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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 08/02/2024, 23BX01254, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le maire de Libourne a refusé de reconnaître imputables à l'accident de service du 4 décembre 2018 les arrêts de travail et soins à compter du 20 mars 2019. Par un jugement n° 1906239 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a ordonné, avant-dire-droit, une expertise, puis par un jugement 12 octobre 2022, il a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et a enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. Mme C... A... a également demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le maire de Libourne l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022. Par un jugement n° 2106201 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Procédures devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 9 décembre 2022 et le 18 décembre 2023, sous le n° 22BX03035, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2022 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation, et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 à 12 heures par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai et 13 novembre 2023 sous le n° 23BX01254, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1906239 du 12 octobre 2022 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 22BX03035. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 juillet et le 18 décembre 2023 sous le n° 23BX02136, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2023 sous le n° 23BX02137, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 23BX02136. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 9 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ; - et les observations de Me Bach, pour la commune de Libourne. Vu les notes en délibéré, enregistrées le 9 janvier 2024, présentées pour la commune de Libourne dans les quatre instances. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., adjointe technique territoriale, exerce ses fonctions dans le service de la propreté urbaine de la commune de Libourne. Le 4 décembre 2018, elle a été victime pendant son travail d'un traumatisme à l'épaule droite qui a été considéré comme imputable au service par un arrêté du maire de Libourne du 31 décembre 2018. Le 5 mars 2019, elle a repris ses fonctions. Le 20 mars 2019, elle a présenté un certificat médical de rechute de son accident de service. Suivant l'avis défavorable émis par la commission de réforme, réunie le 16 octobre 2019, le maire de Libourne a refusé de reconnaître les arrêts et soins à compter du 20 mars 2019 imputables au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter de cette date, par un arrêté du 7 novembre 2019. Si Mme A... a repris ponctuellement le travail, elle a notamment été placé en congé de maladie ordinaire du fait de sa pathologie à l'épaule droite du 14 septembre 2020 au 13 septembre 2021. Après avis du comité médical départemental en date du 6 octobre 2021, elle a été placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022, par un arrêté du maire de Libourne en date du 14 octobre 2021. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation des arrêtés des 7 novembre 2019 et 14 octobre 2021. Par jugement avant-dire droit en date du 20 octobre 2021, le tribunal a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été déposé au greffe le 15 avril 2022 et complété le 10 juillet 2022. Par un jugement du 12 octobre 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. La commune de Libourne relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n° 22BX03035, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution par la requête enregistrée sous le n° 23BX01254. Par un jugement du 7 juin 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Mme A... relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n°23BX02136, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution, par la requête enregistrée sous le n° 23BX02137. 2. Les affaires enregistrées sous les numéros 22BX03035, 23BX01254, 23BX02136, et 23BX02137 concernent la situation d'un même agent et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 3. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Ces dispositions ne sont ainsi entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, et que la commune de Libourne ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, fonder le refus d'imputabilité à l'accident de service survenu antérieurement à cette date sur l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. 4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de l'accident de service : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 6. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 2018, alors qu'elle descendait du toit d'un véhicule de nettoyage en prenant appui sur l'une de ses portières, Mme A... a chuté lorsque celle-ci s'est ouverte, ce qui lui a occasionné un traumatisme de l'épaule droite caractérisé par un phénomène de " traction contre résistance ". Même si aucune lésion organique n'a été révélée par l'échographie puis l'IRM passés les 23 janvier et 4 mars 2019 et qu'aucune indication chirurgicale n'a été alors posée, les douleurs provoquées ont justifié la prescription de quinze séances de rééducation et plus de deux mois d'arrêts de travail, son médecin traitant ayant retenu le 4 mars 2019 " une guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure ". Mme A... a repris son activité le 5 mars 2019 mais a présenté un certificat médical de rechute de son accident du travail à compter du 20 mars 2019 pour une récidive des douleurs. Si le diagnostic d'entorse acromio-claviculaire posé par ce certificat n'a pas été confirmé par les examens postérieurs et est réfuté par l'expert désigné par le tribunal, il est constant que Mme A..., lors de la reprise de ses fonctions, a été affectée sur un poste consistant à vider les poubelles et collecter les encombrants, et sollicitant ainsi son épaule alors que le médecin du travail, lors de la visite de reprise en date du 13 mars 2019, avait interdit le port de charges supérieures à 5 kg et les manutentions répétées. L'expert, qui a conclu à l'absence d'éléments médicaux permettant de rattacher le nouvel arrêt de travail à l'accident de service, au motif de l'absence de lésion organique et de séquelle identifiée, affirme néanmoins, dans son complément d'expertise du 10 juillet 2022 comme " probable qu'une activité manuelle relativement physique soit à l'origine d'une majoration de [sa] plainte algique ". En outre, devant la persistance des douleurs, Mme A... sera finalement opérée le 12 août 2021 d'une bursectomie sous-acromiale, une acromioplastie et une ténotomie du biceps. Enfin, il n'est fait état d'aucun autre état antérieur expliquant que l'intéressée, âgée seulement de 29 ans lors de son accident, souffre, à compter du 20 mars 2019, de la même symptomatologie algique que celle ayant suivi son traumatisme de l'épaule, reconnue imputable au service. Dans ces conditions, les arrêts et soins postérieurs au 20 mars 2019 doivent être regardés présentent un lien direct avec l'accident de service initial du 4 décembre 2018. 7. La commune de Libourne ne peut se prévaloir utilement des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui, ainsi qu'il a été dit, ne sont pas applicables ratione temporis au présent litige. 8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019, puis, par voie de conséquence, l'arrêté du 14 octobre 2021 par son jugement du 7 juin 2023. Sur les dépens de première instance : 9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a mis à sa charge, conformément aux dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 845 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal du 25 avril 2022. Sur les conclusions aux fins de sursis : 10. Le présent arrêt statuant sur les appels de la commune de Libourne dirigés contre les jugements n° 1906239 du 12 octobre 2022 et n° 2106201 du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux, les conclusions des requêtes n° 23BX01254 et n° 23BX02137 tendant ce qu'il soit sursis à leur exécution ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions. Sur les frais de l'instance : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Libourne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Libourne une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n°23BX01254 et n° 23BX02137. Article 2 : Les requêtes n°s 22BX03035 et 23BX02136 de la commune de Libourne sont rejetées. Article 3 : La commune de Libourne versera à Mme A... une somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Libourne et à Mme C... A.... Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024. Le rapporteur, Julien B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22BX03035-23BX01254-23BX02136-23BX02137 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 08/02/2024, 22BX03035, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le maire de Libourne a refusé de reconnaître imputables à l'accident de service du 4 décembre 2018 les arrêts de travail et soins à compter du 20 mars 2019. Par un jugement n° 1906239 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a ordonné, avant-dire-droit, une expertise, puis par un jugement 12 octobre 2022, il a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et a enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. Mme C... A... a également demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le maire de Libourne l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022. Par un jugement n° 2106201 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Procédures devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 9 décembre 2022 et le 18 décembre 2023, sous le n° 22BX03035, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2022 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation, et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 à 12 heures par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai et 13 novembre 2023 sous le n° 23BX01254, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1906239 du 12 octobre 2022 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 22BX03035. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 juillet et le 18 décembre 2023 sous le n° 23BX02136, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2023 sous le n° 23BX02137, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 23BX02136. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 9 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ; - et les observations de Me Bach, pour la commune de Libourne. Vu les notes en délibéré, enregistrées le 9 janvier 2024, présentées pour la commune de Libourne dans les quatre instances. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., adjointe technique territoriale, exerce ses fonctions dans le service de la propreté urbaine de la commune de Libourne. Le 4 décembre 2018, elle a été victime pendant son travail d'un traumatisme à l'épaule droite qui a été considéré comme imputable au service par un arrêté du maire de Libourne du 31 décembre 2018. Le 5 mars 2019, elle a repris ses fonctions. Le 20 mars 2019, elle a présenté un certificat médical de rechute de son accident de service. Suivant l'avis défavorable émis par la commission de réforme, réunie le 16 octobre 2019, le maire de Libourne a refusé de reconnaître les arrêts et soins à compter du 20 mars 2019 imputables au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter de cette date, par un arrêté du 7 novembre 2019. Si Mme A... a repris ponctuellement le travail, elle a notamment été placé en congé de maladie ordinaire du fait de sa pathologie à l'épaule droite du 14 septembre 2020 au 13 septembre 2021. Après avis du comité médical départemental en date du 6 octobre 2021, elle a été placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022, par un arrêté du maire de Libourne en date du 14 octobre 2021. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation des arrêtés des 7 novembre 2019 et 14 octobre 2021. Par jugement avant-dire droit en date du 20 octobre 2021, le tribunal a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été déposé au greffe le 15 avril 2022 et complété le 10 juillet 2022. Par un jugement du 12 octobre 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. La commune de Libourne relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n° 22BX03035, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution par la requête enregistrée sous le n° 23BX01254. Par un jugement du 7 juin 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Mme A... relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n°23BX02136, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution, par la requête enregistrée sous le n° 23BX02137. 2. Les affaires enregistrées sous les numéros 22BX03035, 23BX01254, 23BX02136, et 23BX02137 concernent la situation d'un même agent et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 3. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Ces dispositions ne sont ainsi entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, et que la commune de Libourne ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, fonder le refus d'imputabilité à l'accident de service survenu antérieurement à cette date sur l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. 4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de l'accident de service : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 6. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 2018, alors qu'elle descendait du toit d'un véhicule de nettoyage en prenant appui sur l'une de ses portières, Mme A... a chuté lorsque celle-ci s'est ouverte, ce qui lui a occasionné un traumatisme de l'épaule droite caractérisé par un phénomène de " traction contre résistance ". Même si aucune lésion organique n'a été révélée par l'échographie puis l'IRM passés les 23 janvier et 4 mars 2019 et qu'aucune indication chirurgicale n'a été alors posée, les douleurs provoquées ont justifié la prescription de quinze séances de rééducation et plus de deux mois d'arrêts de travail, son médecin traitant ayant retenu le 4 mars 2019 " une guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure ". Mme A... a repris son activité le 5 mars 2019 mais a présenté un certificat médical de rechute de son accident du travail à compter du 20 mars 2019 pour une récidive des douleurs. Si le diagnostic d'entorse acromio-claviculaire posé par ce certificat n'a pas été confirmé par les examens postérieurs et est réfuté par l'expert désigné par le tribunal, il est constant que Mme A..., lors de la reprise de ses fonctions, a été affectée sur un poste consistant à vider les poubelles et collecter les encombrants, et sollicitant ainsi son épaule alors que le médecin du travail, lors de la visite de reprise en date du 13 mars 2019, avait interdit le port de charges supérieures à 5 kg et les manutentions répétées. L'expert, qui a conclu à l'absence d'éléments médicaux permettant de rattacher le nouvel arrêt de travail à l'accident de service, au motif de l'absence de lésion organique et de séquelle identifiée, affirme néanmoins, dans son complément d'expertise du 10 juillet 2022 comme " probable qu'une activité manuelle relativement physique soit à l'origine d'une majoration de [sa] plainte algique ". En outre, devant la persistance des douleurs, Mme A... sera finalement opérée le 12 août 2021 d'une bursectomie sous-acromiale, une acromioplastie et une ténotomie du biceps. Enfin, il n'est fait état d'aucun autre état antérieur expliquant que l'intéressée, âgée seulement de 29 ans lors de son accident, souffre, à compter du 20 mars 2019, de la même symptomatologie algique que celle ayant suivi son traumatisme de l'épaule, reconnue imputable au service. Dans ces conditions, les arrêts et soins postérieurs au 20 mars 2019 doivent être regardés présentent un lien direct avec l'accident de service initial du 4 décembre 2018. 7. La commune de Libourne ne peut se prévaloir utilement des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui, ainsi qu'il a été dit, ne sont pas applicables ratione temporis au présent litige. 8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019, puis, par voie de conséquence, l'arrêté du 14 octobre 2021 par son jugement du 7 juin 2023. Sur les dépens de première instance : 9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a mis à sa charge, conformément aux dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 845 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal du 25 avril 2022. Sur les conclusions aux fins de sursis : 10. Le présent arrêt statuant sur les appels de la commune de Libourne dirigés contre les jugements n° 1906239 du 12 octobre 2022 et n° 2106201 du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux, les conclusions des requêtes n° 23BX01254 et n° 23BX02137 tendant ce qu'il soit sursis à leur exécution ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions. Sur les frais de l'instance : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Libourne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Libourne une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n°23BX01254 et n° 23BX02137. Article 2 : Les requêtes n°s 22BX03035 et 23BX02136 de la commune de Libourne sont rejetées. Article 3 : La commune de Libourne versera à Mme A... une somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Libourne et à Mme C... A.... Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024. Le rapporteur, Julien B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22BX03035-23BX01254-23BX02136-23BX02137 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 09/02/2024, 23MA01243, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 23 avril 2012 refusant de reconnaître sa longue maladie et son invalidité comme imputables au service, d'autre part, de constater qu'il a droit au versement d'une allocation d'invalidité temporaire puis viagère et, enfin, de condamner La Poste à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices et une somme 4 323,60 euros à titre d'indemnité de congés acquis. Par un jugement n° 1601273 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la Poste à verser à M. C... la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par un arrêt n° 18MA04962 du 13 avril 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement. Par une décision n° 453606 du 27 octobre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi par M. C..., a, d'une part, annulé l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis par M. C... du fait de l'aggravation de sa maladie, d'autre part, renvoyé dans cette mesure l'affaire. Procédure devant la Cour après renvoi : Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2023, M. C..., représenté par Me Pozzi-Pasquier, demande à la Cour : 1°) d'annuler partiellement le jugement du 8 octobre 2018 ; 2°) de constater qu'il a droit au versement d'une allocation d'invalidité temporaire puis viagère ; 3°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices ; 4°) de mettre à la charge de La Poste les entiers dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la persistance de la manipulation des charges lourdes durant plus de 14 ans a aggravé sa pathologie lombaire et est à l'origine de son placement en longue maladie puis de sa mise à la retraite ; cette pathologie figure d'ailleurs aux tableaux des maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et est à ce titre présumée imputable au service en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - le non-respect des préconisations du médecin du travail comme le défaut de reconnaissance de l'imputabilité au service constituent une faute engageant la responsabilité de La Poste ; - le préjudice est constitué des souffrances physiques et psychiques endurées durant toute la période, de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent et d'un préjudice d'agrément. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, La Poste, représentée par Me Freichet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Freichet, représentant La Poste. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a , d'une part, rejeté comme irrecevables les conclusions de M. C..., ancien fonctionnaire de La Poste mis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 12 mars 2011, tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2012 par laquelle son employeur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire, d'autre part, rejeté comme non fondées ses conclusions indemnitaires fondées sur la faute tirée de l'illégalité de cette décision et enfin condamné La Poste à lui verser 10 000 euros en réparation des préjudices, distincts de ceux couverts par l'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité, résultant de la faute commise par celle-ci en s'abstenant de mettre en œuvre les recommandations de la médecine de prévention. Par une décision du 27 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt rendu par la cour de céans rejetant l'appel formé contre ce jugement, en tant seulement qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis par M. C... du fait de l'aggravation de sa maladie. 2. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 3. Il résulte de l'instruction, et particulièrement de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, que M. C... souffre d'une pathologie dégénérative du rachis lombaire qui, sans être en lien direct avec ses conditions de travail à La Poste, a été aggravée par celles-ci dès lors que l'agent a été astreint, durant presque vingt ans, en tant que préposé puis agent de cabine, à la manutention et au port de charges lourdes ainsi qu'à la station debout prolongée, dans des conditions non adaptées. Cette aggravation doit dès lors être regardée comme imputable au service et La Poste doit réparer les préjudices personnels subis par son agent de ce fait, sans qu'il soit besoin d'examiner si elle a commis des fautes. 4. Le taux de déficit fonctionnel permanent dont souffre M. C... du fait de la pathologie lombaire elle-même a été évalué, au mois d'août 2010, à 7 % par le médecin rhumatologue chargé d'instruire sa demande de mise à la retraite pour invalidité. Le préjudice global subi par l'intéressé, du fait de l'aggravation de sa pathologie, comprend une partie de ce déficit fonctionnel ainsi que certaines des souffrances physiques et psychiques qu'il a subies en lien avec sa maladie. Dans ces circonstances, et alors que M. C... ne justifie pas avoir subi un préjudice d'agrément en raison de cette maladie, il ne saurait lui être alloué une somme supérieure à celle de 10 000 euros qui a été retenue par le tribunal administratif pour l'indemnisation du même préjudice. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité l'indemnisation qu'il a condamné La Poste à lui verser à la somme de 10 000 euros. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de La Poste qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une quelconque somme à ce titre. D É C I D E : Article 1er : Les conclusions des parties sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à La Poste. Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Poullain, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024. 2 N° 23MA01243 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 09/02/2024, 23MA02039, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure antérieure : Par lettres enregistrées les 5 novembre 2021, 11 février 2022, 25 février 2022, 22 juillet 2022 et 16 septembre 2022 M. B... A..., alors représenté par Me Stark, a demandé à la Cour d'enjoindre au ministre des armées de prendre les mesures qu'implique l'exécution de l'arrêt n° 21MA00001 du 1er octobre 2021, par lequel la Cour a enjoint à la ministre des armées de faire établir un rapport circonstancié sur la maladie déclarée par M. A... et de l'inscrire sur le registre des constatations de son unité d'affectation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, d'enjoindre au ministre des armées de produire un nouveau rapport circonstancié dépourvu de la mention " compte tenu des circonstances particulières et de l'antériorité de ce dossier, l'imputabilité au service des troubles de M. A... reste à démontrer ", sous astreinte de 850 euros par jour de retard avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2021, de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 500 euros pour résistance abusive et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une lettre en date du 3 juillet 2023, la présidente de la Cour a procédé au classement administratif de l'affaire. Par un courriel enregistré le 20 juillet 2023, M. A... a contesté ce classement et demandé à la Cour de prescrire par voie juridictionnelle les mesures d'exécution de son arrêt précité. Par une ordonnance en date du 27 juillet 2023, la présidente de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Procédure postérieure à l'ouverture de la phase juridictionnelle : Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2023, le ministre des armées demande à la Cour de rejeter la demande d'exécution présentée par M. A.... Il fait valoir que l'arrêt de la Cour précité a été entièrement exécuté. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., marin-pompier au bataillon des marins-pompiers de Marseille, a demandé en mai 2017 au commandant de ce bataillon de lui communiquer le rapport circonstancié qui avait dû être rédigé à la suite de l'accident survenu dans la nuit du 3 au 4 octobre 2014. Par une décision du 5 juillet 2017, le commandant lui a opposé un refus. M. A... a alors saisi, le 24 juillet 2017, la commission des recours des militaires d'un recours contre cette décision de refus. Ce recours a été implicitement rejeté par la ministre des armées. Par une ordonnance du 30 avril 2019, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté comme manifestement irrecevable sa demande dirigée contre la décision initiale, en date du 5 juillet 2017, du commandant du bataillon des marins-pompiers de Marseille au motif que la décision prise à la suite du recours devant la commission des recours des militaires se substituait à cette décision initiale. M. A... s'est pourvu en cassation contre l'ordonnance du 11 juillet 2019 par laquelle le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté, comme manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, son appel contre l'ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille. Par une décision n° 434726 du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du président de la 7ème chambre dne la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire à la Cour. Par un arrêt n° 21MA00001 du 1er octobre 2021, la Cour a annulé l'ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille ainsi que la décision implicite de rejet née à la suite de la saisine de la commission des recours des militaires, enjoint à la ministre des armées de faire établir un rapport circonstancié sur la maladie déclarée par M. A... et de l'inscrire sur le registre des constatations de son unité d'affectation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... estimant que l'arrêt de la Cour du 1er octobre 2021 n'avait pas été correctement exécuté, a présenté une demande d'aide à l'exécution. Par une ordonnance en date du 27 juillet 2023, la présidente de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " 3. Il ressort des pièces produites par le ministre des armées, bien que l'intéressé n'en ait pas été immédiatement informé, qu'a été établi, le 20 octobre 2021, un rapport circonstancié sur l'accident survenu dans la nuit du 3 au 4 octobre 2014 et que ce rapport a été, le même jour, inscrit sur le registre des constatations. Par ailleurs, il ressort également desdites pièces que la somme de 2 008,55 euros correspondant à celle de 2 000 euros mise à la charge de l'Etat au titre des frais d'instance, augmentée des intérêts au taux légal, a été payée à M. A... le 23 novembre 2021. Il suit de là que l'arrêt de la Cour en date du 1er octobre 2021 a été entièrement exécuté. Si M. A... fait valoir que le contenu du rapport, lequel précise notamment que " compte tenu des circonstances particulières et de l'antériorité de ce dossier, l'imputabilité au service des troubles de M. A... reste à démontrer " méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, de l'instruction du 9 octobre 1992 relative à la constatation des blessures ou maladies survenues aux militaires pendant le service et de la circulaire du 23 février 1973 relative à la rédaction des rapports établis par les chefs de corps au sujet des blessures ou maladies survenues pendant le service, cette circonstance constitue un litige distinct de l'exécution de l'arrêt du 1er octobre 2021. Relèvent également d'un litige distinct les conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat au versement de dommages et intérêts au titre d'une prétendue résistance abusive. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce que la Cour prescrive les mesures nécessaires à l'exécution de sa décision doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La demande d'exécution de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024. N° 23MA02039 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 23/01/2024, 22MA00818, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme G... B..., son époux, M. C... A... et, sa mère, Mme D... B..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner la commune d'Aix-en-Provence à leur verser respectivement les sommes de 244 538,10 euros, 15 000 euros et 15 000 euros, au titre des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'état de santé de Mme G... B... et de la gestion de sa situation administrative, et, d'autre part, de mettre à la charge de cette commune une somme de 4 500 euros à verser à Mme G... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003254 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à Mme G... B... une somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 mars 2022, et les 8 février et 11 février 2023, Mme G... B... et M. C... A..., représentés par Me Faure-Tronche, demandent à la Cour : 1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022 ; 2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à verser à Mme B... : - au titre de sa responsabilité pour faute : . la somme de 15 000 euros, en réparation de son préjudice moral ; . la somme de 6 000 euros, en réparation de son préjudice matériel ; . la somme de 9 000 euros, en réparation de son préjudice matériel lié à la perte de revenus ; . la somme de 90 000 euros, en réparation de son préjudice lié à la perte de chance ; - au titre de la responsabilité sans faute : . la somme de 50 000 euros, en réparation de son préjudice moral ; . la somme de 5 038,10 euros, en réparation de son préjudice matériel ; . la somme de 69 500 euros, en réparation de son préjudice lié aux troubles dans ses conditions d'existence ; 3°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à verser à M. A... la somme à parfaire de 15 000 euros, en réparation de son préjudice moral ; 4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 4 500 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : Sur la critique du jugement attaqué : - le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en considérant que dès lors que le préjudice moral de Mme B... était réparé sur le fondement de la responsabilité pour faute, il ne pouvait l'être sur le fondement de la responsabilité sans faute ; - le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a considéré que les préjudices de Mme B... n'étaient pas suffisamment justifiés et en lui allouant seulement la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral ; - une nouvelle erreur manifeste d'appréciation commise par le tribunal administratif de Marseille s'évince du fait que, pour dénier à Mme B..., le droit à être remboursée de ses frais médicaux, il n'a pas tenu compte de son changement de statut ; - une telle erreur s'évince encore de la dénégation du lien de causalité entre l'état de santé de Mme B..., qui est imputable au service, et l'impératif vital pour elle de ne pas se retrouver au sein du milieu professionnel ayant généré directement cet état ; Sur la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence : - sur la réticence fautive et abusive de la commune d'Aix-en-Provence à reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme B... : . l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence et ils demandent la confirmation du jugement attaqué sur ce point ; . ils sollicitent la réformation de ce même jugement quant au quantum de l'évaluation du préjudice moral de Mme B... et de l'absence d'indemnisation de leurs autres préjudices ; - sur la faute tenant au manquement par la commune d'Aix-en-Provence à son obligation de résultat en termes de sécurité et à ses conditions de travail : . la commune d'Aix-en-Provence ne lui a pas garanti des conditions de travail sereines et, ce faisant, elle a manqué à cette obligation à l'égard de Mme B... ; en refusant de l'indemniser pour cette faute, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur de droit ; . le préjudice de Mme B... lié à sa perte de chance d'accéder au grade d'ingénieur en chef et de bénéficier ainsi d'un traitement et d'un régime de retraite plus favorables s'établit à la somme de 90 000 euros ; . la survenance de l'affection subie par Mme B... est imputable aux conditions de travail et relève un manquement grave de la commune ; elle ne constitue pas un moyen nouveau mais qui justifie l'évocation de la responsabilité sans faute ; Sur la responsabilité sans faute de la commune d'Aix-en-Provence : - victime d'une maladie professionnelle reconnue imputable au service le 22 février 2018, par une décision définitive, Mme B... est éligible, même en l'absence de faute de la commune d'Aix-en-Provence, à l'indemnisation des chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à son intégrité physique ; le jugement attaqué doit donc être confirmé sur ce point ; - Mme B... est bien fondée à solliciter une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, et tenant au préjudice moral, à la perte de chance et aux troubles dans les conditions d'existence : . le jugement du tribunal administratif de Marseille est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il a rejeté la demande de réparation du préjudice moral formulée par Mme B... au motif que ce dernier n'était pas distinct de celui qu'elle arguait dans le cadre de la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence ; Mme B... a droit, au titre de sa responsabilité sans faute, à la réparation de son préjudice moral à hauteur de 50 000 euros ; . Mme B... a également droit à la réparation de son préjudice matériel et elle est fondée, à ce titre, à solliciter la somme de 500,22 euros, en ce qui concerne le reste à charge des honoraires médicaux, et celle de 4 537,88 euros, en ce qui concerne les frais supportés directement pour la prise en charge médicale ; dans cette mesure, le jugement attaqué est encore entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; . s'agissant des troubles dans les conditions d'existence de Mme B..., le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ; Mme B... a droit au versement de la somme de 30 000 euros, au titre du préjudice moral subi du fait de l'éloignement de son domicile familial, de la somme de 36 000 euros au titre de son préjudice matériel lié aux frais engendrés par une double domiciliation, et de la somme de 3 500 euros, au titre des frais liés à la recherche d'un emploi ; - Mme B... est enfin bien fondée à solliciter une indemnité, au titre de son époux et de sa mère, victimes par ricochet ; en refusant, l'indemnisation de ces postes de préjudices, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 juillet 2022 et 7 mars 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - à titre liminaire, la Cour relèvera que Mme B... et M. A... ne soulèvent que des moyens relatifs au bien-fondé du jugement attaqué du 12 janvier 2022 et qu'elle n'est, en conséquence, plus fondée à attaquer sa régularité ; - les prétentions indemnitaires de Mme B... et de M. A... ne sont pas fondées ; - sur les nouvelles conclusions présentées en appel : . si Mme B... et M. A... invoquent pour la première fois en appel, l'existence de la faute qu'elle aurait commise en ne satisfaisant pas à son obligation de résultat de sécurité, elle invoque en réalité l'existence d'une faute qui tiendrait à l'illégalité de la décision d'affectation et aux conditions de son affectation ; or, par le jugement nos 1503595, 1504552 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a conclu à la légalité de la décision portant changement d'affectation du 13 avril 2015 et, dès lors, en l'absence de faute, sa responsabilité ne saurait être engagée à ce titre ; . si, par extraordinaire, la Cour retenait l'existence d'une telle faute, elle devra rejeter l'indemnisation de la prétendue perte de chance ; - Mme B... ne reprenant pas les conclusions tendant à obtenir une réparation pour sa mère qui est décédée depuis le jugement de première instance, celles-ci sont réputées être abandonnées. La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 27 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Mme B.... Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., par Me Faure-Tronche, a été enregistrée le 9 janvier 2024. Considérant ce qui suit : 1. Titulaire du grade d'ingénieur territorial principal, Mme B... a été recrutée au sein des services de la commune d'Aix-en-Provence, le 1er février 2009, en qualité de directrice de l'urbanisme. A compter du 13 avril 2015, alors qu'elle venait d'être affectée, le 10 avril 2015, sur un poste de chargée de mission de la coordination des instructeurs du droit des sols des communes du Pays d'Aix, Mme B... a fait l'objet d'arrêts de travail pour état dépressif réactionnel. Par une décision du 1er juin et un arrêté du 5 novembre 2015, la maire d'Aix-en-Provence a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet état dépressif réactionnel et l'a placée, par un arrêté du 20 novembre 2015, en congé de maladie ordinaire à compter du 13 avril 2015. Toutefois, en exécution du jugement nos 1505129, 1600057, 1600470 du 6 février 2018, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 1er juin 2015 et ces arrêtés des 5 et 20 novembre 2015, la maire d'Aix-en-Provence a, par un arrêté du 22 février 2018, placé Mme B... en congé de maladie professionnelle à compter du 13 avril 2015. Par une lettre du 5 décembre 2019, Mme B... a présenté une réclamation indemnitaire préalable sollicitant la réparation des préjudices qu'elle-même mais aussi son époux, M. C... A..., et sa mère, Mme D... B..., estimaient avoir subis en raison de cette situation. Sans réponse de la maire d'Aix-en-Provence, Mmes B... et M. A... ont saisi le tribunal administratif de Marseille, lequel, par un jugement du 12 janvier 2022, a, après avoir reconnu la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence du fait de l'illégalité entachant la décision du 1er juin 2015 et les arrêtés des 5 et 20 novembre 2015, mais aussi sa responsabilité sans faute, condamné cette commune à verser à Mme G... B... une somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence, avant de rejeter le surplus des conclusions indemnitaires présentées par les requérants. Dans la présente instance, Mme G... B... et M. A..., Mme D... B... étant depuis lors décédée, relèvent appel de ce jugement du 12 janvier 2022 en tant qu'il ne fait ainsi que partiellement droit aux conclusions indemnitaires présentées par Mme G... B... et qu'il rejette celles formulées par M. A.... A ce titre, ils sollicitent donc de la Cour l'annulation des articles 1er et 3 de cette décision juridictionnelle. Sur la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence pour manquement à son obligation d'assurer la sécurité de Mme B... et de protéger sa santé : 2. Aux termes des dispositions de l'article 23 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, reprises à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux agents publics durant leur travail. " L'article 2-1 du décret susvisé du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique précise que : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. " 3. Les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 3 du décret du 28 mai 1982. 4. Il ressort de la lecture de ses écritures de première instance que Mme B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence, à réparer le préjudice lié à sa perte de chance d'être nommée dans le grade d'ingénieur en chef, au titre de sa responsabilité résultant de l'illégalité fautive entachant la décision de la maire d'Aix-en-Provence du 1er juin 2015 ainsi que ses deux arrêtés des 5 et 20 novembre 2015. Par leur jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que cette perte de chance, qui était au demeurant éventuelle, n'était, en tout état de cause, pas liée à cette faute, pour en conclure qu'en l'absence de lien de causalité direct et certain, la demande afférente de Mme B... ne pouvait qu'être rejetée. Pour la première fois devant la Cour, Mme B... recherche à être indemnisée de ce même chef de préjudice en invoquant la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence, cette fois-ci, pour méconnaissance de son obligation d'assurer la sécurité de ses agents et de protéger leur santé. A ce titre, l'appelante soutient que, dans un contexte vexatoire et d'humiliation, la dégradation de ses conditions de travail a eu de graves incidences sur son état de santé. Toutefois, par les pièces qu'elle produit, et alors que le cabinet Algoé, chargé, par la commune d'Aix-en-Provence, de l'audit de la direction de l'urbanisme dont Mme B... avait la responsabilité, a identifié une " fonction Management défaillante " qui a justifié, que, dans l'intérêt du service, lequel a été reconnu par le jugement nos 1503595, 1504552, devenu définitif, du tribunal administratif de Marseille du 6 février 2018, Mme B... soit mutée sur un autre poste, cette dernière ne démontre ni la réalité de ce préjudice, ni qu'à le supposer même établi, il soit en lien direct avec cette faute nouvellement alléguée. Par ailleurs, par les pièces écrites qu'elle produit, l'appelante n'apporte pas d'éléments précis et concordants de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre. Au demeurant, par ce même jugement nos 1503595, 1504552 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a jugé que Mme B... n'établissait pas un tel harcèlement moral. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre par Mme B... doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité dans cette même mesure. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'indemnisation de Mme B... : 5. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. S'agissant de la réparation de ses préjudices au titre de la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence : 6. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, sans que son jugement attaqué soit contesté sur ce point devant la Cour, compte tenu de l'exposé des faits ci-dessus opéré au point 1 ci-dessus du présent arrêt, Mme B... et M. A... sont fondés à soutenir qu'en refusant, jusqu'au 22 février 2018, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., la maire d'Aix-en-Provence a commis une faute de nature à engager la responsabilité de sa commune. 7. En premier lieu, et au titre des préjudices résultant de cette illégalité fautive dont Mme B... recherche l'indemnisation, cette dernière sollicite, tout d'abord, le versement par la commune d'Aix-en-Provence d'une somme de 9 000 euros, en réparation de la perte de rémunération qu'elle estime avoir subie en raison de la décision initiale de la maire d'Aix-en-Provence de ne pas reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et du versement consécutif d'un demi-traitement. Toutefois, ce préjudice n'est pas davantage précisé devant la Cour que devant le tribunal administratif de Marseille. Le préjudice qu'elle allègue n'est ainsi pas établi d'autant que, comme l'ont rappelé à juste titre les premiers juges dans leur jugement attaqué du 12 janvier 2022, l'appelante s'est vue rétroactivement octroyer un plein traitement, à compter du 13 avril 2015, par l'arrêté de la maire d'Aix-en-Provence du 22 février 2018 qui a été pris en exécution du jugement nos 1505129, 1600057, 1600470 du tribunal administratif de Marseille du 6 février 2018. 8. En deuxième lieu, Mme B... sollicite l'indemnisation de frais de conseil et d'assistance qu'elle a engagés tant devant la commission de réforme que devant le tribunal administratif de Marseille afin de faire reconnaître sa maladie comme étant imputable au service. A ce titre, elle produit, pour la première fois devant la Cour, plusieurs factures d'avocat pour un montant total de 5 692,07 euros toutes taxes comprises (TTC). Il n'est pas contesté par la commune intimée que Mme B... a eu recours à un conseil pour l'assister au cours de la procédure devant la commission de réforme. Celle-ci s'est réunie à trois reprises pour se prononcer sur sa situation : les 24 septembre et 15 décembre 2015, et le 7 juin 2016. Parmi les factures versées aux débats devant la Cour, seules celle d'un montant de 917,80 euros toutes taxes comprises (TTC) dressée, le 29 août 2016, pour les besoins de la préparation et de l'assistance à la réunion de cette commission de réforme du 7 juin 2016 ainsi que la partie de celle établie, le 17 décembre 2015, dans le cadre de sa réunion du 15 décembre 2015, soit les frais de déplacement d'un montant de 83,70 euros hors taxe et ceux relatifs à l'" assistance devant la commission de réforme " d'un montant de 700 euros hors taxe, peuvent donner lieu à une indemnisation au titre de la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence dès lors qu'il est constant qu'elles ont présenté un caractère d'utilité dans le litige opposant l'appelante à l'intimée afin que la première fasse reconnaître à la seconde l'imputabilité au service de sa pathologie. Il en sera fait une exacte appréciation en allouant à Mme B... la somme de 1 858,24 euros TTC. En revanche, le reste de cette facture du 17 décembre 2015 et l'autre facture produite, datée du 27 juillet 2015, ont trait aux nombreuses instances engagées devant le tribunal administratif de Marseille par Mme B... et ne concernent pas seulement celle initiée pour faire reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre. Or, les frais d'avocat relatifs à l'engagement d'une instance contentieuse ont vocation à être remboursés au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'en l'espèce, et sur le fondement de ces dernières dispositions, la commune d'Aix-en-Provence a été condamnée à verser à Mme B..., par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 février 2018, une somme de 1 200 euros et, comme l'ont, là encore, retenu à juste titre les premiers juges, l'appelante ne justifie pas avoir exposé de frais spécifiques à raison de son recours contentieux non couverts par la somme qui lui a été ainsi allouée. 9. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, telles qu'éclairées par les observations présentées à la barre par Mme B... lors de l'audience publique, qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice moral subi par cette dernière et de ses troubles dans ses conditions d'existence du fait de la faute commise par la maire d'Aix-en-Provence, en portant la somme de 3 500 euros allouée par les premiers juges à 6 000 euros. S'agissant de la réparation de ses préjudices au titre de la responsabilité sans faute de la commune d'Aix-en-Provence : 10. Comme l'a jugé le tribunal administratif de Marseille au point 10 de son jugement attaqué, sans que celui-ci soit discuté en cause d'appel, son état dépressif ayant été finalement reconnu par la maire d'Aix-en-Provence comme étant imputable au service, Mme B... est fondée à prétendre, au titre de la responsabilité sans faute, à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux liés aux pertes de revenus et l'incidence professionnelle ou des préjudices personnels liés à l'affection dont elle est atteinte du fait de sa maladie. 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la commune d'Aix-en-Provence s'est engagée à rembourser à Mme B... les honoraires et les frais médicaux en lien avec sa maladie reconnue comme étant imputable au service. En effet, il est expressément prévu, à l'article 2 de l'arrêté de la maire d'Aix-en-Provence du 22 février 2018, que " [l]es honoraires médicaux et les frais directement entraînés par la maladie professionnelle sont pris en charge par la collectivité sur présentation des justificatifs ". Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant, elle ne démontre pas avoir adressé de tels justificatifs aux services de la commune intimée, ni ne justifie des sommes exactes qui auraient été effectivement laissées à sa charge, l'appelante n'établit pas la réalité du préjudice qu'elle allègue à cet égard. 12. En deuxième lieu, Mme B... sollicite l'indemnisation de ses troubles dans les conditions d'existence pour un montant total de 69 500 euros qu'elle décline en le versement de la somme de 30 000 euros, au titre du préjudice moral qu'elle aurait subi du fait de l'éloignement de son domicile familial consécutivement à sa mutation auprès des services de la commune de Carcassonne, de la somme de 36 000 euros au titre de son préjudice matériel lié aux frais engendrés par sa double domiciliation, et de la somme de 3 500 euros, au titre des frais liés à la recherche d'un emploi. Mais, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Marseille, Mme B... n'établit pas, par ces seules allégations, que ces préjudices présenteraient un lien direct et certain avec sa pathologie et ne peuvent, dès lors, être réparés à ce titre. 13. En troisième et dernier lieu, s'il résulte de l'instruction qu'elle a développé un syndrome dépressif, Mme B... ne donne, dans ses écritures, aucune précision utile sur le degré de gravité et sur les manifestations de sa maladie, sur son suivi médicamenteux ou encore sur les difficultés que son état de santé a pu causer dans sa vie courante. Ces précisions ne ressortent pas davantage des pièces médicales versées aux débats avant la clôture de l'instruction, dont le certificat du docteur E... du 20 mai 2015, le rapport d'expertise dressé par le docteur F... le 24 juin 2015 ou encore celui du docteur H... daté du 14 mars 2016. Par suite, si, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, Mme B... a subi, du fait de sa maladie professionnelle dont la commune d'Aix-en-Provence doit assurer la réparation au titre tant de sa responsabilité pour faute du fait de l'illégalité fautive des décisions de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de cette même maladie que de sa responsabilité sans faute pour risque, un préjudice moral, par son argumentation et les pièces qu'elle verse à leur soutien, l'appelante ne justifie pas davantage devant la Cour que devant le tribunal administratif de Marseille, d'un préjudice moral, au titre de cette responsabilité sans faute, distinct de celui déjà indemnisé plus haut au point 9 du présent arrêt. En ce qui concerne l'indemnisation de M. A... : 14. D'une part, par leur jugement attaqué du 12 janvier 2022, les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. A..., époux de Mme B..., en estimant que si ce dernier estimait avoir subi un préjudice moral, " par ricochet ", en raison de l'éloignement de son épouse du domicile familial, celle-ci ayant intégré les services de la commune de Carcassonne, ce préjudice, qui est ainsi lié à la mutation obtenu par cette dernière, à sa demande, ne présente pas de lien de causalité direct avec son état de santé. En l'absence devant la Cour de toute justification ou argumentation nouvelle, il y a lieu d'adopter ces motifs opposés à bon droit par les premiers juges aux prétentions de M. A..., au point 14 du jugement attaqué. 15. D'autre part, M. A... soutient, pour la première fois devant la Cour, avoir subi un préjudice moral en raison de la pathologie de son épouse. Toutefois, il ne donne pas davantage que son épouse d'éléments sur le degré de gravité de l'état de santé de cette dernière et de précisions quant aux répercussions de cet état de santé sur leur vie courante. Ainsi, M. A... n'assortit pas des justifications utiles ses prétentions, lesquelles, dans ces conditions, ne peuvent qu'être rejetées. 16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. A... sont seulement fondés à demander que l'indemnité que la commune d'Aix-en-Provence a été condamnée à verser à Mme B... soit portée de 3 500 à 7 858,24 euros et donc à la réformation, dans cette même mesure, du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022. Sur les frais liés au litige : 17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " 18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune d'Aix-en-Provence et non compris dans les dépens. 19. En revanche, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 3 000 euros à verser à Mme B.... D E C I D E : Article 1er : L'indemnité de 3 500 euros que la commune d'Aix-en-Provence a été condamnée à verser à Mme B... par le jugement n° 2003254 du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022 est portée à la somme de 7 858,24 euros. Article 2 : L'article 1er de ce jugement n° 2003254 du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : La commune d'Aix-en-Provence versera une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à M. C... A..., à la commune d'Aix-en-Provence et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024. 2 No 22MA00818
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 16/01/2024, 22BX01811, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire du Château-d'Oléron a mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directrice générale des services à compter du 20 janvier 2020 et, d'autre part, l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le maire du Château-d'Oléron a retiré l'arrêté du 21 janvier 2020 la plaçant provisoirement en congé pour invalidité temporaire imputable au service, et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n° 2000696/2001870 du 3 mai 2022, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 juillet 2022, 25 novembre 2022, 15 septembre 2023 et 5 décembre 2023, Mme A... B..., représentée par la SCP KPL, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2000696/2001870 du 3 mai 2022 ; 2°) d'annuler les arrêtés en litiges des 14 janvier et 11 février 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune du Château-d'Oléron de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé, avec toutes les conséquences de droit sur sa rémunération et le remboursement des frais associés, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) d'enjoindre à la commune du Château-d'Oléron de la réintégrer dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) d'ordonner, avant-dire droit, une expertise médicale ; 6°) de mettre à la charge de la commune du Château-d'Oléron une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - le jugement ne comporte pas les signatures des magistrats membres de la formation de jugement et du greffier d'audience ; - le jugement est insuffisamment motivé ; En ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance dirigée contre l'arrêté du 14 janvier 2020 mettant fin à son détachement : - elle n'était pas tenue de soumettre sa contestation de l'arrêté à une médiation préalable dès lors que celle-ci ne concerne que les seules décisions énumérées à l'article 1er du décret n° 2018-101 du 16 février 2018, parmi lesquelles ne figure pas la décision attaquée ; - sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020 a été présentée dans le délai de recours contentieux ; - sa demande d'annulation n'était pas insuffisamment motivée dès lors qu'elle comportait l'exposé de moyens de droit. Au fond, en ce qui concerne la décision mettant fin à son détachement sur l'emploi de directeur général des services de la commune : - cette décision est insuffisamment motivée car elle n'expose pas les raisons pour lesquelles elle a été prise ; - contrairement ce qu'ont estimé les premiers juges, il existait une possibilité de la reclasser au sein de la commune ; l'obligation de reclassement, prévue par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, a ainsi été méconnue ; - la décision en litige, qui n'est aucunement justifiée par l'intérêt du service, constitue une sanction disciplinaire déguisée. Au fond, en ce qui concerne la décision refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il existe bien un lien de causalité entre sa pathologie et ses conditions de travail, qui avait été reconnu par les médecins qui l'ont examinée et notamment par l'expert mandaté par la commune, et la commission de réforme ; - la commune a commis une erreur d'appréciation en rejetant sa demande qu'elle n'a pas examinée avec toute l'attention requise, manifestant au contraire très tôt sa volonté de s'opposer à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ; l'enquête administrative diligentée n'est pas probante ; elle ne présente pas d'état antérieur expliquant sa pathologie dès lors que les certificats médicaux produits montrent que celle-ci n'a pas de rapport avec les affections qu'elle a connues dans le passé et qui sont guéries ; elle a été victime d'un épuisement professionnel dû à une surcharge de travail ; la commune n'a opposé aucun élément aux conclusions concordantes des médecins qui ont estimé que son état de santé était bien imputable à ses conditions de travail. Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre 2022, 12 décembre 2022 et 23 novembre 2023, la commune du Château-d'Oléron, représentée par la SELARL OMF Avocats, agissant par Me Maître-Faurie, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020 sont irrecevables dès lors qu'elles ne reposent sur aucun exposé des moyens de droit, que Mme B... aurait dû soumettre son différend à une médiation avec la commune qui a signé une convention instituant une médiation préalable obligatoire, que le tribunal a été saisi après l'expiration du délai de recours contentieux ; au fond, elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Faïck, - les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public, - et les observations de Mme B... et de Me Maître-Faurie pour la commune du Château-d'Oléron. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., attachée territoriale principale hors classe, a été détachée dans l'emploi fonctionnel de directrice générale des services de la commune du Château-d'Oléron à compter du 1er février 2013. En juin 2018, elle a été placée en congé de longue maladie en raison d'un " burn-out " professionnel avec épuisement et état dépressif. Le 22 mai 2019, Mme B... a adressé au maire du Château d'Oléron une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Par un arrêté du 21 janvier 2020, le maire du Château d'Oléron a placé provisoirement Mme B... en congé pour invalidité temporaire imputable au service. En dépit de l'avis de la commission de réforme du 31 janvier 2020 favorable à la demande de Mme B..., le maire du Château d'Oléron a pris un nouvel arrêté du 11 février 2020 retirant son précédent arrêté du 21 janvier 2020 et refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Enfin, le maire du Château-d'Oléron a mis fin au détachement de Mme B... dans l'emploi de directrice générale des services de la commune par un arrêté du 14 janvier 2020. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés des 14 janvier et 11 février 2020. Elle relève appel du jugement rendu le 3 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les (...) les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué figurant au dossier de première instance et communiqué aux parties a été signée conformément aux dispositions précitées. La circonstance que l'ampliation du jugement, qui a été notifiée à l'appelante, ne comporte pas de signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. 3. En second lieu, au point 8 de son jugement, le tribunal a, s'agissant de la décision du 11 févier 2020, exposé de manière circonstanciée les motifs pour lesquels il a estimé que la maladie de Mme B... n'était pas imputable au service. S'agissant de la décision du 14 janvier 2020, le tribunal a, au point 17 de sa décision, répondu d'une manière suffisamment motivée au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement prévue par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans le cas où l'autorité territoriale met fin au détachement d'un agent occupant un emploi fonctionnel. 4. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Poitiers n'est pas entaché des irrégularités alléguées. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la légalité de la décision du 14 janvier 2020 mettant fin au détachement de Mme B... : 5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 4° (...) abrogent une décision créatrice de droits (...) ". L'arrêté en litige, qui vise l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, fait état de l'indisponibilité physique pour maladie de Mme B... en rappelant que celle-ci exerçait les fonctions de directrice générale des services de la commune, et met fin à son détachement sur cet emploi en invoquant l'intérêt du service. Cet arrêté satisfait à l'obligation de motivation prévue par les dispositions précitées. 6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. Ces dispositions s'appliquent aux emplois : - de directeur général des services (...) ". 7. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire territorial sur un emploi fonctionnel mentionné à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, à l'initiative de la collectivité au sein de laquelle il est détaché sur un tel emploi, que cette fin de fonctions intervienne avant le terme normal du détachement ou résulte du non-renouvellement de celui-ci, ce fonctionnaire est en principe réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine en application de l'article 67 de la même loi. Si sa collectivité ou son établissement d'origine n'est pas en mesure, à la date à laquelle la fin du détachement prend effet, de le réaffecter sur un tel emploi, le fonctionnaire est en droit, dans les conditions prévues par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, de demander à la collectivité ou à l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel de bénéficier d'un reclassement, d'un congé spécial ou d'une indemnité de licenciement. 8. Mme B... n'a jamais été titularisée dans les effectifs de la commune du Chateau d'Oléron au sein desquels elle a travaillé comme agent détaché jusqu'au 14 janvier 2020, date de l'arrêté en litige mettant fin à ce détachement. Il ressort des pièces du dossier que, avant d'être détachée sur l'emploi de directrice générale des services de cette commune, Mme B... était employée par le conseil départemental de la Charente-Maritime. Aucun élément au dossier ne permet d'estimer que le département de la Charente-Maritime, la collectivité d'origine de Mme B..., n'était pas en mesure de proposer à cette dernière un poste équivalent à son grade lorsqu'il a été mis fin au détachement. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le maire du Château-d'Oléron ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, prendre l'arrêté en litige du 14 janvier 2020 sans lui proposer un reclassement. Le moyen ainsi soulevé doit être écarté. 9. En troisième et dernier lieu, il peut être mis fin au détachement des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 pour des motifs tirés de l'intérêt du service. Eu égard à l'importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait pour le directeur général des services d'une commune de s'être trouvé placé dans une situation ne lui permettant plus de disposer de la part de l'autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peut légalement justifier qu'il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions. Il en est de même lorsque l'état de santé de l'agent n'est plus compatible avec l'exercice normal de ses fonctions de directeur général des services. 10. Il est constant qu'au 14 janvier 2020, date de l'arrêté en litige, Mme B... n'avait toujours pas repris ses fonctions au sein de la commune du Château-d'Oléron depuis son placement en congé de longue maladie le 14 juin 2018. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier que le maire lui a adressé le 22 mai 2019, que Mme B... n'a pas donné suite aux propositions d'entretien formulées pour évoquer sa situation professionnelle ainsi que les difficultés rencontrées par les services de la commune du fait de son absence prolongée. Ces difficultés avaient en outre été accentuées par les problèmes de santé rencontrés par l'adjoint de Mme B... et par la fin, prévue en septembre 2019, de l'intérim assuré en son absence par un autre collaborateur. Dans ces conditions, en estimant que l'indisponibilité pour raisons de santé de Mme B... n'était plus compatible avec l'exercice normal de ses fonctions et que l'intérêt du service justifiait qu'il soit mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directrice générale des services, le maire du Château-d'Oléron n'a entaché sa décision ni d'inexactitude matérielle des faits, ni d'une erreur manifeste d'appréciation et n'a aucunement entendu sanctionner l'intéressée de manière déguisée. 11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020. En ce qui concerne la décision du 11 février 2020 portant refus de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... : 12. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive (...) à une maladie contractée en service (...). Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires. (...) ". Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 sont applicables, s'agissant des agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, depuis le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique. 13. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que le syndrome de " burn-out " professionnel avec épuisement et état dépressif de Mme B... a été diagnostiqué en 2018, et qu'un congé de longue maladie a été octroyé à cette dernière à compter du 14 juin 2018. Ainsi, à la date à laquelle la maladie de Mme B... a été diagnostiquée, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas encore applicables. Par suite, en rejetant la demande de Mme B... au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions énoncées à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, le maire du Château-d'Oléron a commis une erreur de droit. 14. Toutefois, dans ses écritures devant la Cour, Mme B... a elle-même fait valoir que sa situation était régie par le droit antérieur à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, à savoir l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. 15. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est apprécié par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 16. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 17. Il ressort des pièces du dossier que, dans son rapport d'expertise du 3 décembre 2019, le médecin-expert mandaté par la commune pour examiner Mme B... a estimé que cette dernière souffrait d'un syndrome dépressif majeur qui s'est déclenché à la suite d'une " altercation violente " avec un collègue de travail. Toutefois, ni ce rapport ni les autres éléments du dossier ne précisent les circonstances exactes dans lesquelles se serait déroulée l'altercation évoquée et le rapport qu'elle entretiendrait avec le syndrome d'épuisement dont est atteint Mme B.... Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., dont la manière de servir a fait l'objet d'appréciations élogieuses de la part de sa hiérarchie, ainsi qu'en attestent ses comptes-rendus d'entretiens professionnels, aurait fait part de difficultés particulières dans l'accomplissement de ses missions liées à une surcharge de travail ou des difficultés d'ordre relationnel, notamment avec le maire. Elle n'a, en particulier, consigné aucune remarque de ce type dans la rubrique " observations éventuelles de l'agent " figurant sur ses fiches d'évaluation entre 2013 et 2017. Si le médecin de prévention a indiqué, dans son rapport du 30 juillet 2019, que Mme B... lui avait, depuis son placement en congé de longue maladie, signalé sa surcharge de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière aurait demandé à consulter ce médecin pour ce motif lorsqu'elle exerçait ses fonctions au sein de la commune entre 2013 et 2018. A cet égard, et comme l'ont relevé les premiers juges, Mme B..., qui accomplissait d'ailleurs ses activités à temps partiel depuis mai 2015, pouvait s'appuyer sur une équipe de dix agents comprenant notamment un directeur général adjoint des services, un agent chargé de la gestion des ressources humaines et un agent s'occupant des marchés publics et du suivi des chantiers. Quant aux attestations d'employés de la commune versées au dossier, elles soulignent l'engagement professionnel de Mme B... mais ne permettent pas, eu égard à leur teneur, de retenir l'existence d'une surcharge de travail ou de relations professionnelles dégradées qui auraient été à l'origine de la maladie contractée par l'intéressée. Si l'auteur du rapport d'expertise médicale du 3 décembre 2019 s'est déclaré favorable à la demande de Mme B..., il a néanmoins été établi sur la base des déclarations de cette dernière. Quant à l'avis de la commission de réforme du 30 janvier 2020, également favorable à la demande de Mme B..., il présentait un simple caractère consultatif qui ne liait pas le maire. Dans ces circonstances, et quand bien même il n'existe pas de lien entre la maladie de Mme B... et ses pathologies antérieures déclarées guéries par les médecins, le maire du Château-d'Oléron n'a pas, en rejetant la demande dont il était saisi, méconnu les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. 18. Enfin, la décision attaquée du 11 février 2020 trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qui peuvent être substituées à celles de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver Mme B... d'aucune garantie et que le maire du Château-d'Oléron dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. 19. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ni de se prononcer sur l'exception de prescription opposée par la commune à la demande de Mme B..., que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 février 2020. 20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Sur les conclusions à fin d'injonction : 21. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par Mme B... tendant à ce que la commune du Château-d'Oléron, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'appelante la somme demandée par l'intimée au titre de ces mêmes frais. DECIDE Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune du Château-d'Oléron au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune du Château-d'Oléron. Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024. Le rapporteur, Frédéric Faïck La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX01811 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 23/01/2024, 21TL04516, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de Sainte-Eulalie a refusé de reconnaître en tant que maladie professionnelle la pathologie dont il souffre à l'épaule droite, d'enjoindre au maire de Sainte-Eulalie de prendre un arrêté de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions d'astreinte, ou, à titre subsidiaire, de procéder à la désignation d'un médecin-expert avec pour mission de se prononcer sur le lien pouvant exister entre le service et la tendinopathie des épaules dont il souffre. Par un jugement n° 1906219 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA04516, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04516, et des mémoires enregistrés les 10 mars 2022, 4 juillet 2022 et 26 septembre 2022, M. E... A..., représenté par la SELARL Lysis Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de Sainte-Eulalie a refusé de reconnaître en tant que maladie professionnelle la pathologie dont il souffre à l'épaule droite ; 3°) d'enjoindre au maire de Sainte-Eulalie de prendre un arrêté de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions d'astreinte, ou de procéder à la désignation d'un médecin-expert avec pour mission de se prononcer sur le lien pouvant exister entre le service et la tendinopathie des épaules dont il souffre et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Eulalie la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, si exposés. Il soutient que : - l'arrêté du 20 septembre 2019 ayant été abrogé mais non retiré, il y a lieu de statuer sur sa demande d'annulation de cet arrêté qui a conservé sa portée juridique jusqu'au 17 décembre 2019 ; - le maire de Sainte-Eulalie a méconnu l'étendue de sa compétence en n'indiquant pas les raisons pour lesquelles il refusait de s'approprier l'avis de la commission de réforme sans en critiquer la motivation ; - l'arrêté a été pris en méconnaissance de la présomption d'imputabilité de sa maladie inscrite au tableau n°57 des maladies professionnelles ; - il est entaché d'erreur d'appréciation : contrairement à ce qui était mentionné dans sa fiche de poste, il a effectué de gros travaux qui sont à l'origine de sa maladie professionnelle et n'a bénéficié d'aucun allègement de service malgré les préconisations du médecin de prévention ; les médecins ont procédé à leurs expertises sur la base d'informations erronées concernant la réalité de ses fonctions ; l'apparition des douleurs n'est pas survenue quinze mois après son arrêt de travail débutant en 2015, mais des années auparavant alors qu'il travaillait pour la commune. Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier 2022, 13 juin 2022, 29 août 2022 et 24 octobre 2022, le dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Sainte-Eulalie, représentée par Me Brunet-Richou de la SCP Camille Avocats, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable en ce que les demandes de M. A... sont devenues sans objet et qu'il n'a plus intérêt à agir en raison de l'abrogation de l'arrêté contesté ; - il n'y a plus lieu d'ordonner une nouvelle expertise dès lors que la commission de réforme s'est de nouveau prononcée le 10 mars 2020, l'absence de lien entre le service et la tendinopathie des épaules est désormais acquise ; - aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Bequain de Coninck, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., technicien territorial de la commune de Saint-Eulalie (Aude) depuis le 1er mai 1993, qui a été placé en congé de longue maladie à compter du 12 octobre 2015, a sollicité le 11 octobre 2017 la reconnaissance professionnelle de la tendinopathie chronique du supra épineux droit dont il souffre depuis septembre 2016. Par arrêté du 20 septembre 2019, le maire de Sainte-Eulalie a refusé de faire droit à sa demande. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive. 3. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, le maire de Sainte-Eulalie a abrogé l'arrêté du 20 septembre 2019. Cette abrogation n'a pu avoir pour effet de priver d'objet le recours formé par M. A... à l'encontre de cet arrêté dès lors qu'il a reçu un commencement d'exécution jusqu'à la date de son abrogation le 17 décembre 2019. La circonstance que, par un avis rendu le 10 mars 2020, la commission de réforme a émis un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité de M. A... en raison de l'inaptitude totale à l'exercice de ses fonctions et de toutes fonctions est dépourvue d'incidence quant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre. Par suite, le moyen soulevé en défense tiré de ce que le jugement serait irrégulier au motif qu'il aurait omis de prononcer un non-lieu à statuer doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'ensemble des textes applicables et fait état des éléments propres à la situation administrative et médicale de M. A..., notamment de l'avis émis par le comité médical le 16 avril 2019, des deux expertises médicales rendues les 29 août 2018 et 9 juillet 2019 concluant à la prise en charge en maladie ordinaire et non professionnelle des pathologies dont il souffre, ainsi que de l'avis rendu par la commission de réforme le 10 septembre 2019 portant " avis favorable pour la maladie professionnelle n°57A du 12 octobre 2015 au 11 décembre 2019, l'état de santé de l'agent n'est pas consolidé ". Il ressort des termes de cet arrêté que le maire, qui n'a pas suivi l'avis émis par la commission de réforme et n'était pas tenu de le faire, a cependant fait mention des conclusions défavorables rendues par les deux experts désignés. Il a ainsi suffisamment motivé l'arrêté attaqué et n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. 5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la maladie qui a justifié la demande de M. A... a été diagnostiquée le 14 septembre 2016, date mentionnée dans le certificat médical de déclaration d'une maladie professionnelle établi par son médecin généraliste le 11 octobre 2017, soit avant l'entrée en vigueur, le 21 janvier 2017, des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 aux termes desquelles : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau ". Par suite, et dès lors que les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée, la demande de M. A... est entièrement régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 énoncées au point 6. Il s'ensuit également que l'appelant ne peut utilement soutenir qu'il bénéficie d'une présomption d'imputabilité au service de sa pathologie résultant de l'application de la loi. 6. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / ...2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ". 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui se plaignait de douleurs à l'épaule gauche depuis 2015, a présenté une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche qui a été diagnostiquée le 14 septembre 2016, et une rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite objectivée par arthroscanner, diagnostiquée le 19 janvier 2017. Ces pathologies survenues alors qu'il était en congé de maladie de manière continue depuis le 18 mai 2015, ont nécessité une intervention chirurgicale le 12 septembre 2017 pour l'épaule gauche et le 12 décembre 2018 pour l'épaule droite. Selon les deux experts spécialisés en rhumatologie qui ont été appelés à se prononcer sur le lien existant entre la maladie de M. A... et le service, celui-ci n'est pas établi au motif, d'une part, que le requérant était placé en congé de maladie depuis près de 15 mois au moment de l'apparition des douleurs à son épaule droite, et, d'autre part, que son emploi avait été adapté avec la limitation du port de charges et des mouvements d'élévation des épaules, à la suite de l'accident qu'il avait subi en 2003 qui avait entraîné la luxation de son épaule gauche. Ainsi, le docteur D... relève que sur le compte-rendu opératoire de l'épaule gauche, il n'a été retrouvé aucune lésion de la coiffe des rotateurs, concluant qu'il s'agissait d'une atteinte ancienne et post traumatique de cette épaule avec lésion du bourrelet et instabilité, ajoutant que le requérant ne s'est plaint de douleurs de son épaule droite que par la suite, alors qu'il était en congé de longue maladie depuis octobre 2015. Ainsi que l'expose M. A..., l'accident domestique dont il a été victime en chutant d'une échelle a eu lieu le 6 mars 1999 et non en 2003. Toutefois, cette erreur matérielle contenue dans les deux rapports d'expertise est sans incidence sur les conclusions rendues. Il ressort du certificat médical du 9 mars 1999 du département de chirurgie orthopédique et traumatologique de la clinique Montréal de Carcassonne que cet accident a nécessité son hospitalisation le même jour en raison d'une luxation antéro-interne de l'épaule gauche qui a fait l'objet d'une réduction sous anesthésie générale, suivie d'une immobilisation par bandage pendant trois semaines. Il ne ressort cependant d'aucune pièce que cet accident aurait nécessité l'aménagement du poste de travail de M. A... avant le 10 novembre 2004, après qu'une radiographie de l'épaule droite effectuée le 28 août 2004 en raison de douleurs ressenties n'ait révélé aucune anomalie ostéo-articulaire majeure ainsi qu'une absence de calcification spontanément visible à hauteur des muscles de la coiffe des rotateurs, mais un petit remaniement de l'articulation acromio-claviculaire. Selon la fiche de visite établie le 10 novembre 2004, le médecin de prévention préconisait de limiter les travaux avec surélévation du bras au-dessus de l'horizontale ainsi que le port et la manutention de charges lourdes pendant une durée de trois mois, demandant une nouvelle visite à cette échéance. Si le requérant soutient que son poste de travail n'a pas fait l'objet des adaptations préconisées, celles-ci étaient cependant limitées à une durée de trois mois, alors qu'il ressort des fiches de visite produites par la commune, établies les 13 octobre 2005, 5 octobre 2008, 8 octobre 2010, 12 août 2011, 11 mars 2013 et à une date non lisible en 2009, que M. A... a été déclaré apte sans observations particulières. Le requérant soutient ensuite qu'étant en charge de tâches polyvalentes depuis son entrée en fonctions dans la commune de Sainte-Eulalie, il a réalisé de gros travaux qui sont à l'origine de sa maladie professionnelle, étant ainsi chargé de la mise en place des réseaux humides et secs, de travaux de maçonnerie et de peinture, de l'entretien des espaces verts incluant l'élagage et l'abattage des arbres. Toutefois, si M. A... a produit pour la première fois en appel de nombreuses pièces concernant les travaux dont il avait la charge, celles-ci ne permettent pas d'établir qu'il était effectivement en charge de travaux excédant le champ de petits travaux d'entretien des bâtiments, de voirie et de l'entretien des espaces verts. Ainsi, l'attestation établie par M. C..., travailleur indépendant, certifiant sans autres précisions utiles le 9 novembre 2021 avoir bâti le hangar communal de 250 m² avec le requérant, est remise en cause par l'attestation établie par un agent communal le 30 novembre 2021 selon laquelle il a travaillé seul à la construction d'une partie du hangar concernant le soubassement, ajoutant que la dalle a ensuite été coulée avec l'aide des trois employés communaux et qu'aucun employé n'a participé aux travaux de construction des murs du hangar, ainsi que par la facture produite par la commune. La circonstance qu'il ait commandé à plusieurs reprises la location de nacelles pour la commune et récupéré auprès de la société B... du goudron de type " enrobé à froid " ainsi que du gravier pour divers travaux de voirie ou de garnissage tout au long de sa carrière, ne permet pas d'établir qu'il aurait effectué de gros travaux n'entrant pas dans le cadre des fonctions qui lui étaient dévolues et susceptibles d'entraîner les pathologies des épaules dont il est atteint. De même, ni la production des bulletins municipaux faisant état de travaux réalisés par les employés communaux, comportant des photographies sur lesquelles il apparaît avec d'autres employés, ni la production des agendas rédigés par ses seuls soins jusqu'en 2008 faisant mention des tâches réalisées, ne permettent d'établir un lien de causalité direct entre sa pathologie et des conditions de travail de nature à susciter le développement de celle-ci. Si selon le certificat médical établi le 19 septembre 2022 par le médecin traitant déclarant suivre le requérant depuis octobre 2011, celui-ci l'aurait consulté à plusieurs reprises pour douleurs et gêne fonctionnelle de l'épaule droite et a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail jusqu'en octobre 2015, il ressort des pièces produites que M. A... n'a été placé en congé de maladie qu'à compter du 18 mai 2015, pour un motif qui n'est pas précisé par les parties. Enfin, les certificats médicaux établis les 18 novembre 2019 par ce médecin traitant et le 16 janvier 2020 par un praticien hospitalier, selon lesquels les pathologies des épaules dont souffre le requérant sont susceptibles d'être reconnues comme maladie professionnelle au titre des affections périarticulaires provoquées par certains gestes ou postures de travail, les deux experts désignés ont estimé que ces pathologies relevaient de la maladie ordinaire au regard notamment de leur date d'apparition. Dans ces conditions, alors même que la commission de réforme a émis, le 10 septembre 2019, un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, le maire de Sainte-Eulalie n'a entaché la décision contestée d'aucune erreur d'appréciation. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et d'ordonner l'expertise qu'il sollicite à titre subsidiaire dès lors qu'elle ne revêtirait pas de caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Eulalie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par la commune de Sainte-Eulalie et non compris dans les dépens. 12. Le litige n'ayant donné lieu à aucun dépens, au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions des parties relatives à l'attribution de leur charge doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sainte-Eulalie sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la commune de Sainte-Eulalie. Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL04516 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/01/2024, 22NT02040, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 15 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " insuffisance hypophysaire " et " syndrome subjectif post traumatique dans un contexte de blast ". Par un jugement n° 1905904 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juin 2022, 21 mars 2023 et 2 mai 2023, M. D..., représenté par Me Uzan-Kauffmann, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 mai 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 15 mars 2019 ; 3°) d'ordonner une expertise judiciaire confiée d'une part à un neurologue, d'autre part à un endocrinologue, aux fins de déterminer le taux d'invalidité des deux infirmités dont il est atteint ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Il soutient que : - le tribunal administratif a statué ultra petita en rejetant au fond sa demande tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée avant-dire droit ; - il présentait à la date de sa demande un certain nombre de symptômes liés à des troubles hypophysaires nécessitant une expertise médicale ; que la circonstance que le traitement médicamenteux qu'il suit réduise ou supprime ces symptômes est sans incidence sur ses droits à pension ; - il est atteint d'un " syndrome subjectif des traumatisés crâniens " ou " manifestations post-commotionnels cérébrales graves " se traduisant par d'importants troubles neurosensoriels et une atteinte des fonctions supérieures, lui ouvrant droit au statut de grands mutilés et à une pension militaire d'invalidité au taux de 40 % ; ces symptômes doivent être examinés dans leur ensemble et non de façon isolée, de sorte que le seuil de 10 % indemnisable et la circonstance qu'il bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour certains de ses troubles ne peuvent lui être opposés. Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février et 17 avril le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. Le mémoire produit le 25 mai 2023 par le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de M. Pons, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., premier-maître dans la marine nationale né en 1971, a été victime, le 17 janvier 2015, de blessures graves à la suite de l'explosion d'un véhicule " suicide " alors qu'il se trouvait en opération extérieure au A.... Par une décision du 1er juillet 2015, certaines des séquelles qu'il conserve de cet accident ont été qualifiées de " blessures de guerre ". Une pension militaire d'invalidité lui a été accordée à compter du 14 septembre 2015 au taux global de 55 % au titre des infirmités suivantes : " état de stress post-traumatique [ESPT]: reviviscences avec cauchemars, syndrome anxiodépressif, troubles du caractère, anhédonie, hypervigilance, apragmatisme, repli sur soi, baisse de libido " et " acouphènes permanents avec hypoacousie et difficultés d'endormissement ". Ce taux a été majoré par un arrêté du 12 octobre 2020. Le 12 avril 2017, l'intéressé a présenté une demande de pension militaire d'invalidité pour deux nouvelles infirmités : " insuffisance hypophysaire " et " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de blast ". Par une décision du 15 mars 2019 sa demande a été rejetée. M. D..., qui a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité, alors compétent, le 18 septembre 2019, soit avant l'expiration du délai de recours prévu à l'article R 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, relève appel du jugement du 16 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur l'infirmité " insuffisance hypophysaire " : 2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. ". Par ailleurs l'article L. 151-6 du même code dispose que : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ou, lorsque la pension est attribuée par présomption, le droit de l'intéressé à cette présomption. / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. " 3. Aux termes du guide barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'insuffisance surrénale sans mélanodermie " se caractérise par l'asthénie, la fatigabilité musculaire, l'hypotension artérielle susceptible d'augmentation par la moindre toxi-infection. Elle diminue considérablement la résistance du malade et doit entraîner une invalidité par palier ". Il est également indiqué que cette insuffisance peut justifier une pension calculée sur la base d'un taux d'invalidité compris entre 20 et 100 %. 4. Il résulte de l'instruction que le 17 mars 2017, le docteure C..., du service d'endocrinologie du centre hospitalier de G..., a confirmé que, depuis le mois de novembre 2016, M. D... présentait un déficit corticotrope et un déficit somatotrope partiel. Elle ajoute que ce patient avait contracté une méningite virale au cours du mois de décembre 2016 et qu'il conservait une fatigabilité physique et psychique en dépit du fait que l'examen d'imagerie médicale qu'il avait subi ne révélait aucune anormalité. Elle relevait cependant que selon son dernier bilan biologique, la cortisolémie en base restait basse. Le 14 septembre 2017, le docteur F..., qui a examiné M. D... en qualité d'expert, a constaté que l'intéressé suivait un traitement médicamenteux par hydrocortisone, qu'il pouvait majorer en cas de stress notamment. Ce médecin indiquait que le patient, pensionné par ailleurs pour un état de stress post-traumatique se plaignait notamment de céphalées, de troubles visuels, digestifs et de troubles du sommeil. Les examens et analyses pratiqués étaient cependant qualifiés de " normaux ". Cet expert rappelait que l'insuffisance hypophysaire corticotrope ne donne en effet pas d'autres symptômes qu'une asthénie et que la substitution thérapeutique administrée à M. D... suffisait à le supplémenter. Il soulignait toutefois, en conclusions, que le diagnostic d'insuffisance ante hypophysaire corticotrope n'était pas suffisamment établi et qu'il méritait " un complément d'investigations endocrinologiques ". Il ajoutait que compte tenu du " doute diagnostique ", un taux d'invalidité ne pouvait être proposé. Le 14 juin 2018, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a, quant à lui, rappelé que l'origine du déficit en hormone hypophysaire présenté par cet ancien militaire avait une origine indéterminée et que la relation médicale avec le blast qu'il avait subi en 2015 au A... n'était pas certaine. Il ajoutait que, compte tenu du traitement substitutif suivi par M. D..., ce dernier ne présente aucun symptôme et que son taux d'invalidité était inférieur aux 10 % susceptible d'ouvrir droit pour l'intéressé à une nouvelle pension militaire d'invalidité. 5. Il ressort de l'ensemble des éléments médicaux rappelés au point 4 que M. D... souffre depuis la fin de l'année 2016 d'une insuffisance hypophysaire nécessitant la prise d'un traitement médicamenteux. Le requérant se plaint d'une grande fatigue et d'une fragilité l'exposant à des infections lui occasionnant une gêne fonctionnelle et une dégradation de son état général. Il est toutefois constant qu'aucune expertise médicale ne s'est prononcée ni sur l'origine de cette pathologie et son lien éventuel avec l'accident dont il a été victime alors qu'il se trouvait en mission au A..., ni sur le taux d'invalidité en résultant pour l'intéressé. Par suite, le requérant est fondé à solliciter, avant dire droit, la désignation d'un médecin expert afin que celui-ci se prononce sur ces différents points. La seule circonstance que le traitement administré à ce patient réduise totalement ou même fortement ses symptômes ne fait pas obstacle à ce que cette nouvelle infirmité soit pensionnée si le taux d'invalidité en résultant atteint au moins 10 %, seuil ouvrant droit pour l'intéressé à une nouvelle pension militaire d'invalidité. Sur l'infirmité " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de blast ": 6. Aux termes du guide barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le syndrome subjectif post traumatique proprement dit [se caractérise par des] céphalées ou sensations céphaliques très variées - étourdissements et impression d'instabilité, parfois de caractère vertigineux - troubles visuels et auditifs. Il s'y rattache souvent des symptômes évoquant plus précisément un pôle psychologique tels que : asthénie physique et psychique, troubles sexuels, insomnie, troubles de la concentration intellectuelle, aspects dépressifs souvent marqués, plaintes hypocondriaques, modifications du caractère (irritabilité, agressivité), labilité émotionnelle, éléments de dépersonnalisation avec angoisse. " 7. Il résulte de l'instruction que le 24 juin 2015, la médecin en chef du service ORL de l'hôpital interarmées de B... a constaté que M. D... se plaignait d'acouphènes permanents, avec des céphalées liées notamment à l'hyperacousie douloureuse dont il souffre. Ce médecin fait état de séquelles neurosensorielles à type d'hypoacousie, acouphènes et hyperacousie douloureuse très invalidante. Dans un compte-rendu du 13 septembre 2016, elle évoque un syndrome post commotionnel, en ajoutant qu'il est bien évident qu'un corps soumis à une explosion de cette puissance et projeté dans l'espace occasionne des dégâts non négligeables au niveau cérébral. Le rapport circonstancié rédigé le 18 novembre 2015 par le médecin chef du centre hospitalier interarmées de B... indique que l'intéressé présente plusieurs lésions évolutives parfois d'apparition tardive, pouvant être considérées comme secondaire au blast et notamment une baisse de l'audition, des vertiges, des troubles visuels dans un contexte de choc psychologique traumatisant. Les différents certificats médicaux produits par le requérant attestent qu'il se plaint depuis plusieurs années de troubles attentionnels, mnésiques, d'une fatigabilité et de migraines et qu'au mois de décembre 2016 il a souffert d'une méningite virale. Dans le cadre de l'expertise réalisées le 2 octobre 2017, l'experte neurologue, rappelle les doléances de M. D..., parmi lesquelles elle mentionne des troubles visuels, des vertiges, des sensations de baisse de force, mais indique que si " la symptomatologie est compatible en première hypothèse avec un syndrome subjectif post-traumatique ", ces différents symptômes ont déjà été pris en compte et indemnisés au titre de l'infirmité " ESPT " pensionnée sur la base d'un taux d'invalidité de 40 %, porté ensuite à 50 %. Dans son avis du 14 juin 2018, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité reprend cette conclusion en ajoutant que " les céphalées ne font pas parti du tableau clinique étant pourtant le symptôme majeur du syndrome subjectif ". Il en déduit que cette infirmité est " inexistante ". S'il n'est pas contesté que M. D... est déjà pensionné au titre des infirmités : " état de stress post-traumatique " et " acouphènes permanents avec hypoacousie et difficultés d'endormissement ", l'intéressé n'a cessé de se plaindre de maux de tête et évoque par ailleurs plusieurs autres symptômes susceptibles de confirmer l'existence d'une pathologie distincte de celles déjà prises en compte pour le calcul de sa pension militaire d'invalidité. Il s'ensuit, que l'intéressé est fondé à solliciter que soit ordonnée, avant dire-droit, une nouvelle expertise, aux fins de déterminer s'il souffre d'un " syndrome subjectif post traumatique " distinct de l'ESPT et des acouphènes qu'il présente, si son accident de 2015 est à l'origine de cette pathologie, et de déterminer le taux d'invalidité qui en résulte. 8. Compte tenu du lien possible entre ces deux nouvelles pathologies et l'accident dont M. D... a été victime alors qu'il était en opération extérieure au A..., l'intéressé est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'expertise. Il y a lieu, dès lors, avant de statuer sur la requête visée ci-dessus, d'ordonner une expertise médicale dans les conditions mentionnées ci-dessous. DÉCIDE : Article 1er : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire entre les parties. Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il pourra solliciter la désignation d'un sapiteur et accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 3 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. D..., en ce qui concerne les deux pathologies en litige, se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ; - d'examiner l'intéressé, décrire son état de santé actuel ; - déterminer l'origine des symptômes susceptibles de se rattacher, d'une part, à une " insuffisance hypophysaire " et, d'autre part, à un " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de Blast " et leurs possibles relations avec l'accident dont M. D... a été victime le 17 janvier 2015 ; - dire si ces symptômes relèvent des infirmités " état de stress post-traumatique : reviviscences avec cauchemars, syndrome anxiodépressif, troubles du caractère, anhédonie, hypervigilance, apragmatisme, repli sur soi, baisse de libido " et " acouphènes permanents avec hypoacousie et difficultés d'endormissement " déjà pensionnées ou s'ils constituent deux nouvelles infirmités distinctes susceptibles d'ouvrir droit à une nouvelle pension militaire d'invalidité ; - évaluer le taux d'invalidité de M. D... imputable à chacune de ces deux infirmités ; - de façon générale, donner tous autres éléments d'information nécessaires. Article 4 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties. Article 5 : L'experts appréciera, l'utilité de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport. Article 6 : Les frais et honoraires d'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 7 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02040
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 23/01/2024, 21TL04947, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection dont il a souffert du 17 décembre 2014 au 3 mai 2016, d'enjoindre au département des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et de saisir, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service, la commission de réforme ainsi que de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2001774 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021, sous le n°21MA04947 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04947, M. A..., représenté par Me Cacciapaglia, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision implicite en date du 4 janvier 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'affection dont il a souffert du 17 décembre 2014 au 8 janvier 2019 ; 3°) d'enjoindre au département des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et de saisir, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute, la commission de réforme ; 4°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité par son refus d'annuler la décision implicite en litige, participant ainsi à la non reconnaissance d'un droit, et en s'abstenant de vérifier le respect de l'obligation procédurale de consulter la commission de réforme ; il a commis une erreur de droit en se fondant sur le décret du 14 mars 1986 qui n'est pas applicable à sa situation et en lui opposant des conditions de forme alors que sa demande n'était enfermée dans aucune forme ou délai ; il a commis une erreur d'appréciation en ne reconnaissant pas l'imputabilité au service de sa maladie ; - la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ; - elle est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de consultation de la commission de réforme et est intervenue en méconnaissance de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2022, et un dépôt de pièces, enregistré le 16 mai 2023, qui n'a pas été communiqué, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par la SELARL D4 Avocats Associés, agissant par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement contesté et à ce que qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir, à titre principal, que le jugement attaqué est bien fondé et, à titre subsidiaire, que la décision attaquée n'est entachée d'aucun vice. Par une ordonnance du 7 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2022. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Dumont, représentant le département des Pyrénées-Orientales. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique de deuxième classe, initialement affecté en qualité d'agent d'entretien au palais des rois de Majorque à Perpignan avant d'être victime d'un accident de service en date du 18 septembre 2014 et placé en arrêt de travail à partir du 17 décembre 2014 pour dépression réactionnelle à une situation difficile au travail, a adressé le 25 octobre 2019 au département des Pyrénées-Orientales, son employeur, une demande de reconnaissance de l'affection dont il a souffert comme imputable au service à compter du 17 décembre 2014. Par un jugement du 8 juin 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58./Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite./ Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales./ (...) ". L'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, alors applicable, disposait : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, créé par le décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à l'autorité territoriale une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. / La déclaration comporte : 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Ce formulaire est transmis par l'autorité territoriale à l'agent qui en fait la demande, dans un délai de quarante-huit heures suivant celle-ci et, le cas échéant, par voie dématérialisée, si la demande le précise ; 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, le cas échéant, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant. ". Aux termes de l'article 37-3 du même décret : " I.- La déclaration d'accident de service ou de trajet est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident./ Ce délai n'est pas opposable à l'agent lorsque le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 est établi dans le délai de deux ans à compter de la date de l'accident. Dans ce cas, le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date de cette constatation médicale./ II.- La déclaration de maladie professionnelle prévue à l'article 37-2 est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de deux ans suivant la date de la première constatation médicale de la maladie ou, le cas échéant, de la date à laquelle le fonctionnaire est informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle./(...) IV.- Lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés, la demande de l'agent est rejetée. Les délais prévus aux I, II et III ne sont pas applicables lorsque le fonctionnaire entre dans le champ de l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ou s'il justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes. ". L'article 15 du décret n°2019-301 du 10 avril 2019 relatif aux dispositions transitoires et finales dispose : " Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret./ Les délais mentionnés à l'article 37-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. ". 4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 25 octobre 2019, réceptionnée par le département le 4 novembre suivant, M. A... a adressé, par l'intermédiaire de son conseil, une demande d'imputabilité au service de la pathologie dont il a souffert sur le fondement des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Il a notamment joint à sa lettre les arrêts de travail qui ont été prescrits, des certificats médicaux, rapport et expertise médicale. S'il est constant que cette demande ne respectait pas les formes prévues par les dispositions précitées de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987, qui imposaient à l'agent d'adresser une déclaration de maladie professionnelle comprenant notamment un formulaire précisant les circonstances de la maladie, la présentation dudit formulaire n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou de nullité de la demande et le département ne fait pas valoir que celle-ci aurait été incomplète. Si le département fait cependant valoir en défense que la demande de l'agent, présentée après l'expiration du délai prévu au II de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 était tardive, il résulte de l'article 15 du décret du 10 avril 2019 susmentionné que ce délai n'a commencé à courir qu'à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication dudit décret dès lors que la maladie de l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. Ainsi, à la date de réception de la demande, le délai de déclaration de maladie professionnelle prévu par les dispositions précitées du II de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 n'était pas échu. 5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales avait pu légalement rejeter sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au seul motif qu'elle ne répondait pas aux conditions de forme requises. 6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier. 7. Aux termes de l'article 37-6 du décret précité du 30 juillet 1987, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La commission de réforme est consultée par l'autorité territoriale : (...)3° Lorsque l'affection résulte d'une maladie contractée en service telle que définie au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans les cas où les conditions prévues au premier alinéa du même IV ne sont pas remplies. ". 8. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, s'agissant d'une maladie ne relevant pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et en l'absence d'un défaut d'imputabilité manifeste, l'autorité territoriale, qui n'est pas fondée à soutenir, pour les raisons mentionnées au point 4 qu'elle se trouvait en situation de compétence liée pour rejeter la demande présentée par M. A..., devait consulter la commission de réforme si elle n'entendait pas faire droit à la demande présentée. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que l'absence de saisine de la commission de réforme l'a privé d'une garantie et que la décision implicite de rejet contestée est ainsi intervenue au terme d'une procédure irrégulière. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt implique que la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales procède à l'examen de la demande de M. A... et qu'elle saisisse, le cas échéant, pour avis le conseil médical, qui remplace désormais la commission de réforme aux termes de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987 dans sa version applicable depuis le 14 mars 2022, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par le département des Pyrénées-Orientales au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juin 2021, ensemble la décision implicite par laquelle la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande en date du 25 octobre 2019 d'imputabilité au service de la maladie de M. A... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à l'examen la demande de M. A... et de saisir, le cas échéant, pour avis le conseil médical. Article 3 : Le département des Pyrénées-Orientales versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par le département des Pyrénées-Orientales sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département des Pyrénées-Orientales. Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL04947
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/01/2024, 22NT02300, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 3 avril 2017, M. D... a demandé au tribunal des pensions militaires de Rennes, alors compétent, d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " colopathie fonctionnelle avec selles liquides séro-sanglante et état général conservé ". Par un jugement n° 1905624 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, a ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale. Le rapport d'expertise a été déposé le 6 février 2021. Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2021, M. D... a également demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % ainsi que la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement n° 1905624 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 juillet 2022, M. D..., représenté par Me Bluteau, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 10 mars 2017 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la pension militaire d'invalidité sollicitée au taux de 10 % avec intérêts de retard au taux légal et capitalisation de ces intérêts ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1971. Il soutient que : - les pathologies qu'il a contractées alors qu'il se trouvait en opérations extérieures au B... sont imputables au service ; depuis 1978, ses symptômes gastriques n'ont cessé ; la colopathie fonctionnelle qui lui a été diagnostiquée en 2015 présente un lien direct et certain avec l'amibiase contractée au B... ; - aucun expert n'a formellement exclu le lien entre la colopathie fonctionnelle et l'amibiase et ont chiffré son taux d'invalidité à 10 % ; - il n'est pas démontré que d'autres facteurs déterminants expliqueraient cette pathologie. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de M. Pons, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né en 1959, s'est engagé dans l'armée française le 3 janvier 1977. Alors qu'il se trouvait en opération extérieure au B..., il a contracté, au cours de l'année 1978, une amibiase puis une hépatite épidermique. Ces deux pathologies ont été reconnues imputables au service. Au vu des résultats des examens médicaux réalisés au début de l'année 2015, M. D... a sollicité, le 9 septembre 2015, une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " colopathie fonctionnelle avec selles liquides séro-sanglante et état général conservé ". Sa demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 10 mars 2017. M. D... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Rennes. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, a ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale. Le rapport d'expertise a été déposé le 6 février 2021. Par un jugement du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 2017 : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de la pension litigieuse : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites (...) soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". 3. Il résulte des dispositions rappelées au point 2 que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. En premier lieu, s'il est constant qu'il a contracté une amibiase au cours de l'année 1978 dans le cadre de son service, l'infirmité pour laquelle M. D..., qui a été rayé des contrôles le 3 janvier 1992, sollicite une pension militaire d'invalidité, à savoir une " colopathie fonctionnelle avec selles liquides séro-sanglante et état général conservé " diagnostiquée en 2015, n'a pas été constatée avant le soixantième jour suivant son retour dans ses foyers. Par suite, le requérant ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par ailleurs, une colopathie fonctionnelle ne pouvant être assimilée à une affection à évolution lente, telle que celles liées à une exposition aux poussières d'amiante, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il incombe à l'administration d'établir l'existence d'autres facteurs déterminants qui seraient à l'origine de sa pathologie, et qu'à défaut, il devrait être regardé comme apportant la preuve d'une probabilité suffisante de nature à justifier l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. 5. En second lieu, M. D... se plaint de problèmes gastriques qu'il impute à l'amibiase contractée au B... en 1978. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'une coloscopie réalisée le 15 avril 2015, seule une " discrète diverticulose sigmoïdienne sans signe inflammatoire " a été découverte. Le médecin qui a pratiqué cet examen a toutefois précisé que cette anomalie mineure n'expliquait pas les symptômes décrits par l'intéressé, lesquels pouvaient résulter d'une " colopathie post-amibienne ". Dans le cadre de la demande de pension militaire d'invalidité litigieuse, une expertise médicale, réalisée le 6 juin 2016, a été confiée à un gastroentérologue. Ce dernier a confirmé l'existence chez M. D... d'une colopathie fonctionnelle sans en déterminer l'origine. Il a indiqué que le lien entre cette pathologie et l'amibiase contractée en 1978 était difficile à établir mais ne pouvait être formellement exclu. Le 29 juin suivant, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a émis un avis dont les conclusions restent sujettes à interprétation, et ne permettent pas en conséquence, de contredire les conclusions de cet expert. D'ailleurs, sur la base de ces éléments, ni la commission consultative médicale, qui a rappelé " l'absence de suivi médical pendant près de 30 ans " pour cette affection gastrique, ni la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité, lors de sa séance du 9 mars 2017, ne se sont prononcées en faveur de l'octroi d'une pension militaire d'invalidité à M. D... pour l'infirmité litigieuse. Le rapport d'expertise du 5 février 2021 du professeur C... rappelle qu'aucun compte-rendu médical concernant ce patient ne signale de trouble digestif avant 2015. Il ajoutait que M. D... présentait une triple pathologie digestive fréquente chez les personnes en surpoids même s'il n'était pas possible d'exclure formellement tout lien entre les symptômes présentés par l'intéressé et la dysenterie amibienne dont il a souffert en 1978. Le livret médical produit par le requérant se borne à mentionner une " dyspepsie avec coliques " à la date du 24 juin 1982. Par suite, en l'absence d'éléments médicaux de nature à attester de la continuité des problèmes gastriques présentées par M. D... depuis 1978, l'intéressé ne peut être regardé, comme établissant, ainsi qu'il lui en incombe, que la colopathie fonctionnelle dont il souffre présente un lien direct, et certain avec son activité militaire et qu'en rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité le ministre aurait entaché d'illégalité sa décision. 6. Il résulte de ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. En l'absence de faute établie par l'intéressé, et en tout état de cause, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées. Sur le surplus des conclusions : 7. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. D... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre dse armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02300
Cours administrative d'appel
Nantes