'agit, d'abord, de traumatismes subis durant sa participation à l'opération extérieure Licorne, du 15 décembre 2002 au 29 mars 2003, et, ensuite, d'un accident de parachute survenu en juin 2002, ayant entraîné une coxarthrose de la hanche droite qui l'a rendu inapte à son poste de militaire " de terrain ", prétexte selon lui à un harcèlement moral de la part de ses camarades et de ses supérieurs hiérarchiques. Il fait valoir que son livret médical ne mentionne aucune pathologie psychiatrique avant son retour de l'opération Licorne, à l'occasion duquel est mentionnée " une baisse de moral qui doit être suivie ", et que la notion de troubles dépressifs apparaît de manière récurrente à compter de mai 2010. Il soutient, en outre, que la douleur, malencontreusement attribuée à sa hanche gauche, qui a été relevée lors d'une visite médicale le 24 juin 2002, mais n'a pas été prise en compte avant 2008, révèle un fait de service responsable de sa coxarthrose de la hanche droite. 5. Il résulte, toutefois, de l'instruction, que si le docteur Aubry note dans son rapport du 1er mars 2017 : " depuis un événement traumatique survenu en 1999 (accident pendant un saut, de nuit, en exercice) - décompensation dépressive (et peut-être sensitive) ", et conclut à un " état dépressif majeur, compliqué d'alcoolo-dépendance " et à l'existence d'une " personnalité sensitive ", cet événement traumatique de 1999 ne ressort d'aucune des pièces produites par M. B... au soutien de sa demande. En effet, lors de sa demande, M. B... datait le fait de service à l'origine de sa pathologie au 24 décembre 2004 alors que dans ses écritures devant le tribunal des pensions, il faisait état d'une douleur de la hanche gauche lors de la visite du 24 juin 2002, évoquant une " probable tendinopathie ou conflits névralgiques " mais qui ne présente aucune relation avec la coxarthrose de la hanche droite qui a été diagnostiquée en 2008. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été victime d'un quelconque harcèlement moral dans son régiment, la seule circonstance qu'il fasse référence à un supposé harcèlement lors de visites médicales ne suffisant pas à en établir la réalité. Enfin, si une " baisse de moral " a été notée au retour de l'intéressé de sa mission dans le cadre de l'opération Licorne en 2003, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir l'existence de traumatismes à l'origine de son état dépressif majeur, alors que, de surcroît, aucune autre référence à une quelconque dysthymie n'est mentionnée entre cette date et 2010. 6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de tout élément permettant d'apporter un début de preuve du rattachement entre des faits de service et l'infirmité au titre de laquelle il demande un droit à pension, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a refusé de faire droit à sa demande, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise médicale judiciaire pour déterminer l'imputabilité au service de l'infirmité. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient : - M. Badie, président de chambre, - M. Ury, premier conseiller, - Mme C..., première conseillère. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. 2 N°19MA04847
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 20/10/2020, 18PA03362, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure: M. E... D... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande qui a été regardée comme tendant : 1°) à l'annulation de la décision en date du 25 août 2016 par laquelle La Poste l'informe de la prolongation de son congé de longue maladie jusqu'au 22 août 2016, de sa convocation prochaine devant un médecin de contrôle au titre des accidents de service du 4 novembre 2010 et du 2 novembre 2011, du régime de prise en charge des soins dont il sollicite le remboursement et lui demande de fournir les éléments requis au titre de l'affection dépressive dont il est atteint ; 2°) au versement de son traitement, salaire et indemnités dans son intégralité à compter du 21 juin 2016 ; 3°) à ce qu'il soit procédé à la revalorisation du taux d'incapacité permanente (IPP) dont il est atteint et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ou d'une allocation temporaire d'invalidité ; 4°) à la reconnaissance de l'affection dépressive dont il est atteint comme imputable au service ; 5°) au remboursement de ses frais médicaux à hauteur de la somme de 387,64 euros ; 6°) à ce que lui soit reconnue la qualité de travailleur handicapé ; 7°) à la condamnation de la Poste à lui verser la somme de 108 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa situation professionnelle ; 8°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1616618/5-3 du 10 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant au remboursement des frais médicaux à hauteur de 285,24 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la Cour: Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2018 présentée par M. D..., et régularisée par un mémoire, enregistré le 21 mai 2019, présenté par Me A..., M. D... demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) de mettre à la charge de la Poste une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision refusant de reconnaître l'imputabilité de sa dépression n'était pas entachée "d'erreur manifeste d'appréciation". M. D... a présenté des mémoires sans ministère d'avocat, les 9 et 11 novembre 2018, 21 janvier 2019, 13 mars 2019, 8, 19 et 24 avril 2019. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2020, La Poste, représentée par Me F... conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable faute de motivation ; en outre M. D... interjette appel total du jugement du 10 octobre 2018 alors qu'il se borne à contester le refus d'imputabilité au service de sa dépression ; - la requête est infondée car le seul moyen soulevé dans le mémoire complémentaire présenté par le conseil de M. D..., et qui a pour effet de régulariser sa requête, est infondé. Un mémoire a été déposé le 6 octobre 2020 pour M. D..., postérieurement à la clôture automatique de l'instruction, trois jours francs avant la date d'audience. Par une décision en date du 20 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. D.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de Mme Pena, rapporteur public, - les observations de Me C..., représentant de la Poste ; - et les observations de Me A... représentant M. D.... Une note en délibéré, enregistrée le 12 octobre 2020, a été produite pour M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., agent professionnel de niveau I à La Poste, placé en congé de longue maladie du 23 mai 2013 au 22 mai 2014, puis en congé de longue durée à compter du 23 mai 2014, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande qui a été regardée comme tendant à l'annulation de la décision en date du 25 août 2016 par laquelle La Poste l'informe de la prolongation de son congé de longue maladie jusqu'au 22 août 2016, de sa convocation prochaine devant un médecin de contrôle au titre des accidents de service du 4 novembre 2010 et du 2 novembre 2011, du régime de prise en charge des soins dont il sollicite le remboursement et lui demande de fournir les éléments requis au titre de l'affection dépressive dont il est atteint. Il a demandé également le versement de son traitement, salaire et indemnités dans son intégralité à compter du 21 juin 2016, à ce qu'il soit procédé à la revalorisation du taux d'incapacité permanente (IPP) dont il est atteint, à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ou d'une allocation temporaire d'invalidité, à la reconnaissance de l'affection dépressive dont il est atteint comme imputable au service, au remboursement de ses frais médicaux à hauteur de la somme de 387,64 euros à ce que lui soit reconnue la qualité de travailleur handicapé, enfin, que la Poste soit condamnée à lui verser la somme de 108 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa situation professionnelle. Par un jugement du 10 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant au remboursement des frais médicaux à hauteur de 285,24 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non -recevoir opposées par La Poste : 2. M. D..., dans son seul mémoire recevable présenté par ministère d'avocat, soulève un unique moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui aurait été commise par La Poste en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la dépression dont il souffre depuis février 2013. 3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 visée ci-dessus : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 4. A l'appui de ce moyen, M. D... se borne, d'une part, à se prévaloir des difficultés d'aménagement de son poste de travail, d'autre part, d'une " tentative " de baisse de sa notation au titre de l'année 2012 qui aurait échoué après avis de la commission administrative paritaire. Or, sur le premier point, les seuls certificats médicaux produits en première instance se bornaient à retranscrire les allégations de M. D.... Sur le second point, M. D... n'établit pas plus en appel qu'en première instance qu'une baisse de sa notation au titre de 2012 aurait été envisagée. Alors qu'aucune autre pièce du dossier n'est susceptible d'établir une imputabilité au service de l'affection de M. D..., cet unique moyen ne peut qu'être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de La Poste présentées sur le fondement du même article. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de La Poste présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à La Poste. Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient : - Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - M. B..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 20 octobre 2020. Le rapporteur, D. PAGESLe président, O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 18PA03362 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/10/2020, 19MA05291, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 31 octobre 2017, Mme E... C... épouse F... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille qui a transmis cette demande au tribunal des pensions militaires de Nîmes, d'annuler la décision du 26 janvier 2015 par laquelle la caisse nationale militaire de sécurité sociale a refusé la prise en charge de frais de transport et d'hébergement pour une cure thermale à Lons-le-Saunier du 24 juillet au 12 août 2017. Par un jugement n° 18/00013 du 8 mars 2019, le tribunal des pensions militaires de Nîmes a reconnu un droit à prise en charge des frais d'hébergement mais non de l'intégralité de ses frais de transport et a infirmé la décision attaquée dans cette mesure, en condamnant l'Etat (ministère des armées) au versement des frais d'hébergement. Procédure devant la Cour : Par un recours, enregistré le 13 mai 2019, sous le n° 19/00008, par la Cour régionale des pensions militaires de Nîmes, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 8 mars 2019 et demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il reconnaît à Mme E... C... épouse F... un droit à prise en charge des frais d'hébergement. Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu à Mme E... C... épouse F... le droit à remboursement des frais d'hébergement dès lors que se trouve dans la ville où elle réside un établissement de cure thermale correspondant aux soins qui doivent lui être prodigués. Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour régionale des pensions militaires de Nîmes, le 26 septembre 2019, Mme E... C... épouse F..., représentée par Me D..., conclut à la confirmation du jugement du 8 mars 2019, et donc au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le tribunal a correctement interprété l'article D. 212-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, lequel renvoie à l'article D. 211-13 qui prévoit une limitation des seuls frais de transport dans le cas où le curiste ne choisit pas l'établissement le plus proche. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 juillet 2019, Mme E... C... épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me D..., représentant Mme F.... Considérant ce qui suit : 1. La ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Nîmes du 8 mars 2019 par lequel celui-ci a reconnu à Mme F..., à l'occasion d'une cure thermale à Lons-le-Saunier effectuée après accord de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, du 24 juillet au 12 août 2017, le droit à la prise en charge de ses frais d'hébergement. 2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l'ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée. ". Aux termes de l'article D. 212-8 du même code: " Outre la prise en charge des frais de surveillance médicale et de traitement dans les établissements thermaux, les pensionnés effectuant une cure thermale au titre de l'article L. 212-1 ont droit, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement sur justification de tels frais et au remboursement de leurs frais de transport dans les conditions fixées à l'article D. 211-13, sauf s'ils résident dans la commune où se trouve l'établissement de cure. Le montant de l'indemnité forfaitaire d'hébergement est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. Les pensionnés résidant dans l'immédiate proximité de la station thermale peuvent demander, soit la prise en charge de leurs frais de transport quotidien, sur la base du tarif le plus économique, s'ils se déplacent tous les jours pour se rendre sur leur lieu de cure, soit, s'ils ont choisi un hébergement dans la station pour la durée de la cure, le versement de l'indemnité forfaitaire d'hébergement, sur justification des frais, et le remboursement des frais de transport entre leur domicile et le lieu d'hébergement. " . Et aux termes de l'article D. 211-13 du même code : " Les frais de transport en matière de cure thermale sont pris en charge, quel que soit le moyen de transport utilisé, sur la base du tarif le plus économique, compte tenu des réductions dont les intéressés peuvent bénéficier à titre personnel. Lorsque selon l'avis du médecin chargé du contrôle des soins, le pensionné n'a pas choisi l'établissement thermal agréé, approprié à sa pathologie, le plus proche de son domicile ou de sa résidence provisoire, le remboursement des frais de transport est calculé par rapport au trajet qui aurait été effectué si l'établissement le plus proche avait été choisi. ". 3. Mme F... a choisi de réaliser sa cure à Lons-le-Saunier et non dans l'établissement de Camoins-les-Bains à Marseille où elle réside. Elle n'établit pas, par le seul certificat médical du 23 août 2018 qu'elle produit et qui fait état d'intolérances à l'eau soufrée, que ce choix serait motivé par des raisons médicales. Il est constant que ces deux stations thermales sont toutes les deux agréées pour les orientations thérapeutiques spécialisées en " rhumatologie ". Dans ces conditions, l'intéressée aurait pu effectuer sa cure dans un établissement situé dans la commune de son domicile. Par suite, en application des dispositions combinées des articles D. 212-8 et D.2 11-13 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et conformément à l'avis daté du 12 juin 2017 du médecin chargé du contrôle des soins, le remboursement des frais de transport ne pouvait être calculé que par rapport au trajet qui aurait été effectué si l'établissement thermal de Camoins-les-Bains avait été choisi par Mme F.... 4. Par ailleurs, il résulte clairement des dispositions précitées de l'article D. 212-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que les pensionnés effectuant une cure thermale, sauf s'ils résident dans la commune où se trouve un établissement de cure dans lequel ils peuvent bénéficier de soins, ont droit au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement sur justification des frais de surveillance médicale et de traitement. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme F... ne pouvait prétendre au versement de l'indemnité forfaitaire d'hébergement prévue par l'article D. 212-8 dès lors qu'elle réside à Marseille, dans la même commune où se trouve l'établissement thermal de Camoins-les-Bains et où elle aurait pu effectuer sa cure si elle n'avait fait un autre choix. Ainsi, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Sur les frais liés au litige : 6. Mme C... épouse F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Etant partie perdante à l'instance, ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 18/00013 du 8 mars 2019 du tribunal des pensions militaires de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 2 : Les conclusions de Mme F... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à Me D... et à Mme E... C..., épouse F.... Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient : - M. A..., président, - M. Ury, premier conseiller, - Mme B..., première conseillère. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. N°19MA05291 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 13/10/2020, 19NT04100, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement du 6 février 2015, le tribunal départemental des pensions de Maine et Loire a annulé, à la demande de l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Sarthe, le certificat émis par le directeur des services des retraites de l'Etat le 18 mars 2011 suspendant en totalité, à compter du 28 avril 2001, le versement des arrérages de la pension militaire d'invalidité de M. A..., dont les biens sont administrés depuis le 28 avril 2001, date de sa disparition, par l'UDAF. Par un arrêt du 7 avril 2017, la cour régionale des pensions d'Angers a, après avoir réformé le jugement du 6 février 2015 pour avoir retenu un motif d'annulation erroné en droit, confirmé l'annulation du certificat du 18 mars 2011 au motif que le directeur des services des retraites de l'Etat ne pouvait pas procéder à la suspension du versement des arrérages de pension d'invalidité de M. A... avant le 28 avril 2002. Par une décision n° 411142 du 17 mai 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé cet arrêt de la cour régionale des pensions d'Angers en tant qu'il retient la date du 28 avril 2002 comme date de suspension du paiement des arrérages de la pension de M. A.... Le Conseil d'Etat a ensuite renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour régionale des pensions de Rennes. En application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, cette juridiction a transmis l'affaire en l'état à la cour administrative d'appel de Nantes le 22 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires et des victimes de guerre ; - le décret n°2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1928, habitant la commune de Juigné (Sarthe), était titulaire d'une pension militaire d'invalidité accordée par un arrêté du 30 décembre 1960 avec effet à compter du 5 avril 1955 par suite d'une blessure subie en 1948 au cours de son service militaire et ayant entrainé une incapacité de 75 %. M. A... a disparu de son domicile le 28 avril 2001, son corps n'ayant été retrouvé dans la Sarthe que le 22 septembre 2017, date de la constatation de son décès. Auparavant, ayant été informé de cette disparition, le ministre de l'économie et des finances a mis fin, le 30 juin 2009, au versement de la pension militaire d'invalidité de M. A..., lequel avait continué à être assuré jusqu'à cette date. Puis, par un jugement du 25 mai 2010, le tribunal d'instance de La Flèche avait, sur le fondement de l'article 112 du code civil, constaté que ce pensionné se trouvait en état de présomption d'absence et avait désigné l'UDAF de la Sarthe pour le représenter et administrer ses biens. Par un arrêté du 18 mars 2011, le directeur du service des retraites de l'Etat a suspendu en totalité le paiement des arrérages de la pension à compter du 28 avril 2001 puis le 5 mai 2011, le trésorier-payeur général de la Loire-Atlantique a émis un titre de perception afin de recouvrer la somme de 30 680 euros correspondant au montant des arrérages de la pension militaire d'invalidité versée à M. A... pendant la période du 28 avril 2001 au 30 janvier 2009. Par un jugement du 6 février 2015, le tribunal départemental des pensions du Maine-et-Loire a annulé l'arrêté du 18 mars 2011 en raison du non-respect des dispositions de l'article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000. Par un arrêt du 7 avril 2017, la cour régionale des pensions militaires d'Angers a, après avoir réformé ce jugement du tribunal des pensions militaires du Maine-et-Loire en censurant le motif initialement retenu par les premiers juges, a cependant prononcé l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2011 en tant qu'il a suspendu le paiement des arrérages de la pension à compter du 28 avril 2001 et non du 28 avril 2002. Par une décision du 17 mai 2019, le Conseil d'Etat a censuré la solution ainsi retenue par le juge d'appel et a renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour régionale des pensions d'Angers, laquelle l'a transférée à la cour en application des dispositions du décret du 28 décembre 2018 visé ci-dessus. 2. Aux termes de l'article L. 66 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version alors en vigueur : " Lorsqu'un pensionné a disparu de son domicile et que plus de trois ans se sont écoulés sans qu'il ait réclamé les arrérages de sa pension, son conjoint ou les enfants âgés de moins de vingt et un ans qu'il a laissés peuvent obtenir, à titre provisoire, la liquidation des droits de réversion qui leur seraient ouverts ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un pensionné disparaît de son domicile et que plus de trois ans s'écoulent à compter soit de la première échéance non acquittée soit, si le paiement des arrérages n'a pas été interrompu du fait de la disparition du pensionné, à compter de la première échéance qui suit cette disparition, celle-ci entraîne, à titre provisoire, l'ouverture de droits propres au profit de ses ayants cause. L'ouverture de ces droits propres a pour conséquence nécessaire la suspension, à compter de la date à laquelle ils sont ouverts, des droits propres du pensionné. Dans ces conditions, le directeur du service des retraites a pu, à bon droit, décider, par l'arrêté critiqué du 18 mars 2011, que la suspension du paiement de la pension militaire d'invalidité de M. A... prendrait effet à compter du 28 avril 2001, date de la disparition de ce dernier. 3. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 février 2015, le tribunal départemental des pensions de Maine-et-Loire a annulé l'arrêté du 18 mars 2011 en tant qu'il prenait effet à compter du 28 avril 2001. DECIDE : Article 1er : Le jugement du 6 février 2015 du tribunal départemental des pensions de Maine-et-Loire est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2011 suspendant le versement des arrérages de la pension militaire de M. A... à compter du 28 avril 2001. Article 2 : La demande de l'UDAF de la Sarthe tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2011, dans la mesure mentionnée à l'article 1er, est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'Union départementale des associations familiales de la Sarthe. Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gélard, premier conseiller, - Mme B..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 13 octobre 2020. Le rapporteur, F. B... Le président, O. COIFFET La greffière, E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT04100
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 9ème chambre, 19/10/2020, 436620, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 mai, le 27 août, le 4 septembre et le 20 novembre 2018, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 avril 2018 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a rejeté sa demande de révision de sa pension en lui refusant d'inclure dans les bases de liquidation de sa pension de retraite la bonification d'ancienneté pour son enfant prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par un jugement n° 1802383 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 10 décembre 2019 et 10 mars 2020, M. B... A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision du 5 juin 2020 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la suite de sa radiation des cadres de l'armée d'active pour faire valoir ses droits à la retraite, M. B... A... a demandé la révision de sa pension de retraite afin que soit prise en compte, dans les bases de liquidation, la bonification d'ancienneté prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2018 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a rejeté sa demande de révision. 2. Aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions. " Aux termes de l'article L. 12 ter du même code, dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " Les fonctionnaires, élevant à leur domicile un enfant de moins de vingt ans atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois, dans la limite de quatre trimestres ". 3. En instituant la bonification d'ancienneté pour enfant handicapé prévue à l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite, le législateur a, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de la loi du 21 août 2003, entendu faire bénéficier de cet avantage tous les fonctionnaires, y compris les fonctionnaires militaires. 4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que M. A... ne pouvait bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires au motif que cet avantage n'avait été étendu aux militaires que par l'article 25 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que, en refusant d'accorder à M. A... la bonification prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa version issue de la loi du 21 aout 2003 susvisée au motif que cet avantage était réservé aux fonctionnaires civils, le ministre a commis une erreur de droit. M. A... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 5 avril 2018 rejetant sa demande de révision de pension. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La décision du 5 avril 2018 du ministre de l'action et des comptes publics est annulée. Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.ECLI:FR:CECHS:2020:436620.20201019
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 06/10/2020, 19MA04851 - 19MA05730, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... A... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 18/00020 du 31 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a, avant dire droit, d'une part, invité la ministre à conclure sur l'imputabilité au service de l'infirmité de " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " dont souffre M. A... et, d'autre part, ordonné la recherche et la production par la ministre des armées de tout document relatif au suicide d'un légionnaire durant le plan Vigipirate en septembre 2012. Par un jugement enregistré sous le même numéro, en date du 8 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé partiellement la décision ministérielle du 21 décembre 2017 rejetant la demande de pension formée par M. A... le 27 juillet 2015 et dit qu'à compter de cette date le requérant avait droit à une pension militaire d'invalidité pour les infirmités suivantes : - syndrome anxio-dépressif, au taux de 30% dont 20% imputable au service ; séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule au taux de 20%. Procédure devant la Cour : I. Par un recours, enregistré le 15 mars 2019 au greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019. Elle soutient que : - le jugement n'est pas motivé ; - le taux de 20 % retenu pour les séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule est surévalué ; - l'injonction qui lui a été faite de produire les documents relatifs au suicide d'un légionnaire en septembre 2012 est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'une telle demande revient à inverser la charge de la preuve. Par un mémoire, enregistré au greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 2 avril 2019, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de l'appel de la ministre des armées et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'appel de la ministre est irrecevable dès lors que le jugement attaqué ne tranche aucune partie du litige au principal ; - les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire, enregistrée sous le n° 19MA04851. Par des mémoires enregistrés au greffe de la Cour les 25 novembre et 16 décembre 2019, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens. Par un mémoire enregistré le 28 novembre 2019 par la Cour, M. A... réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens. II. Par un recours, enregistré au greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence le 11 octobre 2019, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 8 août 2019. Elle soutient que : - le jugement est dépourvu de base légale et que c'est au terme d'une erreur de droit qu'il a rejeté sa demande de sursis à statuer en attendant l'issue de l'appel qu'elle avait formé contre le jugement avant dire droit du tribunal en date du 31 janvier 2019 ; - le taux de 20 % retenu pour les séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule est surévalué ; - M. A... n'apporte pas la preuve de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de cette seconde affaire, enregistrée sous le n° 19MA05730. Par des mémoires enregistrés au greffe de la Cour le 9 janvier 2020, le 20 janvier 2020 et le 10 février 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019. La ministre soutient que : - le jugement est entaché d'un défaut de motivation et ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter sa demande de sursis à statuer ; - le taux d'invalidité de 20% retenu pour l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " est surévalué et cette infirmité n'est en tout état de cause pas imputable au service ; - le syndrome anxio-dépressif dont souffre M. A... n'est pas imputable au service. Par des mémoires, enregistrés les 2, 16 et 23 janvier 2020, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de l'appel de la ministre des armées et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'appel de la ministre est tardif et, par suite, irrecevable ; - les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. D... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. E... A..., né le 11 avril 1982, de nationalité ukrainienne, s'est engagé dans la légion étrangère, dont il a été radié le 1er avril 2013. Il a formé le 27 juillet 2015 une demande de pension militaire d'invalidité pour un syndrome anxio-depressif, des séquelles de scapulalgie droite et des séquelles de fracture de branche montante droite de la mandibule. Cette demande a été rejetée par décision de la ministre des armées du 21 décembre 2017. M. A... a formé un recours devant le tribunal des pensions de Marseille qui, par un jugement, avant dire droit, du 31 janvier 2019, a, d'une part, invité la ministre à conclure sur l'imputabilité au service de l'infirmité de " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " dont souffre M. A... et, d'autre part, ordonné la recherche et la production par la ministre des armées de tout document relatif au suicide d'un légionnaire durant le plan Vigipirate en septembre 2012. Par un jugement du 8 août 2019, ce même tribunal a annulé partiellement la décision ministérielle du 21 décembre 2017 rejetant la demande de pension formée par M. A... le 27 juillet 2015 et dit qu'à compter de cette date le requérant avait droit à une pension militaire d'invalidité pour les infirmités suivantes : - syndrome anxio-dépressif, au taux de 30% dont 20% imputable au service ; séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule. Par deux recours enregistrés par la cour administrative d'appel de Marseille sous les nos 19MA04851 et 19MA05730, la ministre des armées relève appel de ces deux jugements. Sur la jonction : 2. Les recours susvisés nos 19MA04851 et 19MA05730 concernent la situation d'un même militaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt. Sur la recevabilité des recours de la ministre des armées : 3. Aux termes de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives. ". Aux termes de l'article R.732-1 du même code : " L'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) L'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé. ". Aux termes de l'article R. 732-2 du même code, alors applicable : " Les règles posées au chapitre premier du présent titre pour la procédure à suivre devant le tribunal des pensions sont applicables devant la cour, à l'exception des dispositions des articles R. 731-9 à R. 731-14. ". L'article R. 731-3 du même code disposait que : " Le tribunal est saisi d'une requête remise au greffe ou adressée au greffe par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette requête doit indiquer les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur. Elle précise l'objet de la demande et les moyens invoqués sous peine d'irrecevabilité. Sous réserve du cas où le demandeur dépose un recours contre une décision implicite, il produit la copie de la décision attaquée. Dans les huit jours qui suivent la réception de la requête, le greffe du tribunal communique la requête à l'auteur de la décision contestée et lui demande de produire, au plus tard dans les trois mois, le dossier avec ses observations et éventuellement ses propositions. ". 4. D'une part, à la date des jugements attaqués, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne prorogeait le délai d'appel contre une décision avant dire droit d'un tribunal des pensions jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre la décision de ce tribunal réglant le fond du litige. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'appel de la ministre des armées contre le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019 ne serait pas recevable au motif que celui-ci n'a tranché aucune question au principal. 5. D'autre part, il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019 a été notifié à la ministre des armées le 12 août 2019. Il ressort des mentions et cachets figurant sur l'avis de passage du pli contenant l'appel de la ministre des armées que ce pli est parvenu à la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 11 octobre 2019. M. A... n'est, pas suite, pas fondé à soutenir que le recours de la ministre formé à l'encontre de ce jugement serait irrecevable pour tardiveté. Sur la régularité des jugements : En ce qui concerne le jugement du 31 janvier 2019 : 6. La ministre des armées soutient que le jugement avant dire droit du tribunal des pensions de Marseille ordonnant la recherche et la production de tout document relatif au suicide d'un légionnaire durant le plan Vigipirate en septembre 2012 n'a pour seul effet que d'inverser la charge de la preuve de l'imputabilité au service d'une blessure ou une maladie, qui revient au demandeur d'une pension militaire d'invalidité. Elle doit être regardée par là comme soutenant qu'une telle mesure d'instruction est frustratoire. 7. Il ressort des termes du jugement attaqué que la mesure, en s'étendant à la recherche de tout élément ou document relatif au suicide mentionné au point précédent, sans précision sur la recherche de lien entre cet événement et la pathologie présentée par M. A..., n'était pas utile à l'instruction de cette affaire. Dans ces conditions, le jugement attaqué, dont le dispositif se borne à ordonner une telle mesure d'instruction frustratoire, doit être annulé. En ce qui concerne le jugement du 8 août 2019 : 8. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. En se bornant à mentionner qu'il faisait application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du décret de 10 janvier 1992, le tribunal des pensions de Marseille n'a pas respecté cette obligation et a entaché son jugement, dans cette mesure, d'une irrégularité. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 8 août 2019 doit être annulé. 9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions de Marseille. Sur les droits à pension de M. A... : 10. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version applicable à l'espèce : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage. ". En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " : 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, d'une part que M. A... a été pris en charge par le CHU de Nîmes le 18 septembre 2012 pour " oedème avec fracture de la branche montante droite de la mandibule ". M. A... soutient que cette infirmité est imputable au service dès lors qu'elle a pour origine l'agression d'un autre légionnaire sur sa personne lors d'une altercation survenue durant le service le 14 septembre 2012. Au soutien de ses allégations, il produit les attestations de trois autres légionnaires témoins de la scène, dont aucun motif ne permet de remettre en question la valeur probante bien qu'elles soient postérieures de plusieurs années à l'incident, qui sont concordantes et certifient que M. A... a été victime de l'agression et qu'il n'a pas lui-même riposté aux coups reçus. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que son infirmité est imputable au service, sans être remis utilement en question par les allégations de la ministre, qui ne sont appuyées sur aucun document, selon lesquelles la blessure a été provoquée par une " bagarre " entre légionnaires pour des motifs totalement étrangers au service. 12. En second lieu, l'expert mandaté par l'administration pour se prononcer sur le degré d'invalidité de M. A... au titre de cette infirmité, le docteur Chickly, a relevé " un claquement temporo-mandibulaire droit avec une subluxation de la mandibule et un cal vicieux en torsion de 25° qui entraîne un dysfonctionnement de l'articulé dentaire " et constaté " une subluxation temporo-mandibulaire ayant amené la mise en place d'une gouttière de relaxation nocturne, ainsi qu'une anomalie de l'articulé dentaire ". Au terme de cette analyse, l'expert a considéré que cette infirmité entraînait un taux d'invalidité de 20%. Alors que le taux retenu par l'expert s'inscrit dans la fourchette indiquée par le guide barème alors en vigueur, qui retient un degré d'invalidité de 10 à 50 % pour une luxation irréductible de l'articulation temporo-maxillaire, la ministre ne conteste pas utilement le bien-fondé de cette appréciation en faisant valoir que le médecin chargé des pensions militaires a, dans son avis du 26 septembre 2016, considéré, sans fonder sa position sur des considérations médicales étayées, que le degré d'invalidité à retenir au titre de cette infirmité, n'excédait pas 5%. 13. Il résulte des points 11 et 12 que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que la ministre a refusé de faire droit à sa demande de pension au titre de cette infirmité, aux taux de 20% et à en demander, par suite, le bénéfice. En ce qui concerne l'infirmité " syndrome anxio-dépressif " : 14. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'article L. 3 du même code, alors en vigueur, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 15. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle-seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 16. Il résulte de l'instruction, en particulier du livret médical de l'intéressé, que les troubles qui seront par la suite diagnostiqués comme " syndrome anxio-dépressif " sont apparus au cours du mois d'octobre 2012. S'il n'est fait mention d'aucune souffrance psychique lors des consultations des 8 et 11 septembre 2012, il est fait état d'une demande de consultation psychiatrique le 31 octobre 2012 pour cauchemars avec scènes de guerre et est indiqué que l'intéressé " revoit sa mère ", décédée, qu'il présente des troubles de l'appétit et du sommeil, et manifeste des doléances répétées jusqu'à la décision de réforme en 2013. M. A... a été hospitalisé du 5 au 7 novembre 2012 pour syndrome anxio-dépressif. Dans une lettre du 28 novembre 2012, le docteur Granier, psychiatre, évoque un " trouble de l'adaptation " avec " humeur anxieuse " et une " personnalité marquée par l'immaturité affective " et constate que le 18 janvier 2013 M. A... demeure " anxieux, insomniaque et dysphorique ". Enfin, le docteur Aubry, expert mandaté par l'administration pour se prononcer sur le taux d'invalidité provoqué par l'infirmité en cause et son éventuelle imputabilité au service, après avoir fait état des doléances de l'intéressé et noté que ce dernier a une " présentation asthénique, affaissée " que " l'humeur est instable, morose, il existe un ralentissement cognitif, un isolement social et affectif, une irritabilité mêlée à des phobies sociales, le sommeil est instable, on note des consommations d'alcool irrégulières et massives ", conclut que M. A... présente un " syndrome anxio-disthymique sur trouble de la personnalité et conduites addictives ". 17. M. A... soutient que son infirmité, dont le taux de 30% n'est pas contesté, résulte, d'une part, du traumatisme qui a suivi le décès par suicide d'un de ses camarades de régiment, dont il était l'ami, le 4 septembre 2012, dans le cadre d'une opération Vigipirate à Paris, et, d'autre part, d'un vécu traumatisant lors d'opérations en Côte d'Ivoire où se serait trouvé en présence de nombreux cadavres. La ministre conteste l'existence de tout lien entre ces événements et l'infirmité de M. A... en faisant valoir, d'une part, que l'expérience traumatisante en Côte d'Ivoire n'est étayée par aucun élément permettant d'en apprécier la véracité et, d'autre part que l'intéressé n'établit pas avoir été personnellement affecté par le suicide de son camarade. 18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... ne fournit aucune précision sur les événements dont il aurait été témoin en Côte d'Ivoire. Le lien entre ces événements et l'état de santé du requérant n'est en conséquence pas établi. En ce qui concerne les conséquences, sur sa santé psychique, du suicide de son camarade de régiment, il résulte de l'instruction qu'il n'en a jamais fait état avant de présenter sa demande de pension militaire d'invalidité, mais en précise les conditions dans sa réponse au questionnaire qui lui a été adressé le 4 avril 2017 dans le cadre de sa demande de pension militaire d'invalidité. Pour établir le lien entre cet événement et son état de santé, il produit la copie d'un article de presse en faisant état mais sans jamais établir ni même alléguer, que ce soit par des certificats médicaux ou des attestations, documents qu'il était en mesure de recueillir par lui-même, sa présence sur les lieux du drame, sa proximité affective avec la personne concernée, ou encore le retentissement de cet événement dans sa vie personnelle. L'absence de commencement de preuve du lien entre cet événement et son état de santé, qui rendait inutile la production, ordonnée à la ministre, de documents relatifs à cet événement, ainsi qu'il a été dit au point 7, ne permet pas d'établir de lien direct et certain entre les événements et l'infirmité de M. A..., qui permettrait de la regarder comme une blessure trouvant son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. 19. En second lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du docteur Aubry comme des mentions au livret médical de M. A... ou des autres documents médicaux produits et analysés au point précédent de cet arrêt, notamment le compte-rendu de la consultation du 31 octobre 2012 au cours de laquelle est relevée la présentation " triste " de l'intéressé, qualifiée de " récurrente ", que ce dernier souffrait, en dehors de tout fait de service, d'un trouble de la personnalité et d'une immaturité affective que les faits de service invoqués n'auraient en tout état de cause pas eu pour effet de provoquer, mais seulement d'aggraver. Par suite, en application des dispositions du 3° de l'article L. 4 du code précitées, l'aggravation de la maladie antérieure ou concomitante au service, à la supposer avérée, ne peut donner droit à pension que si elle atteint à elle-seule le taux de 30 %. M. A... ne contestant pas utilement le taux de 20% imputable au service retenu par le docteur Aubry, il n'était pas fondé, quels que soient les faits de service qu'il pouvait invoquer au soutien de l'établissement d'un lien entre sa maladie psychique et le service, à obtenir une pension au titre de l'infirmité résultant de cette maladie. 20. Il résulte des points 18 et 19 que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 décembre 2017 en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de son infirmité " syndrome anxio-dépressif ". Sur les frais liés au litige : 21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Les jugements du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019 et du 8 août 2019 sont annulés. Article 2 : La décision de la ministre des armées du 21 décembre 2017 est annulée en tant qu'elle refuse d'accorder à M. A... un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule ". Article 3 : M. A... a droit, à compter du 27 juillet 2015, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule ", au taux de 20%. Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... devant le tribunal des pensions de Marseille et ses conclusions devant la Cour en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. E... A.... Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, où siégeaient : - M. D..., président, - M. Ury, premier conseiller - Mme B..., première conseillère. Lu en audience publique le 6 octobre 2020. 2 N° 19MA04851, 19MA05730
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 7ème chambre, 06/08/2020, 18LY02538, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Centre-Est Dijon l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 13 mars 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service. Par un jugement n° 1701627 lu le 25 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a : - annulé l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la mise à la retraite pour invalidité de Mme A... ; - enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; - mis à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour Par requête enregistrée le 5 juillet 2018, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour, le cas échéant après avoir ordonné avant dire droit une expertise judiciaire tendant à déterminer le taux d'invalidité qu'elle présente et si l'infirmité est imputable au service : 1°) d'annuler ce jugement n° 1701627 du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon ; 2°) d'annuler les décisions susmentionnées ; 3°) d'enjoindre à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont estimé à tort que sa demande ne tendait à l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2017 qu'en tant seulement qu'il n'avait pas reconnu l'imputabilité au service de son invalidité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, alors qu'elle avait sollicité l'annulation totale des décisions contestées ; - l'avis de la commission de réforme est insuffisamment motivé, de sorte qu'elle a été privée d'une garantie substantielle ; - la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence d'avis conforme du ministre chargé du budget, dès lors que la formalité prévue par l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires a été méconnue et alors qu'en méconnaissance de l'article L. 31 du même code, la commission de réforme ne s'est pas prononcée sur le taux d'invalidité ; - l'administration, en modifiant le procès-verbal de la commission de réforme, a commis un faux de sorte que cette pièce ne peut être prise en considération au soutien de la décision en litige ; - son invalidité aurait nécessairement dû être reconnue comme imputable au service puisqu'elle résulte directement de la dépression dont elle a été victime en 2012. Par ordonnance du 4 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2019. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un mémoire, enregistré après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions de la requête dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué, qui ne fait pas grief à Mme A..., dont les seules conclusions recevables sont celles dirigées contre l'article 2 du jugement qui ne fait pas droit à sa demande principale d'injonction. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Seillet, président assesseur, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., capitaine au sein du corps des personnels de commandement de l'administration pénitentiaire, affectée au centre de détention de Joux-la-Ville, été placée en congé de longue maladie du 13 mars 2012 au 13 mars 2014, à la suite d'une tentative de suicide, puis en congé de longue durée jusqu'au 12 mars 2017. Par une demande du 9 mai 2016, elle a demandé à être mise à la retraite pour invalidité et, par un arrêté du 25 janvier 2017, dont l'intéressée a pris connaissance le 2 février 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est Dijon a admis Mme A... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 13 mars 2017, en mentionnant que cette invalidité n'était pas imputable au service. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, annulé l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité (article 1er) et, d'autre part, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois (article 2). Sur la recevabilité des conclusions de la requête : 2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale. 3. Il ressort des pièces soumises au tribunal administratif de Dijon que Mme A... a présenté au tribunal des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en litige et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme imputable au service. A l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, Mme A... soulevait non seulement des moyens touchant à la légalité externe de la décision contestée mais également un moyen touchant à sa légalité interne. Il ressort des énonciations du jugement du tribunal administratif de Dijon que, pour annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la mise à la retraite pour invalidité de Mme A..., le tribunal s'est fondé sur un moyen de légalité externe, sans se prononcer sur le moyen de légalité interne. Ce dernier moyen, s'il avait été fondé, aurait été de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêté ministériel, le prononcé d'une injonction non pas seulement de réexaminer la situation de Mme A... mais de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité. En statuant comme il l'a fait, le tribunal a nécessairement écarté le moyen de légalité interne de l'arrêté contesté. 4. Or et d'une part, Mme A... n'est pas recevable à contester le principe même de l'annulation de l'arrêté en litige, prononcée par l'article 1er du jugement attaqué, dès lors que cette annulation ne lui fait pas grief. Les conclusions de sa requête dirigées contre cet article du jugement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. 5. D'autre part, Mme A... relevant appel du jugement du 25 juin 2018 en tant que, se bornant à enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation, ce jugement n'a fait que partiellement droit à ses conclusions à fins d'injonction, il appartient à la cour de se prononcer sur les moyens susceptibles de conduire à faire droit à la demande d'injonction principale de la requérante. Il suit de là que Mme A... est fondée à contester en appel l'article 2 du jugement qui ne fait pas droit à sa demande principale d'injonction, et qu'il appartient à la cour, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur le moyen de légalité interne, soulevé en appel, seul susceptible de conduire à faire droit à ses conclusions aux fins qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service, à l'exclusion des moyens de légalité externe insusceptibles de permettre de faire droit à ces conclusions et, par suite, inopérants. Sur la régularité du jugement attaqué : 6. Il ressort des pièces soumises au tribunal administratif de Dijon qu'à la suite de la notification à Mme A... de l'arrêté en litige, comportant la mention des voies et délais de recours, le 2 février 2017, comme en atteste la signature de cette dernière sur le document lui-même, elle n'a exercé, dans le délai de recours contentieux de deux mois ayant couru à compter de cette date, un recours gracieux, le 27 mars 2017, contre cette décision qu'" en tant qu'elle ne reconnait pas le caractère d'imputabilité au service de l'admission à la retraite de l'intéressée ". Il en ressort également qu'en première instance, comme d'ailleurs en appel, le seul moyen de légalité interne soulevé par Mme A... était tiré de ce que " l'autorité administrative aurait dû prononcer la mise à la retraite pour invalidité avec imputabilité au service " et que les conclusions aux fins d'injonction présentées dans sa demande devant le tribunal ne tendaient qu'à " qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service ". Dès lors, Mme A... ne peut soutenir qu'elle avait sollicité l'annulation totale des décisions contestées, que les premiers juges auraient, à tort, regardé les conclusions de sa demande comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant seulement qu'il n'avait pas reconnu l'imputabilité au service de son invalidité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et que le jugement serait, par suite, irrégulier. Au demeurant en l'absence de recours gracieux formé contre l'arrêté ministériel en tant qu'il prononçait sa mise à la retraite pour invalidité, des conclusions dirigées contre ces dispositions de l'arrêté auraient été irrecevables en raison de leur tardiveté à la date à laquelle Mme A... avait saisi le tribunal administratif de Dijon de sa demande, le 30 juin 2017. Sur la légalité interne de l'arrêté contesté : 7. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui s'appliquent : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...) L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension (...) ". 8. Mme A... affirme que sa tentative de suicide s'est produite après qu'elle avait travaillé sous les ordres d'une nouvelle directrice adjointe du centre pénitentiaire de Joux-la-Ville qui aurait fait preuve à son égard d'un comportement caractérisé par des attaques constantes et humiliantes et un manque de considération permanent. Il ressort toutefois de plusieurs certificats médicaux établis par un médecin psychiatre, en février 2015 et avril 2016, et produits par la requérante elle-même, qui évoque un " syndrome classique de relation au monde très pathologiquement douloureuse, de persécution chronique ", évalue son invalidité à un taux de 80 %, et indique, en particulier, que " son inaptitude aurait sans doute pu se trouver détectée dès sa visite d'embauche, probablement ", que la pathologie de nature psychique de l'intéressée, si elle a pu être favorisée par certaines conditions de son activité professionnelle, s'était déjà manifestée précédemment et trouvait son origine dans sa personnalité. Dès lors la pathologie dont souffrait Mme A..., à l'origine de son invalidité, ne pouvait être regardée comme étant imputable au service, alors que les pièces du dossier ne font apparaître aucune circonstance particulière, tenant à ses conditions de travail, susceptible de l'avoir occasionnée. Par suite, l'autorité compétente n'a commis aucune illégalité en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des affections dont se plaignait l'intéressée. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 26 juin 2020 à laquelle siégeaient : M. Arbarétaz, président de chambre, M. Seillet, président assesseur, Mme Rémy-Néris, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 août 2020. 1 2 N° 18LY02538
Cours administrative d'appel
Lyon