Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de PARIS, 5ème chambre, 15/04/2025, 23PA04782, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions ministérielles des 18 novembre 2020 et 3 décembre 2020 refusant, pour la première, de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a déclaré le 12 février 2019 et la plaçant, pour la seconde, en congé de maladie ordinaire du 13 février au 31 décembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a présenté, le 19 janvier 2021, contre ces décisions. Par un jugement no 2110598 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2025, qui n'a pas été communiqué, Mme B..., représentée par le cabinet d'avocats Athon-Perez, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre aux ministres des ministères sociaux, à titre principal, de reconnaître l'accident de service qu'elle a déclaré le 12 février 2019 et de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel. Elle soutient que : - en l'absence de médecin psychiatre, la composition de la commission de réforme n'était pas conforme à l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - la décision refusant de reconnaître un accident de service est entachée d'une erreur de droit dès lors que les ministres, qui se sont estimés liés par l'avis émis par la commission de réforme, ont méconnu leur compétence ; - cette décision procède d'une inexacte appréciation de sa situation dès lors que la condition tenant à l'existence d'un fait accidentel survenu dans le temps et sur le lieu du service est remplie, et qu'aucune circonstance particulière ne détache le lien existant entre les troubles qu'elle a présentés suite à cet accident et le service. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la décision du 28 juin 2021 plaçant Mme B... en congé de longue maladie, devenue définitive, s'étant substituée à la décision du 3 décembre 2020 qui la plaçait en congé de maladie ordinaire, les conclusions dirigées contre cette décision sont devenues sans objet ; - les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 mars 2025 : - le rapport de Mme Milon, - les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique, - et les observations de Me Achard, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été détachée en 2006 puis intégrée, en 2007, au sein des ministères sociaux, après avoir exercé plusieurs années au sein de l'entreprise France Telecom. Affectée à la direction de la sécurité sociale, elle a été promue en 2019 secrétaire administrative de classe exceptionnelle. Victime d'un malaise survenu à la suite d'un entretien avec sa supérieure hiérarchique le 12 février 2019, Mme B... a déclaré un accident de service et a été placée en arrêt de travail à compter du 13 février 2019. Par une décision du 18 novembre 2020, sa demande tendant à la reconnaissance d'un accident de service survenu le 12 février 2019 et à son placement en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019 a été refusée et, par un arrêté du 3 décembre 2020, elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 13 février au 31 décembre 2019. Par un jugement rendu le 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 3 décembre 2020 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme B... doit être regardée comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux du 19 janvier 2021. Sur le moyen relatif à la composition de la commission de réforme : 2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date du 12 février 2019 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 10 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui régit la situation des fonctionnaires de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date du 18 novembre 2020 : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel, une commission de réforme ministérielle (...) composée comme suit : / (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du présent décret. (...) ". Le deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret, qui précise la composition du comité médical ministériel, prévoit que celui-ci comprend " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 13 de ce décret : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'octroi du congé de maladie ou de longue maladie susceptible d'être accordé en application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; / 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée dans les conditions prévues au titre VI bis ; / (...) / 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce même décret, alors applicable : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. / (...) ". 4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points précédents, alors en vigueur, qu'elles imposaient la présence d'un médecin spécialiste seulement lorsque la commission de réforme était consultée sur l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée. En l'espèce, la commission de réforme, qui n'était pas saisie d'une demande tendant au bénéfice d'un tel congé, pouvait ainsi valablement délibérer sans que participe à la délibération un médecin spécialiste de l'affection résultant de l'événement dont Mme B... demandait qu'il soit qualifié d'accident de service. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la procédure préalable à la décision attaquée aurait été irrégulière, faute pour la commission de réforme d'avoir compris un médecin psychiatre parmi ses membres. Sur le moyen d'erreur de droit : 5. Si Mme B... fait valoir que la décision du 18 novembre 2020 s'est appropriée le motif de l'avis défavorable émis par la commission de réforme, tenant à l'absence de fait accidentel, il ne résulte pas de cette seule circonstance que l'autorité compétente se serait crue en situation de compétence liée pour refuser de reconnaître l'existence d'un accident de service et, par suite, l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre. Le moyen d'erreur de droit doit être écarté. Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation : 6. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 2 du présent arrêt, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été convoquée à un entretien organisé par sa supérieure hiérarchique, Mme A..., le 12 février 2019 à 15h30 et qu'à la suite de cet entretien, elle s'est rendue à l'infirmerie, en état de stress et en pleurs, ce qui a conduit à solliciter le médecin de prévention et à faire intervenir les équipiers secouristes du ministère, qui l'ont mise en contact avec le médecin régulateur du SAMU, avant qu'elle ne soit autorisée à rentrer à son domicile. 8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que cet entretien inopiné a fait suite à l'attitude inadaptée que Mme B... avait elle-même adoptée à l'égard de deux stagiaires placés sous sa responsabilité, dont l'une avait fait un malaise, et que sa supérieure lui a demandé des précisions sur les circonstances de cet incident, qui lui avait été rapporté. Cet entretien avait ainsi un objet qui s'inscrivait dans le cadre de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 9. D'autre part, il ressort du registre des accidents du travail de l'infirmerie que Mme B... a déclaré, le 12 février après-midi, avoir eu " le coup de stress en trop ", sa cheffe lui reprochant d'avoir " parlé violemment aux stagiaires ". Si, dans le courrier joint à sa déclaration d'accident, elle affirme que sa responsable se serait adressée à elle en employant un ton agressif et un regard qu'elle qualifie de " mauvais ", en l'invectivant et en cherchant à la culpabiliser, et si elle produit deux attestations de collègues évoquant un mode de communication brusque avec son équipe et une attestation d'un responsable syndical évoquant des " faits et paroles " constitutifs, à son sens, d'un harcèlement moral de la part de Mme A... à l'égard de plusieurs agents contractuels au sein de la structure qu'elle encadrait à la fin de 2014 et au début de 2015, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que sa responsable aurait adopté, lors de l'entretien du 12 février 2019, un comportement qui aurait excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique. De même, en indiquant à Mme B... qu'il n'y aurait plus de stagiaires dans le service, lui précisant ainsi les possibles répercussions de son attitude inadaptée à l'égard des stagiaires placés sous sa responsabilité, sa supérieure ne peut être regardée comme ayant excédé les limites de l'exercice de l'autorité hiérarchique. 10. Certes, il ressort notamment des certificats établis par son médecin traitant et par un médecin psychiatre que Mme B... a présenté, à la suite de l'entretien du 12 février 2019, divers troubles relevant, d'après le second de ces médecins, d'un syndrome post-traumatique. Toutefois, ni l'état réactionnel présenté par Mme B... à la suite de l'entretien, ni son placement en congé de maladie, ne sont de nature à établir que sa supérieure hiérarchique aurait, au cours de cet entretien, adopté un comportement ou tenu des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que Mme B... ne peut être regardée comme ayant été victime, le 12 février 2019, d'un évènement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. Par suite, les ministres ont pu légalement estimer, par leur décision du 18 novembre 2020 et par la décision rejetant le recours gracieux formé par l'intéressée contre cette décision, que l'événement survenu le 12 février 2019 n'était pas un fait accidentel. Enfin, les décisions attaquées, qui rejettent sa demande de reconnaissance d'un accident de service, étant fondées sur l'absence de fait accidentel, Mme B... ne peut utilement faire valoir qu'en l'absence de circonstance particulière, cette imputabilité devrait être reconnue. 12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 refusant de reconnaître l'existence d'un accident de service survenu le 12 février 2019 et de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019, et celle rejetant le recours gracieux présenté contre cette décision. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Fombeur, présidente de la cour, - M. Barthez, président de chambre, - Mme Milon, présidente assesseure. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025. La rapporteure, A. MILONLa présidente, P. FOMBEUR La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 23PA04782
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 08/04/2025, 23TL01194, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, à titre principal, la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 10 décembre 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux, de surseoir à statuer sur la liquidation de ses droits à pension militaire d'invalidité et d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale confiée à un médecin oto-rhino-laryngologiste à des fins d'évaluation de son taux d'invalidité en lien avec ses acouphènes et d'enjoindre, à titre subsidiaire, à l'administration de procéder au versement d'une pension militaire d'invalidité à son profit pour ses deux infirmités à un taux global de 45% et, en tout état de cause, de mettre les entiers dépens de l'instance à la charge de la sous-direction des pensions du ministère des armées et de mettre à la charge de la sous-direction des pensions du ministère des armées la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2003889 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité, a enjoint au ministre des armées d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. A... au taux de 45% à compter du 19 juillet 2018 pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2023 et le 9 octobre 2024, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement rendu le 30 mars 2023 ; 2°) de réformer ce jugement en ce qu'il a accordé un taux d'invalidité de 30% pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " et un taux d'invalidité de 10% pour l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents " portant ainsi le taux d'invalidité global à 45% ; 3°) de dire et juger que l'infirmité " hypoacousie bilatérale " et l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents " ne sont pas imputables au service. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation notamment sur le moyen de défense tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la commission de recours de l'invalidité en appliquant au litige l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018 ; - il est entaché d'une erreur dans l'application des dispositions sur la présomption d'imputabilité, qui, contrairement à ce qui a été retenu au point 4, relève des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et non de l'article L. 121-1 du même code ; - il est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018, n'était pas applicable au litige ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation ; - le lien avec le service pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " n'est pas établi, dans la cadre d'un régime de preuve, sans présomption, M. A... se bornant à faire état, sans autre précision, d'une exposition au bruit lésionnel depuis 1987 ; - c'est à tort que le tribunal a retenu, s'agissant de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", que l'exclusion de l'aggravation de la maladie professionnelle, en l'occurrence celle du tableau n°42, ne pouvait concerner qu'une pathologie préalablement retenue ; - c'est à tort que le tribunal a retenu l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents ", constatée le 1er avril 2019, et donc postérieurement à sa demande de pension, présentée le 18 juillet 2018 ; au surplus, aucune preuve de l'imputabilité au service de cette infirmité n'est rapportée ; au surplus, la condition relative au délai de prise en charge d'une année figurant dans le tableau n°42 n'est pas remplie ; - il est demandé à la cour de substituer le motif tiré du défaut d'imputabilité au service de chacune des deux infirmités à celui, retenu à tort par ses services puis par la commission de recours de l'invalidité. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Anav-Arlaud, de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Bénédicte Anav-Arlaud, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, dans l'hypothèse d'une annulation du jugement, à la confirmation d'une pension militaire d'invalidité à un taux de 45% et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens, ainsi qu'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif est parfaitement fondé ; - d'autres moyens d'annulation peuvent, à titre subsidiaire, être accueillis, à savoir l'incompétence du signataire de la décision de la commission de recours de l'invalidité, l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que l'erreur de droit et l'erreur de fait commises dans l'appréciation du bruit lésionnel ; - dans l'hypothèse d'une annulation du jugement contesté, il y aura lieu de retenir que le ministre doit lui accorder une pension militaire d'invalidité au taux de 45% ; - dans l'hypothèse d'une annulation du jugement contesté, il y aura lieu d'ordonner une expertise afin de déterminer le taux d'invalidité lié à ses acouphènes, infirmité qui a été sous-évaluée. Par une ordonnance du 11 octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé dans l'armée de l'air, le 6 janvier 1986, y a exercé des fonctions de mécanicien aéronautique et a obtenu, en dernier lieu, le grade d'adjudant-chef, avant d'être radié des contrôles, le 1er décembre 2020. Par une demande, enregistrée le 19 juillet 2018, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux. Par une décision du 10 décembre 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. L'intéressé a alors formé, le 28 mai 2020, le recours administratif préalable obligatoire, que la commission de recours de l'invalidité a, par une décision du 16 octobre 2020, également rejeté. Par un jugement, rendu le 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de pension de M. A... et a, d'autre part, enjoint au ministre des armées d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. A... au taux de 45% à compter du 19 juillet 2018 pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur l'office du juge : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. Sur la régularité du jugement : 3. Le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé la décision de la commission de recours d'invalidité au motif qu'en opposant l'aggravation d'une surdité professionnelle dans le cadre de l'instruction d'une première demande de pension militaire d'invalidité présentée par un militaire, cette autorité administrative avait entaché la décision contestée d'une erreur de droit et s'est, d'autre part, prononcé sur le droit à pension de M. A.... 4. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " 5. Si le ministre des armées soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en l'absence de réponse, par les premiers juges, au moyen de défense tiré de l'erreur de droit qui aurait été également commise par la commission de recours de l'invalidité en déclarant applicable au litige la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issu de l'article 54 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, les premiers juges, qui, ainsi qu'il a été dit au point 3, ont annulé la décision de la commission en retenant une autre erreur de droit et, avant de se statuer sur le droit à pension, dans le respect de l'office du juge des pensions militaires d'invalidité, rappelé au point 2, ont retenu l'application de ces dispositions en indiquant que M. A... en remplissait toutes les conditions, et ont ainsi suffisamment motivé leur décision. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour défaut de motivation doit être écarté. 6. D'autre part, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en appliquant au litige la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Sur le bien-fondé du jugement : 7. Le ministre des armées, dans son recours, ne conteste pas le motif d'illégalité retenu par le tribunal administratif de Nîmes et tiré de ce que la commission de recours de l'invalidité, en excluant l'aggravation de la surdité professionnelle dans le cadre d'une première demande de pension, a entaché sa décision d'une erreur de droit. Toutefois, en soutenant que l'imputabilité au service de la maladie professionnelle invoquée n'est pas établie, il sollicite, d'une part, une substitution de motif et soutient, d'autre part, que la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre n'était pas entrée en vigueur et n'était donc pas applicable. En ce qui concerne l'applicabilité de la présomption d'imputabilité d'une maladie professionnelle à la demande de M. A... : 8. S'il appartient au juge administratif, saisi d'un litige en matière de pensions, de rechercher si des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement au fait générateur à la date duquel les droits à pension de l'intéressé doivent être normalement appréciés sont susceptibles d'affecter ces droits, c'est à la condition que le législateur ait entendu leur donner une telle portée. 9. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, issu du II de l'article 54 de la loi du loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense : " Est présumée imputable au service : (...) 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; ". Selon l'article L. 121-2-3 de ce code : " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". 10. Eu égard à l'objet des dispositions du 3° de l'article L. 121-2 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui est de faire bénéficier les militaires des mêmes droits que ceux dont disposent les agents publics en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires et en l'absence de dispositions prévoyant une application différée, contrairement à celles prévues au 1° de l'article L. 121-2, qui a trait aux pensions militaires d'invalidité en matière de blessures, le législateur a eu pour volonté, ainsi, au demeurant, que les travaux préparatoires de la loi le confirment, que la présomption d'imputabilité au service des maladies contractées dans ou à l'occasion du service qu'elles prévoient soit d'application immédiate. En conséquence et conformément au principe rappelé au point 8, il y a lieu d'appliquer au présent litige le 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version issue de la loi du 13 juillet 2018 précitée. 11. Si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait également résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. En ce qui concerne l'imputabilité au service des infirmités : S'agissant l'infirmité " hypoacousie bilatérale " : 12. D'une part, si le fait générateur du droit à pension de M. A... a eu lieu, le 25 février 2002, date à laquelle sa surdité neurosensorielle a été diagnostiquée, il résulte de ce qui a été dit au point précédent, qu'il peut bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue par le 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et qui renvoient au code de la sécurité sociale. 13. D'autre part, selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. ". Aux termes du tableau n°42 annexé au livre IV du code de la sécurité sociale : " Désignation des maladies : Déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible. Ce déficit est évalué par une audiométrie effectuée de trois semaines à un an après cessation de l'exposition aux bruits lésionnels, en cabine insonorisée avec un audiomètre calibré. (...). Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel ". 14. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui disposait d'une audition normale avant son engagement dans l'armée de l'air, justifie avoir exercé, et ce, y compris après 2012, les fonctions de mécanicien aux équipements de sécurité sur Mirage 4 et Mirage 2000 de 1987 à 2001, puis celles de mécanicien cellule piste sur Mirage 2000 de 2001 à 2013 impliquant la mise en route de réacteurs, puis de responsable de maintenance vecteur et moteur pour la période de 2014 à 2015, et de chef de ligne avec des fonctions de mécanicien de cellule hydraulique, et donc avoir effectué des travaux mentionnés dans le tableau n°42 des maladies professionnelles précité et notamment les travaux liés à la mise au point, aux essais et à la propulsion des moteurs thermiques ou encore ceux qui ont lieu à proximité des aéronefs. En conséquence, au regard d'une exposition sonore prolongée, compte tenu des travaux exercés, l'imputabilité au service de l'hypoacousie dont souffre M. A... est établie, contrairement à ce que soutient le ministre, qui ne peut utilement soutenir, pour renverser la présomption ainsi instituée, que l'exposition au brut lésionnel n'aurait été qu'exceptionnelle à compter de 2014. S'agissant de l'infirmité " acouphènes permanents bilatéraux " : 15. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, M. A... peut également bénéficier de la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour les acouphènes permanents, visés également par sa demande de pension, le 19 juillet 2018, qui mentionnait, de façon très large, ses déficiences auditives, et diagnostiquées dans le rapport de l'expertise médicale, ordonnée par la sous-direction des pensions et dont les conclusions ont été remises le 1er avril 2019. En outre, ce même rapport relève la présence d'acouphènes permanents quotidiens sans retenir explicitement une forme bilatérale mais en indiquant que cette déficience est en lien avec l'infirmité auditive principale et doit donner lieu à une majoration du taux d'invalidité de 10%. Il suit de là que l'imputabilité au service doit également être retenue sans que le ministre des armées puisse utilement invoquer la condition tenant au délai d'un an de prise en charge en lien avec une durée d'exposition minimale d'un an, la circonstance que les acouphènes n'ayant été diagnostiqués que dans le rapport remis le 1er avril 2019 n'y faisant pas obstacle dès lors que le lien avec la surdité neurosensorielle, constatée le 25 février 2002, est établi. 16. Il résulte de tout ce qui précède qu'il ne peut être fait droit à la substitution de motif sollicitée en défense tirée de l'absence d'imputabilité au service des infirmités dont est atteint M. A.... En ce qui concerne le taux d'invalidité global : 17. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : (...) 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Aux termes de l'article L. 125-8 de ce code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 125-9, dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, le taux d'invalidité est calculé ainsi qu'il suit : (...) 4° Quand l'infirmité principale entraîne une invalidité d'au moins 20 %, le taux d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires est majoré de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. ". 18. D'une part, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 7, que l'aggravation de la surdité professionnelle à partir de 2012 a été exclue à tort. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 14, M. A... a continué d'être soumis au bruit lésionnel pour la période postérieure à 2012, contrairement à ce qu'a retenu le médecin-expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis émis du 22 mai 2019. 19. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment du rapport remis le 1er avril 2019 que les taux d'invalidité relatifs à chacune des deux infirmités de M. A... ont été respectivement évalués à 30% et 10%. Ainsi, après application du seuil de droit commun de 40% en cas d'infirmités multiples et des modalités de calcul du taux d'invalidité globale de M. A..., telles que fixées aux articles L. 125-3 et L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les droits à pension militaire d'invalidité de M. A..., qui n'est pas fondé à soutenir que ses acouphènes, qui ont donné lieu à deux expertises médicales retenant un taux d'invalidité identique, auraient été sous-évalués, doivent être fixés au taux global de 45%. 20. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise relative au taux d'invalidité retenu en ce qui concerne l'infirmité liée aux acouphènes permanents sollicitée, à titre subsidiaire, par l'appelant que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité et a fixé son taux d'invalidité au taux global de 45%. Sur les frais liés au litige : 21. D'une part, en l'absence, dans la présente instance, de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, M. A... n'est pas fondé, en tout état de cause, à en solliciter le remboursement. 22. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté. Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Bentolila, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL01194 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 08/04/2025, 23TL00920, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconnaître l'accident de travail dont il a été victime, le 12 janvier 2019, comme étant imputable au service, d'enjoindre à l'Etat de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 12 janvier 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2106570 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n°2106570, rendu le 31 mars 2023 ; 2°) d'annuler, en conséquence, la décision de rejet implicite née du silence gardé par l'administration sur la demande de reconnaissance d'accident de service adressée le 2 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre à l'administration de le placer en accident de service compter du 12 janvier 2019 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a inversé la charge de la preuve et a remis en cause la présomption d'imputabilité instituée par le législateur ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires lui sont applicables ; - ayant ressenti une vive douleur à la poitrine et un engourdissement de la main gauche sur son lieu de travail, il a bien subi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, un accident de service. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2024. Par un avis adressé le 13 mars 2025, la cour a informé les parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le champ d'application de la loi a été méconnu, en raison de l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 à un fonctionnaire dont les droits en matière d'imputabilité au service ont été constitués, le 12 janvier 2019, date à laquelle un infarctus du myocarde lui a été diagnostiqué, soit avant le décret n°2019-122 du 21 février 2019, entré en vigueur le 24 février 2019, et, en conséquence, de ce que la cour était susceptible de substituer d'office aux dispositions précitées, au regard du même pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative, celles de l'article 34 de de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 applicables à cette date. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., surveillant brigadier au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), a été victime d'un infarctus du myocarde sur son lieu de travail, le 12 janvier 2019. Par un courrier du 2 septembre 2021, il a adressé au garde des sceaux, ministre de la justice, une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident, avec placement en congé pour invalidité temporaire imputable au service, demande qui a été implicitement rejetée. M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cette décision implicite de rejet. Sur la régularité du jugement : 2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement, que le tribunal aurait inversé la charge de la preuve en matière d'imputabilité au service de l'accident qu'il aurait subi. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la base légale du refus implicite de rejet opposé à la demande d'imputabilité au service : 3. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. 4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 5. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / II.-Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) / VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 6. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret susvisé du 21 février 2019. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 7. Les droits des agents en matière d'accident de service étant constitués à la date à laquelle celui-ci s'est produit, soit en l'espèce le 12 janvier 2019, la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de M. A... était exclusivement régie par les dispositions issues de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat citées au point 4. 8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures en défense du garde des sceaux, ministre de la justice, que, pour rejeter la demande de M. A..., l'autorité administrative s'est à tort fondée sur les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 non encore entrées en vigueur à la date de l'infarctus du myocarde dont il a été victime. Toutefois, le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et les garanties dont sont assortis ces textes étant similaires. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 à celles de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. 9. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 8, M. A... ne peut utilement solliciter le bénéfice de l'application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. En ce qui concerne l'imputabilité au service : 10. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service, pour l'application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 11. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi de faits relatifs à un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, de rechercher si l'accident présente un lien direct avec le service. 12. S'il est constant que M. A... a été victime, le 12 janvier 2019, d'un infarctus survenu sur son lieu de travail et pendant ses heures de service, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance comme des pièces produites en appel et il n'est, au demeurant, pas allégué que ce malaise trouverait son origine dans les conditions d'exercice de ses fonctions, que ce soit le jour de l'accident ou de manière plus générale. Dans ces conditions, l'infarctus dont a été victime M. A..., le 12 janvier 2019, ne saurait être regardé comme imputable au service. En conséquence, c'est sans erreur d'appréciation que le garde des sceaux, ministre de la justice a implicitement rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité présentée par l'agent. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement contesté, rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite refusant l'imputabilité au service de l'infarctus subi le 12 janvier 2019. Sur les conclusions à fin d'injonction : 14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. En conséquence, les conclusions que ce dernier présente tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de le placer en accident de service compter du 12 janvier 2019 ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL00920 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 08/04/2025, 23TL01476, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2021 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre, d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre à compter du 1e septembre 2017, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2106669 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Cacciapaglia, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2021 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre ; 3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre, avec effet rétroactif au 1er septembre 2017, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sur le fondement de l'article L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit en ne prenant pas en considération tous les éléments rapportés par lui quant à l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre et en rejetant sa requête ; - l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 22 octobre 2021 n'est pas motivé en fait ; - il méconnaît l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires et l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, compte tenu notamment de la situation de harcèlement moral qu'il a subie ; - il est entaché d'erreur de droit dès lors que le bénéfice du congé provisoire de congé d'invalidité temporaire imputable au service ne lui a pas été accordé ; - l'avis de la commission de réforme n'est pas motivé ; - l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il écarte l'imputabilité au service alors que tous les médecins qui l'ont examiné ont indiqué que la pathologie dont il souffrait alors était exclusivement imputable au service ; - il est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis de la commission de réforme interdépartementale rendu le 16 septembre 2021 et, n'usant pas de son pouvoir discrétionnaire, a commis une incompétence négative. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit qu'auraient commises les premiers juges sont inopérants ; - la méconnaissance des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne peut être utilement invoquée dès lors que, la maladie de M. B... ayant été diagnostiquée avant le 24 février 2019, date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au congé d'invalidité temporaire imputable au service, la demande de reconnaissance d'imputabilité au service, présentée avant cette date, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service ; - les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 30 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n°84-11 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Akel, substituant Me Cacciapaglia, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., gardien de la paix au sein de la direction départementale de la sécurité publique des Pyrénées-Orientales, a été placé en congé maladie ordinaire à compter du 1er septembre 2017. Il a présenté, le 7 décembre 2018, une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par une décision du 18 février 2020, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a rejeté cette demande. Par un jugement n° 1901771, 2001600 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de réexaminer la demande de M. B.... Après avoir recueilli l'avis, défavorable, de la commission de réforme daté du 16 septembre 2021, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a rejeté cette demande par arrêté du 22 octobre 2021. Par jugement 14 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges, qui se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peuvent être utilement invoqués. Sur le bien-fondé du jugement : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de ceux de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il résulte de ces dispositions que le refus de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie est au nombre des décisions qui doivent être motivées. 4. La décision attaquée, après avoir visé les dispositions législatives et règlementaires applicables et l'avis défavorable de la commission de réforme interdépartementale du 16 septembre 2021, se fonde sur l'absence d'élément permettant d'établir un lien direct et certain entre l'activité professionnelle et la pathologie dont souffre M. B.... Elle satisfait ainsi à l'exigence de motivation en fait prescrite par les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors en vigueur : "(...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. (...) L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs. / Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. / L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) ". 6. M. B... ne peut utilement soutenir que l'avis de la commission de réforme émis à l'issue de sa séance du 16 septembre 2021, sur l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre, n'est pas suffisamment motivé, dès lors qu'il résulte des dispositions précitées que la motivation de l'avis de la commission de réforme n'est exigée que dans le cas où elle se prononce en matière de pension d'invalidité imputable au service. 7. En troisième lieu, s'il vise l'avis défavorable de la commission de réforme, il ne résulte pas des termes de l'arrêté que le préfet se serait estimé lié par les termes de cet avis et n'aurait pas usé de son pouvoir discrétionnaire. Le moyen tiré de l'incompétence négative du préfet doit être écarté. 8. En quatrième lieu, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique d'Etat, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 9. Par ailleurs, aux termes de l'article 22 du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique d'Etat : " Le fonctionnaire en congé à la suite d'un accident ou d'une maladie imputable au service continue de bénéficier de ce congé jusqu'à son terme. Toute prolongation de ce congé postérieure à l'entrée en vigueur du présent décret est accordée dans les conditions prévues au chapitre Ier. Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 47-2 à 47-7 du décret du 14 mars 1986 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret. / Les délais mentionnés à l'article 47-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. ". 10. Il résulte de ces dispositions que les conditions de forme et de délai prévues par les articles 47-1 à 47-20 du décret du 14 mars 1986 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique d'Etat, dans sa rédaction issue du décret du 21 février 2019, sont uniquement applicables, d'une part, aux demandes de prolongation d'un congé pour accident de service ou pour maladie imputable au service pour une période débutant après le 24 février 2019 et, d'autre part, aux demandes initiales de congé pour invalidité temporaire imputable au service motivées par un accident ou une maladie dont la déclaration a été déposée après cette date. 11. Dès lors que sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions du décret du 21 février 2019, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Il ne peut davantage, et en tout état de cause, utilement soutenir qu'il aurait dû être placé en congé d'invalidité temporaire imputable au service à l'issue du délai maximal d'instruction de sa demande de cinq mois, en application des dispositions de l'article 47-5 du décret du 14 mai 1986, issues du décret du 21 février 2019. 12. En dernier lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...) Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 13. D'une part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 14. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 15. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été arrêté pour maladie à compter du 1er septembre 2017 en raison d'un symptôme anxio-dépressif réactionnel. Était alors engagée à son encontre une procédure disciplinaire concernant des faits d'abandon de poste le 31 janvier 2017 à l'occasion d'une session en cour d'assises, de désobéissance délibérée à une instruction donnée en s'absentant de son service le 3 février 2017 pour participer à une séance de sport, et en raison d'une publication sur la page d'un réseau social, le 21 février 2017, alors qu'il se trouvait en congé maladie, du programme prévisionnel relatif au déplacement du ministre de l'intérieur dans les Pyrénées-Orientales, accompagnée de commentaires ironiques. Si M. B... fait état d'échanges dont ressort une consigne donnée à un officier de modifier la date d'un rapport le concernant, de ce qu'un rapport a été rédigé à la suite de l'incident du 31 janvier 2017 par un supérieur, en vue, selon M. B..., de lui nuire, de ce qu'il a été fait mention, dans le cadre de l'enquête administrative, de son mandat syndical, et du dépôt d'une main courante et d'une constitution de partie civile, de tels faits ne sont pas suffisants pour faire présumer une situation de harcèlement moral. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B..., les rapports médicaux qu'il produit, qui décrivent le ressenti de ce dernier par rapport à sa situation professionnelle, à la procédure disciplinaire engagée à son encontre, ainsi que son investissement idéalisé par rapport à sa profession, vécue comme une vocation, ne concluent pas à l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre. Bien que M. B... n'ait pas présenté d'antécédent psychique, il n'est pas établi que sa maladie soit en lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, ni n'a entaché son erreur d'appréciation quant à la situation de harcèlement moral qu'il invoque. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'injonction : 17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction de la requête doivent être rejetées. Sur les frais exposés à l'occasion du litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud. Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025. La rapporteure, V. Dumez-Fauchille La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23TL01476
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/04/2025, 22BX00843, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bordeaux, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Bordeaux, d'organiser une expertise avant dire droit, d'annuler la décision du 17 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, et d'enjoindre à l'administration de lui concéder une pension au taux de 60 % pour l'infirmité de syndrome pyramidal dont il souffre avec perte de sensibilité du membre supérieur droit. Par un jugement n° 1905573 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par un arrêt avant-dire droit du 4 avril 2024, la cour a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été enregistré le 9 septembre 2024. Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - contrairement à ce qu'indique l'expert, les premiers signes de la maladie sont apparus au niveau du membre inférieur droit avant l'accident survenu le 30 septembre 2013, comme le montre le courrier d'un médecin de l'hôpital Kaia de Kaboul du 28 novembre 2013 indiquant que depuis début septembre 2013, M. C... présentait un début de boiterie douloureuse, une trépidation épileptoïde de la cheville droite ayant alors été mise en évidence ; - il ne ressort pas du rapport circonstancié que les douleurs survenues le 30 septembre 2013 seraient consécutives à un " véritable traumatisme " ; en l'absence de choc particulier, un geste ou une manœuvre sportive ne sauraient être considérés comme un traumatisme ; - en indiquant que la survenue de symptômes n'était pas certaine en l'absence de traumatisme et que des symptômes survenus sans traumatisme auraient pu être bénins, l'expert émet des hypothèses et non des certitudes ; - la circonstance que l'accident de service a pu précipiter, révéler ou favoriser l'évolution de l'affection imputable au service ne peut être retenue au titre de la preuve ; le taux de 60 % retenu par l'expert est étranger au service. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2022. Par ordonnance du 8 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2025. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Monsieur C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., engagé dans l'armée de terre le 1er mai 1995 et affecté depuis 1997 au 13ème régiment de dragons parachutistes, a présenté brutalement des cervicalgies et des paresthésies du membre supérieur droit le 30 septembre 2013, lors d'une séance de sport programmée, alors qu'il se trouvait en mission en Afghanistan. Un syndrome pyramidal a été diagnostiqué fin octobre 2013 à l'hôpital français Kaïa de Kaboul. A son retour en France, M. C... a été pris en charge à l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué, où une IRM a permis de diagnostiquer une myélopathie cervicarthrosique sur un canal cervical étroit constitutionnel, avec un hypersignal intramédullaire en C5-C6. Une décompression médullaire par laminoplastie C3-C7 avec ostéosynthèse a été réalisée le 12 mars 2014, ce qui a permis une régression des signes neurologiques, mais M. C... a conservé comme séquelles un syndrome pyramidal caractérisé notamment par des tremblements des membres inférieurs et une perte de sensibilité de la main droite. Le 15 janvier 2015, il a sollicité à ce titre une pension militaire d'invalidité, et la ministre des armées a rejeté sa demande par une décision du 17 décembre 2018. M. C... a relevé appel du jugement du 4 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Par un arrêt avant dire droit du 4 avril 2024, la cour a reconnu l'existence d'un accident de service et ordonné une expertise médicale. L'expert a déposé son rapport le 9 septembre 2024. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / (...) / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / (...). " Aux termes de l'article L 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) " Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage. " Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service. 3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport circonstancié du 31 janvier 2014, que le 30 septembre 2013, M. C... a ressenti brutalement des douleurs cervicales et des fourmillements du membre supérieur droit lors d'un match de volley-ball organisé dans le cadre du service, et qu'une faiblesse des membres est survenue au décours immédiat de cet épisode. L'expert missionné par la cour confirme les conclusions de l'expert désigné par l'administration, selon lesquelles le traumatisme cervical survenu lors du match de volley-ball a déclenché une myélopathie cervicarthrosique préexistante, jusqu'alors asymptomatique. Si le rapport circonstancié ne précise pas que les symptômes sont survenus à la réception d'un saut (smash), l'existence de ce choc cervical traumatique, mentionné dans des lettres de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué du 9 décembre 2013 et du centre médical des armées de Bordeaux du 26 novembre 2024, n'est pas sérieusement contestée. Le courrier d'un médecin de l'hôpital français de Kaboul du 28 novembre 2013 adressant M. C... à un confrère pour l'exploration d'un syndrome tétrapyramidal apparu depuis deux mois, c'est-à-dire depuis l'accident de service du 30 septembre 2013, faisait certes état d'une trépidation épileptoïde de la cheville droite constatée lors d'une consultation de septembre 2013 antérieure à l'accident pour une boiterie douloureuse du genou droit en lien avec un traumatisme rotulien ancien. Toutefois, cette trépidation n'était pas comparable aux symptômes, constatés postérieurement à l'accident, de franc syndrome pyramidal, caractérisé d'une part par une trépidation épileptoïde inépuisable bilatérale des membres inférieurs prédominant à droite avec des réflexes ostéotendineux vifs diffusés, polycinétiques et un signe de Babinski gauche, et d'autre part, par une atteinte des membres supérieurs avec une hypoesthésie du bord cubital de la main droite et un signe de Hoffman bilatéral. Selon l'expert missionné par la cour, la myélopathie cervicarthrosique asymptomatique préexistante constituait un facteur de risque de développement ultérieur de symptômes radiculaires et médullaires, et probablement un facteur de fragilité en cas de traumatisme cervical, mais la survenue de symptômes en l'absence de traumatisme n'était absolument pas certaine, dès lors que certaines myélopathies radiologiquement visibles restent parfaitement asymptomatiques. L'expert relève en outre que d'éventuels symptômes auraient pu être bénins, ce qui était le cas de la trépidation de la cheville droite constatée avant l'accident, en l'absence de tout élément faisant état d'une gêne pour l'intéressé ou d'une inquiétude du médecin qui l'a examiné avant l'accident. L'expert en conclut que malgré l'état antérieur asymptomatique de M. C..., les troubles neurologiques dont il souffre désormais sont totalement imputables à l'accident survenu le 30 septembre 2013. Ainsi, dès lors que la filiation entre cet accident de service et l'aggravation de la myélopathie cervicarthrosique préexistante est établie, le ministre des armées ne saurait reprocher à l'expert de s'être fondé sur des hypothèses et non sur des certitudes pour retenir une imputabilité totale des séquelles à cet accident. En outre, le taux d'invalidité de 60 % retenu par les deux expertises n'est pas contesté. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a refusé d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 décembre 2018, et il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de lui concéder, à compter du 15 janvier 2015, un droit à pension au taux de 60 % au titre de l'infirmité " séquelles de blessure aux cervicales - syndrome pyramidal - troubles sensitifs du cubital de la main droite ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. 4. Les frais de l'expertise ordonnée par la cour, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros par une ordonnance du président de la cour du 24 septembre 2024, doivent être mis à la charge de l'Etat. 5. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Moumni. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1905573 du 4 janvier 2022 et la décision de la ministre des armées du 17 décembre 2018 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. C..., à compter du 15 janvier 2015, un droit à pension au taux de 60 % au titre de l'infirmité " séquelles de blessure aux cervicales - syndrome pyramidal - troubles sensitifs du cubital de la main droite ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros par une ordonnance du président de la cour du 24 septembre 2024, sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à Me Moumni une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre des armées et à Me Moumni. Une copie en sera adressée pour information au docteur A..., expert. Délibéré après l'audience du 11 mars 2025 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure, M. Antoine Rives, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025. La rapporteure, Sabrina B... La présidente, Catherine GiraultLe greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX00843
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de LYON, 7ème chambre, 03/04/2025, 22LY03443, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident de service dont elle a été victime. Par un jugement n° 2000526, 2100376 du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Procédure devant la cour I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 novembre 2022 et le 6 juin 2023 sous le n° 22LY03443, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un mémoire enregistré le 11 mai 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les éléments du dossier démontrent suffisamment la matérialité des faits et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. Par une ordonnance du 19 février 2025, l'instruction a été close au 6 mars 2025. La MGEN Côte-d'Or a présenté un mémoire, enregistré le 18 mars 2025, qui n'a pas été communiqué. II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 novembre 2022 et le 27 juin 2023, sous le n° 22LY03461, Mme A..., représentée par la SCP Clemang, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros ; 2°) de condamner solidairement l'Etat et le SIVOS à lui verser 20 500 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 150 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique, 15 000 euros au titre des souffrances endurées, avec les intérêts capitalisés à compter du mois de septembre 2022 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat et du SIVOS la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la matérialité des faits est suffisamment établie par les pièces du dossier ; - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi ; - l'accident du 17 septembre 2015 a été à l'origine d'un traumatisme crânien, puis d'un décollement postérieur du vitré de l'œil droit, à l'origine d'une baisse de l'acuité visuelle ainsi que de séquelles neurocognitives et psychiatriques et d'un déficit de l'épaule gauche chez une gauchère ; elle ne présentait aucun état préalable ; - son préjudice d'agrément est constitué, dès lors que, grande lectrice auparavant, elle ne peut plus lire que dix minutes d'affilée, qu'elle ne peut plus s'adonner à ses activités de jardinage sans l'aide de ses proches, qu'elle ne peut plus pratiquer le piano à défaut de pouvoir lire les partitions, qu'elle ne peut plus pratiquer le vélo, ni le ski, ni la randonnée, ni le canoë kayak ; ce préjudice sera justement réparé par un montant de 80 000 euros ; - le déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 60 % ; il devait lui être accordé un montant fixé à au moins 500 euros par mois en moyenne basse, au regard du barème des cours d'appel et de la jurisprudence de la juridiction administrative ; le montant alloué doit être réévalué à la somme de 20 500 euros ; - le déficit fonctionnel permanent, évalué à 59,5 %, doit être réévalué à 150 000 euros, en fixant un point d'indice à 2 920 euros au regard du barème des cours d'appel pour une femme de cet âge ; - les souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, seront justement réévaluées à 15 000 euros ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, est constitué par le handicap qu'elle présente et par une importante prise de poids en lien avec les traitements ; il sera justement réévalué à la somme de 5 000 euros. Par des mémoires enregistrés les 11 mai et 19 juin 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi, ce dont atteste le certificat médical établi par le médecin traitant de Mme A... le 18 septembre 2015 ; - Mme A... ne justifie pas du préjudice d'agrément dont elle se prévaut, faute de démontrer l'effectivité de la pratique régulière d'une activité qui serait désormais entravée ou empêchée par les photographies et attestations produites ; la pratique occasionnelle d'activités est déjà indemnisée par le déficit fonctionnel permanent ; à considérer ce préjudice comme constitué, il ne pourrait donner lieu qu'à une fraction, évaluée entre 5 et 10 %, du déficit fonctionnel permanent, soit un montant entre 5 750 et 23 000 euros, également limitée à une fourchette entre 7 500 et 30 000 euros en tenant compte du montant, surévalué, demandé par la requérante au titre de son déficit fonctionnel permanent ; - le déficit fonctionnel temporaire a été justement évalué, au regard du barème de l'ONIAM et du taux retenu par les experts, pour une durée de 41 mois ; - le déficit fonctionnel permanent a été justement apprécié par les premiers juges au regard du barème de l'ONIAM ; - les souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par les experts, sont justement indemnisées par le montant fixé à 8 000 euros par les premiers juges, qui ont retenu la fourchette haute du barème de l'ONIAM ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 7, a également été justement réparé par les premiers juges, qui là encore ont appliqué la fourchette haute du barème ONIAM. Par un mémoire enregistré le 6 juin 2023, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'annuler le jugement, ainsi que de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. La requête a été communiquée à la MGEN section de la Côte-d'Or, caisse de sécurité sociale de Mme A..., qui n'a pas présenté d'observations. Par une ordonnance du 13 février 2025, l'instruction a été close au 27 février 2025. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de l'Etat ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère, - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public, - et les observations de Me Buvat, représentant le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure des écoles, a été victime le 17 septembre 2015 d'un accident alors qu'elle était en salle de classe à l'école élémentaire de Noiron-sous-Gevrey, un tableau s'étant détaché du mur et lui ayant occasionné un grave traumatisme au crâne ainsi qu'à l'épaule gauche. Par arrêté de la rectrice de l'académie de Dijon du 19 octobre 2015 cet accident a été reconnu imputable au service. A la demande de Mme A..., une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, dont le rapport a été déposé le 1er août 2019. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à cet accident. Par un jugement du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Sous la requête n° 22LY03443, le SIVOS doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir intégralement l'Etat. Sous la requête n° 22LY03461, Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; 3. Faute d'avoir d'office mis en cause la MGEN, section de la Côte-d'Or, à laquelle est affiliée Mme A..., pour qu'elle exerce l'action mentionnée ci-dessus, le tribunal, qui a méconnu la portée des dispositions précitées, a entaché le jugement attaqué d'irrégularité. Il y a donc lieu, dans la limite des conclusions dont la cour est saisie en appel, d'annuler ce jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens de première instance et d'appel présentés par le SIVOS et par Mme A.... Sur la responsabilité de l'Etat : 4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 5. Lorsqu'un fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, impute les préjudices qu'il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l'emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public dont elle a la charge, et qu'il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu'elles soient solidairement condamnées à réparer l'intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d'une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles exposées au point précédent et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d'autre part, de mettre à la charge de l'autre collectivité publique, s'il n'a pas été mis à la charge de l'employeur et s'il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d'indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis. 6. Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu'une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées au point précédent doit être supportée par l'autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l'affirmative, pour quel montant. 7. En l'espèce, la responsabilité du rectorat de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, qui n'a pas présenté de conclusions d'appel ni contesté en première instance que Mme A... avait été victime d'un accident de service le 17 septembre 2015, est engagée pour risque. Sur les préjudices de Mme A... : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 8. Mme A... a été placée en congé de maladie à plein traitement depuis son accident, ce temps de congé étant pris en compte au titre de ses droits à pension et de son avancement. Elle n'a donc subi aucune perte de rémunération liée à son emploi de professeure des écoles. Elle n'établit pas davantage qu'elle aurait été privée de possibilités de promotion du fait de son accident. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice professionnel doivent être rejetées. En ce qui concerne les préjudices temporaires : 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire dont a été atteinte Mme A... durant la période allant du jour de l'accident à sa date de consolidation, soit du 17 septembre 2015 au 20 février 2019, peut être évalué à 60 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 9 000 euros. 10. En second lieu, Mme A... a enduré des souffrances, fixées par les experts à 4 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 8 000 euros. En ce qui concerne les préjudices permanents : 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... subit un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident de 59,5 %. Il y a lieu, compte tenu de son âge à la date de la consolidation de son état de santé, d'indemniser ce préjudice à hauteur de 140 000 euros. 12. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de la requérante, évalué par les experts à 2 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant une indemnité de 2 000 euros. 13. En dernier lieu, Mme A... demande une somme de 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, dont l'expertise reconnaît l'existence, mais sans autre précision. Elle se prévaut d'activités antérieures de cyclisme, randonnée et ski, sans en justifier suffisamment. En revanche, et comme elle le démontre, l'état de son épaule et ses difficultés visuelles l'empêchent de s'adonner normalement à ses activités de jardinage, de couture et de lecture, avec une importante propension à la fatigue. Il sera fait une juste réparation de son préjudice d'agrément en lui accordant à ce titre une somme de 7 000 euros. 14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 166 000 euros en réparation des préjudices de Mme A..., dont doit être déduite la provision de 80 000 euros qui lui a déjà été versée. Sur l'appel en garantie du SIVOS : En ce qui concerne l'exception de prescription : 15. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Et aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ". 16. Il résulte de l'instruction que l'accident dont Mme A... a été victime a eu lieu le 17 septembre 2015. Le délai de prescription contre cet accident, qui a commencé à courir le 1er janvier 2016, a été interrompu par la requête en référé expertise présentée par Mme A... le 7 juin 2018, et n'a recommencé à courir que le 1er janvier 2020, avant d'être à nouveau interrompu. Ainsi, quand bien même le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Briondon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges n'était pas partie à l'instance de référé-expertise, l'exception tirée de la prescription de la créance de Mme A... ne peut qu'être écartée. En ce qui concerne le défaut d'entretien normal de l'ouvrage : 17. Aux termes de l'article L. 212-4 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d'œuvres protégées. ". 18. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. 19. Le SIVOS, auquel la commune de Noiron-sur-Gevrey a transféré sa compétence en matière d'équipement et de fonctionnement des écoles publiques, conteste la matérialité des faits survenus le 17 septembre 2015 à l'origine des préjudices dont Mme A... s'est prévalue devant le tribunal. Le SIVOS oppose que l'accident n'a été constaté par aucun témoin direct, et que les témoignages de personnels en poste à l'école ne font état ni de la présence de Mme A... ni de la moindre anomalie le jour de l'accident. Il résulte cependant de l'instruction que Mme A..., enseignante au sein du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), avait un emploi du temps variable, distinct de celui s'appliquant habituellement aux autres enseignants, et qu'elle n'était pas nécessairement connue de tous les agents de l'école. Par ailleurs, à l'exception d'une erreur de date dans un échange par mail, qui indique le 18 septembre au lieu du 17 septembre 2015, son récit, cohérent, n'a pas varié, comme le montrent notamment le témoignage de sa sœur, l'attestation de la directrice de l'école à laquelle elle a rapporté l'accident dès le lendemain matin ainsi que les différents mails et la déclaration d'accident de service renseignée le 29 septembre 2015. Il en ressort que Mme A... a déclaré qu'elle était seule le 17 septembre 2015 à 11 heures 15 dans la salle où a eu lieu l'accident et qu'elle était en train de procéder à un affichage quand le volet gauche du tableau a basculé, la blessant à la tête et à l'épaule. Elle indique avoir brièvement perdu connaissance puis, à son réveil, s'être rendue chez sa sœur, qui habite à proximité, et le lendemain chez son médecin traitant qui l'a placée en arrêt de travail. Le certificat médical établi par ce dernier le 18 septembre 2015 fait état d'un " traumatisme (écrasée par un tableau) " et d'une " entorse cervicale, + traumatisme crânien + traumatisme épaule G + omoplate G. ". Par ailleurs, l'agent d'entretien atteste avoir retrouvé ce volet au sol le 17 septembre au soir, descellé de son support, alors que le lendemain matin la directrice a constaté que l'intéressée portait une minerve. Rien dans les productions du SIVOS ne permet d'établir que la description, précise et crédible, que l'intéressée a faite de l'accident serait mensongère, ni que l'intéressée aurait une part de responsabilité dans la survenue de cet accident. Ainsi, le SIVOS n'est pas fondé à soutenir que l'existence d'un lien de causalité entre le dommage subi par Mme A... et l'ouvrage public dont elle était usagère ne serait pas avéré. 20. Par ailleurs, pour justifier du bon entretien de l'ouvrage, le SIVOS produit des attestations de son président et d'un de ses agents techniques qui affirment que le tableau était parfaitement fixé. Elles ne permettent toutefois pas de connaître la date à laquelle ce constat a été réalisé. Si le SIVOS indique que tous les tableaux de l'école ont été vérifiés, mais après l'accident, et que l'assistant de prévention des circonscriptions du Grand Dijon, lors de sa visite de l'établissement le 14 mars 2014, n'a relevé aucune défaillance particulière de ce matériel, la fiche établie par la suite relève certaines vétustés au sein de l'école, dont une moquette murale qui se décolle, sans que soit spécialement remis en cause le fait que le tableau était ancré sur un mur revêtu d'une moquette murale, qui plus est vieillissante, par seulement quatre vis alors que son dispositif de fixation en prévoit huit, et que les simples chevilles cylindriques entourant les vis étaient dépourvues de tout système anti arrachement. Les photographies produites montrent un orifice au mur, qui présente des éléments de dégradation. Si aucun débris de plâtre ou élément de fixation, au demeurant pour partie encore fichés dans le volet, n'ont été retrouvés au sol, et si le bureau, dont rien n'indique d'ailleurs qu'il aurait été sur la trajectoire de chute, n'a pas été dégradé, de telles circonstances ne sauraient suffire pour conclure à l'absence de chute de cet élément. Faute d'autres explications à la chute du tableau qu'une installation et une maintenance non conformes aux règles de l'art, le SIVOS, auquel il appartenait de prévenir le danger en prenant toutes les précautions nécessaires, notamment en s'assurant qu'il était correctement fixé, de surcroît dans un lieu fréquenté quotidiennement par de jeunes enfants et leurs enseignants, ne peut dès lors être regardé comme justifiant d'un entretien normal de l'ouvrage. 21. Il résulte de ce qui précède que le SIVOS a manqué à son obligation d'entretien normal des installations dont il est maître d'ouvrage. Eu égard au caractère exclusif de ce manquement dans la survenue de l'accident dont a été victime Mme A..., il y a lieu de condamner le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros mise à sa charge par le présent arrêt. Sur les intérêts et leur capitalisation : 22. Les intérêts et leur capitalisation ont été demandés pour la première fois en appel le 28 novembre 2022. Mme A... ayant présenté une demande indemnitaire préalable reçue par le ministre de l'éducation nationale le 30 août 2019, la somme ci-dessus portera intérêts à compter de cette dernière date. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022, dès lors qu'à cette date ils étaient dus au moins pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur les frais liés au litige : 23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat les sommes au titre des frais exposés par Mme A... d'une part et le SIVOS d'autre part et non compris dans les dépens. 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au SIVOS la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 25. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du SIVOS la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 septembre 2022, en tant qu'il a condamné le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à garantir intégralement l'Etat et fixé le montant de la réparation due à Mme A... à 134 000 euros, est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 166 000 euros en réparation de ses préjudices, dont doit être déduite la provision de 80 000 euros déjà accordée. Cette somme portera intérêts à compter du 30 août 2019. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 3 : L'Etat sera garanti par le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros, y compris les intérêts et leur capitalisation. Article 4: Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Les conclusions du SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges et le surplus de celles présentées par Mme A... sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, au syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, à la MGEN, section de la Côte d'Or, et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre, Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025. La rapporteure, I. BoffyLe président, V.-M. Picard La greffière, M. C... La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 22LY03443, 22LY03461 ar
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 03/04/2025, 23BX01964, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née le 7 février 2021 par laquelle l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) lui a d'abord refusé l'octroi du bénéfice de l'aide aux enfants d'anciens harkis, ainsi que la décision du 17 mai 2021 en tant que l'Office a limité à 12 000 euros le montant qui lui est attribué au titre de cette aide. Par un jugement n° 2103902, 2206635 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 juillet 2023, 25 octobre et 22 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Rouget, demande à la cour : 1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance enregistrée sous le n° 2206635 ; 2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mai 2023 ; 3°) d'annuler la décision du 17 mai 2021 par laquelle l'ONACVG a limité à 12 000 euros le montant qui lui est attribué au titre de l'aide aux enfants d'anciens harkis ; 4°) d'enjoindre à l'ONACVG de prendre une nouvelle décision à son bénéfice lui accordant une aide ne pouvant être inférieure à la somme de 1 000 000 d'euros au regard de la spécificité de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui fournir un certificat de résidence correspondant à sa durée réelle de résidence au camp de Bias ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a refusé de lui octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire pour l'instance n°2206635 ; - il remplit les conditions édictées par le décret du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, et il a également été recruté par la 3ème compagnie et a servi au sein de cette unité ; il a été présent dans les camps plus de 90 jours, puisque l'administration admet qu'il y est resté 5 296 jours ; en réalité, si le camp a fermé officiellement le 31 décembre 1976, il y demeure toujours ; - le décret ne prévoyant pas de plafond au montant de l'aide, ce montant de l'aide a été fixé sans base légale ; - il soulève, par voie d'exception l'illégalité de l'instruction n°2020-01/ARM/ONACGV, qui fixe notamment un plafond de 10 000 euros par personne ; le décret de 2018 n'autorise pas l'ONACVG à fixer un plafond de l'aide, mais se borne à lui indiquer qu'il convient d'utiliser le budget alloué ; l'imprécision de l'instruction conduit à une rupture du principe d'égalité qui doit être appliqué aux bénéficiaires, en ce que leur situation fondamentalement différente, se traduit par une indemnisation quasiment identique ; cette instruction conduit à allouer l'aide à des personnes qui n'entrent pas dans le champ ou à allouer des sommes plus importantes que celle qui lui a été attribuée ; - le montant de l'aide octroyée est manifestement insuffisant ; dans la mesure où l'ONACVG ne justifie pas de l'épuisement de ses crédits, rien ne justifie que sa situation ait fait l'objet d'un traitement dans la limite de ce barème, alors qu'il justifie d'une situation particulière dont la réalité n'a pas été examinée ; quand bien même l'Office n'aurait pas une obligation de consommer l'entièreté des crédits qui lui sont alloués, la sous-consommation des crédits prive ceux qui en ont le plus besoin du bénéfice d'une aide ; - il a subi des conditions de vie indigne dans le camp, victime de racisme post-colonialisme et de pratiques discriminatoires ; il a été victime d'un traitement injustifié dans l'application des lois et mesures sociales destinées aux anciens harkis et rapatriés ; l'ONACVG doit prendre en compte les souffrances subies. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2024, l'ONACVG conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par une décision n° 2023/008357 du 14 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par un courrier du 6 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'admission provisoire de M. A... à l'aide juridictionnelle dans l'affaire enregistrée en première instance sous le n° 2206635, dès lors que la décision par laquelle le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur cette demande n'est pas susceptible de recours. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 ; - le décret n°2018-1320 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, - les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public, - et les observations de Me Rouget, représentant M. B... A.... Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 14 mars 2025. Considérant ce qui suit : 1. Le 6 octobre 2020, M. B... A..., né le 19 avril 1954 à Tifrit Nait Oumalek (Algérie), a demandé à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), en qualité d'enfant d'ancien harki ayant personnellement séjourné dans un camp à la suite du rapatriement en France de sa famille, à bénéficier du dispositif d'aide mis en place par le décret du 28 décembre 2018 à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés. Par une décision du 17 mai 2021, procédant au retrait d'une précédente décision implicite de rejet, la directrice générale de l'ONACVG a attribué une aide financière de 12 000 euros à M. A.... Celui-ci a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux de demandes tendant à l'annulation, d'abord de la décision implicite de rejet de sa demande, puis de la décision expresse du 17 mai 2021 en tant qu'elle ne fait que partiellement droit à sa demande en ne lui accordant qu'une somme de 12 000 euros. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal a rejeté lesdites demandes. Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ". Aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...). La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours ". 3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la décision par laquelle tribunal a statué sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. A... n'est pas susceptible de recours. Par suite, ses conclusions d'appel dirigées contre le non-lieu à statuer prononcé par les premiers juges sur sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dans l'affaire enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 2206635 ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables. Sur le bien-fondé du jugement : 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés, qui ont séjourné pendant au moins quatre-vingt-dix jours dans un camp ou un hameau de forestage à la suite du rapatriement de leur famille sur le territoire national, et qui résident en France de manière stable et effective, peuvent demander, jusqu'au 31 décembre 2022, une aide de solidarité lorsque leurs ressources ne leur permettent pas de s'acquitter de dépenses ayant un caractère essentiel dans les domaines de la santé, du logement ou de la formation et de l'insertion professionnelle. / La liste des camps ou hameaux de forestage mentionnés au premier alinéa figure en annexe au présent décret. / Nul ne peut bénéficier de plus d'une aide au titre de chacun des trois domaines mentionnés au premier alinéa. Le montant de chaque aide, qui fait l'objet d'un seul versement, ne peut être révisé. ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " La décision d'attribution de l'aide est prise, dans la limite des crédits prévus à ce titre au budget de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, par le directeur général de l'Office, après instruction du service départemental ou territorial compétent. / Pour attribuer l'aide et en déterminer le montant, le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre prend en compte, d'une part, la durée de séjour du demandeur dans le camp ou le hameau de forestage et les conditions de scolarisation qu'il y a connues, d'autre part, l'ensemble des éléments de sa situation personnelle en ce qui concerne la composition de son foyer, le niveau de ses revenus et de ses charges, ainsi que la nature et le montant des dépenses mentionnées au premier alinéa de l'article 1er demeurant à sa charge après prise en compte, le cas échéant, des dispositifs de droit commun existants susceptibles de les couvrir. ". 5. Par une instruction n°2020-01/ARM/ONACVG du 19 mai 2020 relative au dispositif d'aide de solidarité à destination des enfants d'ex-membres des formations supplétives et assimilées ayant servi l'armée française pendant la guerre d'Algérie, l'ONACVG a défini les modalités de traitement des demandes au titre du dispositif institué par le décret du 28 décembre 2018. L'instruction précise d'une part, que ce dispositif est destiné à apporter une aide de solidarité à ses destinataires afin de prendre en charge des dépenses ayant un caractère essentiel, dans les domaines du logement, de la santé, de la formation et de l'insertion professionnelle et d'autre part, que les services doivent apprécier la situation et le besoin des demandeurs en prenant en compte trois critères liés au temps cumulé des séjours dans les camps, les conditions de scolarisation dérogatoires de droit commun, et la situation personnelle du demandeur. Son annexe, intitulée " Fiche d'aide à la décision ", fixe la méthode de modulation de ces critères en fonction d'éléments d'information et indique que, pour assurer une homogénéité dans le traitement des demandes, les montants d'aide peuvent varier, selon que le demandeur relève d'une priorité 1, 2, 3 ou 4, dans des limites indicatives fixées entre 500 euros et 10 000 euros. 6. Alors que l'article 3 du décret du 28 décembre 2018 précité prévoit que la décision d'attribution de l'aide est prise dans la limite des crédits prévus à ce titre au budget de l'ONACVG, et après appréciation de la situation du demandeur, l'instruction du 19 mai 2020 en cause n'a fait qu'encadrer l'action de l'administration, afin d'en assurer la cohérence dans la limite des crédits disponibles, en précisant, par la voie de lignes directrices, et sans édicter de condition nouvelle, ni à l'inverse étendre le champ d'application du dispositif, les critères applicables permettant de mettre en œuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation. Contrairement à ce que M. A... soutient, les modalités de traitement des demandes telles que précisément définies dans l'instruction du 19 mai 2020, qui conduisent à l'attribution d'une aide, comprise, en principe, entre 500 euros et 10 000 euros, en fonction du degré de priorité, de 1 à 4, du demandeur, résultant du nombre de points obtenus à chaque critère, garantissent le respect du principe d'égalité entre les bénéficiaires. D'ailleurs, l'appréciation particulière de la situation de M. A... a conduit l'ONACVG, au regard des éléments d'information en sa possession, à lui attribuer, au-delà du plafond indicatif de 10 000 euros, une aide de 12 000 euros. Par suite, et quand bien même les modalités de traitement des demandes définies par l'instruction du 19 mai 2020 ne conduiraient pas, dans les faits, à un épuisement des crédits prévus à ce titre, M. A... n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'exception, que l'instruction serait entachée d'illégalité. 7. Il ressort des pièces du dossier que, pour déterminer le montant de l'aide attribuée à M. A..., la directrice générale de l'ONACVG a tenu compte des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, et notamment la circonstance qu'il a passé 5 296 jours dans les camps d'accueil de Bourg Lastic, la Rye le Vigeant et Bias entre le 1er octobre 1962 et le 31 décembre 1976, date de fermeture administrative du camp de Bias et qu'il est propriétaire d'une maison depuis 2011. Elle a également tenu compte des conditions de scolarisation dérogatoire des structures dans lesquelles il a vécu entre 1962 et 1975, ainsi que du niveau de ses ressources, évalué entre 0 et 300 euros par mois. Si M. A... produit des devis de rénovation de sa maison, datés du 11 janvier 2023, ils sont postérieurs à la date de la décision attaquée, à laquelle s'apprécie sa légalité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que M. A... présenterait, au niveau de son environnement social et de sa santé, une situation d'isolement géographique, familial ou social, ni qu'il aurait toujours ses enfants à charge ou même qu'il serait en situation de handicap ou de dépendance. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la directrice générale de l'ONACVG a évalué à la somme de 12 000 euros le montant de l'aide de solidarité mentionnée à l'article 1er du décret du 28 décembre 2018 attribuée à M. A.... 8. Si M. A... soutient qu'il a subi des préjudices en lien avec l'indignité des conditions d'accueil et de vie dans les lieux où les harkis ont été hébergés en France, entre 1962 et 1975, cette circonstance qui serait, le cas échéant, de nature à engager la responsabilité de l'Etat dans le cadre du régime particulier d'indemnisation prévue par la loi du 23 février 2022 visée ci-dessus, est sans incidence sur la légalité de l'aide versée dans le cadre du dispositif instauré par le décret du 28 décembre 2018. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction sous astreinte et celles liées aux frais de l'instance doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient : Mme Evelyne Balzamo, présidente, Mme Béatrice Molina-Andreo, présidente-assesseure, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025. La rapporteure, Béatrice Molina-Andréo La présidente, Evelyne Balzamo La greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23BX01964
Cours administrative d'appel
Bordeaux
Conseil d'État, 9ème chambre, 02/04/2025, 493180, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de la relance lui a concédé une pension de retraite en tant qu'il révèle le refus de lui verser une rente viagère pour invalidité imputable au service prévue à l'article 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'enjoindre à l'Etat de lui octroyer, à la date de sa mise à la retraite, une pension augmentée de la rente viagère d'invalidité et de le condamner à lui verser les intérêts moratoires correspondant au retard à lui verser la différence entre la pension ainsi majorée et celle initialement octroyée. Par une ordonnance du 6 mai 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a transmis sa demande au tribunal administratif d'Orléans. Par un jugement n° 2101789 du 6 février 2024, ce tribunal a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2024 et le 3 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur, - les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., technicienne de 2ème classe au sein de l'administration pénitentiaire, a été victime le 1er mars 2011 d'un accident reconnu imputable au service. Placée en congé de longue maladie à compter du 23 janvier 2012 puis en congé de longue durée à compter du 31 août 2013, elle a présenté le 20 juin 2019 une demande de mise à la retraite pour invalidité, sur laquelle, au vu de l'expertise réalisée le 17 juillet 2019 par laquelle le médecin expert l'a déclarée inapte de manière totale et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions et a fixé son taux d'invalidité à 40 %, la commission de réforme réunie le 20 janvier 2020 a émis un avis favorable. En exécution d'un arrêté du 5 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a émis un titre de pension concédant et liquidant sa pension de retraite sur le fondement de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, pour invalidité non imputable au service. Mme B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 février 2024 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de pension du 5 octobre 2020 en tant qu'il révèle le refus de lui octroyer une rente viagère pour invalidité imputable au service. 2. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation (...) sur sa demande (...). / L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services. / (...) / Le montant de la rente d'invalidité est fixé à la fraction du traitement ou de la solde de base définis à l'article L. 15 égale au pourcentage d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27 ". 3. Il résulte de ces dispositions que le droit pour un fonctionnaire de bénéficier de la rente viagère d'invalidité prévue par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite est subordonné à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé. 4. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'alors qu'il était saisi du moyen tiré de ce que l'invalidité ayant justifié la mise à la retraite de la requérante était imputable au moins partiellement au service et qu'en outre le ministre chargé des pensions avait indiqué avoir demandé au ministère employeur de la requérante de chiffrer le taux d'invalidité propre aux séquelles de l'accident survenu en service, seul susceptible de donner lieu à une rente viagère d'invalidité, le tribunal administratif, après avoir relevé les contradictions existant entre les expertises médicales rendues successivement au sujet de la requérante, en a déduit qu'il n'était pas établi que le refus d'une rente viagère d'invalidité fût entaché d'une erreur d'appréciation. En statuant ainsi, sans rechercher, au besoin en faisant usage de ses pouvoirs d'instruction, si l'invalidité en cause était au moins partiellement imputable au service, le tribunal a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à payer à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 6 février 2024 du tribunal administratif d'Orléans est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif d'Orléans. Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur. Rendu le 2 avril 2025. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Benoît Chatard Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2025:493180.20250402
Conseil d'Etat
CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 28/03/2025, 23VE02648, Inédit au recueil Lebon
Vu les autres pièces du dossier. La clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2024. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Mornet, - et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 8 juin 1939, s'est engagé dans l'armée de l'air française, au sein de laquelle il était pilote d'avion. Il a été victime, le 12 octobre 1964, alors qu'il devait effectuer une mission de reconnaissance côtière " hors guerre ", de l'écrasement au sol de son avion au décollage, sur la piste de l'aéroport de Tulear, à Madagascar. Extrait de l'avion en feu, il a été évacué le 18 octobre 1964 vers l'hôpital de Percy, à Clamart. Il a notamment subi de graves brûlures thermiques oculaires, dont il a conservé des séquelles, avec une baisse de l'acuité visuelle. Il a été radié des cadres au 31 juillet 1980, et une pension militaire d'invalidité lui a été attribuée, au taux global de 95 %, pour six infirmités dont celle relative à ces séquelles. 2. M. B... a été opéré, le 17 mai 2018, pour une cataracte à l'œil gauche, et les suites ont été marquées par l'apparition d'un œdème maculaire. Il est également atteint de cataracte à l'œil droit. Estimant que les blessures liées au service, subies en 1964, ont ainsi connu une aggravation, il a sollicité la révision de sa pension le 6 janvier 2020. Un expert ophtalmologue a rendu son rapport sur cette demande le 25 juillet 2020, et le ministre des armées lui a concédé, par un arrêté du 23 novembre 2020, une pension militaire d'invalidité au taux global de 95 %, à compter du 6 janvier 2020, maintenant la situation antérieure. L'intéressé a contesté cette décision devant la commission des recours de l'invalidité, en application des dispositions de l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une décision du 22 septembre 2021, la commission a rejeté son recours. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 6 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, qui s'est substituée à celle du ministre, et à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée. 3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-2 de ce code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 151-2 dudit code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. (...) ". Et aux termes de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 4. Il résulte des dispositions précitées que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, lesdites dispositions font obstacle à cette révision, l'aggravation devant alors être regardée comme étant due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. Dès lors, au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. 5. M. B... soutient que l'apparition des cataractes bilatérales dont il est atteint a été causée par l'état fragilisé de ses yeux depuis l'accident dont il a été victime en 1964, dont les séquelles ont donné lieu à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale réalisée par un médecin ophtalmologue le 25 juillet 2020, que la part non imputable au service des opacifications cornéennes est de 67 %, ce constat ayant été confirmé par l'avis rendu par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité le 2 octobre 2020. Alors qu'il résulte au demeurant des données de l'Assurance maladie, reprise en défense par le ministre des armées et non contestée par le requérant, que la cataracte est une maladie touchant plus de 20 % de la population après 65 ans et plus de 60 % des personnes après 85 ans, M. B... présente ainsi une pathologie liée à l'âge, évoluant pour son propre compte, distincte de l'affection pensionnée, celle-ci ne l'ayant pas causée de manière directe et déterminante. La circonstance que le médecin chargé de l'expertise du 25 juillet 2020 aurait relevé, à tort selon lui, qu'il s'était " présenté à l'expertise sans l'aide d'une tierce personne avec une stratégie d'environnement analytique de l'espace visuel ", est sans incidence à cet égard. M. B..., qui joint à sa requête des articles généraux de langue anglaise, ne produit aucun autre document, notamment médical, qui serait de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la commission des recours de l'invalidité, ou à rendre utile la réalisation d'une nouvelle mesure d'expertise. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, et que l'ensemble des conclusions de sa requête d'appel, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent par suite être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient : - M. Even, premier vice-président, président de chambre, - Mme Mornet, présidente assesseure, - M. Cozic, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025. La rapporteure, G. MornetLe président, B. Even La greffière, S. de Sousa La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 23VE02648
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 25/03/2025, 24MA00240, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 mai 2022 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours dirigé, d'une part, contre la décision du 22 novembre 2021 de la ministre des armées lui concédant une pension militaire d'invalidité à titre temporaire, pour la période du 15 octobre 2019 au 14 octobre 2022, au taux global de 10 % pour l'infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite, traitement chirurgical et algodystrophie secondaire : raideur légère en flexion plantaire avec un secteur fonctionnel conservé, boiterie, cicatrice post-chirurgicale hypoesthésiante ", et, d'autre part, contre la décision du 1er décembre 2021 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse de la cheville gauche avec chondropathie tibiale médiale : douleurs externes avec amplitudes articulaires normales, léger tiroir de l'articulation astragalienne ". M. B... A... a également demandé au tribunal d'enjoindre au ministre des armées de fixer le taux d'invalidité de son infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite (...) " au taux de 25% et celui de son infirmité " séquelles d'entorse de la cheville gauche (...) " au taux de 20%, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 15 octobre 2019 pour la première infirmité et à compter du 11 janvier 2021 pour la seconde infirmité, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit. Par un jugement n° 2204617 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté l'ensemble des demandes de M. A.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 février 2024, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2204617 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de juger, d'une part, que les séquelles d'entorse de la cheville droite doivent être pensionnées au taux d'invalidité de 20 %, et, d'autre part, que les séquelles d'entorse de la cheville gauche doivent être pensionnées au taux d'invalidité de 10 % ; 3°) de condamner l'administration à établir un nouveau titre de pension et une nouvelle fiche descriptive correspondant à ses infirmités avec effet au jour de l'enregistrement de ses demandes de pensions ; 4°) à titre subsidiaire, de désigner un médecin expert qui aura pour mission de fixer les taux d'invalidité des infirmités en se plaçant aux dates d'enregistrement des demandes ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 950 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que le tribunal ne s'est pas placé à la date d'enregistrement des demandes de pension pour apprécier le taux d'invalidité de ses infirmités, ce dont il a résulté une sous-évaluation de celui-ci ; - en ce qui concerne la cheville droite, le seul certificat médical du 30 septembre 2019 importe puisqu'il a été établi juste avant l'enregistrement de la demande, et il résulte de celui-ci une importante gêne fonctionnelle justifiant un taux d'invalidité de 20 % ; - en ce qui concerne la cheville gauche, les documents essentiels à prendre en compte sont le compte-rendu d'examen radiographique et échographie du 16 juin 2020 et le compte-rendu d'arthroscanner du 6 octobre 2020, dont il résulte une gêne fonctionnelle justifiant un taux d'invalidité de 10 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. Un courrier du 23 octobre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 2 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., engagé le 28 mai 2013 dans la légion étrangère, a été radié des contrôles le 2 février 2023. Le 15 octobre 2019, il a présenté une première demande de pension militaire d'invalidité pour une infirmité à la cheville droite. Le 11 janvier 2021, il a présenté une seconde demande de pension pour une infirmité à la cheville gauche. Par un arrêté ministériel du 22 novembre 2021, une pension militaire d'invalidité temporaire lui a été concédée, pour la période du 15 octobre 2019 au 14 octobre 2022, au taux global de 10% pour l'infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite, traitement chirurgical et algodystrophie secondaire : raideur légère en flexion plantaire avec un secteur fonctionnel conservé, boiterie, cicatrice post-chirurgicale hypoesthésiante ". Et par une décision du 1er décembre 2021, la ministre a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse de la cheville gauche avec chondropathie tibiale médiale : douleurs externes avec amplitudes articulaires normales, léger tiroir de l'articulation astragalienne ", au motif que le taux d'invalidité de cette infirmité est inférieur au minimum indemnisable de 10%. Saisie d'un recours de M. A... contre ces décisions, la commission de recours de l'invalidité, par décision du 11 mai 2022, a, d'une part, modifié le libellé de l'infirmité relative à la cheville droite, et, d'autre part, maintenu les taux d'invalidité fixés par l'administration au titre des deux infirmités. Par un jugement du 14 décembre 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que le taux de l'infirmité de la cheville droite soit porté à 25 % et celui de l'infirmité de la cheville gauche à 10 %. 2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " (...) Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Selon l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Enfin, l'article L. 151-6 dudit code dispose que : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 (...). / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ". 4. Par ailleurs, en application de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée et cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 151-6 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités. 5. En ce qui concerne, d'abord, l'infirmité n° 1, désormais libellée, à la suite de la décision de la commission de recours de l'invalidité, " séquelles d'entorses de la cheville droite, traitement chirurgical et algodystrophie secondaire : raideur légère en flexion plantaire avec un secteur fonctionnel conservé, boiterie, instabilité notable, déficit proprioceptif, léger déficit musculaire, gêne fonctionnelle à la marche, hypoesthésie de la cicatrice chirurgicale ", il résulte de l'instruction que l'expert mandaté par l'administration a estimé, dans ses rapports remis les 5 août et 8 septembre 2021, que le taux d'invalidité devait être fixé à 25 % en raison d'une flexion plantaire limitée à - 10°et d'une flexion dorsale limitée à - 5°par rapport aux amplitudes normales. L'expert a également relevé une raideur au niveau de l'articulation tibio-talienne, la sous-astragalienne étant normale ainsi que la sous-talienne, une cicatrice chirurgicale avec hypoesthésie au niveau de la cicatrice, et sur le plan fonctionnel, l'absence de pratiques d'activités sportives. Toutefois, alors que, pour confirmer le taux de l'invalidité fixé à seulement 10 % par l'administration, la commission de recours de l'invalidité, suivant en cela l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 14 septembre 2021, a relevé que le déficit articulaire ainsi objectivé était minime avec un secteur fonctionnel utile conservé à la marche, et que l'avis précité du 14 septembre 2021 mentionne plus précisément une limitation de la flexion dorsale non significative et une limitation minime de la flexion plantaire, le certificat médical établi le 30 septembre 2019 par le chirurgien orthopédique et arthroscopique consulté par M. A..., seul document établi avant le dépôt de la demande de pension le 15 octobre 2019, qui objective certes une instabilité de l'articulation avec indication opératoire, ne permet pour autant nullement d'établir, en l'absence de toute description quant à la gêne fonctionnelle induite par la pathologie, qu'à la date de cette demande, le taux d'invalidité de la cheville droite était supérieur à 10 %. Au demeurant, à supposer même que les raideurs de l'articulation constatées par le médecin mandaté par l'administration au cours de l'instruction de la demande de pension aient existé dès le 15 octobre 2019, le guide-barème des invalidités produit par le ministre indique, en ce qui concerne le pied, qu'un taux d'invalidité situé entre 10 % et 30 % doit être appliqué, s'agissant de raideurs articulaires, en cas d'angle de mobilité défavorable (pied talus ou équin), situation qui n'est décrite par aucun des documents et certificats médicaux produits dans l'instance. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à demander l'application d'un taux de 25 % en ce qui concerne l'infirmité n° 1 portant sur sa cheville droite. 6. En ce qui concerne, ensuite, l'infirmité n° 2 libellée " séquelles d'entorse de la cheville gauche avec chondropathie tibiale médiale : douleurs externes avec amplitudes articulaires normales, léger tiroir de l'articulation astragalienne ", l'expert mandaté par l'administration a estimé que le taux d'invalidité devait être fixé à 20 % sur un état antérieur de 5 %, résultant d'un traumatisme survenu en service le 26 août 2014 et responsable de laxité et d'instabilité de la cheville, d'une chondropathie tibiale médiale ouverte ulcérative de stade IV objectivée par un arthroscanner du 6 octobre 2020, ainsi que d'un steppage et d'un déficit de l'extenseur du gros orteil. Toutefois, selon ce même médecin, les appuis unipodaux à gauche sont bien tenus, la marche sur les pointes se réalise normalement sans limitation des amplitudes articulaires de la cheville, et les muscles sont cotés à 4 sur une échelle allant de 0 à 5 au niveau de la jambe et de la cheville gauche. De plus, si l'arthroscanner précité évoque des séquelles d'entorse du ligament collatéral avec dilacération partielle d'un des trois faisceaux du ligament latéral externe de façon partielle, il ne mentionne aucune rupture ligamentaire. Dans son avis du 14 septembre 2021, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité a estimé qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors que, tant le steppage que le déficit du releveur du gros orteil relèvent d'une infirmité distincte et n'ont donc pas à être pris en compte dans l'évaluation, les seules douleurs ressenties par l'agent ne peuvent davantage être prises en compte sans être accompagnées d'un retentissement fonctionnel. Or, alors que les amplitudes articulaires sont normales, le seul compte-rendu d'arthroscopie précité, dépourvu de toute analyse sur les gênes et retentissements fonctionnels des suites de l'entorse survenue le 26 août 2014, ne saurait suffire à établir, contrairement à ce que soutient l'appelant, que le taux d'invalidité de l'infirmité au titre de laquelle il a sollicité une pension était, à la date de sa demande, supérieur à 10 %. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Par suite, l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté, en ce compris celles formulées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 25 mars 2025. N° 24MA00240 2
Cours administrative d'appel
Marseille