Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 11 mai 1993, 90PA00966, inédit au recueil Lebon
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 novembre 1990, présentée par Mme X..., demeurant ..., apt 141, 93400 Saint-Ouen ; Mme X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire émis le 2 juillet 1985 à son encontre par le centre hospitalier de Ville-Evrard pour le recouvrement de la somme de 1.232 F et à la condamnation du centre à lui rembourser cette somme et à lui verser des dommages et intérêts ;
2°) de condamner le centre hospitalier à lui verser les sommes de 1.232 F et 507,06 F avec intérêts et capitalisation des intérêts ainsi que 500 F à titre de dommages et intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la santé publique ;
VU la loi n° 83-25 du 19 janvier 1983 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 27 avril 1993 :
- le rapport de Mme LACKMANN, rapporteur,
- les observations de Me PAILLAT, avocat à la cour, substituant Me LACAN, avocat à la cour, pour le centre hospitalier spécialisé de Ville-Evrard,
- et les conclusions de Mme MESNARD, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le centre hospitalier de Ville-Evrard a émis le 2 juillet 1985 à l'encontre de Mme X... un état exécutoire de 1.232 F, montant du forfait journalier dû par l'intéressée en raison de son hospitalisation en placement volontaire dans cet établissement du 22 février 1985 au 19 avril 1985 ; que, par jugement du 4 juillet 1990, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet état exécutoire et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité de 507,06 F au titre des intérêts dus sur la somme précitée ainsi qu'une indemnité de 500 F à titre de dommages et intérêts ;
En ce qui concerne l'état exécutoire :
Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas du jugement attaqué que, pour rejeter sa demande, le tribunal se soit fondé sur les dispositions de l'article L.326 du code de la santé publique dans leur rédaction issue de la loi du 25 juillet 1985, non applicables en l'espèce ; qu'ainsi le moyen tiré de l'application par le tribunal d'un texte erroné doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L.333 du code de la santé publique relatives au placement volontaire des patients dans les établissements de soins dans le cadre de la lutte contre les maladies mentales sont expressément applicables aussi bien aux centres hospitaliers spécialisés publics qu'aux établissements privés consacrés aux aliénés ; qu'ainsi la circonstance que les dispositions de l'article L.353-2 du code de la santé publique prévoyant que toute personne soignée dans un établissement public ou privé, accueillant des malades atteints de troubles mentaux, dispose d'un certain nombre de droits dont notamment ceux de recevoir des visites, de refuser tout traitement, de communiquer avec l'extérieur, ne soient pas applicables aux établissements privés ou publics exclusivement consacrés aux aliénés, ne saurait interdire aux directeurs de ces établissements de recevoir des malades en placement volontaire; que, dès lors, Mme X... ne saurait exciper, de ce fait, de l'irrégularité de la décision du directeur du centre hospitalier de Ville-Evrard de l'admettre le 22 février 1985 dans son établissement en placement volontaire pour soutenir que l'état exécutoire attaqué manque de base légale ;
Considérant, enfin, que l'article 4 de la loi du 19 janvier 1983 dispose : "Un forfait journalier est supporté par les personnes admises dans les établissements hospitaliers ou médico-sociaux, à l'exclusion des établissements visés aux articles 52-1 et 52-3 de la loi du 31 décembre 1970 et de l'article 5 de la loi du 30 juin 1975. Ce forfait n'est pas pris en charge par les régimes obligatoires de protection sociale, sauf dans le cas des enfants et adolescents handicapés hébergés dans des établissements d'éducation spéciale ou professionnelle, des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, des bénéficiaires de l'assurance maternité et des bénéficiaires de l'article L.115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre" ; qu'aux termes de l'article L.326 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, "le dépistage et la prophylaxie des maladies mentales et déficiences mentales et de l'alcoolisme, ainsi que la postcure des malades ayant fait l'objet de soins psychiatriques ou de cures antialcooliques sont assurés par des dispensaires d'hygiène mentale fonctionnant dans le cadre des services départementaux d'hygiène sociale" ; que si selon l'article L.353 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 22 juillet 1983," les dépenses exposées en application de l'article L.326 sont à la charge de l'Etat sans préjudice de la participation des régimes d'assurance maladie aux dépenses de soins", il résulte des dispositions précitées de l'article L.326 que l'Etat n'était pas alors compétent pour connaître des actions de soins dispensées en établissement qui, jusqu'au 25 juillet 1985, étaient exclusivement prises en charge par la sécurité sociale sur la base du prix de journée pratiqué dans l'établissement concerné ; que, dès lors, le moyen selon lequel l'Etat aurait dû prendre en charge, au titre de l'article L.353 précité, le forfait journalier supporté par Mme X... lors de son hospitalisation doit être écarté ;
En ce qui concerne les dommages et intérêts :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions susvisées :
Considérant que Mme X... ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui résultant de l'application par le centre hospitalier de Ville-Evrard des dispositions de l'article 4 de la loi du 19 janvier 1983 relative au forfait journalier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dispose : "dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier de Ville-Evrard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X... une indemnité de 3.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.