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CAA de LYON, 3ème chambre, 27/09/2023, 21LY00585, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Par une requête enregistrée sous le n° 1901959, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes l'a placée en disponibilité d'office pour une durée de six mois à compter du 27 septembre 2018, ensemble la décision rejetant son recours gracieux. Par une requête enregistrée sous le n° 1901961, Mme A... a demandé à ce même tribunal d'annuler la décision du 9 octobre 2018 par laquelle le responsable de l'unité maladie-retraite de la région Auvergne-Rhône-Alpes a refusé de lui accorder un congé de longue maladie, ensemble la décision rejetant son recours gracieux. Par une requête enregistrée sous le n° 1906856, Mme A... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes l'a maintenue en disponibilité d'office du 27 mars au 5 juin 2019. Par une requête enregistrée sous le n° 1906857, Mme A... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes l'a maintenue en disponibilité d'office pour la période courant du 6 juin 2019 jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité. Par une requête enregistrée sous le n° 1910004, Mme A... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel le directeur des ressources humaines de la région Auvergne-Rhône-Alpes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie qu'elle présente depuis le 27 septembre 2017. Par un jugement n° 1901959-1901961-1906856-1906857-1910004 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 février 2021 et le 24 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Brun, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 décembre 2020 ; 2°) d'annuler : - l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes l'a placée en disponibilité d'office pour une durée de six mois à compter du 27 septembre 2018, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ; - la décision du 9 octobre 2018 par laquelle le responsable de l'unité maladie-retraite de la région a refusé de lui accorder un congé de longue maladie, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ; - l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le président de la même région l'a maintenue en disponibilité d'office du 27 mars au 5 juin 2019 ; - l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le président de la même région l'a maintenue en disponibilité d'office pour la période courant du 6 juin 2019 jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité ; - l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel le directeur des ressources humaines de la même région a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie qu'elle présente depuis le 27 septembre 2017 ; 3°) de mettre à la charge de la région Auvergne-Rhône-Alpes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision du 9 octobre 2018 portant refus d'un congé de longue maladie est entachée d'un défaut de motivation et le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et de fait ainsi que d'une dénaturation des pièces du dossier ; - la décision du 23 octobre 2019 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que son affectation à un poste de secrétaire bureautique a été de nature à détériorer considérablement ses conditions de travail et à aggraver son état de santé ; - dès lors qu'elle aurait dû bénéficier d'un congé longue maladie et que la pathologie qu'elle a présentée à compter du 27 septembre 2017 aurait dû être reconnue comme étant imputable au service, elle ne pouvait valablement être placée en disponibilité d'office pour cause d'épuisement de ses droits à congé de maladie ordinaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2021, la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La région Auvergne-Rhône-Alpes fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 27 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Brun, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Recrutée par contrat en 2006 par la région Auvergne-Rhône-Alpes en qualité de travailleuse handicapée puis titularisée en septembre 2009 dans le grade d'adjointe administrative de première classe, Mme A..., qui a bénéficié de congés de maladie ordinaire à compter du 27 septembre 2017, a demandé l'annulation des arrêtés successifs par lesquels l'autorité territoriale a refusé de lui accorder un congé de longue maladie, l'a placée puis maintenue en disponibilité d'office et a, le 23 octobre 2019, rejeté sa demande tendant à ce que sa pathologie soit reconnue comme étant imputable au service, ensemble les décisions portant rejet de ses recours gracieux. Mme A... fait appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir procédé à la jonction de ces requêtes, a rejeté ses demandes. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision du 9 octobre 2018 portant refus d'un congé de longue maladie, la décision du 10 octobre 2018 plaçant Mme A... en disponibilité d'office pour six mois à compter du 27 septembre 2018 et les décisions du 20 juin 2019 portant renouvellement d'un tel placement : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, désormais repris aux articles L. 822-6 à L. 822-17 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) ". Aux termes de l'article 18 décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de ces dispositions : " Le fonctionnaire qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions par suite d'une maladie grave et invalidante nécessitant un traitement et des soins prolongé est mis en congé de longue maladie, selon la procédure définie à l'article 25 (...) ". Enfin aux termes de l'article 25 du même texte : " Pour bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée le fonctionnaire en position d'activité, ou son représentant légal, doit adresser à l'autorité territoriale une demande appuyée d'un certificat de son médecin traitant spécifiant qu'il est susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. Le médecin traitant adresse directement au secrétaire du comité médical compétent un résumé de ses observations et les pièces justificatives qui peuvent être prescrites dans certains cas par l'arrêté visé à l'article 39 du présent décret. Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. Le dossier est ensuite soumis au comité médical. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. L'avis du comité médical est transmis à l'autorité territoriale qui, en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire intéressé, le soumet pour avis au comité médical supérieur visé à l'article 5 du présent décret. ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 dont les dispositions sont applicables aux fonctionnaires territoriaux : " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie (...) /- maladies mentales (...) ". 3. En premier lieu, si la région Auvergne-Rhône-Alpes soutient que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus d'octroi d'un congé de longue maladie est irrecevable pour n'avoir été invoqué qu'en cause d'appel, un tel moyen se rattache à la légalité externe de cette décision qui a été contestée en première instance. Par suite, et alors qu'il a été présenté dans le délai d'appel et qu'il se rattache à la même cause juridique que le moyen d'incompétence de l'auteur de la décision présenté devant le tribunal administratif, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée sur ce point en défense. 4. En deuxième lieu, il ressort des pièces versées au dossier que la décision du 9 octobre 2018 portant refus d'octroyer un congé de longue maladie à Mme A... repose sur l'avis défavorable émis le 4 octobre 2018 par le comité médical départemental des agents territoriaux du Rhône, joint à cette décision, et sur la précision apportée par la région selon laquelle aucun élément factuel ne permet d'aller à l'encontre de la position de cette instance. Toutefois, et quand bien même aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la motivation de l'avis du comité médical, il ne ressort ni des termes de celui-ci, auquel la décision en litige se réfère, ni des mentions précitées de celle-ci, ni même encore de la décision de la responsable du service de gestion des personnels et de l'insertion du 2 janvier 2019 rejetant le recours gracieux présenté contre cette décision, que les raisons de fait pour lesquelles tant le comité médical que le responsable de l'unité maladie-retraite de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont estimé que le congé de maladie justifié par la situation médicale de Mme A... ne relevait pas d'un congé de longue maladie auraient été précisées. La décision du 9 octobre 2018 est par suite insuffisamment motivée et doit être annulée pour ce motif. 5. En troisième lieu, compte tenu du motif retenu au point précédent, il y a lieu d'accueillir le moyen tiré du défaut de base légale des arrêtés des 10 octobre 2018 et 20 juin 2019 du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes portant placement de Mme A... en disponibilité d'office et prolongation d'un tel placement, et de les annuler pour ce motif. En ce qui concerne la décision du 23 octobre 2019 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... : 6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, codifié aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : /.../ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. /.../ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. /.../ ". Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire qui souffre d'une maladie contractée ou aggravée en service a droit à un congé de maladie à plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite, sauf s'il entre dans les cas prévus pour l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée limitant la période de maintien de cette rémunération. L'imputabilité au service de cette maladie est appréciée par la commission de réforme qui rend un avis ne liant pas l'autorité territoriale. 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. Mme A... fait valoir qu'en raison de sa fragilité particulière du fait de sa sensibilité exacerbée au stress, et des douleurs physiques ressenties à l'accomplissement de certaines tâches, notamment de l'activité bureautique, sa pathologie trouve son origine dans la dégradation progressive de ses conditions de travail à compter de la fin de l'année 2015, résultant d'une nouvelle affectation de son poste d'assistante sur un poste comportant pour l'essentiel du travail bureautique incompatible avec le handicap dont elle souffre, alors que le médecin agréé du comité médical départemental a indiqué, le 27 novembre 2006, qu'il convenait de limiter ses tâches bureautiques à moins de 50 % de son temps de travail. Toutefois, ces seules affirmations peu circonstanciées, ainsi que les deux certificats médicaux produits, des 18 décembre 2017 et 1er août 2018 émanant du même médecin, et le certificat médical d'un médecin spécialisé en sénologie du 1er octobre 2018, qui ne portent pas sur les troubles anxio-dépressifs dont souffre Mme A... et se bornent à indiquer que celle-ci est suivie pour une douleur chronique évolutive en lien avec un travail sur ordinateur et souffre " de douleurs accentuées par les manipulations de la souris de l'ordinateur ", ne sont pas de nature, d'une part, à contredire les appréciations de l'expert l'ayant examinée, lequel a indiqué, dans son rapport du 29 mars 2019 que ses troubles " ne paraissent pas pouvoir être considérés comme résultant de manière essentielle et directe de l'exercice des fonctions. " et d'autre part, à établir un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause. Par suite, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dépressive de Mme A.... 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de placement en congé de longue maladie et placement puis maintien en disponibilité d'office, et la décision de rejet de son recours gracieux dans cette mesure. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie essentiellement perdante à la présente instance, la somme que la région Auvergne-Rhône-Alpes demande au titre des frais qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la région Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 1 000 euros à verser à Mme A... au titre de ces mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La décision du 9 octobre 2018 par laquelle le responsable de l'unité maladie-retraite de la région Auvergne-Rhône-Alpes a refusé d'accorder un congé de longue maladie à Mme A..., la décision de la responsable du service de gestion des personnels et de l'insertion du 2 janvier 2019 en tant qu'elle rejette le recours gracieux présenté contre cette décision, ainsi que les arrêtés des 10 octobre 2018 et 20 juin 2019 par lesquels le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a respectivement placé Mme A... en disponibilité d'office pour une durée de six mois à compter du 27 septembre 2018 et maintenue celle-ci dans cette position pour la période courant du 27 mars 2019 jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité, et la décision précitée du 2 janvier 2019 rejetant le recours gracieux formé contre l'arrêté du 10 octobre 2018 sont annulés. Article 2 : Le jugement n° 1901959-1901961-1906856-1906857-1910004 du 23 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La région Auvergne-Rhône-Alpes versera à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions de la région Auvergne-Rhône-Alpes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Michèle Daval La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY00585
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 03/10/2023, 21BX03175, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une première requête, Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2019 par lequel le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine l'a placée en congé de maladie ordinaire non imputable au service à demi-traitement pour la période du 1er janvier 2019 au 28 février 2019 et d'enjoindre à cette même autorité de la placer en congé de maladie ordinaire imputable au service à plein traitement. Par une seconde requête, Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a, d'une part, décidé que les frais médicaux et les arrêts de travail relatifs à l'accident de service dont elle a été victime le 9 février 2017 seront pris en charge par la Région au titre de la garantie accident du travail pour la période du 9 février 2017 au 30 mars 2018 avec prolongation d'une telle prise en charge pour les arrêts de travail jusqu'au 30 septembre 2018, d'autre part, fixé au 30 mars 2018 la date de consolidation de son état de santé suite à cet accident de service, enfin, décidé que les frais médicaux seront à la charge de l'intéressée à compter du 31 mars 2018 et que les arrêts de travail seront pris en compte au titre de congé de maladie ordinaire non imputables au service à compter du 1er octobre 2018 et d'enjoindre à cette même autorité de reconnaître l'imputabilité au service des séquelles dont elle souffre postérieurement à son accident de service et de prendre en charge ses arrêts de travail à compter du 1er octobre 2018. Par un jugement n° 1901140-1901141 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Pau, après avoir joint les deux requêtes, a annulé l'arrêté du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine du 28 janvier 2019, en tant qu'il fixe la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... à la date du 30 mars 2018, décide que les soins prescrits à compter du 31 mars 2018 seront pris en charge par l'intéressée et que les arrêts de travail de cette dernière prescrits à compter du 30 septembre 2018 seront pris au titre de congés de maladie ordinaire non imputable au service, a enjoint au président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine de prendre une nouvelle décision, après un nouvel examen de la situation de Mme F..., et a rejeté le surplus des demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2021, Mme F..., représentée par Me Moura, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 18 mai 2021 précité ; 2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2019 par lequel le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine l'a placée en congé de maladie ordinaire non imputable au service à demi-traitement pour la période du 1er janvier 2019 au 28 février 2019 ainsi que l'arrêté du 28 janvier 2019 du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine précité ; 3°) d'enjoindre à cette même autorité de reconnaître l'imputabilité au service de ses séquelles et de la placer en congé de maladie ordinaire imputable au service à plein traitement. 4°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale. Elle soutient que : - l'arrêté du 16 janvier 2019 contesté est entaché d'incompétence ; - l'arrêté du 28 janvier 2019 indiquant notamment " qu'il fait siennes les conclusions du docteur A... et en conclusions " que la commission fixe un taux d'incapacité permanent partielle de 12% dont 5% en lien avec l'état antérieur " est entaché d'un raisonnement contradictoire et est donc insuffisamment motivé ; il en va de même de l'arrêté du 16 janvier 2019 ; - le président du conseil régional de Nouvelle Aquitaine a méconnu les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 a commis une erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2021, la région Nouvelle-Aquitaine, représentée par la société Centaure Avocats, agissant par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête. Elle s'en remet aux observations qu'elle a présentées devant le tribunal administratif. Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2023. Par un courrier du 6 septembre 2023, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme F... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019 du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, à défaut d'intérêt pour agir de l'intéressée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de Mme D..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... F..., adjointe technique territoriale des établissements d'enseignement de la région Nouvelle-Aquitaine, qui exerce ses fonctions au lycée André Campa à Jurançon dans le département des Pyrénées-Atlantiques, a été victime d'un accident de trajet, le 9 février 2017, entre son domicile et son lieu de travail. Par arrêté du 16 mars 2017, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a reconnu l'imputabilité au service de cet accident. Après une expertise médicale, la commission départementale de réforme a émis le 13 décembre 2018 un avis défavorable à l'imputabilité des prolongations d'arrêts de travail et de soins présentés à compter du 31 mars 2018. Par arrêté du 16 janvier 2019, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement pour la période du 1er janvier au 28 février 2019. Par arrêté du 28 janvier 2019, cette même autorité a, d'une part, décidé que les frais médicaux et les arrêts de travail relatifs à l'accident de service dont elle a été victime seraient pris en charge par la Région au titre de la garantie accident du travail pour la période du 9 février 2017 au 30 mars 2018 avec prolongation d'une telle prise en charge pour les arrêts de travail jusqu'au 30 septembre 2018, d'autre part, fixé au 30 mars 2018 la date de consolidation de son état de santé, décidé que les frais médicaux seraient à la charge de l'intéressée à compter du 31 mars 2018, et que les arrêts de travail seraient pris en compte au titre des congés de maladie ordinaire non imputable au service à compter du 1er octobre 2018. Mme F... a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation des arrêtés des 16 janvier et 28 janvier 2019 précités. 2. Par un jugement du 18 mai 2021, le Tribunal a annulé l'arrêté du 28 janvier 2019 précité, en tant qu'il fixe la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... au 30 mars 2018, décide que les soins prescrits à compter du 31 mars 2018 seront pris en charge par l'intéressée et que les arrêts de travail de cette dernière prescrits à compter du 30 septembre 2018 seront pris au titre de congés de maladie ordinaire non imputable au service, a enjoint au président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine de prendre une nouvelle décision, après un nouvel examen de la situation de Mme F... et a rejeté le surplus de ses demandes. Mme F... relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne l'arrêté du 28 janvier 2019 : 3. Le tribunal administratif de Pau ayant fait droit aux conclusions de la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019, ses conclusions d'appel tendant à nouveau à l'annulation de cet arrêté sont, à défaut d'intérêt pour agir de l'intéressée, irrecevables. En ce qui concerne l'arrêté du 16 janvier 2019 : 4. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige la requérante ne se prévaut devant la Cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation présentée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué. 5. En deuxième lieu, si Mme F... a entendu invoquer le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 16 janvier 2019, en se bornant à critiquer en appel, la motivation contenue dans l'arrêté du 28 janvier 2019 indiquant que " la commission fixe un taux d'incapacité permanent partielle de 12% dont 5% en lien avec l'état antérieur ", elle ne critique pas utilement la réponse retenue par le tribunal sur ce point. Il ne ressort par ailleurs pas des termes de l'arrêté du 16 janvier 2019 litigieux, qui place Mme F... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement pour la période du 1er janvier au 28 février 2019, qu'il contiendrait des mentions contradictoires. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté. 6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ". 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 8. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issu de l'ordonnance du 19 juillet 2017, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 9. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont en conséquence entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, la situation de l'intéressée n'entrant pas dans le champ d'application des dispositions transitoires prévues à l'article 15 de ce décret. 9. Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 57 précité et le droit de conserver l'intégralité du traitement est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 10. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'avant son accident de trajet du 9 février 2017 reconnu comme imputable au service, Mme F... a subi une opération du rachis cervical par une arthrodèse au niveau des cervicales C5-C6 et qu'en mars 2017 il a été établi au vu de plusieurs examens, l'existence d'une capsulite des deux épaules résultant d'un état antérieur à cet accident. D'autre part, les rapports concordants du docteur G..., des 16 mai 2017 et 30 mars 2018, du docteur B..., neuro-chirurgien, du 27 mai 2017, et du docteur A..., du 26 octobre 2018, ont établi le constat d'une amplification liée à son accident de douleurs polyarticulaires arthrosiques anciennes et de séquelles indissociables de l'état médical antérieur de l'intéressée. Enfin, dans son avis du 13 décembre 2018, la commission de réforme a également estimé qu'à la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... le 30 mars 2019, les arrêts de travail et les soins nécessaires aux troubles persistants ne relevaient plus que de son état de santé antérieur et ne présentaient ainsi plus de " lien direct, déterminant et certain " avec l'accident de service. 11. Si Mme F... fait valoir notamment que ses douleurs persistantes au niveau des épaules et du rachis cervical sont la résultante directe de l'accident du travail dont elle a été victime le 9 février 2017 en s'appuyant sur le rapport établi le 27 avril 2019 par le docteur E... qui indique : " séquelles d'un accident de trajet du 9 février 2017 raideur modérée de l'épaule gauche, taux d'IPP 7% (imputable au service, dolorisation d'un état antérieur)", le caractère peu précis et circonstancié de cette pièce au regard des douleurs actuelles de la requérante en rapport avec l'accident de service n'est pas de nature à contredire utilement les appréciations concordantes des médecins rappelées au point précédent. Dans ces conditions, les troubles persistants dont la requérante souffre, bien que présentant la même symptomatologie que ceux ayant été amplifiés par l'accident, ne peuvent être regardés comme présentant un lien direct avec cet accident. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doit être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que Mme F... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2019. 13. Les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme F... étant rejetées il y a également lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... et à la région Nouvelle-Aquitaine. Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023. La rapporteure, Caroline D... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 21BX03175 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 26/09/2023, 21BX03452, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par deux requêtes distinctes, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions des 25 janvier et 25 février 2019 par lesquelles, respectivement, le directeur de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et le président du centre intercommunal d'action sociale (CIAS) d'Aire-sur-l'Adour ont rejeté ses recours gracieux tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des pathologies dont elle est atteinte et qui ont nécessité des arrêts de travail à compter du 30 septembre 2015. Par un jugement n° 1900764-1900767 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 août 2021 et un mémoire enregistré le 30 août 2023, Mme A..., représentée par Me Diversay, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler les décisions des 25 janvier et 25 février 2019 par lesquelles, respectivement, le directeur général de la CNRACL et le président du CIAS d'Aire-sur-l'Adour ont rejeté ses recours gracieux tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des pathologies dont elle est atteinte et qui ont entraîné des arrêts de travail à compter du 30 septembre 2015 ; 3°) d'enjoindre au CIAS d'Aire-sur-l'Adour de procéder à la convocation d'une nouvelle commission de réforme aux fins de statuer sur l'imputabilité au service des pathologies dont elle est atteinte et de son aptitude médicale à exercer ses fonctions, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge conjointe du CIAS d'Aire-sur-l'Adour et de la CNRACL la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les pathologies dont elle est atteinte sont imputables au service ; elle ne souffrait d'aucune pathologie antérieure ; - le tribunal s'est fondé à tort sur un avis du comité médical plutôt que sur l'avis de la commission de réforme ; - la commission de réforme du 27 avril 2018 était irrégulièrement composée et ne s'est pas prononcée au vu d'un rapport du médecin de prévention en méconnaissance des articles 3 et 15 de l'arrêté du 4 août 2004 ainsi que des articles 18 et 26 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, la Caisse des dépôts et consignations conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'en application du 7° de l'article R.811-1 du code de justice administrative, la cour n'est pas compétente pour statuer sur la légalité du décompte accompagnant son brevet de pension et que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par des mémoires enregistrés les 26 et 28 octobre 2022, le CIAS, représenté par Me Loubère, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre des frais exposés pour l'instance. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a été engagée comme aide à domicile en contrat à durée déterminée par le centre intercommunal d'action sociale (CIAS) d'Aire-sur-l'Adour (Landes) du 10 août 2006 au 30 septembre 2007. Elle a ensuite été nommée agent social de seconde classe stagiaire à temps non complet à compter du 1er octobre 2007 puis titularisée un an plus tard. Le 1er avril 2015, elle a été affectée au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Olivier Darblade à Aire-sur-l'Adour. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 30 septembre 2015 au 29 septembre 2016 puis en disponibilité à compter du 30 septembre 2016. Par un arrêté du 27 septembre 2018, le président du CIAS l'a placée en retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er juillet 2018. Par une décision du 25 février 2019, cette même autorité a rejeté le recours gracieux présenté par Mme A... concernant l'imputabilité au service de cette invalidité. Par ailleurs, par une décision du 25 janvier 2019, le directeur de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a également rejeté le recours présenté par Mme A... à l'encontre du décompte accompagnant son brevet de pension en tant qu'il mentionnait que son invalidité n'était pas imputable au service. Mme A... relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 25 janvier et 25 février 2019. Sur la compétence de la cour : 2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics... " 3. Il résulte de ces dispositions que les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 25 janvier 2019 par laquelle le directeur de la CNRACL a rejeté le recours présenté par Mme A... à l'encontre du décompte accompagnant son brevet de pension en tant qu'il mentionnait que son invalidité n'était pas imputable au service ne relèvent pas de la compétence d'appel de la cour mais d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat. Par suite, il y a lieu de renvoyer lesdites conclusions devant le Conseil d'Etat. Sur l'avis de la commission de réforme du 27 avril 2018 : 4. En premier lieu, l'article 18 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires alors en vigueur prévoit que : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. " En application de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, le médecin du travail, pour la fonction publique hospitalière, compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. Lorsque la commission statue sur le cas d'un sapeur-pompier professionnel, son secrétariat informe le médecin de sapeurs-pompiers désigné par le préfet sur proposition du directeur départemental des services d'incendie et de secours. Ces médecins peuvent obtenir, s'ils le demandent, communication du dossier de l'intéressé. Ils peuvent présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion de la commission. Ils remettent obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 ci-dessous. " 5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la lettre que le CIAS d'Aire-sur-l'Adour a adressé à Mme A... le 23 janvier 2018 ainsi que de l'avis émis par la commission de réforme du 27 avril 2018 que cette commission n'a pas été saisie d'une demande de Mme A... correspondant à l'un des cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 du décret du 14 mars 1986 ou à l'un des cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 de l'arrêté du 4 août 2004 mais d'une demande d'avis du CIAS concernant sa mise à la retraite d'office pour invalidité. Par suite, Mme A... ne peut pas utilement se prévaloir de ce que le médecin de prévention n'a pas remis un rapport à la commission de réforme avant qu'elle ne rende son avis, alors, au demeurant, que cette commission était en possession du rapport établi par le médecin de prévention le 26 avril 2017, lequel concluait déjà, à cette date, à son inaptitude définitive. 6. En deuxième lieu, il résulte des articles 3 et 16 de l'arrêté susvisé du 4 août 2004 que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 7. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme s'est prononcée au vu du rapport d'un médecin rhumatologue agréé, qui a conclu que les pathologies dont elle était atteinte présentaient un caractère purement dégénératif et étaient dès lors sans lien avec le service. En outre l'appelante ne produit aucun élément médical permettant de remettre en cause ce diagnostic ou de considérer que sa situation médicale présenterait une complexité particulière. Dans ces conditions, il n'apparait pas manifeste que la présence d'un médecin spécialiste des pathologies dont elle est atteinte était nécessaire pour éclairer l'examen de son cas. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 doit être écarté. 8. En troisième et dernier lieu, si l'appelante fait valoir que le médecin agréé l'a examinée le 2 novembre 2017 à la demande du comité médical en vu d'apprécier son inaptitude définitive à toutes fonctions puis qu'il a remis son rapport à la commission de réforme le 31 janvier 2018 sans l'examiner à nouveau, elle n'établit ni même ne soutient que l'évolution de son état de santé ou que les examens médicaux qu'elle aurait subis postérieurement au 2 novembre 2017 seraient de nature à établir l'imputabilité au service de cette pathologie ni, par voie de conséquence, que le rapport du médecin agréé n'était plus d'actualité lors de la réunion de la commission de réforme du 27 avril 2018. 9. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse du 25 février 2019 a été prise au vu d'un avis irrégulier de la commission de réforme. Sur l'imputabilité au service de l'invalidité de Mme A... : 10. Aux termes de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. ". 11. Il ressort du certificat médical établi à sa demande par son médecin généraliste le 4 décembre 2018 que Mme A... souffre d'une gonarthrose fémoro-tibiale bilatérale ainsi que de rachialgies lombaires invalidantes. Ce certificat précise qu'au vu des examens pratiqués ces pathologies présentent un caractère " fortement dégénératif " et qu'elle souffrait déjà de ces pathologies antérieurement à son entrée dans le service en 2006, même si elles se sont depuis " majorées ". En outre, il ressort également des rapports établis par un médecin agréé les 2 novembre 2017 et 31 janvier 2018 que ces pathologies sont purement dégénératives et associées à une obésité morbide. Au vu de ces éléments, en se bornant à faire valoir que son état de santé s'est régulièrement aggravé depuis son entrée en service et à se prévaloir de l'attestation établie par son nouveau médecin généraliste le 21 mai 2019, lequel indique seulement, sans remettre en cause le diagnostic établi, qu'eu égard aux seuls examens paracliniques qu'il a pratiqué le même jour et à l'activité professionnelle de l'intéressée, il lui paraît " très probable " que les lésions douloureuses dont elle souffre soient imputables au service, l'appelante n'est fondée à soutenir ni qu'elle ne présentait aucun état antérieur ni que les pathologies dont elle souffre n'auraient pas évolué pour leur propre compte mais auraient au contraire été causées par les gestes répétitifs liés à son travail d'aide à la personne exécutés depuis 2006. Enfin, si elle entend également se prévaloir, dans ses dernières écritures, du tableau n° 79 des maladies professionnelles figurant à l'annexe II à l'article R. 461-3l du code de la sécurité sociale, qui retient l'imputabilité aux " travaux comportant des efforts ou des ports de charges exécutés habituellement en position agenouillée ou accroupie " des " lésions chroniques à caractère dégénératif du ménisque isolées ou associées à des lésions du cartilage articulaire ", il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'appelante souffrirait de cette dernière pathologie dont elle n'a jamais fait état ni, a fortiori, sollicité qu'elle soit reconnue imputable au service. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que les pathologies invalidantes dont elle souffre n'étaient pas imputables au service et ont, par suite, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2019 par laquelle le président du CIAS d'Aire-sur-l'Adour a rejeté son recours gracieux tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ces mêmes pathologies. Par suite, ces conclusions ainsi les conclusions de la requête à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre du CIAS doivent être rejetées. 13. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du CIAS d'Aire-sur-l'Adour tendant à l'application des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision du directeur de la CNRACL du 25 janvier 2019 sont renvoyées devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté. Article 3 : Les conclusions du CIAS d'Aire-sur-l'Adour tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au centre intercommunal d'action sociale d'Aire-sur-l'Adour et à la caisse des dépôts et consignations. Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Laurent Pouget, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 septembre 2023. Le rapporteur, Manuel B... Le président, Laurent PougetLa greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21BX03452 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 8ème chambre, 02/10/2023, 22PA00725, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au Tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a refusé de prendre en charge sa demande d'appareillage auditif au titre de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de la décision du 24 avril 2019 en tant que lui a été refusée la prise en charge de l'intégralité du coût de ses prothèses auditives. Par jugement n° 1923752/5-3 du 15 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 novembre 2018 et la décision 24 avril 2019 en tant qu'elle refuse partiellement de prendre en charge les appareils auditifs de M. A... et a condamné la caisse nationale militaire de sécurité sociale à lui rembourser les sommes qu'il a dû verser, sous déduction de celles déjà prises en charge le cas échéant par des organismes de sécurité sociale et de protection sociale complémentaire, avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 19 novembre 2019 puis à chaque échéance annuelle. Procédure devant la Cour : Par requête et un mémoire enregistrés les 16 février 2022 et 20 février 2023, la caisse nationale militaire de sécurité sociale, représentée par son directeur, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1923752/5-3 du 15 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Elle soutient que : - le jugement attaqué a méconnu les dispositions de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - en remboursant les prothèses auditives de M. A... uniquement à hauteur de 2 800 euros et non intégralement, la CNMSS a fait une juste application de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de la nomenclature de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L.165-1 du code de la sécurité sociale concernant les aides auditives. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, M. A..., représenté par Me Haushalter, conclut au rejet de l'appel de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, à la confirmation du jugement n° 1923752/5-3 du 15 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris et à la condamnation de l'Etat à verser la somme de 2 000 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 27 avril 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et créant un recours administratif préalable obligatoire en matière de pensions militaires d'invalidité ; - le décret n° 2018-1292 du 28 décembre 2018 pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - l'arrêté du 14 novembre 2018 portant modification des modalités de prise en charge des aides auditives et prestations associées au chapitre 3 du titre II de la liste des prestations prévues à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, première conseillère, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., né le 29 octobre 1950, militaire de carrière est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 85 % concédée par un arrêté du 29 mars 2016 à compter du 9 avril 2014 en raison notamment de séquelles de traumatisme sonore avec perte de sélectivité et hypoacousie bilatérale. Le 13 septembre 2018, des prothèses auditives lui ont été prescrites et le 12 novembre 2018, M. A... en a sollicité la prise en charge sur le fondement de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par décision du 19 novembre 2018, le directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) a refusé de faire droit à cette demande avant finalement d'accepter de les prendre en charge à hauteur de 2 800 euros par décision du 24 avril 2019. Par jugement n°1923752/5-3 du 15 décembre 2021, dont la CNMSS relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 novembre 2018 et la décision du 24 avril 2019 en tant qu'elle refuse partiellement de prendre en charge les appareils auditifs de M. A... et a condamné la CNMSS à lui rembourser les sommes qu'il a dû verser, sous déduction de celles déjà prises en charge le cas échéant par des organismes de sécurité sociale et de protection sociale complémentaire, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 19 novembre 2019 puis à chaque échéance annuelle. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension. Les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l'Etat dans les conditions prévues par le présent code, tant que l'infirmité en cause nécessite l'appareillage. Les produits et prestations pris en charge par l'Etat sont ceux prévus à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans les conditions définies par cet article ou par les dispositions du présent code. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article D. 211-7 de ce code : " Le droit au bénéfice des dispositions des articles L. 212-1, L.213-1 et L. 221-1 suit le sort de la pension d'invalidité ". 3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche descriptive des infirmités portant décision d'attribution d'une pension militaire d'invalidité du 11 avril 2016 que si une pension militaire d'invalidité a été attribuée à M. A... au titre des " Séquelles de traumatisme sonore avec perte de sélectivité. Hypoacousie bilatérale. Origine par preuve blessure reçue par le fait du service le 13/01/1982 - Hors guerre " avec un taux de 10 % + 15, seule l'infirmité " séquelles de traumatisme sonore avec perte de sélectivité lui a ouvert un droit à pension au taux de 10 % + 15 et que l'hypoacousie est en relation avec l'infirmité pensionnée. Il s'ensuit que dès lors que l'hypoacousie dont souffre M. A... ne lui a pas ouvert un droit à pension spécifique mais est seulement associée à une perte de sélectivité, elle ne peut être regardée comme une infirmité ayant motivé son droit à pension au sens des dispositions précitées de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et lui ouvrant ainsi droit, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, à la prise en charge par l'État des frais liés à cette infirmité. Or, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la prescription médicale du 13 septembre 2018 du docteur B... et de l'audiogramme du même jour que les prothèses auditives prescrites à M. A... ont pour objectif de corriger la surdité de perception et non sa perte de sélectivité. Par suite, la CNMSS est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 19 novembre 2018 et la décision du 24 avril 2019 en tant qu'elle refuse la prise en charge de l'intégralité du coût de ses prothèses auditives en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris. Sur les autres moyens invoqués par M. A... en première instance : 5. En premier lieu, M. A... soutient que le directeur de la CNMSS s'est volontairement abstenu de solliciter les services de son médecin conseil, praticien de référence en charge de l'analyse et de l'interprétation des examens médicaux. Toutefois il n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, et notamment pas des textes qui imposeraient un tel recours au médecin conseil. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision du 19 novembre 2018 attaquée pour ce motif ne peut qu'être écarté. 6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, le directeur de la CNMSS aurait entaché la décision du 19 novembre 2018 d'un détournement de pouvoir. Par suite, ce moyen n'est pas fondé. 7. En troisième lieu, M. A... soutient qu'aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne fait mention de caractéristiques audiométriques tonales spécifiques définissant les critères de prise en charge des appareillages pour des hypoacousies. Toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que comme indiqué au point 3, l'hypoacousie dont souffre le requérant ne lui a pas ouvert un droit à pension spécifique et ne constitue pas une infirmité lui donnant droit à pension au sens des dispositions précitées de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision du 19 novembre 2018 après avoir mentionné l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précise que les caractéristiques de l'hypoacousie figurant sur la fiche descriptive des infirmités de M. A... ne permettent pas sa prise en charge au titre de cet article. En outre, la décision du 24 avril 2019 du directeur de la CNMSS précise, quant à elle, que bien que " les conditions règlementaires de prise en charge ne soient pas totalement satisfaites, la CNMSS accepte, à titre exceptionnel, de prendre en charge vos audioprothèses, au titre de l'article L.213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ". Cette décision ajoute que la prise en charge aura lieu selon le devis établi le 8 novembre 2018 sur la base du tarif de responsabilité de la sécurité sociale fixé dans la liste des produits et prestations remboursables (LPPR), à 1 400,00 euros par appareil, soit 2 800 euros pour les deux audioprothèses. Les décisions attaquées comportent ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement et sont, suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions ne peut qu'être écarté. 9. En dernier lieu, la circonstance que les aides auditives ou audio prothèses et prestations associées soient inscrites dans la liste des produits et prestations prévues à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale n'est pas susceptible d'ouvrir droit à M. A..., contrairement à ce qu'il soutient, à la prise en charge par l'Etat de l'intégralité des frais liés à son appareillage auditif nécessité par son hypoacousie dès lors que comme indiqué au point 3 du présent arrêt, l'hypoacousie dont il souffre ne lui a pas ouvert un droit à pension spécifique et ne constitue ainsi pas une infirmité ayant motivé son droit à pension au sens des dispositions précitées de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 10. Il résulte de tout ce qui précède que la CNMSS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 novembre 2018 et la décision du 24 avril 2019 en tant qu'elle refuse partiellement de prendre en charge les appareils auditifs de M. A... et l'a condamné à lui rembourser les sommes qu'il a dû verser, sous déduction des sommes déjà prises en charge le cas échéant par des organismes de sécurité sociale et de protection sociale complémentaire, avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 19 novembre 2019 puis à chaque échéance annuelle. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du 15 décembre 2021 du tribunal et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal, de même que les conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1923752/5-3 du 15 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel présentées devant la Cour sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et à M. C... A.... Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement, - Mme Collet, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 octobre 2023. La rapporteure, A. COLLET Le président, F. HO SI FAT La greffière, N. COUTY La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00725
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de TOULOUSE, , 28/09/2023, 22TL21969, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse suivante : Mme A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne à lui verser une provision de 71 560 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'une maladie imputable au service. Par une ordonnance n° 2203247 du 29 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 septembre 2022 sous le n° 22TL21969, Mme C..., représentée par Me George, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 29 août 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) de lui accorder, à titre principal, une provision d'un montant de 71 560 euros ou, à titre subsidiaire, d'un montant de 14 312 euros, à la charge du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne ; 3°) de condamner le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande de provision en réparation de préjudices extrapatrimoniaux est justifiée par la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail entre le 31 août 2012 et le 5 novembre 2013 et le 26 novembre 2013 jusqu'à sa consolidation au 9 mars 2021 ; - la créance est établie avec un degré de certitude suffisant pour demander une provision de 15 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la période allant du 31 août 2012 au 9 mars 2021 et à une provision de 56 000 euros au titre du préjudice d'incapacité fonctionnelle permanente de 25 % retenu par la commission de réforme le 1er juillet 2021 ; - le juge des référés a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître les droits acquis par la décision d'imputabilité au service du 9 décembre 2014 ; - le juge des référés a commis une erreur d'appréciation ; - le juge des référés aurait dû au moins accorder une provision d'un montant de 14 312 euros au regard du taux de déficit fonctionnel permanent de 5 % qu'il a implicitement reconnu comme une créance non sérieusement contestable. Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2023, le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne, représenté par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la créance revêt un caractère sérieusement contestable en ce qu'elle repose sur les seules allégations de la requérante et non sur des éléments du dossier ; - il résulte des consultations psychiatriques qui se sont succédées entre 2013 et 2021 que la requérante est victime de rechutes dépressives, lesquels sont causées par la procédure contentieuse qu'elle a elle-même initiée et non par le seul accident imputable au service de 2012 ; - Mme C... bénéficie depuis la date de son premier arrêt maladie, le 31 août 2012, d'un traitement brut mensuel de 2 451,49 euros ; - elle a été indemnisée de ses préjudices extrapatrimoniaux par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juillet 2021 revêtu de l'autorité de la chose jugée ; elle n'est pas fondée à demander une nouvelle indemnisation sur le fondement de ces mêmes préjudices, en vertu du principe non bis in idem. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., fonctionnaire employée par le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne, a été placée en congé maladie à compter du 31 août 2012. Elle a repris ses fonctions à mi-temps thérapeutique entre le 5 et 26 novembre 2013 puis a de nouveau été arrêtée pour raisons médicales. Son arrêt maladie initial a été reconnu comme un accident imputable au service par une décision du président de l'établissement public du 9 décembre 2014. La commission de réforme des agents des collectivités territoriales a estimé dans son avis du 1er juillet 2021 que la date de consolidation de cet accident devait être fixée au 9 mars 2021 et proposé de retenir un taux d'incapacité permanente partielle de 25 %. L'intéressée a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2023 et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a décidé le 14 juin 2023 de lui attribuer une rente d'invalidité au taux de 25 % prenant effet le 1er février 223. Mme C... avait aussi saisi le tribunal administratif de Toulouse sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à ce que le syndicat mixte soit condamné à lui verser une provision de 71 560 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service. Elle fait appel de l'ordonnance du 29 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande. Sur la fin de non-recevoir : 2. L'autorité de chose jugée attachée à une décision de justice rendue sur une demande indemnitaire porte sur l'ensemble des chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime, causés par le même fait générateur et dont elle supporte la charge financière, à l'exception de ceux qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, se sont aggravés ou ne se sont révélés dans toute leur ampleur que postérieurement à la première réclamation préalable de la victime ou de ceux qui ont été expressément réservés dans sa demande. 3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 12 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le refus d'octroi de la protection fonctionnelle opposé à Mme C..., enjoint à l'établissement public de lui accorder ladite protection et a fait droit à sa demande d'indemnisation en raison du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle avait été victime à hauteur de 6 000 euros. La demande de provision qui fait l'objet du présent appel porte sur les préjudices liés aux conséquences dommageables de l'accident de service. Les conclusions de l'appelante portent ainsi sur un objet distinct et sont sans incidence sur l'autorité de chose jugée dont est doté l'arrêt devenu définitif lu le 12 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne ne peut être accueillie. Sur la demande de provision : 4. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant. 5. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait. 6. Ainsi qu'il a été exposé au point 1, par un avis du 1er juillet 2021, la commission départementale de réforme a retenu une consolidation de l'état de santé de Mme C... au 9 mars 2021 et un taux d'incapacité permanente partielle de 25 % conformément à l'expertise médicale réalisée par le docteur D... du 9 mars 2021. Par un arrêté du 2 février 2023, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a radié l'intéressée des cadres et l'a admise à la retraite pour invalidité puis par une décision du 14 juin 2023 lui a accordé le bénéfice d'une rente d'invalidité de 25 % en application de l'article 37 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales en raison de l'imputabilité au service de son état de santé. Contrairement à ce qu'oppose le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne, la requérante apporte ainsi bien la preuve d'un préjudice, non seulement par les nombreux rapports médicaux faisant état de la dégradation de son état de santé imputable au service mais aussi par l'évaluation du taux d'incapacité en résultant. Si le syndicat fait valoir que le syndrome anxiodépressif dont souffre l'appelante n'est pas uniquement lié au seul accident imputable au service mais résulte de la procédure contentieuse ultérieure qu'elle a elle-même initiée, il résulte des rapports d'expertise du docteur D... que Mme C... n'avait aucun état antérieur de troubles psychologiques avant les événements de 2012 et sa prise de poste, et que sa pathologie a été entièrement causée par la dégradation de ses conditions de travail. La circonstance également avancé en défense que dans un rapport du 22 octobre 2020, le docteur B... a fixé la date de consolidation de l'appelante au 31 août 2015 et le taux d'incapacité permanente partielle à 5 %, n'est pas susceptible de rendre sérieusement contestable l'obligation pesant sur l'administration dès lors que ces conclusions n'ont pas été retenues par la commission de réforme puis par la Caisse nationale de retraites des collectivités locales qui ont admis le taux de 25 %. Dans ces conditions, les préjudices invoqués par Mme C... sont en lien direct avec l'accident du service dont elle a été victime et l'obligation de réparation de ce préjudice par le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne n'est pas sérieusement contestable. 7. La circonstance invoquée en défense que la requérante ait perçu un plein traitement depuis le 31 août 2012 est sans incidence s'agissant de la réparation d'un préjudice lié à la détérioration de son état de santé imputable au service. Eu égard à la situation de la requérante, âgée de 42 ans à la date de consolidation, aux conséquences sur son état de santé évoquées dans le rapport d'expertise susmentionné et au taux de 25 % d'incapacité retenu par le médecin expert, il sera fait une juste appréciation du préjudice lié à cette incapacité en fixant sa réparation à hauteur de 40 000 euros. Mme C... a également été victime d'un déficit fonctionnel temporaire durant la période comprise entre le 31 août 2012 et le 9 mars 202. Il sera fait une juste appréciation du préjudice en lien eu égard aussi au rapport d'expertise du docteur D... en lui accordant la somme de 5 000 euros. 8 Il suit de là qu'en l'état de l'instruction la créance dont se prévaut Mme C... à l'encontre du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 45 000 euros. Il y a lieu de condamner cet établissement public à lui verser une provision de ce montant. Sur les frais liés au litige : 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requérante présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne tendant à l'application du même article ne peuvent qu'être rejetées. O R D O N N E : Article 1er : L'ordonnance n° 2203247 du 29 août 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulée. Article 2 : Le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne est condamné à verser une somme de 45 000 euros à Mme C... à titre de provision, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Les conclusions du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C... et au syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne Toulouse. Fait à Toulouse, le 28 septembre 2023. Le président, J-F. MOUTTE La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, La greffière en chef, N°22TL21969 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/10/2023, 21NT03724, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 21 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'alignement de sa pension militaire d'invalidité sur celle applicable aux militaires de la marine nationale ayant un grade équivalent. Par un jugement n° 1905856 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 30 décembre 2021, régularisée le 25 février 2022, et un mémoire récapitulatif enregistré au greffe de la cour le 16 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Louvel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 décembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 21 février 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui verser la somme de 7 838,97 euros, au titre de ses arrérages de pension pour la période du 1er octobre 1989 au 11 octobre 2012 ; 4°) à titre subsidiaire, de lui verser la somme à 2 316,23 euros, pour la période du 1er janvier 2003 au 11 octobre 2012 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - son recours devant le tribunal administratif n'était pas tardif dans la mesure où il est fondé à se prévaloir de circonstances particulières qui font obstacle à l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat Czabaj ; il n'a été informé qu'en 2009 qu'il pouvait prétendre à une revalorisation de sa pension ; - la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle créé une discrimination entre les militaires de l'armée de terre et ceux de la marine nationale ainsi qu'entre lui et ses collègues placés dans une situation similaire qui ont bénéficié de cette revalorisation ; - il justifie d'un préjudice moral résultant de la discrimination subie par rapport à ses " frères d'armes ". Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 octobre et 1er décembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et que c'est à juste titre que le tribunal administratif a jugé que sa requête était tardive et par suite irrecevable. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Me Louvel, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant-chef dans l'armée de terre, bénéficie depuis le 3 mars 1988 d'une pension militaire d'invalidité. A plusieurs reprises, l'intéressé a sollicité la revalorisation de cette pension sur la base de l'indice, plus favorable, appliqué aux militaires de la marine nationale. Par une décision du 21 février 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 décembre 2021, rejetant sa requête tendant à la revalorisation de sa pension et à l'indemnisation de son préjudice moral. Sur la tardiveté de la demande de M. B... : 2. Aux termes de l'article 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, repris à l'article L. 154-4 du même code : " I- Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise ; 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces au vu desquels l'arrêté de concession a été pris sont reconnues inexactes, ou bien en ce qui concerne le grade ou les circonstances du décès, ou bien en ce qui concerne l'état des services, ou bien en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, ou bien en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) ". 3. M. B... ne conteste ni une erreur matérielle de liquidation de sa pension, ni une erreur dans les faits ayant conduit à ce que cette pension lui soit concédée. Par suite, il n'entre pas dans les prévisions des dispositions précitées, lui permettant de solliciter sans délai la révision de sa pension militaire d'invalidité. 4. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, repris à l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er novembre 2019, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II de ce code, à l'exception de celles entrant dans le champ d'application des dispositions citées au point 2, sont susceptibles de recours devant les juridictions compétentes dans le délai de six mois à compter de leur notification. 5. M. B... s'est vu, en dernier lieu, attribuer à titre définitif une pension militaire d'invalidité au taux de 35 % par un arrêté du 5 juillet 1994. Il aurait donc dû solliciter la révision de sa pension dans les six mois suivant la notification de cette décision. S'il n'est pas contesté que l'intéressé a eu connaissance de cette décision au plus tard le 1er septembre 1994, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'il aurait été régulièrement informé des voies et délais de recours lui permettant de contester notamment l'indice retenu par l'administration pour le calcul de cette pension. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Rennes a jugé que ce délai de six mois, prévu par le décret du 20 février 1959 puis par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne lui était pas opposable. 6. Toutefois, ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 7. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, il n'est pas contesté que M. B... a eu connaissance de l'arrêté du 5 juillet 1994 au plus tard le 1er septembre 1994 ainsi qu'en atteste le certificat d'inscription au grand livre de la dette publique produit en première instance par le ministre. L'intéressé soutient qu'il n'a été informé de la faculté de solliciter la révision de sa pension afin de bénéficier des modalités de calcul retenues pour les militaires de la marine nationale qu'au cours de l'année 2009 à la suite d'un jugement du tribunal des pensions de Paris rendu le 19 janvier 2005. Il se prévaut également des attestations de deux militaires de l'armée de terre, ayant également le grade de caporal-chef, qui ont bénéficié de cette revalorisation en 2015 et 2016. Ces décisions anciennes qui concernent la situation de tiers, ne sont toutefois pas de nature à établir que M. B..., qui dans la présente instance sollicite l'annulation d'une décision du 21 février 2019, était dans l'impossibilité de contester sa propre pension militaire d'invalidité concédée par l'arrêté du 5 juillet 1994 dans un délai raisonnable d'un an à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le recours présenté par l'intéressé le 27 mai 2019 devant le tribunal des pensions militaires de Rennes était tardif et par suite irrecevable. Sur les conclusions pécuniaires et indemnitaires présentées par M. B... : 8. M. B... sollicite d'abord la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 7 838,97 euros au titre de ses arrérages de pension pour la période du 1er octobre 1989 au 11 octobre 2012, et à titre subsidiaire, la somme à 2 316,23 euros, pour la période du 1er janvier 2003 au 11 octobre 2012 mais ces conclusions doivent être rejetées par voir de conséquence des motifs développés aux points 6 et 7 du présent arrêt. Il demande en outre de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi à raison de l'illégalité du refus de révision de sa pension militaire d'invalidité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par des arrêtés des 14 mars 2016 et 27 mars 2017 prenant effet au 23 novembre 2013, l'intéressé a bénéficié à titre purement gracieux d'une revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que cette revalorisation serait insuffisante. Au vu de ces décisions, l'intéressé ne justifie pas davantage du préjudice moral qu'il invoque. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT03724
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/10/2023, 22NT01202, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'une part, d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande regardée comme tendant à " la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité ", d'autre part, de dire que l'infirmité diagnostiquée - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande - est imputable au service, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 1905896 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, M. B..., représenté par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 26 février 2019 de la ministre des armées ; 3°) de dire qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au titre de ses épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -la maladie dont il souffre - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif - est une maladie nouvelle, distincte des plaques pleurales, qui doit être reconnue imputable au service en application des dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; tous les éléments médicaux versés aux débats confirme ce diagnostic ; on ne saurait rattacher la gêne pulmonaire due aux épaississements pleuraux, qui sont caractérisés par un syndrome " restrictif ", à une broncho pneumopathie post tabagique laquelle entraine un trouble ventilatoire obstructif ; - son exposition au risque amiante est incontestable et les épaississements pleuraux dont il est atteint sont en lien direct et certain avec cette exposition. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le ministre des armées, qui se réfère à l'avis du médecin émis le 11 juillet 2023, laisse le soin à la cour de préciser si M. B... peut bénéficier d'une pension pour l'infirmité " Insuffisance respiratoire mixte. Taux global de 40%. Taux non imputable : 30% lié à la bronchopneumopathie chronique post tabagique. Taux imputable : 10% restant était lié au syndrome restrictif en lien avec les épaississements pleuraux et l'atélectasie secondaire à l'exposition à l'amiante ". Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui est né le 13 août 1953, a effectué sa carrière militaire dans la marine nationale du 1er octobre 1972 à 1979 puis de 1981 au 1er mai 1992, date de radiation des contrôles. Il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30% à titre définitif qui lui a été concédée par un arrêté du 5 septembre 2016, pour l'infirmité " plaque pleurales bilatérales calcifiées ", maladie résultant d'une exposition professionnelle à l'amiante constatée le 5 avril 2006. Il a présenté, le 6 novembre 2017, une demande de pension d'invalidité pour infirmité nouvelle au titre d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande, demande réceptionnée par la direction des pensions le 15 novembre 2017. Par une décision du 26 février 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande aux motifs " que cette pathologie n'était qu'une conséquence de sa première maladie et qu'aucune aggravation de l'infirmité n'avait été constatée après expertise médicale réglementaire ". Sur la légalité de la décision du 26 février 2019 : 2. M. B... a, le 7 août 2019, contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Il relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande dirigée contre la décision ministérielle du 26 février 2019 et sollicite que l'infirmité diagnostiquée - épaississements pleuraux - soit déclarée comme une maladie nouvelle et reconnue imputable au service. 3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " . 4. M B... soutient, comme en première instance, que la maladie dont il souffre - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif - est une maladie nouvelle distincte des plaques pleurales et qui doit être reconnue imputable au service en application des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que M. B... est atteint de plaques pleurales bilatérales calcifiées au titre desquelles il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis le 11 juin 2007, au taux définitif de 30%. Il est également atteint d'une broncho pneumopathie obstructive post tabagique, ainsi que le rappelle d'ailleurs le requérant, infirmité évaluée à 10% et non imputable au service en l'absence de relation médicale certaine, directe et déterminante avec l'autre infirmité imputable, maladie qui a fait l'objet d'une décision de rejet de demande de pension militaire d'invalidité le 12 novembre 2013 et qui n'est pas contestée par l'intéressé. D'autre part, l'expert après avoir relevé, dans son rapport en date du 4 octobre 2018, que " le contrôle fonctionnel respiratoire [de M. B...] s'était dégradé " a conclu à une " majoration du syndrome interstitiel et des plaques pleurales entrainant une majoration de l'obstruction bronchique ". Par ailleurs, au vu de ces conclusions et de la demande présentée à son administration par M. B..., confirmée d'ailleurs dans la requête visée ci-dessus, le médecin, conseiller technique auprès du ministère, saisi par l'administration, a, dans son avis du 11 juillet 2023, retenant " une insuffisance respiratoire mixte ", confirmé la majoration de l'obstruction respiratoire et a alors proposé de reconnaître une infirmité nouvelle. Il a indiqué que " le taux global de cette infirmité pouvait être estimé à 40% ", étant alors précisé que " 30% se rattachait à la bronchopneumopathie chronique post tabagique et que les 10% restant était lié au syndrome restrictif en lien avec les épaississements pleuraux et l'atélectasie secondaire à l'exposition à l'amiante ". Sur la base de ces dernières constatations médicales, qui ne sont pas contestées par l'administration, il y a lieu de retenir une infirmité nouvelle " insuffisance respiratoire mixte ". Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant, par la décision contestée du 26 février 2019, de reconnaitre cette nouvelle infirmité et en rejetant sa demande, que l'administration a au demeurant à tort comprise comme une demande d'aggravation de son infirmité " plaque pleurales bilatérales calcifiées ", la ministre des armées a commis une illégalité. Sur le droit de M. B... à obtenir une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle : 6. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : (...) 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, l'infirmité nouvelle résultant de l'existence " d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande " a été évaluée à un taux de 10%, soit un pourcentage inférieur au taux minimum requis par l'article L. 121-5 du code précité pour ouvrir droit à pension militaire d'invalidité au titre d'une infirmité. 7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est, d'une part, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 26 février 2019, entachée d'illégalité, refusant de reconnaitre comme une infirmité nouvelle sa maladie résultant de l'existence " d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande ", et d'autre part, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le même jugement, sa demande de pension a été rejetée. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905896 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Rennes et la décision du ministre des armées du 26 février 2019 sont annulés. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande présentées par M. B... est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22NT01202 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de PARIS, 8ème chambre, 02/10/2023, 22PA04309, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 avril 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " gonalgies chroniques sur gonarthrose compartimentaire interne et fémoropatellaire débutante " et de lui accorder une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % à compter du 7 février 2017. Par jugement n° 1925022/5-3 du 27 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 24 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Swennen, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1925022/5-3 du 27 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 19 avril 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité ; 3°) de lui accorder une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % à compter du 7 février 2017 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du 19 avril 2018 est insuffisamment motivée ; -l'infirmité " gonalgies chroniques sur gonarthrose compartimentaire interne et fémoropatellaire débutante " dont il souffre constitue une blessure au sens de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2023, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, première conseillère, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Swennen, avocat de M. E... A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 21 janvier 1981, est entré en service dans l'armée de terre le 14 mai 2001 et est toujours en position de service actif. Par une demande enregistrée le 7 février 2017, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en raison de l'infirmité " gonalgies chroniques sur gonarthrose compartimentaire interne et fémoropatellaire débutante ". Par décision du 19 avril 2018, le ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité de cette infirmité de 20 % est inférieur au minimum indemnisable de 30 % requis pour l'ouverture d'un droit à pension, lorsqu'il s'agit d'une maladie contractée en temps de paix et que l'infirmité invoquée ne peut être regardée comme une blessure, en l'absence de lésion soudaine, mais doit être considérée comme une maladie. Suite au recours formé par M. A... contre cette décision, le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a, par jugement avant dire droit du 27 septembre 2019, ordonné une mesure d'expertise confiée au docteur B... qui a déposé son rapport le 29 mars 2021. Par jugement n° 1925022/5-3 du 27 juillet 2022, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris, auquel sa requête a été transférée, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. En premier lieu, la décision du 19 avril 2018 du ministre des armées comporte, la mention des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté. 3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1 ° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". 4. Il résulte de l'instruction, et notamment du livret médical militaire de M. A... que l'intéressé a souffert dès le 19 septembre 2006 de gonalgie gauche, mention réitérée les 2 et 24 octobre 2006 suivie de l'indication le 12 février 2007 de l'existence d'un problème au niveau de la rotule du genou lesquels peuvent être rattachés à l'infirmité " gonalgies chroniques sur gonarthrose compartimentaire interne et fémoropatellaire débutante " pour laquelle il sollicite le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité. 5. Par suite, s'il est constant d'une part, qu'il a été victime le 18 août 2008 d'un accident lors d'une séance de sport au cours de laquelle il a ressenti un craquement et des douleurs au genou gauche lors du démarrage d'un sprint succédant à un footing de huit kilomètres et le 2 février 2017, alors qu'il était en opération extérieure en Crête, d'une vive douleur au genou gauche alors qu'il jouait au bowling, ces incidents survenus au cours d'activités sportives en service ne peuvent toutefois, pas être regardés compte tenu des antécédents de 2006 et de 2007 comme des blessures au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre mais sont liés à une maladie. Les circonstances que le capitaine D... ait, sur le rapport circonstancié du 28 août 2018, coché la case " origine de blessure " et que le lieutenant-colonel C... ait transmis une déclaration d'affection présumée imputable au service ne sont pas de nature à remettre en cause la qualification de maladie de l'infirmité en cause. 6. D'autre part, si le docteur B... a considéré dans son rapport déposé le 29 mars 2021 que l'infirmité de M. A... résulte d'une blessure, il résulte de l'instruction que dans ce rapport il ne fait aucune mention des antécédents de 2006 et 2007 et indique, d'ailleurs, au contraire que " l'interrogatoire du jour ne retrouve aucun antécédent ni médical ni chirurgical ayant un rapport avec les faits qui nous occupent ". Il s'ensuit que la qualification juridique donnée par l'expert à cette infirmité ne peut davantage être retenue pour remettre en cause celle de maladie de l'infirmité invoquée et qui a été retenue à juste titre par le ministre des armées dans la décision contestée. 7. Par suite, dès lors que cette maladie n'est à l'origine que d'un taux d'invalidité de 20 % inférieur au seuil minimal de 30 % prévu par les dispositions précitées l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, elle ne peut lui ouvrir droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement, - Mme Collet, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 octobre 2023. La rapporteure, A. COLLET Le président, F. HO SI FAT La greffière, N. COUTY La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04309
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 18/06/2025, 23DA01334, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'ordonner une expertise afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé, les préjudices qu'elle a subis et leur imputabilité aux agissements reprochés au département du Nord, et, à titre subsidiaire, de condamner le département du Nord à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019 et de leur capitalisation. Par un jugement n° 2003038 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné le département du Nord à verser la somme de 2 000 euros à Mme B..., cette somme étant assortie des intérêts et de leur capitalisation. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 juillet 2023, le 1er septembre 2024 et le 18 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Stienne-Duwez, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ; 2°) à titre principal, d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue de ses préjudices ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner le département du Nord à lui verser la somme de 152 800 euros en réparation de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 26 décembre 2020 ; 4°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - la responsabilité sans faute du département du Nord est engagée en raison du syndrome anxio-dépressif et de la fibromyalgie dont l'imputabilité au service a été reconnue ; - le département du Nord a également engagé sa responsabilité pour faute dès lors qu'il a manqué à son obligation de veiller à la sécurité et à la santé au travail de ses agents entre 2012 et 2014 ; - la responsabilité pour faute de l'administration est encore engagée en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral à compter de 2011 se rapportant au refus de reconnaître son statut de directrice adjointe, à sa surcharge de travail, à l'absence d'affectation en dépit d'un avis favorable de la commission de réforme, à son affectation comme conseiller de territoire qui ne tient compte ni de ses candidatures, ni de son état de santé, ni encore de son statut, et à la dégradation de ses conditions de travail ; - ces agissements ont porté atteinte à sa santé physique et mentale et ont compromis son avenir professionnel ; - il est nécessaire de diligenter une expertise afin d'évaluer la part de son déficit fonctionnel permanent imputable aux agissements de l'administration, ainsi que le montant de ses préjudices ; - les souffrances endurées doivent être évaluées à la somme de 70 000 euros ; - elle subit un préjudice d'agrément évalué à 10 000 euros ; - elle subit un préjudice de carrière, résultant notamment d'une absence de promotion au grade supérieur, évalué à 25 000 euros ; - elle justifie d'un déficit fonctionnel permanent de 30 % qui doit être réparé par l'octroi d'une somme de 52 800 euros. Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juillet 2024 et le 24 septembre 2024, le département du Nord, représenté par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel permanent est nouvelle en appel et par suite irrecevable ; - la requérante ne peut obtenir que l'indemnisation de ses préjudices temporaires sur le fondement de la responsabilité sans faute dès lors que son état n'est pas consolidé ; - les manquements reprochés à l'administration dans l'obligation de veiller à la sécurité et à la santé au travail de ses agents ne sont pas établis ; - les agissements dénoncés par la requérante ne sont pas de nature à révéler une situation de harcèlement moral ; - la mesure d'expertise demandée ne revêt aucun caractère d'utilité dès lors que la requérante n'apporte aucun élément permettant d'en justifier l'existence, hormis les préjudices pour lesquels elle propose un chiffrage ; - les souffrances endurées ne sauraient être évaluées à un montant supérieur à 2 000 euros ; - le préjudice d'agrément et le préjudice de carrière ne sont pas établis ; - le déficit fonctionnel permanent évalué à 30 % par le médecin agréé n'est pas imputable en totalité à la maladie professionnelle. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraites ; - le code civil ; - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public, - et les observations de Me Dantec, représentant le département du Nord. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ingénieure territoriale principale du département du Nord, a été nommée le 21 mars 2007 en qualité de directrice adjointe à la direction de l'administration générale, puis, en mars 2011, comme chargée de mission à la direction du développement des ressources humaines et, à compter du 1er février 2012, en qualité de chef de projet à la direction des services au personnel au sein de la direction générale des ressources. Elle a été victime d'une chute sur son lieu de travail en octobre 2012, nécessitant un arrêt de travail du 30 octobre 2012 au 31 janvier 2013. Mme B..., qui a présenté le 19 mai 2014 un malaise à l'annonce de la suppression de son poste par la directrice générale adjointe des ressources, a alors été placée en congé de maladie pour dépression. Sur avis favorable de la commission de réforme du 29 mai 2015, le département du Nord a pris un arrêté le 3 juillet 2015 reconnaissant l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif de Mme B..., permettant de la placer rétroactivement en congé de maladie imputable au service à compter du 20 mai 2014. Elle n'a pas retrouvé son poste alors que la commission de réforme avait rendu le 18 décembre 2015 un avis favorable à une reprise à temps partiel thérapeutique. Par un courrier du 26 décembre 2019, Mme B... a saisi le département du Nord d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'elle impute à sa maladie professionnelle, aux manquements reprochés à l'administration dans son obligation d'assurer la santé et la sécurité au travail de ses agents, et aux faits de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime. En l'absence de réponse du département, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en sollicitant, à titre principal, une mesure d'expertise appelée à se prononcer sur la date de sa consolidation et l'étendue de ses préjudices, et, à titre subsidiaire, la condamnation du département du Nord à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation de ses souffrances endurées, de son préjudice d'agrément et de son préjudice de carrière. Par un jugement du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Lille, après avoir estimé qu'une expertise ne revêtait aucun caractère d'utilité, a condamné le département du Nord à verser la somme de 2 000 euros à Mme B... en réparation des souffrances endurées à titre temporaire et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Mme B... relève appel de ce jugement en réitérant devant la cour, à titre principal, une mesure d'expertise, et en demandant, à titre subsidiaire, la condamnation du département à lui verser la somme de 152 800 euros en réparation de ses préjudices. Sur la responsabilité du département du Nord : En ce qui concerne l'action en responsabilité pour faute : S'agissant de la méconnaissance par l'administration de son obligation de veiller à la sécurité et à la santé des agents : 2. Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Il résulte du premier alinéa de l'article 3 du même décret que : " les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". 3. Mme B... soutient avoir informé le département du Nord à de nombreuses reprises de la surcharge de travail à laquelle elle devait faire face depuis 2011 et de l'impact de cette situation sur son état de santé. Toutefois, si elle s'est plainte dans des courriels des 6 septembre 2012 et 26 mars 2013 d'une charge de travail trop importante en raison selon elle d'une situation de sous-effectif, il résulte de l'instruction, notamment de son courriel du 28 mai 2013 et du courriel d'un collègue daté du 29 janvier 2013, que l'administration n'a été alertée des difficultés professionnelles éprouvées par la requérante qu'à l'issue de son congé de maladie du 30 octobre 2012 au 3 janvier 2013, rendu nécessaire par une fracture du coccyx. A cet égard, Mme B... a continué à travailler à distance au cours des mois d'octobre et novembre 2012, durant son congé de maladie, sans que cela lui soit demandé par sa hiérarchie. Le département du Nord soutient, sans être sérieusement contredit, que l'intéressée n'a pas présenté de demande de reprise dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, comme l'y avait pourtant invité son employeur par un courriel du 23 janvier 2013, et qu'elle a repris ses fonctions contre l'avis de son médecin, après avoir refusé la prolongation de son arrêt de travail. Il résulte encore de l'instruction, notamment du courriel adressé par Mme B... à sa supérieure hiérarchique le 4 juin 2013 qu'étant en principe en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 7 juin suivant, elle a elle-même souhaité " reprendre la main sur le dossier PSC " et participer à une réunion, alors même que son supérieur hiérarchique avait demandé qu'elle en soit déchargée compte tenu de cet arrêt de travail et avait demandé à une collègue de la remplacer à la réunion. S'il lui a été demandé le 1er mai 2013, pendant un jour férié, de modifier un document afin de le transmettre en urgence à l'autorité destinataire, il ne ressort pas des courriels des 3 septembre 2012, 12 janvier 2013, 27 août 2013 et 25 janvier 2014 que ses supérieurs hiérarchiques auraient eu pour habitude d'exiger d'elle la réalisation de tâches professionnelles au cours de jours de repos ou de ses congés annuels. Il résulte au contraire de l'instruction que la requérante prenait l'initiative de répondre aux courriels pendant ses jours de repos sans y être sollicitée. Alors que, par un courriel du 9 septembre 2013, le directeur général chargé des ressources a donné pour instruction de ne pas confier le dossier relatif à l'ouverture d'un site de covoiturage à Mme B..., déjà mobilisée par le dossier sur la protection sociale complémentaire, l'intéressée a réagi en indiquant sa volonté de conserver la main sur l'ensemble de ses missions. Afin de tenir compte de la charge de travail de Mme B..., sa supérieure hiérarchique l'a déchargée le 25 mars 2014 du dossier se rapportant au " plan départemental d'administration ", à la suite de quoi, selon les termes de son courriel du même jour, elle a " craqué " et a été placée en congé de maladie du 25 mars au 3 avril 2014. Les craintes pour sa santé, dont Mme B... a fait état auprès de son employeur, sont ainsi contredites par le comportement qu'elle a adopté par ailleurs, se montrant disponible pendant ses jours de repos et ses périodes d'arrêt pour maladie et refusant d'être dessaisie de ses dossiers. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, elle n'est pas fondée à soutenir que le département du Nord aurait méconnu l'obligation de veiller à sa sécurité et à sa santé au travail. S'agissant de l'existence d'un harcèlement moral : 4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, repris depuis à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". En application du second alinéa de l'article 6 quinquies, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 135-6 A du code général de la fonction publique, aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération le fait qu'il ait témoigné d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou qu'il les ait relatés. 5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 6. En premier lieu, Mme B... soutient avoir accepté, en 2012, une nomination à la direction des services au personnel sous réserve de son maintien dans l'emploi de directrice adjointe qui était le sien dans ses précédentes fonctions. Si elle reproche à l'employeur d'avoir méconnu sa promesse, il résulte de l'instruction, notamment de son courriel du 12 juin 2012, que l'administration a maintenu l'ensemble des avantages dont elle bénéficiait dans l'emploi de directrice adjointe, notamment son niveau de rémunération. Par ailleurs, il ressort des courriels échangés sur ce point que le directeur général chargé des ressources a souhaité attendre qu'une décision soit prise sur l'évolution envisagée de la direction des services au personnel, dans le cadre de la réorganisation des services alors envisagée et qui conduira d'ailleurs à la suppression de cette direction en 2014. Si Mme B... soutient n'avoir jamais été officiellement nommée par voie d'arrêté, elle reconnaît elle-même dans son courriel du 17 septembre 2014 que les cadres du département du Nord sont désignés par notes de service. Mme B... soutient avoir appris la suppression de son poste de manière soudaine et brutale le 19 mai 2014. Toutefois, il ressort des éléments qu'elle produit sur ce point, corroborés par l'argumentation de l'administration, qu'elle a alors été informée de la suppression de la direction des services au personnel, laquelle n'a été mise en œuvre que six mois plus tard dans le cadre d'une réorganisation des services. La demande faite à Mme B... en octobre 2014 de restituer son véhicule de service est justifiée par son absence prolongée du service, consécutive à son congé de maladie depuis le mois de mai 2014, et par la nécessité de réaffecter ce véhicule à d'autres agents du département. Cette demande, qui vise à répondre aux besoins du service, est conforme aux instructions appliquées par le département du Nord à l'ensemble des utilisateurs. Dans ces conditions, les éléments avancés par Mme B... se rapportant au refus de reconnaître son statut, de l'affecter officiellement sur l'emploi de directrice adjointe et de la priver de son véhicule de service ne sont pas de nature à faire présumer un harcèlement moral. 7. En deuxième lieu, Mme B... soutient avoir dû faire face à une surcharge de travail à compter de l'année 2011 sans aucun soutien de sa hiérarchie qui la sollicitait pendant ses jours de repos et ses congés de maladie. Toutefois, les éléments qu'elle produit sur ce point ne font état de difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions qu'à partir de son affectation à la direction des services au personnel, au cours de l'année 2012. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il ressort des courriels produits par la requérante qu'elle a continué à travailler durant son congé de maladie à la fin de l'année 2012 sans que cela lui soit demandé, qu'elle a refusé la prolongation de son arrêt de travail au début de l'année 2013 et a repris ses fonctions contre l'avis de son médecin sans y être obligée par l'employeur. Sa hiérarchie a désigné en juin 2013 un agent afin de remplacer Mme B... à une réunion de travail, ce à quoi elle s'est opposée en indiquant " reprendre la main sur le dossier PSC ". Tenant compte de la surcharge de travail de Mme B... et de son état de santé, le directeur général chargé des ressources a décidé en septembre 2013 de ne pas lui confier le dossier relatif à l'ouverture d'un site de covoiturage, tandis que la directrice générale adjointe lui a retiré en mars 2014 le dossier correspondant au " plan départemental d'administration ". Mme B..., qui s'est opposée à ces mesures, prenait l'initiative, sans que cela lui soit demandé, de répondre aux courriels professionnels adressés pendant ses congés de maladie, à titre d'information. Les circonstances que sa hiérarchie l'ait sollicitée le 1er mai 2013, qui est un jour férié, et n'a pas pu apporter de réponse à ses demandes de renfort en effectifs n'impliquent pas une volonté délibérée de l'administration de la mettre en difficulté. Par suite, eu égard en outre à ce qui a été dit au point 3, les arguments de Mme B... se rapportant à sa surcharge de travail ne font pas présumer une situation de harcèlement moral. 8. En troisième lieu, Mme B... soutient n'avoir reçu aucune affectation correspondant à son grade en dépit d'un avis de la commission de réforme du 18 décembre 2015 favorable à une reprise d'activité dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique. Toutefois, le département du Nord produit à l'instance un courrier du directeur adjoint des ressources humaines du 14 janvier 2016 qui, prenant acte de l'avis précité, invite Mme B... à contacter la direction d'appui ainsi que la médecine de prévention en vue de sa reprise. L'administration précise que, conformément à ce courrier, le médecin du travail a examiné la requérante le 23 février 2016 et a préconisé une reprise à temps partiel sur un poste correspondant à ses compétences et lui permettant de reprendre le travail en confiance. Mme B... a été reçue le lendemain à la direction des ressources humaines qui l'a accompagnée dans sa recherche de poste. Si la requérante indique avoir postulé à six reprises sur des postes de direction au cours de l'année 2016, sans être retenue à l'issue des entretiens de recrutement, l'administration précise, sans être contredite, qu'elle a été affectée sur un emploi de chargée de projet à la direction de l'organisation et du management du changement, dont il n'est pas allégué qu'il n'aurait pas correspondu aux qualifications de l'intéressée. Il ressort du courrier du 20 février 2019, produit en défense, que le poste de Mme B... a été reconfiguré dans le cadre d'une nouvelle réorganisation, et que l'administration lui a alors proposé un poste de conseiller de territoire au sein de la direction adjointe sports et culture pour une durée provisoire de six mois, afin de l'accompagner dans sa réorientation professionnelle. Si la requérante soutient que le département du Nord l'a laissée sans emploi, en dépit des démarches d'accompagnement précitées, et que le poste de conseiller de territoire est provisoire et ne correspond pas à ses précédentes fonctions de directrice adjointe, il ressort des conclusions de l'expertise médicale du 14 mai 2019 que les pathologies dont elle est atteinte ne lui permettaient pas de toute façon de reprendre son activité professionnelle, même partiellement, à la date du 23 février 2016 et qu'une reprise d'activité professionnelle n'est pas envisageable même à la date de l'expertise. Dans ces conditions, alors que le département du Nord a reconnu l'imputabilité au service du syndrome dépressif de Mme B..., permettant sa prise en charge jusqu'à son départ à la retraite pour invalidité, il ne résulte pas de l'instruction que les manquements reprochés dans une éventuelle reprise d'activité révèleraient un harcèlement moral. 9. En quatrième lieu, Mme B... soutient que ses conditions de travail difficiles sont à l'origine d'une dégradation de son état de santé. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 7, que ses difficultés professionnelles, consécutives à une situation de sous-effectif, résulteraient d'agissements constitutifs de harcèlement moral. La circonstance que le syndrome dépressif dont est atteinte la requérante a été reconnu imputable au service n'implique pas non plus l'existence d'une telle situation de harcèlement. Au demeurant, la dégradation de l'état de santé de Mme B... résulte pour partie de sa fibromyalgie, qui n'est pas liée à son activité professionnelle. 10. En dernier lieu, Mme B... ne produit aucun élément laissant présumer l'existence de mesures ou d'agissements mis en œuvre par l'administration pour compromettre son avenir professionnel. 11. Il résulte de ce qui précède que les éléments dont fait état Mme B..., pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent ni de faire présumer l'existence d'agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral ni d'établir, compte tenu des éléments apportés en défense, une telle situation de harcèlement. En ce qui concerne l'action en responsabilité sans faute : 12. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou atteints de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. L'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité doivent ainsi être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou un préjudice d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 13. Il résulte de l'instruction, notamment des conclusions de l'expertise du 18 mars 2015, que Mme B... a présenté à compter de mai 2014 un stress aigu avec décompensation anxio-dépressive réactionnelle à des difficultés professionnelles, que le médecin a regardé comme directement imputable à ces difficultés en l'absence notamment d'état antérieur. S'appuyant sur cette expertise, la commission de réforme a rendu un avis favorable le 29 mai 2015 à l'imputabilité au service de la maladie dépressive de Mme B.... Le département du Nord, qui a pourtant reconnu le caractère professionnel de la pathologie de la requérante par un arrêté du 3 juillet 2015, soutient en appel que cette maladie serait en rapport avec un trouble préexistant de la personnalité et du comportement, sans lien avec ses fonctions professionnelles. Il se réfère sur ce point à une expertise réalisée par un médecin généraliste le 26 janvier 2021 qui, si elle fait état d'un trouble de l'humeur récurrent et persistant " possiblement en rapport avec un trouble de la personnalité et du comportement ", précise que cette affection psychiatrique existe depuis 2014, sans remettre en cause les constatations faites par le médecin psychiatre lors de l'expertise précitée du 18 mars 2015, dont il résulte que la dépression de la requérante est imputable au service. En revanche, il ressort du certificat établi le 14 janvier 2015 par un praticien du centre hospitalier régional universitaire de Lille que le syndrome polyalgique dont souffre la requérante a fait son apparition en 2011, sous la forme de douleurs diffuses, pour s'aggraver au fil du temps. Si certains médecins consultés par Mme B..., s'en tenant aux propos de l'intéressée, ont indiqué que ce syndrome, diagnostiqué comme une fibromyalgie, présente un lien avec les conditions de travail, l'expert chargé de se prononcer le 11 septembre 2023 sur l'inaptitude définitive de l'intéressée et l'imputabilité au service de ses pathologies, n'a retenu à ce dernier titre que la névrose à composante dépressive réactionnelle, excluant explicitement la fibromyalgie. Dans son avis du 24 novembre 2023, le comité médical s'est d'ailleurs prononcé en faveur d'une inaptitude définitive en retenant la seule dépression comme imputable au service. Si Mme B... indique encore présenter un kyste pancréatique, il n'est pas établi que cette pathologie, diagnostiquée en 2018 comme un cystadénome mucineux, présenterait un lien avec le service, ce que l'expert consulté le 11 septembre 2023 a également exclu. 14. Par suite, Mme B... ne peut prétendre, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'administration de garantir ses agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de sa pathologie dépressive. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander la réparation de ses préjudices résultant de cette pathologie dépressive, seule reconnue comme maladie professionnelle. Sur les préjudices : En ce qui concerne la demande d'expertise : 16. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ". 17. Pour solliciter une mesure d'expertise à titre principal, Mme B... soutient dans le dernier état de ses écritures que l'état de l'instruction ne permet pas de se prononcer sur ses préjudices et sur le taux de son incapacité permanente imputable au service. 18. Toutefois, si la requérante recommande de confier à l'expert désigné la mission d'évaluer différents chefs de préjudice, qu'elle énumère dans ses écritures, elle n'expose aucun élément de nature à laisser supposer l'existence de la plupart de ces préjudices, tels les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté, une assistance par une tierce personne, un préjudice scolaire ou universitaire, un préjudice esthétique, un préjudice sexuel ou encore un préjudice d'établissement. Si la liste proposée par Mme B... comporte également les dépenses de santé et les pertes de gains professionnels, elle n'allègue pas même avoir supporté des frais médicaux ou des pertes de revenus en dépit de la prise en charge de sa maladie professionnelle par le département du Nord. En outre, il appartient à l'intéressée d'apporter les éléments justifiant du préjudice d'agrément et du préjudice de carrière dont elle sollicite la réparation, sans qu'il soit besoin d'une expertise médicale sur ce point. Les éléments produits au dossier, notamment les nombreuses expertises médicales réalisées depuis 2015, sont suffisants pour se prononcer sur l'existence et l'évaluation des souffrances qu'elle a endurées. Enfin, la requérante produit en appel le procès-verbal du conseil médical du 24 novembre 2023 qui, reprenant les conclusions d'une expertise médicale du 11 septembre précédent, mentionne qu'elle reste atteinte d'une incapacité permanente partielle de 30 % en raison de son seul syndrome dépressif, reconnu imputable au service. Elle se prévaut également du rapport d'expertise du 12 mars 2024 qui, rappelant ce taux d'incapacité de 30 %, retient une consolidation de son état de santé à la date du 31 juillet 2024. Dans ces conditions, une mesure d'expertise judiciaire n'est pas utile avant que le juge se prononce sur l'étendue de cette incapacité et son imputabilité. En ce qui concerne l'évaluation des préjudices : 19. En premier lieu, les premiers juges ont évalué, à la date de leur décision rendue avant consolidation, les souffrances endurées subies par Mme B... à la somme de 2 000 euros en retenant comme imputables au service sa pathologie dépressive et la fibromyalgie dont elle est également atteinte. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis de la commission de réforme du 29 mai 2015 et de l'avis du comité médical du 24 novembre 2023 que seul le syndrome dépressif est imputable au service, à l'exclusion notamment de la fibromyalgie. Pour autant, les nombreuses expertises médicales produites à l'instance font état du sentiment d'inutilité, de dévalorisation et de solitude éprouvé par l'intéressée, de sa culpabilité pathologique, et de sa profonde souffrance morale en lien avec son incapacité à reprendre une activité professionnelle, qui ont perduré jusqu'au 31 juillet 2024, date de sa consolidation, pendant plus d'un an après l'évaluation faite par les premiers juges. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation des souffrances endurées subies par Mme B... en raison de sa maladie professionnelle jusqu'au 31 juillet 2024, date de sa consolidation, en l'évaluant à la somme de 2 000 euros. 20. En deuxième lieu, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué. 21. D'une part, si Mme B... n'avait demandé devant le tribunal administratif de Lille que l'indemnisation des souffrances qu'elle a endurées, de son préjudice d'agrément et de son préjudice de carrière, pour un montant total de 100 000 euros, elle n'était pas en mesure de chiffrer le préjudice résultant d'un déficit fonctionnel permanent en l'absence de consolidation de son état de santé à la date du jugement attaqué. La requérante, qui fait état des résultats d'une expertise médicale réalisée le 12 mars 2024 retenant le 31 juillet 2024 comme date de consolidation de son état de santé, est donc recevable à augmenter en appel le montant de ses prétentions au titre de son déficit fonctionnel permanent. 22. D'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte d'une expertise du 11 septembre 2023 dont les conclusions ont été reprises dans l'avis du comité médical du 24 novembre suivant, que Mme B... reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 30 % en raison de son seul syndrome dépressif, reconnu imputable au service. Contrairement à ce que soutient le département du Nord, il ne ressort pas de l'expertise réalisée par un médecin généraliste le 26 janvier 2021 que cette affection psychiatrique résulterait en partie d'un état antérieur impliquant une réduction de ce taux d'incapacité. Compte tenu de l'âge de l'intéressée, née le 7 août 1958, à la date de sa consolidation, et du déficit fonctionnel permanent de 30 % dont elle est atteinte, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant pour elle de son incapacité définitive en lui allouant la somme de 50 000 euros. 23. En troisième lieu, Mme B... ne produit pas plus en appel qu'en première instance de pièce justifiant d'une activité culturelle, sportive, associative ou autre qu'elle aurait pratiquée avant le début de sa pathologie dépressive et dont elle aurait été privée en raison de cette maladie. La demande présentée sur ce point ne peut qu'être rejetée. 24. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 12 qu'une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite ou une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. En outre, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions pour l'obtention de cette rente ou de cette allocation fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. Dans ces conditions, les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière résultant selon elle de l'absence de promotion au grade supérieur, lequel relève de l'incidence professionnelle, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les intérêts et leur capitalisation : 25. Aux termes du premier alinéa de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ". Aux termes de l'article 1343-2 du même code : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". 26. Ainsi qu'elle le demande, Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 52 000 euros à compter du 27 décembre 2019, date de réception de sa demande indemnitaire par le département du Nord, et à la capitalisation de ces intérêts à compter du 27 décembre 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. 27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité le montant des réparations à la somme de 2 000 euros, qu'il y a lieu de porter à 52 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts et de leur capitalisation dans les conditions précisées au point précédent. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord une somme de 2 000 euros, à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La somme que le département du Nord a été condamné à verser à Mme B... en réparation de ses préjudices par le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2003038 du 11 mai 2023 est portée à 52 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts à compter du 27 décembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 27 décembre 2020, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2003038 du 11 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le département du Nord versera une somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au département du Nord. Délibéré après l'audience publique du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Geneviève Verley-Cheynel, présidente de la cour, - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2025. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de la cour, Signé : G. Verley-CheynelLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01334
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 27/05/2025, 23TL02343, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme G... J..., veuve A..., MM. D... et C... A... et Mmes F... et E... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État à leur verser la somme globale de 146 427 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de leur époux, père et grand-père. Par une ordonnance n° 2203277 du 25 juillet 2023, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 septembre 2023 et le 22 avril 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme G... J..., veuve A..., MM. D... et C... A... et Mmes F... et E... A..., représentés par Me Labrune, demandent à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Toulouse du 25 juillet 2023 ; 2°) de condamner l'État à leur verser la somme globale de 146 427 euros, assortie des intérêts à taux légal à compter du 14 février 2022, date de leur demande préalable, et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée : - l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que leur demande a été rejetée sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sans invitation préalable à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative ; - ils produisent la preuve du dépôt de leur demande préalable indemnitaire, à savoir l'accusé de réception par le ministre, de cette demande. En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée en défense : - leur créance n'est pas prescrite dès lors que le délai de prescription quadriennale n'a pu commencer à courir qu'à compter du jour où ils ont disposé d'informations suffisantes selon lesquelles la pathologie qui a entraîné le décès de leur époux, père et grand-père pouvait être imputable à l'État ; or, le caractère radio-induit du cancer qui a entraîné le décès de H... A... n'a été reconnu que par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 novembre 2017, et ce n'est que le 5 septembre 2018 que le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires leur a adressé une proposition d'indemnisation d'un montant de 35 509 euros au titre de l'action successorale ; dès lors le délai de prescription quadriennale a été interrompu, en application du 5ème alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, par la demande faite à l'État de verser les sommes dues et un nouveau délai de quatre ans a commencé à courir à la suite de la décision de ce comité au cours duquel ils sont saisi le ministre des armées d'une demande préalable. En ce qui concerne le bien-fondé de leur créance : - indépendamment de l'action successorale ouverte par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ils sont fondés, en qualité de victimes par " ricochet ", à engager la responsabilité pour faute de l'État en vue d'obtenir la réparation intégrale des préjudices qu'ils ont subis du fait du décès de H... A... des suites d'un cancer dont le caractère radio-induit a été admis ; - il existe un lien de causalité direct et essentiel entre le cancer développé par H... A... et les rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français, le myélome étant inscrit dans la liste publiée annexée au décret d'application n° 2010-653 du 11 juin 2010 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 précitée ; - l'État a commis une carence fautive lors de l'exposition de H... A... aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires en ne prenant pas les mesures nécessaires pour le protéger contre les risques liés à ces rayonnements et prévenir l'apparition de la maladie qui a causé son décès ; en particulier, H... A... n'a bénéficié d'aucune protection individuelle contre les risques auxquels il était exposé, d'aucune formation spécifique en matière de radioprotection, d'aucune information sur les risques encourus tandis que la surveillance radiobiologique mise en œuvre était insuffisante au regard de l'ensemble de ses conditions concrètes d'exposition ; - les mesures de sécurité mises en œuvre lors des campagnes d'expérimentations nucléaires étaient aléatoires et insuffisantes, la surveillance dont l'intéressé a bénéficié sur site se limitant au port de deux dosimètres au cours de son mois d'affectation ; en dépit de sa présence en zone contrôlée le 1er mai 1962, jour de l'accident lié à l'essai souterrain dit " B... ", il n'a jamais bénéficié d'un examen de contamination interne complet et fiable, en particulier il n'a subi aucune anthropogammamétrie, ni analyse des urines de 24 heures, ni analyse des selles ; - ils sont fondés à demander la réparation de leurs préjudices extra-patrimoniaux et patrimoniaux du fait du traumatisme consécutif à la maladie qui a entraîné le décès de H... A... dans les conditions suivantes : * s'agissant de Mme G... A..., épouse de H... A... : 30 000 euros au titre de son préjudice moral d'affection, 20 000 euros au titre de son préjudice moral d'accompagnement et 6 388,39 euros au titre des frais d'obsèques exposés pour le décès de son conjoint ; * s'agissant de MM. D... et C... A..., fils de H... A... : 30 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral d'affection et 5 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral d'accompagnement ; * s'agissant de Mmes F... et E... A..., petites-filles de H... A... : 10 000 euros chacune au titre de leur préjudice moral d'affection. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que : À titre principal, la créance dont se prévalent les consorts A... était prescrite en application de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : - la créance des appelants était définitivement prescrite au plus tard le 1er janvier 2017, lorsqu'ils ont saisi le ministère des armées d'une demande d'indemnisation le 14 février 2022 ; - Mme G... A... ayant eu connaissance de l'existence de sa créance au jour du décès de son époux, le point de départ de la prescription doit être fixé au 1er janvier 2011 ; subsidiairement, le point de départ de la créance en litige pourrait être fixé au 1er janvier 2013, l'intéressée disposant d'indications suffisantes lui permettant d'imputer le décès de son époux au fait de l'État lorsqu'elle a saisi le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires d'une demande d'indemnisation en sa qualité d'ayant-droit de son époux décédé ; - en tout état de cause, les fils et petites-filles des époux A... ne peuvent être regardés comme ignorant l'origine du dommage qu'ils estiment avoir subi en qualité de victimes indirectes dès lors, d'une part, que les enfants du défunt étaient majeurs et présents aux côtés de leur père durant le diagnostic de sa pathologie et tout au long de sa maladie et, d'autre part, qu'il est impossible que Mme G... A... n'ait pas exposé à son entourage familial la teneur et les motifs des démarches entreprises auprès du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires ; - le droit à réparation des préjudices propres d'une personne décédée transmis à ses ayants-cause lors de son décès dans le cadre de l'action successorale, et le droit à réparation des préjudices propres des ayants-droit et des victimes indirectes, constituant des créances distinctes fondées sur des faits générateurs distincts, la proposition d'indemnisation formulée par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires a seulement eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale à l'égard de la créance née de l'action successorale exercée par Mme G... A.... À titre subsidiaire, il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre la pathologie du défunt et son exposition aux rayonnements ionisants durant son affectation au Sahara : - les consorts A... ne peuvent se prévaloir ni de la présomption d'imputabilité instituée à l'article 2 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 dans le cadre de leur demande d'indemnisation fondée sur le droit commun de la responsabilité ni de la seule circonstance que la pathologie du défunt figure dans la liste issue du décret d'application n° 2014-1040 du 15 septembre 2014, une simple présomption n'étant pas de nature à établir l'existence d'un lien de causalité direct entre cette maladie et l'exposition aux rayonnements ionisants ; - les appelants ne peuvent davantage se prévaloir de l'article L. 121-2-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour établir l'imputabilité de la maladie de H... A... à son activité de service dès lors que ces dispositions instituent une simple présomption d'imputabilité applicable seulement en matière d'appréciation des droits à pension ; - la maladie présentée par H... A... n'a été diagnostiquée qu'en 2008, soit 46 ans après son départ des sites d'expérimentation des essais nucléaires, de sorte que la seule circonstance selon laquelle il ne présentait aucun antécédent médical ou personnel est insuffisante pour caractériser l'existence d'un lien direct avec sa maladie et son exposition aux rayons ionisants. Par une ordonnance du 25 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 25 avril 2025 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre, première conseillère, - et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. H... A... a été affecté, en tant que personnel du ministère de la défense, du 20 avril au 26 mai 1962, au centre d'expérimentations nucléaires des Oasis à In Amguel en Algérie (Sahara). Au cours de cette période, un essai nucléaire y a été réalisé par la France. En 2008, M. A... a été atteint d'un myélome, dont il est décédé le 21 mars 2010. Par une lettre du 30 juillet 2012, Mme G... A... née J..., sa veuve agissant en qualité d'ayant-droit, a saisi le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires d'une demande tendant l'indemnisation des préjudices subis par son défunt époux sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Par une décision du 1er octobre 2014, le ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement n° 1402903 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision du 1er octobre 2014 et enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de proposer à Mme G... A... une indemnisation tendant à la réparation intégrale des préjudices subis par son défunt mari. Par une lettre du 5 septembre 2018, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires a adressé une proposition d'indemnisation de 35 509 euros au titre de l'action successorale. Par une lettre du 14 février 2022, Mme G... A..., MM. D... et C... A... et Mmes F... et E... A..., respectivement veuve, fils et petites-filles de H... A..., ont saisi le ministre des armées d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices propres qu'ils estiment avoir subis en tant que victimes indirectes du fait du décès de leur époux, père et grand-père. Le silence gardé par le ministre des armées sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Les consorts A... relèvent appel de l'ordonnance du 25 juillet 2023 par laquelle le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme manifestement irrecevable leur demande tendant à la condamnation de l'État à leur verser la somme globale de 146 427 euros en réparation des préjudices propres qu'ils estiment avoir subis à la suite du décès de leur époux, père et grand-père, H... A.... Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation ". En application de ces dispositions, la requête est irrecevable en l'absence de production soit de la décision attaquée ou d'un document en reprenant le contenu, soit de l'accusé de réception de la réclamation adressée à l'administration ou de toute autre pièce permettant d'établir une telle réception. À défaut de production de tels éléments à l'appui de la requête, cette irrecevabilité est susceptible d'être régularisée par la production en cours d'instruction de ces mêmes justificatifs, y compris le cas échéant après l'expiration du délai de recours contentieux. 3. D'autre part, en vertu des deux premiers alinéas de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et, lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. 4. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif. Toutefois, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. 5. En second lieu, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ". 6. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de ces dernières dispositions sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. 7. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique. 8. Il ressort des pièces du dossier que dans son mémoire en défense enregistré le 23 juin 2023 devant le tribunal administratif, le ministre des armées a opposé une fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux au motif que si les consorts A... s'étaient prévalus d'une demande indemnitaire adressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 février 2022, ils ne justifiaient ni de l'envoi ni de la réception de cette lettre. Le même jour, le greffe du tribunal a communiqué ce mémoire aux consorts A... en les invitant à produire, le cas échéant, leurs observations. Toutefois, cette communication ne comportait ni d'invitation à régulariser la requête, en produisant notamment la preuve de l'envoi de la demande préalable, ni d'indication sur les conséquences susceptibles de s'attacher à l'absence de régularisation dans le délai imparti. Par suite, en se fondant sur les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la requête des consorts A... comme manifestement irrecevable, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Toulouse a, compte tenu de la règle rappelée au point précédent, entaché son ordonnance d'irrégularité, alors même que les consorts A... avaient été mis en mesure de répondre à la fin de non-recevoir opposée en défense. Dès lors, cette ordonnance doit être annulée. 9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les consorts A... devant le tribunal administratif de Toulouse. Sur l'exception de prescription quadriennale opposée en défense : 10. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État (...) et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". L'article 2 de la même loi dispose que : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". 11. Il résulte de ces dispositions que, s'agissant des créances recouvrant les conséquences d'une exposition aux rayonnements ionisants, le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle le créancier est en mesure, d'une part, de connaître le dommage dans sa réalité et son étendue et, d'autre part, de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration. 12. M. H... A... étant décédé le 21 mars 2010, l'ampleur et le caractère définitif des conséquences dommageables dont les consorts A... demandent réparation pour eux-mêmes doivent être regardés comme connus à cette date. Il résulte de l'instruction que Mme J... veuve A... a saisi le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, le 30 juillet 2012, d'une demande d'indemnisation, en sa qualité d'ayant-droit de son époux décédé, des préjudices subis par ce dernier en raison de son exposition aux rayons ionisants résultant des essais nucléaires français sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Dans ces conditions, à la date de cette demande d'indemnisation devant le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, Mme J... veuve A... doit être regardée comme ayant eu connaissance d'indications suffisantes selon lesquelles le dommage personnel qu'elle a subi en qualité d'épouse de M. H... A... pouvait être imputable au fait de l'État. Il résulte également de l'instruction, en particulier des attestations sur l'honneur produites à l'appui de leur requête et des liens familiaux existants entre les consorts A..., que MM. C... et D... A..., fils majeurs de M. H... A..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs F... et E..., s'agissant de M. D... A..., doivent également être regardés comme ayant eu connaissance d'indications suffisantes selon lesquelles les dommages personnels qu'ils ont subis, en leur qualité respective de fils et petites-filles de M. H... A..., pouvaient être imputables au fait de l'État au plus tard le 30 juillet 2012. Ainsi, le délai de prescription quadriennale ayant couru à compter du 1er janvier 2013, la réparation des préjudices personnels subis par les consorts A... ne pouvait être demandée que dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, soit jusqu'au 31 décembre 2016. 13. Si les consorts A... se prévalent de l'effet interruptif attaché au jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1402903 du 22 novembre 2017 et à la proposition d'indemnisation formulée par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires le 5 septembre 2018, ces actes et cette décision de justice afférents à la réparation des préjudices propres de M. H... A... se rapportent à la seule créance née de l'action successorale suivant le décès de l'intéressé, laquelle est distincte des créances en litige tendant à la réparation des préjudices propres des appelants, et procède ainsi d'une cause juridique différente. Par suite, la saisine du tribunal et la proposition d'indemnisation formulée par le comité d'indemnisation n'ont pas interrompu le cours de la prescription quadriennale. Or, les appelants n'ont sollicité l'indemnisation de leurs préjudices personnels résultant du décès de leur époux, père et grand-père que par une lettre recommandée avec accusé de réception du 14 février 2022 et n'ont accompli aucun acte interruptif pendant le délai de prescription quadriennale, laquelle était acquise, ainsi qu'il a été dit, le 31 décembre 2016. 14. Les créances indemnitaires invoquées par l'épouse, les fils et petites-filles de M. H... A... en réparation des préjudices personnels qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de ce dernier étant prescrites au 31 décembre 2016, en application du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, l'exception de prescription quadriennale opposée en défense par le ministre des armées doit, dès lors, être accueillie. 15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux, la demande présentée par les consorts A... devant le tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par les intéressés, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant en première instance qu'en appel. DÉCIDE: Article 1 : L'ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Toulouse n° 2203277 du 25 juillet 2023 est annulée. Article 2 : La demande présentée par les consorts A... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de leur requête d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... J... veuve A..., à M. D... A..., à M. C... A..., à Mme F... A..., à Mme E... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient : M. Faïck, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, F. Faïck La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23TL02343
Cours administrative d'appel
Toulouse