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CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/01/2024, 22NT02048, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une ordonnance n° 456607 du 15 octobre 2021, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis au tribunal administratif de Nantes la requête, enregistrée le 13 septembre 2021, présentée par M. A... tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " bronchites récidivantes ". Par une ordonnance n° 2111838 du 14 juin 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 juin 2022, régularisée le 14 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Kimboo, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 14 juin 2022 ; 2°) d'annuler la décision n° 697/ARM/CRI du 13 juin 2021 ; 3°) d'ordonner une expertise médicale permettant de fixer son taux d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'ordonnance attaquée est entachée d'un vice de procédure ; le tribunal aurait en effet dû l'inviter à régulariser la procédure ; - la décision du 7 juillet 2022 est insuffisamment motivée en ce qu'elle a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de l'expertise qui s'est tenue le 30 juin 2020 ; - en l'absence d'expertise, l'administration ne pouvait rejeter sa demande ; il n'a pas été mis en mesure de justifier son refus d'implantation d'un pacemaker ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la dyspnée dont il souffre est en lien avec la bradycardie non soignée et reconnue imputable au service ; l'expertise médicale ne permet pas de démontrer que les troubles cardiaques dont il souffre ne constitueraient pas avec l'âge une atteinte à son état général. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier, à l'exception de celles produites le 8 décembre 2023, après la clôture de l'instruction, par M. A... lui-même. Vu : - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de M. Pons, rapporteur public, - et les observations de Me Kimboo, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1.M. A..., né en Algérie, s'est engagé dans l'armée Française le 25 février 1959 pour combattre au côté des harkis, avant de rejoindre la France en 1962. Il a été rayé des contrôles le 20 octobre 1962. Il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 75 % concédée par un arrêté du 13 janvier 1987 pour les infirmités suivantes : " séquelles de trachome bilatéral " : 32,5 %, " bronchites récidivantes " : 30 % + 5, " séquelles de blessure du coude gauche " : 10 % + 10 et " séquelles de blessure talon gauche " : 10 % + 15. Le 15 mai 2019, l'intéressé a sollicité une révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " bronchites récidivantes ". Par une décision du 23 octobre 2020, le ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Nantes. Cette instance enregistrée sous le n°2011397 est toujours pendante devant le tribunal. Le 6 avril 2021, M. A... a également déposé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours de l'invalidité contre cette même décision du 23 octobre 2020. Ce recours a été rejeté par une décision explicite du 7 juillet 2021. Le 13 septembre 2021, l'intéressé a contesté cette décision devant le Conseil d'Etat, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Nantes, territorialement compétent en premier ressort. Par une ordonnance du 14 juin 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa requête sur le fondement du 7° de l'article R 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'elle n'était pas assortie de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. M. A... relève appel de cette ordonnance. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a contesté la décision du ministre des armées du 23 octobre 2020 devant le tribunal administratif de Nantes, sa requête enregistrée au greffe du Conseil d'Etat le 13 septembre 2021, puis transmise au tribunal administratif de Nantes, tendait à l'annulation de la décision du 7 juillet 2021 rendu par la commission de recours de l'invalidité, laquelle mentionnait les voies et délais de recours. Par suite, ces deux recours étaient dirigés contre des décisions distinctes. Si le second recours introduit par l'intéressé, sans l'assistance d'un conseil, ne permettait pas au juge d'en apprécier la portée compte tenu de sa très sommaire motivation, aucune disposition n'imposaient aux premiers juges d'inviter le requérant à développer ses moyens et arguments. Seul ce dernier avait la possibilité de compléter sa requête de sa propre initiative avant l'expiration du délai de recours. Il est constant qu'à la date du 14 juin 2022, M. A..., qui n'avait pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans cette instance, n'avait pas produit de nouveau mémoire avant l'expiration du délai de recours. A cette date, son recours ne pouvait plus être régularisé. Par suite, c'est à juste titre que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 4. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02048
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 7ème chambre, 01/02/2024, 23LY00397, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 31 mars 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité (CRI) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 28 septembre 2020 par laquelle la ministre des armées avait rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité pensionnée. Par un jugement n° 2103984 du 2 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 1er février 2023, M. C..., représenté par Me Cautenet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ; 2°) d'enjoindre au ministre des armées de faire droit à sa demande de révision de la pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité pensionnée, à compter de la notification du jugement à intervenir. Il soutient que : - le jugement est irrégulier ; - la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors que le pourcentage d'invalidité résultant de l'aggravation de son infirmité pensionnée est supérieur de dix points par rapport au pourcentage antérieur. Par un mémoire enregistré le 5 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique s'associe aux conclusions du ministre des armées. Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel). Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Cautenet, pour M. C... ; Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 5 mai 1958, a servi dans l'armée française du 1er juillet 1975 au 1er juillet 1990, date de sa radiation des contrôles. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité accordée en dernier lieu au taux de 40 % le 10 mai 2004 à la suite d'une blessure reçue à l'occasion du service le 16 août 1977, avec effet au 10 juin 2003. Il a demandé le 3 mai 2019 que le taux retenu pour l'infirmité affectant son poignet gauche soit majoré. Par une décision du 28 septembre 2020, le ministère des armées a refusé de réviser sa pension. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 31 mars 2021 de la commission de recours de l'invalidité rejetant son recours préalable obligatoire. Sur la régularité du jugement : 2. Si M. C... fait valoir que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation s'agissant de leurs conclusions sur l'aggravation de l'état d'infirmité du requérant, un tel moyen ne met pas en cause l'irrégularité du jugement mais son bien-fondé. Aucune irrégularité ne saurait donc être retenue à cet égard. Sur le fond du litige : 3. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. " Aux termes de l'article L. 121-4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. /Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Aux termes de l'article L. 125-1 du même code : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. " Aux termes de l'article D. 125-4 de ce même code : " Le taux d'invalidité mentionné à l'article L. 125-1 est déterminé par le guide-barème des invalidités annexé au présent code. / (...). ". 4. Le guide-barème des invalidités figurant en annexe 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit en particulier, pour les sujets droitiers, des taux d'invalidité allant de 30 à 40 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en extension et supination, suivant le degré de mobilité des doigts, de 35 à 45 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en flexion et pronation, suivant le degré de mobilité des doigts, de 40 à 50 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en flexion et supination, avec doigts mobiles, et de 45 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en flexion et supination, avec doigts ankylosés, c'est-à-dire en cas de perte de l'usage de la main. 5. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement de l'expertise médicale du 16 juin 2020 du docteur B..., que sur le poignet gauche il a notamment une pronation de 90°, et une supination limitée à 30°ainsi qu'une mobilité des doigts correcte alors qu'il n'y a plus de syndrome du canal carpien. Si le docteur B... en conclut que le taux d'incapacité permanente partielle doit passer de 40 à 50 %, il apparaît que, contrairement aux indications du guide barème, qui subordonnent le bénéficie d'un taux supérieur à 40 % à une ankylose complète du poignet gauche, l'intéressé a conservé pour ce membre une capacité de mouvement. Par conséquent, l'aggravation de l'infirmité " séquelles fonctionnelles et clinique de fracture du semi lunaire gauche avec ostéonnécrose aseptique " dont souffre M. C... est insusceptible de justifier une augmentation de taux ouvrant droit à une révision de pension. Dans ces conditions, et ainsi que l'a d'ailleurs considéré le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, M. C... n'est pas fondé à réclamer une majoration de sa pension militaire au titre de cette infirmité. 6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre des armées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N 23LY00397 2 kc
Cours administrative d'appel
Lyon
Conseil d'État, 7ème chambre, 19/01/2024, 469095, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme C... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité à la suite d'un accident de trajet survenu le 4 avril 2012, et, d'autre part, d'enjoindre à la ministre de lui accorder le bénéfice de cette allocation par référence à l'invalidité permanente partielle de 70 % résultant de l'accident. Par un jugement n° 1902945 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par une ordonnance n° 21BX02308 du 22 novembre 2022, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi enregistré au greffe de cette cour le 29 mai 2021, présenté par Mme B.... Par ce pourvoi, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., agent civil en poste dans un hôpital d'instruction des armées, a été victime le 4 avril 2012, alors qu'elle regagnait son domicile, d'un accident de la circulation qui a été reconnu imputable au service par décision du ministre de la défense du 1er février 2013. Par une décision du 2 juin 2015, Mme B... s'est vu reconnaître un taux d'invalidité permanente de 70 % au titre des séquelles de cet accident de trajet, avec une date de consolidation fixée au 10 septembre 2014, et a bénéficié de la prise en charge de ses arrêts de travail au titre de la législation sur les accidents de service. Par décision du 29 mars 2019, la ministre des armées a toutefois informé Mme B... du refus du service des retraites de l'Etat de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre des séquelles de l'accident de service, au motif que l'affection à l'origine de cet accident était étrangère au service. Par un jugement du 29 mars 2021, contre lequel Mme B... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité ". 3. Est réputé constituer un accident de trajet et, par suite, revêtir le caractère d'accident survenu dans l'exercice des fonctions de l'agent public qui en est victime, tout accident qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Constitue un accident de service, pour l'application de la réglementation relative à l'allocation temporaire d'invalidité, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des expertises médicales, que si Mme B... manifestait quelques signes d'aphasie avant l'accident de trajet dont elle a été victime le 4 avril 2012, les troubles neurologiques qu'elle a développés postérieurement à cet accident sont en lien direct avec l'accident. Il suit de là qu'en jugeant que les conséquences neurologiques de celui-ci ne pouvaient être regardées comme imputables au service pour en déduire que l'administration était fondée à refuser de faire droit à la demande d'allocation temporaire d'invalidité de Mme B..., le tribunal administratif de Bordeaux a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Bordeaux. Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B..., au ministre des armées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.ECLI:FR:CECHS:2024:469095.20240119
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 19/12/2023, 21BX01318, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme globale de 812 245,65 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il indique avoir fait l'objet, d'autre part, une rente viagère en conséquence de son invalidité imputable au service. Par un jugement n° 1801455 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. B... une indemnité de 110 503 euros et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 mars 2021, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2021 ; 2°) de rejeter la demande de première instance de M. B.... Elle soutient que : - la créance, relative à des faits survenus entre 2002 et 2005, s'est éteinte par l'effet de la prescription quadriennale ; l'état de santé psychiatrique de M. B... ne justifie pas une interruption de la prescription ; - les faits invoqués par M. B... ne permettent pas de caractériser un harcèlement moral ; - le préjudice financier allégué ne présente pas de caractère certain et ses modalités de calcul sont inexactes dès lors qu'elles tiennent compte des primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions ; - le préjudice moral et celui lié aux troubles dans les conditions d'existence doivent être ramenés à de plus justes proportions. Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2021, M. B..., représenté par Me Monpion, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 25 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Laurent Pouget, - les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique, - et les observations de Me Mompion, représentant M. B.... Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 8 décembre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été nommé dans le corps des secrétaires administratifs en avril 1992. A compter du 1er avril 2000, il a été affecté au district social des armées de terre de Limoges, service relevant du ministre chargé de la défense, en qualité de régisseur d'avances. En septembre 2002, M. B... a appelé l'attention du chef de la division " ORH " de l'Etat-major de la région terre Sud-Ouest sur des faits de détournements de fonds publics commis par des agents du district social de Limoges. A la suite d'une restructuration liée au transfert du district social de Limoges vers la commune d'Angoulême, M. B... a, à compter du 13 juin 2005, été affecté en qualité de directeur des ressources humaines du groupement de camp de La Courtine. Il a été placé en congé de longue durée du 15 octobre 2005 au 14 octobre 2010 en raison de troubles dépressifs. Il a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 15 octobre 2010. Par une ordonnance n° 1700161 du 27 octobre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a ordonné une expertise médicale afin de déterminer la réalité et l'étendue des préjudices de l'intéressé. L'expert désigné a déposé son rapport le 16 mars 2018. Le 20 juin 2018, M. B... a demandé à la ministre des armées de l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de ce harcèlement moral, de reconnaître son invalidité comme imputable au service et de lui accorder en conséquence une rente viagère d'invalidité, ce qu'elle a refusé par une décision implicite née le 20 août 2018. 2. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 812 245, 65 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des agissements de harcèlement moral dont il soutient avoir été victime, d'autre part d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité et de lui allouer une rente viagère d'invalidité. La ministre des armées relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 110 503 euros, a mis à la charge de l'Etat une somme de 700 euros au titre des frais et honoraires de l'expertise judiciaire et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la situation de harcèlement moral : 3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ". 4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. 5. Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que postérieurement à sa dénonciation de faits de détournement de fond en 2002, M. B... a été affecté le 15 janvier 2003 sur un poste de chargé de documentation et de suivi des dossiers " PACT " au sein du district social de Limoges. La ministre des armées, qui affirme que cette nouvelle affectation n'avait pas pour but d'humilier l'agent, ne conteste cependant pas que plusieurs des tâches qui lui ont alors été confiées s'avéraient inutiles et ne correspondaient pas à ses compétences, ce qui est d'ailleurs relevé par deux évaluations de l'intéressé au titre de l'année 2003, selon lesquelles il est " actuellement sous employé " et " mérite de se voir confié un emploi à la hauteur de ses compétences dans les plus brefs délais ". Si la ministre soutient que ce changement fait suite à la suppression en 2001 du poste qu'occupait M. B... et qu'aucun autre poste de catégorie B n'était disponible au sein du district, il résulte de l'instruction, et en particulier d'une note de service du 17 mai 2002 antérieure au signalement effectué par l'intéressé concernant des malversations financières au sein du district, qu'il était envisagé qu'il occupe les fonctions de chef de la cellule budget études générales, poste qui sera finalement attribué à l'adjointe de M. B... dans ses précédentes fonctions, qui figurait parmi les agents qu'il a dénoncés. En outre, la ministre ne conteste pas que le poste sur lequel a été affecté M. B... n'était pas un poste de catégorie B correspondant à son grade. Enfin, si la ministre, qui admet en appel que cette mesure était la conséquence des dénonciations effectuées par M. B..., soutient qu'elle était justifiée par la nécessité que celui-ci ne reste pas en contact avec les agents qu'il avait mis en cause, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que son affectation sur le poste considéré était la seule permettant de préserver l'intérêt du service ou celui de l'intéressé. 7. En deuxième lieu, la ministre des armées soutient que la mise à l'écart dont se plaint M. B... correspond à une ambiance générale dégradée à l'époque au sein du district, et que les désagréments auxquels il a été confronté au cours de ses fonctions ne constituent pas des actes de harcèlement. Toutefois, la ministre ne conteste pas sérieusement l'attitude hostile des collègues de M. B... envers lui, que ce dernier a relaté de façon circonstanciée. Elle ne conteste pas davantage la réalité de plusieurs faits présentés par M. B... comme présentant un caractère vexatoire, notamment le fait de ne pas avoir disposé de matériel informatique adéquat pendant plusieurs semaines, ni de poste téléphonique, ou encore que son bureau ait été placé dans une salle de stockage isolée alors qu'un autre emplacement avait précédemment été envisagé. 8. En troisième lieu, la ministre des armées conteste le fait que M. B... ait fait l'objet de notations défavorables à la suite de sa dénonciation de malversations. Il résulte cependant de l'instruction qu'alors que ses notations antérieures à ses révélations étaient particulièrement élogieuses et soulignaient, entre autre, son efficacité et sa conscience professionnelle, et qu'une fois affecté sur un emploi de directeur des ressources humaines au groupement de camp de La Courtine il a de nouveau été évalué de façon très positive, ses notations au titre des années 2003 et 2004, si elles ont maintenu une note globale similaire aux précédentes, comportent des appréciations littérales défavorables, en particulier en se bornant à relever " la ponctualité rigoureuse " de l'intéressé et en indiquant qu'il se contente " de faire acte de présence ". Or, il n'est pas allégué que l'investissement et la qualité du travail de M. B... auraient connu un fléchissement au cours de ces deux années. 9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite du transfert du district social de Limoges vers Angoulême, M. B... a été affecté au camp de La Courtine, dans la Creuse, à compter du mois de juin 2005. Il fait valoir qu'il a été le seul agent du district à ne pas être reclassé aux alentours immédiats de Limoges et que des postes correspondant à ses compétences et situés plus près de son domicile ont été déclarés vacants peu de temps après que sa nouvelle affectation soit devenue définitive. Si la ministre soutient, comme en première instance, que la mutation de M. B... à La Courtine résulte d'une pénurie de poste d'agents comptables dans la région et qu'elle ignorait la vacance des postes évoqués par M. B..., ses explications, peu étayées, sont contradictoires avec le fonctionnement de la bourse des emplois, plateforme sur laquelle sont publiés les postes vacants ou susceptibles de l'être, tel qu'il est décrit par une notice explicative et par une instruction du 16 juillet 2003 produites par M. B.... 10. Dans ces conditions, les éléments apportés par M. B... sont suffisants pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, tandis que la ministre ne démontre pas que les agissements dénoncés par l'intéressé seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a regardé M. B... comme fondé à engager la responsabilité de l'Etat en raison du harcèlement moral qu'il a subi. En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale : 11. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites au profit de l'État, des départements et des communes, sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". L'article 3 dispose que " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ". 12. D'une part, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée. 13. D'autre part, lorsque la responsabilité de l'administration est recherchée, pour un préjudice qui revêt un caractère continu et évolutif, la créance indemnitaire doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 précité, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date il soit entièrement connu dans son existence et dans son étendue. Il en va ainsi lorsque la responsabilité de l'administration est recherchée à raison d'actes de harcèlement moral. 14. En l'espèce, M. B... a demandé en première instance la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis à raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet, au titre de la période s'étendant de 2002 à 2014. Il résulte de l'instruction, et notamment d'un certificat du 14 mai 2019 établi par le psychiatre ayant suivi M. B... du 22 octobre 2005 au 10 avril 2014, qu'au cours de cette période, l'intensité des symptômes psychiatriques ainsi que la lourdeur du traitement qui lui était administré ne permettaient pas à M. B... d'engager une procédure juridique. Si la ministre des armées soutient que ce seul document ne saurait caractériser une incapacité totale d'agir pendant toute la période considérée, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, les mentions du certificat médical produit sont néanmoins corroborées par le tableau des hospitalisations de M. B..., dont il ressort qu'il a effectivement été hospitalisé quasi continuellement pendant cette période de près de dix ans. Il résulte également d'un rapport d'expertise établi en 2018 qu'à compter de 2005 M. B... est devenu très dépendant de son épouse, ayant développé une apathie incapacitante. Dans ces conditions, l'état psychique de l'intéressé durant ladite période, tel que révélé par les éléments du dossier, peut être regardé, ainsi que l'a estimé le tribunal, comme constitutif d'une cause de force majeure ayant fait obstacle à ce qu'il puisse, d'une part, prendre connaissance de l'ensemble de ses préjudices et, d'autre part, agir pour faire valoir sa créance. Par suite, le délai de prescription a commencé à courir le 10 avril 2014 et a été interrompu par la saisine par M. B... du juge des référés du tribunal administratif de Limoges d'une demande d'expertise, le 7 février 2017, avant de recommencer à courir à la date de dépôt du rapport de l'expert, le 16 mars 2018. 15. Ainsi, si M. B... ne conteste pas en appel la prescription s'attachant selon le jugement attaqué aux préjudices subis au titre des années 2002 et 2003, le délai de prescription n'était pas expiré, en ce qui concerne les années 2004 et suivantes, à la date de la demande indemnitaire présentée par M. B... le 12 juin 2018. La ministre des armées n'est dès lors pas fondée à opposer la prescription quadriennale à la créance dont il se prévaut s'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence afférents aux dites années. En ce qui concerne l'évaluation du préjudice : 16. En premier lieu, la ministre des armées soutient que le préjudice matériel dont s'est prévalu M. B... en première instance au titre de la différence entre, d'une part, le traitement et les primes qu'il avait une chance sérieuse de percevoir jusqu'au 1er août 2014, date à laquelle il était prévisible qu'il soit admis à la retraite s'il n'avait pas été déclaré physiquement inapte à l'exercice de toutes fonctions, et d'autre part, les revenus qu'il a effectivement perçus pendant son congé de longue maladie du 15 octobre 2005 au 14 octobre 2010, incluant deux années à demi-traitement, et au titre de la pension de retraite qui lui a été versée du 15 octobre 2010 au 1er août 2014, ne revêt qu'un caractère éventuel et inclut de façon erronée des primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions, auxquelles il ne peut prétendre. 17. Toutefois, la ministre des armées n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause la chance sérieuse que l'intéressé avait de bénéficier de son traitement et de ses primes jusqu'à la date prévisible de sa retraite. En particulier, si la ministre conteste la prise en compte par M. B..., dans le calcul de son préjudice, de la perte de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, une telle indemnité n'a pas pour objet de compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Limoges n'a pas procédé à une exacte évaluation du préjudice matériel de M. B... en l'évaluant à la somme de 80 000 euros. 18. En second lieu, si la ministre des armées demande que les sommes demandées par M. B... au titre de la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence soient ramenées à de plus justes proportions, elle n'apporte aucun élément justifiant de remettre en cause l'indemnisation allouée à ce titre par le tribunal, fixée à 30 000 euros. 19. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. B... une indemnité de 110 503 euros incluant les frais de représentation aux opérations d'expertise, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 700 euros au titre des frais et honoraires de l'expertise judiciaire. Sur les frais liés au litige : 20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Laurent Pouget, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. La présidente-assesseure, Marie-Pierre Beuve Dupuy Le président-rapporteur, Laurent Pouget La greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX01318
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 19/12/2023, 21NC03124, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et d'enjoindre à la ministre des armées de procéder, à compter du 19 juillet 2019, à la révision de sa pension militaire d'invalidité en retenant un taux total d'invalidité de 60 %. Par un jugement n° 2000334 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 19 juillet 2019, a enjoint à la ministre des armées de procéder à la révision de la pension militaire d'invalidité dont bénéficie M. E... en retenant un taux global d'invalidité de 60 %, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser à M. E... la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 décembre 2021 et le 6 mai 2022, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2000344 du 7 octobre 2021 ; 2°) à titre principal, de constater l'absence d'aggravation de la seconde infirmité pensionnée et à titre subsidiaire, de constater, dans l'hypothèse où l'aggravation de cette infirmité serait retenue à hauteur de 10%, que le taux global d'invalidité sera en tout état de cause établi à 55 % et non à 60 % selon la règle dite " Balthazard " ; 3°) de rejeter la demande de M. E.... Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur d'appréciation et d'insuffisance de motivation au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative ; le point 3 du jugement ne précise pas le nom du médecin traitant ainsi que le document médical visé ; les premiers juges n'ont pas précisé sur quel certificat médical ils se sont fondés pour considérer que l'état de M. E... justifie une majoration de son taux d'invalidité de 10 % ; - les premiers juges ont méconnu leur office de juge de plein contentieux : alors que seul le rejet du droit à aggravation pour la seconde infirmité a été contesté par M. E... en première instance, le jugement ne se prononce pas précisément sur cette infirmité et ne mentionne pas le taux d'invalidité qu'il entend accorder à cette seconde infirmité ; - en fixant un taux global d'invalidité de pension à 60 % conformément aux prétentions erronées de M. E..., les premiers juges ont statué au-delà de ce que les textes leur permettaient : en application de la règle dite " Balthazard ", si on considère que les premiers juges ont entendu admettre une aggravation de 10 % de l'infirmité en litige, le taux global d'invalidité aurait dû être fixé à 55 % et non pas à 60 % ; - les premiers juges n'ont pas explicité leur mode de calcul, ni les bases de celui-ci, ni la répartition de ce taux au regard des infirmités pensionnées ; - ils ne pouvaient pas annuler en totalité la décision ministérielle du 19 juillet 2019 qui se prononce sur les deux infirmités alors que seule la seconde infirmité a été contestée par M. E... ; - la seconde infirmité de M. E... ne s'est pas aggravée, au regard de l'expertise réglementaire du 2 septembre 2017, et l'administration a fait une exacte application de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le certificat médical du 17 avril 2019 ne comporte aucune évaluation de l'aggravation selon le guide barème des invalidités et n'est pas contemporain à la demande de révision de pension de sorte qu'il n'est pas opposable. Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2022, M. E..., représenté par Me Zillig, conclut : 1°) à titre principal, au rejet de la requête d'appel de la ministre des armées ; 2°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg, dans toutes ses dispositions, y compris financières ; 3°) à titre subsidiaire, à ce que le taux d'invalidité soit portée à 55 % avec effet au 19 juillet 2019 ; 4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à défaut de justification par la signataire de la requête d'appel d'une délégation de signature, la requête d'appel devra être déclarée irrecevable ; - le jugement est motivé et répond aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative car le médecin traitant est parfaitement identifié au regard des pièces du dossier, le certificat visé ne peut être que le plus récent, soit celui du 17 avril 2019 et les premiers juges font expressément référence à l'expertise qui a relevé une aggravation de la composante thymique justifiant une majoration du taux d'invalidité de 20 à 30 % ; - les premiers juges n'ont pas statué au-delà de ce que les textes leur permettaient en fixant un taux global d'invalidité de la pension à 60 % car cela correspond à la demande présentée en première instance et n'ont pas commis d'erreur de calcul au regard des dispositions de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le taux global de la pension devra en toute hypothèse être au minimum à hauteur de 55 %. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. E... a, alors qu'il était âgé de neuf ans, subi le 28 novembre 1968 une blessure au niveau de la tête à la suite de l'explosion d'une fusée éclairante. Par un arrêté du 19 septembre 1995, il s'est ainsi vu octroyer une pension militaire d'invalidité définitive sur la base d'un taux d'invalidité global de 50 % pour deux infirmités intitulées : " Enfoncement voûte crânienne frontale médiane d'environ 4 cm de diamètre. Cicatrice linéaire frontale droite de 7 cm environ - Blessure reçue le 28/11/1968 - Guerre 1939-1945 ", au taux de 30 % et " subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses - Blessure reçue le 28/11/1968 - Guerre 1939/1945 ", au taux de 20 % avec un correctif de 5 %. Par une demande du 15 octobre 2015, réceptionnée le 27 octobre 2015, M. E... a demandé une révision de sa pension d'invalidité au motif de l'aggravation de la seconde infirmité. Par une décision du 19 juillet 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension. Par un jugement n° 2000334 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la ministre des armées 19 juillet 2019 et l'a enjoint de procéder à la révision de la pension militaire d'invalidité dont bénéficie M. E... en retenant un taux global d'invalidité de 60 %, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La ministre des armées relève appel du jugement du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg. Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " (...) Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat ". 3. Par une décision du 4 janvier 2021, régulièrement publiée le 6 janvier 2021 au journal officiel de la république française, Mme C... A..., administratrice civile, adjointe au chef du service des pensions et des risques professionnels a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du ministre des armées, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des décrets, relevant des attributions du service. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la requête d'appel doit être écarté. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 5. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant et la circonstance que le jugement ne mentionne pas certains éléments, tels que le nom du médecin traitant, la date d'un certificat médical ou les bases de calcul, est sans incidence sur la motivation de celui-ci. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'insuffisance de motivation. 6. En deuxième lieu, l'article 2 du jugement contesté fixe un taux global d'invalidité de 60 % de sorte que les premiers juges n'ont pas omis de fixer eux-mêmes les droits à pension militaire d'invalidité de M. E.... Dans ces conditions, la ministre n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont méconnu leur office de juge du plein contentieux. 7. En troisième lieu, la ministre des armées soutient que le tribunal ne pouvait annuler en totalité la décision du 19 juillet 2019 au motif qu'elle se prononçait sur les deux infirmités pensionnées de M. E... alors que la contestation de cette décision par ce dernier ne portait que sur l'infirmité " F... subjectif post-commotionne (...) ". Toutefois, une décision relative à une pension militaire d'invalidité est indivisible en cas d'infirmités multiples et la modification du taux de l'une des infirmités entraine nécessairement l'annulation de la décision dans son ensemble. Par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif. 8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté serait irrégulier. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions d'annulation : 9. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. E... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". " Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) /3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples ". Aux termes de l'article L. 9 du même code, recodifié à l'article L. 125-3 du même code : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 14 du même code, alors applicable : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. " 10. D'une part, il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. L'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. D'autre part, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que lors de l'expertise du 2 septembre 2017, le psychiatre désigné par l'administration à la suite de la demande de révision de M. E... a estimé que l'infirmité " F... subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses " s'était, à la date de la demande, aggravée depuis 1995 à hauteur de 10 %. 12. Si dans son avis du 20 mars 2019, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, a considéré, au contraire, qu'il y avait lieu de maintenir le taux de l'infirmité à 20 % au motif que les deux expertises médicales des 19 octobre 1994 et 2 septembre 2017 font état des mêmes symptômes mais d'une manière différente, cet avis, émanant d'un médecin généraliste, est insuffisamment circonstancié pour remettre en cause les éléments précis de l'expertise du médecin psychiatre, quant à l'évolution de l'infirmité en litige, en particulier quant au trouble thymique non mentionné lors de la première expertise. Dans ces conditions, il y a lieu de porter le taux de l'infirmité de M. E... " F... subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses " de 20 à 30 %. 13. Ainsi, le taux global de la pension militaire d'invalidité de M. E... doit être déterminé en retenant les infirmités et taux suivants : première infirmité " Enfoncement voûte crânienne frontale médiane d'environ 4cm de diamètre. Cicatrice linéaire frontale droite de 7cm environ " au taux de 30 %, seconde infirmité " F... subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses " au taux de 30 % + 5 %. La prise en compte successive de ces infirmités, proportionnellement à la validité restante, aboutit à un taux d'invalidité de 54,5 % (35X70/100= 24,5 % pour la seconde infirmité). Ce taux d'invalidité étant intermédiaire entre deux échelons, M. E... a par conséquent droit à une pension d'invalidité au taux global de 55 % avec effet au 27 octobre 2015 et non de 60 % comme l'a jugé le tribunal administratif de Strasbourg. 14. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 19 juillet 2019 rejetant la demande de révision de pension militaire d'invalidité par M. E.... Sur les conclusions à fin d'injonction : 15. Comme il a été dit au point 13 du présent arrêt M. E... est fondé à ce que lui soit accordée une pension militaire d'invalidité au taux global de 55 %. Le taux fixé à 60 % dans l'article 2 du jugement contesté doit en conséquence être ramené à 55 %. Sur les frais liés au litige : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. E... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Il est attribué à M. E... une pension militaire d'invalidité au taux global de 55 % avec effet au 27 octobre 2015. Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2du présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre des armées et les conclusions de M. E... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... E.... Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - Mme Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. D... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M.D... 2 N°21NC03124
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 28/12/2023, 21TL24511, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse : Sous le n° 1804249, d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a prolongé son congé de longue durée en tant qu'elle l'a reconnu inapte de manière totale et définitive et qu'elle a sollicité la saisine de la commission de réforme pour une demande exclusive de mise à la retraite pour invalidité. Sous le n° 1905687, d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service et d'enjoindre au président du conseil départemental du Tarn de prononcer sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, et de le rétablir rétroactivement dans ses droits, dès notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1804249, 1905687 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 18 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a décidé de la mise à la retraite de M. A... à compter du 4 juin 2019 pour invalidité non imputable au service, enjoint au président du conseil départemental du Tarn d'édicter, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une nouvelle décision purgée du vice d'incompétence, concernant la mise à la retraite de M. A... à compter du 4 juin 2019 et rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX04511, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL24511, M. B... A..., représenté par Me Amalric-Zermati, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 10 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service ; 3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Tarn de prononcer sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, au besoin sous astreinte de 250 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du département du Tarn au profit de son conseil la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 23 octobre 2013 est établie par l'expertise judiciaire, le harcèlement moral subi ayant entraîné de nombreuses conséquences sur sa santé émotionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le département du Tarn, représenté par la SCP Cantier et associés agissant par Me Ortholan, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que ni l'expert ni le requérant ne démontrent l'imputabilité au service du prétendu accident de service qu'il aurait subi le 23 octobre 2013 et que la pathologie du requérant est dépourvue de lien avec l'exercice de ses fonctions. Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 février 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Ortholan, représentant le département du Tarn. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., rédacteur territorial au département du Tarn depuis le 1er janvier 1994 et titularisé un an plus tard, a été affecté à compter du 1er juillet 2006 à la conservation départementale des musées au Musée du Cayla, où il était chargé de l'accueil des publics, de la médiation culturelle et de l'administration du musée. Après une première période d'arrêt de travail du 8 avril 2011 au 22 mars 2012, il a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique jusqu'au 20 décembre 2012. Il a ensuite été autorisé à exercer ses fonctions à temps partiel au taux de 80% au titre de l'année 2013. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 4 novembre 2013 et a été placé en congé de longue durée du 10 décembre 2013 au 9 juin 2018 par un arrêté du 28 décembre 2015. Par une décision du 11 juillet 2018, le président du conseil départemental du Tarn a prolongé ce congé de longue durée pour une dernière période allant du 10 juin au 9 décembre 2018. Par une décision du 18 juin 2019, le président du conseil départemental du Tarn a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité, non imputable au service, au taux d'invalidité permanente partielle de 50 % à compter du 4 juin 2019. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ces deux dernières décisions. Par un jugement du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 18 juin 2019 au motif de l'incompétence de son signataire, a enjoint au président du conseil départemental du Tarn d'édicter une nouvelle décision purgée de ce vice concernant la mise à la retraite de M. A... à compter du 4 juin 2019 et a rejeté le surplus de ses demandes. Par un arrêté du 4 janvier 2022, le président du conseil départemental a rapporté la décision du 18 juin 2019 et a repris une décision ayant le même objet. M. A... relève appel du jugement du 10 novembre 2021 et demande l'annulation de la décision du 18 juin 2019. Le requérant est recevable à relever appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande principale tendant à enjoindre au président du conseil départemental du Tarn de prononcer sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce décret, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article 39 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme. 4. D'autre part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. 5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de faire droit à la demande de M. A... tendant à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, le président du conseil départemental du Tarn s'est fondé sur l'avis de la commission de réforme du 3 juin 2019, selon lequel l'intéressé est inapte de façon totale et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions et donnant un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été placé en arrêt de travail à compter du 4 novembre 2013, prolongé de manière continue du 23 décembre 2013 au 30 octobre 2015. Ces arrêts de travail établis par son médecin généraliste faisaient état de " troubles anxieux réactionnels ", de " troubles du sommeil " et " d'un suivi psychiatrique régulier ". Le requérant soutient que la dégradation de son état de santé est en lien direct avec les faits de harcèlement moral qu'il aurait subis de la part de sa hiérarchie, à son retour de congé de maladie en avril 2012. Toutefois, s'il expose que son poste a été modifié en ce que certaines attributions et responsabilités lui ont été retirées, il ne ressort pas de la description de poste établie le 12 avril 2012 que M. A... se serait vu retirer des attributions par rapport au document établi le 6 juin 2006, alors qu'il a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique. S'il soutient que les plaintes émanant de visiteurs remettant en cause sa manière de servir en septembre 2013 seraient infondées, il ne produit aucune pièce susceptible de remettre en cause les faits reprochés. M. A... expose ensuite avoir été victime d'un acharnement disciplinaire de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Toutefois, alors qu'il ne produit aucun élément permettant de justifier ses dires, la matérialité des faits reprochés à l'origine du blâme prononcé à son encontre par arrêté du 5 décembre 2013 a été établie par le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement n° 1402721 du 7 septembre 2016 confirmé par ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 16BX03572 du 6 juillet 2017. De même, si par un autre arrêté du 5 décembre 2013, M. A... a fait l'objet d'un changement d'affectation au service de l'habitat et du logement de la direction chargée de la vie sociale et de l'insertion, son recours présenté à l'encontre de cette décision dont il estimait qu'elle revêtait le caractère d'une sanction déguisée a été rejeté par jugement n° 1402726 du tribunal administratif de Toulouse du 14 décembre 2016, lequel a été confirmé par ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 17BX00571 du 6 juillet 2017. Les pourvois formés par M. A... à l'encontre de ces ordonnances n'ont pas été admis par décision du Conseil d'Etat n° 414074-414076. Ainsi, il ne ressort d'aucune pièce que M. A... aurait subi des pressions ou un quelconque acharnement de la part de sa hiérarchie de nature à créer des conditions de travail susceptibles d'engendrer une souffrance psychologique. Le requérant soutient ensuite que l'élément déclencheur de sa pathologie, résultant du profond malaise qu'il ressent au travail, réside dans l'appel téléphonique reçu le 23 octobre 2013 par lequel sa supérieure hiérarchique l'informait de ce qu'il était convié à un entretien avec le directeur général administratif. Cet évènement serait constitutif d'un accident de travail, dont son employeur a cependant refusé de reconnaître l'imputabilité au service. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie de M. A... aurait été causée par cet appel téléphonique, qui relève du fonctionnement normal du service et ne peut être qualifié d'accident de travail. En outre, il ressort des documents médicaux produits par le requérant que les arrêts de travail qui lui ont été prescrits par son médecin généraliste à compter d'avril 2011 avaient déjà pour origine des " troubles anxieux généralisés ", et non seulement des problèmes d'urticaire comme il l'expose. M. A... se prévaut de l'expertise rendue le 16 octobre 2017 par le docteur C..., désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. Selon cet expert, " la souffrance détaillée par M. A... trouve largement son origine dans les problèmes professionnels ", concluant que " les arrêts de travail sont en lien direct avec le vécu professionnel douloureux " de M. A.... Toutefois, alors que ce rapport succinct se borne à reprendre les déclarations de l'intéressé, l'expert désigné en 2015 sur saisine de la commission de réforme devant se prononcer sur la reconnaissance de l'accident de service en date du 23 octobre 2013, évoquait " l'hypersensitivité " de M. A... et " l'organisation fragile voire pathologique " de sa personnalité. Ainsi, les éléments versés aux débats par M. A... ne permettent pas d'établir que le contexte professionnel dans lequel il a évolué aurait été susceptible de créer une souffrance psychique. Par suite, M. A... n'établit pas que sa maladie serait directement causée par l'exercice de ses fonctions. 6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Tarn, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement au département du Tarn d'une somme au titre des frais liés au litige qu'il a exposés. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Tarn au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département du Tarn. Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL24511 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 21/12/2023, 22BX00536, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n° 2002020 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande et a enjoint au président du conseil départemental de la Dordogne de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... et de régulariser sa situation. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 février 2022 et le 10 mai 2023, le département de la Dordogne, représenté par la SELAS Adaltys Affaires publiques, agissant par Me Heymans demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2021 précité ; 2°) de rejeter l'ensemble des demandes de Mme D... ; 3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a jugé que la maladie mentale dont souffre Mme D... est imputable au service ; la cour de céans a jugé par un arrêt devenu définitif que son employeur ne pouvait être regardé comme ayant fait preuve de harcèlement moral à son endroit ; le rapport d'expertise médicale se fonde uniquement sur le ressenti de l'intéressée pour conclure au lien entre sa pathologie et le service ; aucune faute n'est imputable à son employeur ; l'intéressée avait bien avant 2008 été placé en congés de maladie pour des troubles d'anxiété et un état dépressif ; - contrairement à ce qu'affirme à titre liminaire Mme D..., il a procédé à l'exécution du jugement contesté en versant à l'intéressée le montant des salaires qui lui sont dus. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, Mme C... D..., représentée par Me Maixant, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du département de la Dordogne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de M. Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Platel représentant le département de la Dordogne. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... D... a été recrutée en décembre 1987 par le département de la Dordogne en tant d'agent temporaire de bureau auxiliaire, puis intégrée dans le corps d'emploi des agents de bureau stagiaire et titularisée le 1er janvier 1990. Elle a été promue en qualité d'adjoint administratif territorial de 1ère classe à compter du 1er janvier 2007. Elle a été placée en congé de maladie du 11 août 2008 au 20 mai 2009 et a ensuite fait l'objet d'un temps partiel thérapeutique à 50 % jusqu'au 20 novembre 2009. Déclarée apte à reprendre son travail à temps complet à compter du 9 octobre 2009, elle a repris son emploi par intermittence avec des congés de maladie ordinaire et jusqu'à épuisement de ses droits à congés, son dernier congé de maladie ordinaire ayant été transformé en congé longue maladie, puis en congé longue durée du 25 juillet 2011 au 24 juillet 2015, prolongé jusqu'au 24 juillet 2016. La commission départementale de réforme a émis, le 3 mai 2016, un avis d'inaptitude totale et définitive de l'intéressée à toutes fonctions. Par un arrêté du 27 mai 2016, le président du conseil départemental a reconnu Mme D... inapte de façon absolue et définitive à toutes fonctions à compter du 25 juillet 2016. Estimant que sa maladie était imputable au service, ce dont l'arrêté du 27 mai 2016 ne fait pas mention, Mme D... a présenté, le 22 juillet 2016, un recours gracieux contre cet arrêté du 27 mai 2016, qui a été rejeté par courrier du 30 août 2016. Par un arrêté du 5 décembre 2016, le président du conseil départemental l'a ensuite radiée des effectifs du département de la Dordogne à compter du 25 juillet 2016. 2. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de l'arrêté du 27 mai 2016 précité et de la décision de rejet de son recours gracieux, en tant que ces décisions n'ont pas reconnu son inaptitude définitive comme imputable au service et de l'arrêté du 5 décembre 2016 la radiant des effectifs ainsi qu'une demande tendant à la condamnation du département de la Dordogne à lui verser notamment une rente viagère d'invalidité. Par deux jugements n° 1604474 et n° 1700308 des 23 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes. Par un arrêt n°s 17BX02857-17BX02860 du 19 décembre 2019, qui est devenu définitif, la Cour a annulé le jugement n° 1700308 du tribunal et l'arrêté du 5 décembre 2016 du président du conseil général de la Dordogne en tant qu'il a rejeté implicitement la demande de rente viagère d'invalidité de Mme D..., qui n'était pas forclose à présenter sa demande tendant à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service, et, en l'absence de consultation de la commission de réforme sur cette demande, a enjoint au département de la Dordogne de réexaminer sa situation. Saisie par le département de la Dordogne, la commission départementale de réforme a émis le 14 janvier 2020 un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service. Par un arrêté du 13 mars 2020, le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'invalidité de Mme D.... Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2021, dont le département de la Dordogne demande l'annulation dans la présente instance. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version, alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire en activité a droit : 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. /Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie dépressive diagnostiquée en 2009, le président du conseil départemental de la Dordogne s'est fondé sur l'absence d'élément permettant d'établir un lien direct entre la pathologie évoquée et le service. Le tribunal a estimé au contraire que le lien direct entre la pathologie mentale dont souffre Mme D... et le service était établi. 6. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année 2008, Mme D... a souffert de difficultés professionnelles et s'est plainte de relations conflictuelles avec sa hiérarchie. Son employeur a alors décidé, sur avis favorable du médecin du travail, son changement d'affectation à compter du 24 mai 2009 au centre médico-social d'Excideuil. En dépit de ce changement, ses difficultés ont perduré et, sur avis favorable du médecin du travail, Mme D... a de nouveau sollicité un changement de poste et le département de la Dordogne lui a alors adressé sept fiches de postes, Mme D... ayant accepté la proposition de poste au sein du service des personnes âgées à compter du 22 février 2011. Il ressort ainsi des pièces du dossier que son employeur a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour lui permettre d'accomplir les tâches qui lui sont confiées dans de bonnes conditions. A cet égard, les fiches d'évaluation de Mme D... ne font pas état de l'existence de conflits avec sa hiérarchie alors que le travail de cette dernière est reconnu et qu'elle a par ailleurs bénéficié d'une promotion. En outre, si les rapports d'expertise des 29 février 2016 et 13 avril 2016 du docteur A... indiquent " un syndrome dépressif sévère ( ...) et une relation conflictuelle avec son chef de service " et qu'il existe " une névrose à composante dépressive qui, selon tous les documents que nous avons consultés (courriers de psychiatres, avis du service de médecine du travail et de pathologie professionnelle (...) apparaît comme en relation certaine et directe avec les activités professionnelle ", ce rapport, qui fait mention d'éléments médicaux non produits par l'intimée, ne se fonde que sur les dires et ressentis de l'intéressée et les différents certificats médicaux de son psychiatre et de ses courriers de transmission ne s'accordent pas avec ces constatations dès lors qu'ils ne font état d'aucune relation de son état de santé avec ses fonctions. Par ailleurs, par son arrêt n° 17BX02857, 17BX02860 du 19 décembre 2019 non frappé de pourvoi en cassation, la Cour a estimé que les conditions de travail de Mme D... depuis 2004 ne caractérisaient pas une situation de harcèlement moral, en particulier que le comportement vexatoire dont s'était plainte Mme D... de la part de son employeur n'était pas établi. Enfin, il ressort des rapports médicaux produits dans le cadre de l'instance que Mme D... est décrite comme présentant une personnalité obsessionnelle et avait des antécédents médicaux dès lors qu'elle avait déjà été placée en arrêt de maladie notamment en 1997 et 2000 pour un état d'anxiété. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la pathologie anxio-dépressive, dont est atteinte la requérante, ne présente pas un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou de ses conditions de travail de nature à susciter le développement de sa maladie alors que les faits qu'elle invoquait n'ont pas été jugés par la Cour, ainsi qu'il a été dit, comme constitutifs de harcèlement moral et qu'elle a présenté des antécédents de nature à détacher la survenance ou l'aggravation de sa maladie à ses fonctions. Dans ces conditions, et conformément à l'avis du 14 janvier 2020 rendu par la commission de réforme, le président du conseil départemental de la Dordogne a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre Mme D.... 7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en litige et enjoint le département de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... ainsi qu'à en demander l'annulation pour ce motif. 8. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les autres moyens invoqués par Mme D... en première instance et en appel. Sur les autres moyens : 9. En premier lieu, aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales alors applicable : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. / (...) / L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) ". 10. Si Mme D... soutient que l'avis de la commission de réforme ne lui a pas été notifié, les dispositions précitées ne prévoient une communication que sur demande de l'intéressé et il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... aurait sollicité la communication de l'avis du 14 janvier 2020 précité, que le département de la Dordogne a produit tant en première instance qu'en appel. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure tenant à l'absence de communication de cet avis ne peut qu'être écarté. 11. En second lieu, l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le président du conseil départemental de la Dordogne en litige vise les avis de la commission de réforme rendus les 3 mai 2016 et 14 janvier 2020, lesquels ont été émis sur la base du rapport du médecin expert. La circonstance que l'arrêté contesté n'indique pas le sens des conclusions du rapport de l'expert, mention qui n'est prévue par aucun texte législatif ou règlementaire, est sans incidence sur sa légalité. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté en litige doit être rejetée, de même par voie de conséquence que ses conclusions à fin d'injonction au département de la Dordogne de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Sur les frais de l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Dordogne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... une somme à verser au département de la Dordogne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2002020 du 20 décembre 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par Mme D... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Les conclusions du département de la Dordogne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Dordogne et à Mme C... D.... Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023. La rapporteure, Caroline B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22BX00536
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/12/2023, 23MA00313, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental de secours (SDIS) des Hautes-Alpes l'a placé en retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 3 juin 2020. Par un jugement n° 2007667 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 février et 13 novembre 2023, M. A... B..., venant aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 décembre 2022 ; 2°) d'annuler cet arrêté et cette décision ; 3°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, l'arrêté en litige est : * d'une part, entaché d'une rétroactivité illégale, qui n'est nullement justifiée par la nécessité de le placer dans une situation régulière et qui lui cause un préjudice ; * d'autre part, intervenu au terme d'une procédure irrégulière, la commission de réforme s'étant réunie sur son cas sans comprendre parmi ses membres un spécialiste de l'affection dont souffrait son père, en méconnaissance de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; * est enfin insuffisamment motivé en droit et en fait au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - à titre subsidiaire, l'arrêté litigieux : * méconnaît l'article 15-II 2° du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affilés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, faute d'avoir pris en compte son placement en disponibilité et donc de lui ouvrir droit à une bonification de pension ; *est entaché d'une erreur de droit commise par le président du conseil d'administration en s'estimant lié, quant à la date de prise d'effet de l'admission à la retraite, par l'avis de la commission de réforme, alors qu'il était toujours en disponibilité d'office au jour de l'arrêté. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement public fait valoir que : - la requête d'appel est irrecevable car non motivée et émanant d'une personne qui ne justifie ni de sa qualité ni de son intérêt pour agir ; - les moyens d'appel ne sont pas fondés Par un mémoire en intervention, enregistré le 13 novembre 2023, Mme D... B..., représentée par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, conclut à l'annulation du jugement attaqué, à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 et de la décision rejetant le recours gracieux contre cet arrêté, et à ce que soient mis à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en reprenant les moyens développés par M. B.... Par une ordonnance du 27 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Morabito, représentant M. B... et Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... B..., sapeur-pompier professionnel, a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019, par un arrêté pris le 7 février 2020 par le président du conseil d'administration du SDIS des Hautes-Alpes, après avis de la commission de réforme du 26 septembre 2019. Par un jugement du 6 décembre 2022, dont M. A... B..., venant aux droits de son père, M. C... B..., relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de celui-ci tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant son recours gracieux du 3 juin 2020. Sur l'intervention de Mme D... B... : 2. Compte tenu des effets de la mesure litigieuse sur sa situation personnelle, Mme D... B..., veuve de M. C... B..., justifie d'un intérêt suffisant la rendant recevable à intervenir à l'appui des conclusions présentées par M. A... B..., son fils, contre cette même mesure. Son intervention doit donc être admise. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 3. L'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...)". 4. En outre, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée ". En ce qui concerne les moyens présentés à titre principal : 5. D'une part, aux termes de l'article 31 du décret précité du 26 décembre 2003 : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier (...) l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes, (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 6. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement des termes mêmes de l'avis rendu par la commission de réforme le 26 septembre 2019 que, pour conclure à l'inaptitude définitive et absolue à ses fonctions ainsi qu'à toute fonction, les membres de cette commission ont eu connaissance du rapport rendu le 17 avril 2019 par un médecin psychiatre désigné par l'administration concluant à l'inaptitude définitive et absolue de M. B..., en raison de la dépression majeure dont il souffrait depuis le mois de mars 2016. Ainsi, compte tenu des éléments dont disposait la commission de réforme, il n'est pas manifeste que la présence d'un spécialiste en psychiatrie était nécessaire pour éclairer l'examen de son cas. Le moyen tiré par M. B... et Mme B... de la composition irrégulière de la commission de réforme ne peut donc qu'être écarté. 7. D'autre part, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité. 8. En outre, en vertu de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986, relatif notamment à la position de disponibilité des fonctionnaires territoriaux, le fonctionnaire peut être mis en disponibilité pour raison de santé, soit d'office, soit à sa demande, d'une part, s'il a épuisé ses droits à congé de maladie, et d'autre part, dans l'attente de son éventuel reclassement. 9. Il ressort des pièces du dossier que si, par un arrêté du 3 juin 2017, M. B... a été placé d'office en disponibilité, avec conservation de son demi-traitement, à compter du 21 mars 2017 jusqu'à l'intervention de l'avis du comité médical consulté sur sa demande de congé de longue maladie, il a été placé en congé de longue maladie, par deux arrêtés du 13 décembre 2019, pour les périodes du 15 mars 2016 au 15 mars 2017, à plein traitement, et du 15 mars 2017 au 14 mars 2019 à demi-traitement. Il est donc constant qu'au 15 mars 2019, l'intéressé avait épuisé ses droits à congé de longue maladie et que, sous réserve qu'il présente une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions, il pouvait être admis à la retraite pour invalidité d'office ou à sa demande, en application des dispositions citées aux points 3 et 4. Or, alors que par son avis du 18 juillet 2019, le comité médical départemental, appelé à se prononcer sur le bénéfice d'un congé de longue maladie pour la période du 15 mars 2016 au 14 mars 2019, a conclu à l'inaptitude définitive et absolue de M. B... à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction à compter du 15 mars 2019 et à son admission à la retraite pour invalidité, la commission de réforme, par son avis du 26 septembre 2019, a estimé que cet agent était à cette dernière date inapte de manière définitive à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction. Il en résulte que, bien qu'ayant épuisé dès le 15 mars 2019 ses droits à congé de longue maladie, M. B..., qui en raison de son inaptitude définitive et absolue, ne pouvait dès cette même date bénéficier d'un reclassement, ne pouvait alors prétendre au bénéfice d'un placement en position de disponibilité pour raison de santé. Ainsi, pour contester la date de prise d'effet au 27 septembre 2019 de l'admission à la retraite pour invalidité de M. C... B... et sa radiation des cadres, qui se justifie par la nécessité de placer cet agent dans une situation régulière, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que celui-ci aurait dû être placé en disponibilité d'office pour raison de santé jusqu'à la date de signature de cette mesure. Le moyen tiré de la rétroactivité illégale de l'arrêté en litige ne peut donc qu'être écarté. En ce qui concerne les moyens présentés à titre subsidiaire : 10. Enfin, l'arrêté en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, et qui n'avait pas à préciser les raisons pour lesquelles il prenait effet au 27 septembre 2019, ni à se prononcer sur une bonification de droits à pension, est suffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette mesure doit, dès lors, être écarté. 11. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort ni des motifs de l'arrêté qu'il attaque, ni des autres pièces du dossier, que pour faire droit à la demande présentée par M. B... le 12 décembre 2018 d'admission à la retraite pour invalidité, le président du conseil d'administration du SDIS des Hautes-Alpes se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme, dont il s'est approprié les conclusions. Par suite M. B... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'incompétence négative. 12. En second lieu, dans la mesure où cet arrêté n'a pas pour d'autre objet que de se prononcer sur la demande d'admission à la retraite pour invalidité de M. B..., et de décider en conséquence sa radiation des cadres, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 15 II du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, qui ont trait aux éléments de liquidation des droits à pension des sapeurs-pompiers professionnels. 13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C... B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 l'admettant à la retraite pour invalidité et le radiant des cadres, et de la décision tacite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du SDIS des Hautes-Alpes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par l'appelant et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... et, en tout état de cause, par Mme B..., ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. B... à ce même titre. Les prétentions du SDIS des Hautes-Alpes relatives à ses frais d'instance doivent donc elles aussi être rejetées. DECIDE : Article 1er : L'intervention de Mme D... B... est admise. Article 2 : La requête de M. B... est rejetée. Article 3 : Les conclusions du SDIS des Hautes-Alpes et de Mme D... B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme D... B... et au service départemental d'incendie et de secours des Hautes-Alpes. Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. N° 23MA003132
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 21/12/2023, 23BX00712, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ainsi que le titre exécutoire émis le 21 décembre 2016 par le CHU de Poitiers pour le recouvrement de la somme de 3 419,54 euros. Par un jugement n° 1700362 du 20 juin 2019, le tribunal a annulé cette décision et ce titre exécutoire. Par un arrêt n° 19BX03404 du 3 mars 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le CHU de Poitiers à l'encontre de ce jugement et a enjoint au CHU de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. C... dans un délai de deux mois. Par un courrier enregistré le 17 octobre 2022, M. C..., représenté par la SCP Drouineau, Le Lain, Verger, Bernardeau, a saisi la cour d'une demande d'exécution de cet arrêt. Par une ordonnance n° 23BX00712 du 15 mars 2023, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par des mémoires enregistrés les 11 mai, 31 juillet, 23 août 2023 et 21 novembre 2023, M. C..., représenté par la SCP Drouineau, Le Lain, Verger, Bernardeau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'enjoindre au CHU de Poitiers, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir : 1°) de lui verser la somme de 25 985,35 euros due en application du régime juridique de l'imputabilité au service des arrêts de travail ; 2°) de lui demander le reversement de la somme de 1 934,93 euros indûment payée, afin qu'il puisse percevoir sa prime de retraite en totalité et de notifier cette demande à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) afin que cette dernière puisse régulariser sa situation ; 3°) de lui verser la somme complémentaire de 1 505,57 euros sur le compte CARPA de son conseil. Il soutient que : - le Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS) lui a versé 8 289,49 euros de compléments de salaire en 2012, et non 12 017,98 euros que le CHU a déduits des sommes dues en application du régime de la maladie professionnelle ; le calcul de l'indemnité due est ainsi erroné ; il doit être enjoint au CHU de lui verser la somme de 25 985,35 euros, et non de 20 498,74 euros, outre la déduction des 1 758,13 euros ayant donné lieu à un avis à tiers détenteur du 3 mars 2023 dont la mainlevée a été ordonnée le 16 mars suivant ; - dès lors que l'indemnité de pré-départ en retraite pour invalidité de 1 934,93 euros que le CGOS lui a versée le 25 janvier 2016 fait obstacle au versement de la totalité de la prime de départ en retraite par la CNRACL, il y a lieu d'enjoindre au CHU de Poitiers de lui demander le reversement de cette somme indûment payée afin que la CNRACL puisse régulariser sa situation ; sa mise à la retraite prématurée pour invalidité est la conséquence de la reconnaissance de la maladie professionnelle, donc de l'exécution de l'arrêt ; - la somme de 6 173,54 euros n'a été versée à l'AARPI Drouineau qu'à la fin du mois de juin 2023 ; en outre, elle est erronée car elle ne tient pas compte de son droit à une indemnité de congés payés correspondant à 30 jours par an ; il avait donc droit à 7 679,07 euros, et il y a lieu pour la cour d'enjoindre au CHU de lui verser une somme supplémentaire de 1 505,57 euros sur le compte CARPA de la SCI Drouineau ; - le comportement du CHU justifie que soit prononcée une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision de la cour sur sa demande d'exécution. Par des mémoires en défense enregistrés les 30 juin et 5 octobre 2023, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - pour l'année 2012, un excédent de rémunération de 12 017,98 euros a été versé à M. C..., et le décompte de rémunération ne mentionne pas qu'il s'agirait d'un versement du CGOS ; au demeurant, la question de l'imputation de l'indemnité versée par le CGOS relève d'un litige distinct de l'exécution de l'arrêt de la cour du 3 mars 2022 ; la somme de 1 758,13 euros correspondant à un avis à tiers détenteur adressé à la CNRACL n'ayant jamais été prélevée, M. C... n'est pas fondé à en demander la restitution ; - la demande tendant à ce qu'il lui soit enjoint d'émettre un titre exécutoire pour récupérer l'indemnité de pré-départ en retraite afin que M. C... puisse bénéficier de la totalité de sa prime de retraite par la CNRACL est sans lien avec l'exécution de l'arrêt de la cour du 3 mars 2022 ; - la somme de 6 173,54 euros a été réglée ; - la demande relative à l'indemnité de congés payés non pris pose la question du droit à une telle indemnité et ne s'inscrit pas dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 3 mars 2022. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Porchet, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. Par une première décision du 1er août 2014, le directeur général du CHU de Poitiers a rejeté la demande de M. C..., aide-soignant titulaire en congé de maladie depuis un malaise survenu sur son lieu de travail le 19 février 2011, tendant à la reconnaissance de l'asthme dont il souffrait comme maladie professionnelle. Par une ordonnance du 12 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. C..., a suspendu l'exécution de cette décision aux motifs que l'absence de convocation régulière devant la commission de réforme et l'erreur de fait invoquées étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité, et a enjoint au CHU de Poitiers de rétablir le plein traitement de son agent. L'administration a retiré la décision du 1er août 2014, et après avoir saisi la commission de réforme, a pris le 9 novembre 2015 une deuxième décision de refus de reconnaissance de l'asthme comme maladie professionnelle, puis a émis le 18 novembre 2015 un titre de recettes d'un montant de 3 419,54 euros pour le recouvrement des rappels de rémunération versés en exécution de l'ordonnance du juge des référés. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif que la seule circonstance que la première constatation médicale de l'affection était intervenue plus de sept jours après l'exposition de l'intéressé au risque professionnel ne suffisait pas à fonder légalement le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie. Le directeur général du CHU a réitéré son refus de reconnaissance d'une maladie professionnelle par une troisième décision du 12 décembre 2016, et a émis le 21 décembre 2016 un nouveau titre de recettes de 3 419,54 euros. Par un jugement du 20 juin 2019 dont l'hôpital a relevé appel, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette dernière décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif qu'un lien direct entre l'apparition de l'affection asthmatique et les conditions de travail était établi. Par un arrêt n° 19BX03404 du 3 mars 2022, la cour a rejeté l'appel du CHU de Poitiers et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie asthmatique. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision. 3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...). " 4. Par une décision du 4 juillet 2022, la directrice générale du CHU de Poitiers a reconnu l'imputabilité au service de la maladie à compter du 27 mai 2011, cette date n'étant pas contestée. Elle a également régularisé les cotisations dues aux divers organismes sociaux concernés. Alors que l'exécution du jugement impliquait une rémunération à temps plein sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le centre hospitalier a émis en cours d'instance, le 9 novembre 2023, un mandat de 20 498,74 euros au titre de la régularisation des salaires entre le 27 mai 2011 et le 31 octobre 2015, après déduction d'une somme de 1 758,13 euros correspondant à des salaires versés à tort postérieurement au 1er novembre 2015, date d'admission à la retraite de l'intéressé. Si M. C..., qui ne conteste pas l'existence de ce trop-perçu, fait valoir que le CHU avait initialement tenté de le recouvrer par un avis à tiers détenteur auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dont mainlevée avait été donnée, l'administration n'avait pas pour autant renoncé à la récupération de la somme de 1 758,13 euros, qu'elle était fondée à déduire des salaires dus en exécution du jugement. M. C... conteste en outre la déduction d'une somme de 12 017,98 euros au titre de l'année 2012, correspondant selon le CHU à un excédent de rémunération. Le requérant fait valoir que la déduction aurait dû être limitée à la somme de 8 289,49 euros que lui a versée le Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS), mais ne conteste pas avoir effectivement perçu 31 925,29 euros au lieu de 19 907,31 euros correspondant à son salaire à temps plein, comme indiqué dans le tableau élaboré par la direction des ressources humaines de l'hôpital. Enfin, M. C... n'apporte aucun élément de nature à justifier que la régularisation des sommes dues au titre de ses salaires aurait omis un droit à congés payés. Par suite, il ne démontre pas que le CHU de Poitiers lui serait redevable d'une somme supérieure à 20 498,74 euros. 5. En second lieu, si M. C... fait valoir que la prime de pré-départ en retraite pour invalidité de 1 934,93 euros que le CGOS lui a versée en 2016 ferait obstacle au versement par la CNRACL de la totalité de la prime de départ en retraite à laquelle il estime avoir droit, de sorte que le CHU devrait émettre un titre exécutoire d'un montant de 1 934,93 euros pour lui permettre de régulariser sa situation auprès de la CNRACL, ce litige est sans lien avec celui qui a été tranché par l'arrêt du 3 mars 2022. 6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour n° 19BX03404 du 3 mars 2022 a été entièrement exécuté, sous réserve du versement effectif, prévu pour le 29 décembre 2023, de la somme de 20 498,74 euros figurant sur le mandat du 9 novembre 2023. 7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de M. C... au titre des frais exposés par le CHU de Poitiers à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au versement des sommes dues au titre de la rémunération à temps plein entre le 27 mai 2011 et le 31 octobre 2015. Article 2 : Le surplus de la demande d'exécution de M. C... est rejeté. Article 3 : Les conclusions présentées par le CHU de Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier universitaire de Poitiers. Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX00712
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de LYON, 4ème chambre, 21/12/2023, 21LY03602, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Lantriac l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018, ensemble la décision du 17 décembre 2018 portant rejet de son recours gracieux. Par jugement n°1900301 du 16 septembre 2021, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédures devant la cour Par une requête enregistrée le 11 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Achou, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement, ainsi que l'arrêté du 25 octobre 2018 prononçant sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018 et le rejet de son recours gracieux ; 2°) de mettre à la charge du CCAS de Lantriac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté est insuffisamment motivé ; - sa mise à la retraite a été prononcée en violation de l'obligation de reclassement de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, alors qu'il n'est pas inapte à toutes fonctions ; - en ce qu'il refuse de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité, l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par mémoire enregistré le 8 février 2022, le CCAS de Lantriac, représenté par Me Soulier-Bonnefois, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la demande de première instance est irrecevable car dirigée contre une décision de mise à la retraite demandée par l'intéressé ; - subsidiairement, les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure, - les conclusions de M. Savouré, rapporteur public, - et les observations de Me Achou pour M. A... et celles de Me Soulier-Bonnefois pour le CCAS de Lantriac. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique affecté aux fonctions d'agent d'entretien à l'EHPAD Le Grand Pré relevant du CCAS de Lantriac, a été admis en congés de maladie ordinaire à compter du 4 décembre 2015 puis placé en disponibilité d'office à compter du 4 décembre 2016. Le comité médical et le comité médical supérieur départemental ayant émis, à l'épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire, le 14 mars 2017 et le 26 septembre 2017, un avis défavorable à son admission en congé de longue maladie en raison d'une inaptitude absolue et définitive à l'exercice de toute fonction, M. A... a été contraint de présenter une demande de mise à la retraite. Après avis favorable émis le 19 janvier 2018 par la commission de réforme, le président du CCAS a, par arrêté du 25 octobre 2018, admis M. A... à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et du rejet de son recours gracieux, opposé le 17 décembre 2018. Sur l'arrêté pris dans son ensemble : 2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 3. D'une part, si l'arrêté du 25 octobre 2018 mentionne comme unique motif de radiation des cadres, mais sans exposer la considération de fait qui le fonde, l'impossibilité de reclasser M. A..., le rejet de recours gracieux fait état de l'avis d'inaptitude absolue et définitive émis par la commission de réforme que s'est approprié le président du CCAS. D'autre part, la notification du renouvellement de la mise en disponibilité, concomitante à celle de l'arrêté de radiation des cadres, a permis à M. A... de comprendre la date d'effet de son admission à la retraite, alors même que l'arrêté de mise en disponibilité n'est pas visé. Enfin, les lois du 13 juillet 1983 et du 26 janvier 1984 et les décrets du 9 septembre 1965 et du 26 décembre 2003 dont il est fait application sont visés, alors même que ne sont pas mentionnées certaines dispositions de ces textes. Il suit de là qu'avant d'engager son action contentieuse M. A... a été mis à même de connaître et de contester utilement les considérations de droit et de fait qui fondent l'arrêté en litige, et que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. En ce qui concerne la mise à la retraite : 4. Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi (...) s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite (...) ". 5. S'il résulte d'un principe général du droit dont s'inspirent les règles statutaires précitées, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un fonctionnaire se trouve définitivement atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer sa radiation, d'inviter l'intéressé à présenter une demande de reclassement puis, sur sa demande, de chercher à le reclasser dans un emploi qui relève d'un autre cadre d'emploi et qui soit compatible avec son aptitude physique résiduelle, cette obligation cesse de s'appliquer lorsque tout reclassement est impossible en raison d'une inaptitude à l'exercice de toutes fonctions. 6. Or, et d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à l'épuisement de ses congés de maladie, la pathologie de M. A... persistait et faisait obstacle à une reprise de service, ainsi que l'établissent la demande d'admission en congés de longue maladie et le motif de rejet de cette demande fondé sur l'absence non sérieusement contestée de perspective de guérison. Il s'ensuit qu'en regardant M. A... comme étant dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer à exercer ses fonctions, le président du CCAS de Lantriac n'a pas méconnu l'article 30 précité du décret du 26 décembre 2003. 7. D'autre part et en conséquence de ce qui vient d'être dit, le comité médical, le comité médical supérieur départemental et la commission de réforme ont successivement constaté l'inaptitude de M. A... à exercer ses fonctions d'adjoint technique et toute autre fonction. Il suit de là que l'administration n'était pas tenue de l'inviter à présenter une demande de reclassement puis de chercher à le reclasser. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'obligation de reclassement doit être écarté. En ce qui concerne le refus de reconnaissance d'imputabilité au service de l'inaptitude : 8. En vertu des articles 36 et 37 combinés du décret du 26 décembre 2003, le fonctionnaire qui a été mis dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmité résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peut être mis à la retraite par anticipation et est éligible avant même d'avoir atteint la limite d'âge à une pension de retraite et à une rente proportionnelle au taux d'invalidité imputable à l'accident ou à la maladie de service. 9. A cet égard, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher du service la survenance ou l'aggravation de cette maladie. 10. Si M. A... souffre d'une infirmité oculaire et d'une maladie psychique, il ressort des pièces du dossier que son infirmité, antérieure à son entrée dans la fonction publique, ne faisait pas obstacle à l'exercice de ses fonctions et ne s'est pas aggravée. Il s'ensuit que la cause de son inaptitude provient de sa maladie et qu'il y a lieu de rechercher si elle a été provoquée ou aggravée par le harcèlement moral que l'intéressé soutient avoir subi. 11. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible (...) d'altérer sa santé physique ou mentale (...) ". 12. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration à laquelle il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime en avoir été victime. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 13. A l'appui de ses allégations visant le comportement de la directrice de l'établissement, M. A... produit une plainte qu'il a déposée à la gendarmerie en décembre 2015, finalement classée sans suite, un courrier qu'il a adressé le même mois au président du CCAS de Lantriac et trois attestations de collègues. Ces documents, qui relatent des remontrances que le requérant aurait subies de la part de la directrice en raison de l'insuffisante qualité de son travail et une consigne qui lui aurait été donnée de balayer avec un balai d'intérieur, non pas toute la cour mais la périphérie de bacs à fleurs, font état en termes imprécis de faits invérifiables ne concernant pas tous M. A.... Il suit de là que les faits de harcèlement ne sont pas suffisamment circonstanciés pour faire présumer l'existence d'un harcèlement et que la maladie dont souffre M. A... ne peut être regardée comme ayant été contractée ou aggravée à l'occasion du service, au sens de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et que les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 15. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A..., partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du CCAS de Lantriac. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le CCAS de Lantriac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de Lantriac. Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Arbarétaz, président de chambre, Mme Evrard, présidente assesseure, Mme Psilakis, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023. La rapporteure, A. EvrardLe président, Ph. Arbarétaz Le greffier en chef, C. Gomez La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mers ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Le greffier, 21LY036022
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Lyon