Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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Conseil d'État, 4ème chambre, 06/08/2025, 476209, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 195 536,50 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis lors du déroulement de sa carrière et à raison de la maladie qu'il a contractée en service, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2012 pour les sommes correspondant à l'indemnisation de son préjudice de perte de revenus pour la période du 22 août 2006 au 21 août 2011 et à compter du 30 septembre 2015 pour les autres sommes, et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1606924/5-2 du 14 mars 2019, le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 31 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2015, avec capitalisation des intérêts échus au 30 décembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Par une ordonnance n° 19PA01635 du 19 décembre 2019, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat l'appel formé par M. C... contre ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande et l'appel incident formé par le garde des sceaux, ministre de la justice, contre ce même jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à indemniser M. B... à hauteur de 31 000 euros. Par une ordonnance n° 437246 du 24 janvier 2020, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application des dispositions de l'article R. 322-3 du code de justice administrative, attribué à la cour administrative d'appel de Versailles la requête de M. C.... Par un arrêt n° 20VE00367 du 12 mai 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 26 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2015 et de leur capitalisation, réformé le jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a de contraire à son arrêt, et rejeté le surplus des conclusions de M. C... et de l'appel incident du garde des sceaux, ministre de la justice. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 21 juillet et 23 octobre 2023 et les 16 février et 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de rejeter le pourvoi incident présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code du travail ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2007-1762 du 14 décembre 2007 ; - le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Yacine Seck, auditrice, - les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. C... et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... C... a été nommé, à sa sortie de l'Ecole nationale d'administration, dans le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel le 1er avril 2002 et affecté au tribunal administratif de Montpellier à compter du 1er octobre 2002. Nommé commissaire du gouvernement le 1er septembre 2003, il a été placé en congé, d'abord de longue maladie puis de longue durée, du 22 août 2006 au 21 août 2011. Par un avis du 20 juillet 2011, le comité médical du département de l'Hérault l'a déclaré définitivement inapte à la poursuite des fonctions de magistrat administratif, mais apte à exercer d'autres fonctions dans le cadre d'un reclassement à l'issue de son congé de longue durée le 21 août 2011. Par un arrêté du 10 septembre 2012, le vice-président du Conseil d'Etat a reconnu l'imputabilité au service de la maladie de M. C... à compter du 22 août 2006 et a, par un arrêté du même jour, prononcé sa réintégration au sein du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à compter du 22 août 2011. L'intéressé, resté sans affectation avec versement d'un plein traitement depuis le 22 août 2011, a été reclassé, par un arrêté du 30 mai 2013 du vice-président du Conseil d'Etat, sur un poste de chargé de mission au sein de la Cour nationale du droit d'asile à compter du 1er juin 2013. Après avoir été promu au grade de premier conseiller des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par un décret du Président de la République du 23 octobre 2013, M. C... a été placé, par un arrêté du 10 février 2014 du garde des sceaux, ministre de la justice, en position de détachement dans le corps des administrateurs civils auprès de ce ministre pour une durée de deux ans, à compter du 1er février 2014. Par une demande indemnitaire du 30 décembre 2015, restée sans réponse, M. C... a sollicité du vice-président du Conseil d'Etat le versement de la somme de 1 195 536,50 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa maladie imputable au service et de son reclassement tardif. Par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 31 000 euros en réparation de divers préjudices moraux, de troubles dans les conditions d'existence et de souffrances psychiques, liés aux répercussions de sa maladie professionnelle et de la mise en congé correspondante, au retard à l'avancement au sein de son corps d'origine et au fait d'être contraint à renoncer à poursuivre une carrière dans la juridiction administrative, ainsi qu'au délai mis par l'administration à le reclasser. Par un arrêt du 12 mai 2023, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à l'appel incident du garde des sceaux, ministre de la justice, a ramené à 26 000 euros la somme que l'Etat est condamné à lui verser et a rejeté l'appel principal formé par M. C... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt, dont le garde des sceaux, ministre de la justice, demande, par la voie du pourvoi incident, l'annulation en tant qu'il l'a condamné à indemniser le préjudice résultant pour M. B... de la faute commise par l'Etat à raison de son reclassement tardif. Sur le pourvoi principal : En ce qui concerne le régime d'indemnisation des fonctionnaires victimes d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle : 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que celles de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, désormais reprises à l'article L. 824-1 du code général de la fonction publique, qui instituent, en faveur des fonctionnaires de l'Etat victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique ou psychique, partielle ou totale, et permanente, d'exercer une ou plusieurs fonctions causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. Quant à l'existence d'une faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité dans l'apparition de la maladie professionnelle de M. B... : 3. L'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique, dispose que : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. " L'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique précise que : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. " L'article 3 de ce même décret, dans sa rédaction applicable au litige, rappelle en outre que, notamment dans les administrations et établissements publics à caractère administratif de l'Etat, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions de ce décret, celles autrefois définies à l'ancien titre III du livre II du code de travail, dont celles figurant à son ancien article L. 230-2 et désormais inscrites, depuis le 1er mai 2008, aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 de ce code, ainsi que par les décrets pris pour leur application. Enfin, aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 230-2 du code du travail en vigueur au moment des faits en litige : " I. - Le chef d'établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l'établissement, y compris les travailleurs temporaires. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. Il veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. " Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de leurs agents et qu'il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet. 4. En premier lieu, d'une part, en vertu de l'article L. 112-5 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, dans le cadre de ses attributions en matière administrative, est chargé d'une mission permanente d'inspection à l'égard des juridictions administratives, exercée, en application de l'article R. 112-1 du même code, sous l'autorité du vice-président, par un conseiller d'Etat assisté d'autres membres, et chargée de contrôler l'organisation et le fonctionnement des juridictions. A ce titre, il appartient au président de la mission d'inspection des juridictions administratives de diligenter les enquêtes qui, au vu des informations qui lui sont communiquées, lui paraissent nécessaires. Informé de l'existence d'une situation propre à présenter un risque pour la santé des personnels au sein d'une juridiction administrative, il peut ainsi être amené, s'il l'estime justifié, à prendre l'attache du chef de la juridiction concernée afin de s'assurer de l'existence d'un tel risque et, le cas échéant, de ce que les mesures préventives et, si besoin, correctrices ont bien été prises par ce dernier au titre de ses obligations en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des magistrats et agents placés sous son autorité. D'autre part, outre la mission d'inspection des juridictions administratives, l'organisation et la gestion de la juridiction administrative reposaient, à la date des faits en litige, sur plusieurs responsables, services et instances - dont le secrétaire général du Conseil d'Etat, le secrétaire général des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le médecin de prévention, le comité d'hygiène et de sécurité spécial des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les agents chargés de la mise en œuvre des règles d'hygiène et de sécurité au sein de la juridiction administrative alors déployés auprès de chaque cour administrative d'appel pour l'ensemble des juridictions relevant de son ressort géographique -, ainsi que sur des organisations et représentants syndicaux. L'ensemble de ces interlocuteurs était susceptible d'être alerté sur l'existence de dysfonctionnements ou risques au sein d'une juridiction de nature à porter atteinte à la santé de ses magistrats et agents et d'y apporter une réponse, le cas échéant en sollicitant les autorités compétentes pour établir la matérialité de ces dysfonctionnements et risques et, si nécessaire, y mettre un terme. 5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter le grief tiré de la carence fautive du Conseil d'Etat à ne pas avoir mis en place les actions de prévention, d'information et de formation exigées par les dispositions citées au point 3 au titre de ses obligations, en tant qu'autorité gestionnaire des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel responsable, à ce titre, de la sécurité et de la protection de la santé physique et mentale des magistrats et agents de ces juridictions, notamment contre les risques psychosociaux, la cour a d'abord relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le courrier du 15 juin 2005 adressé par M. B... au président de la mission d'inspection des juridictions administratives, qui se bornait à dénoncer le fait que les nouvelles méthodes de travail instaurées au sein du tribunal administratif de Montpellier par sa présidente pour optimiser le traitement des dossiers contentieux avaient, selon lui, porté atteinte aux droits des justiciables et entamé la motivation et l'implication des personnels de la juridiction, n'avait aucunement pour objet d'alerter son destinataire sur les conséquences de ce fonctionnement sur son état de santé personnel ou sur celui des magistrats et agents de la juridiction et n'appelait pas, par conséquent, d'intervention de la part du président de la mission à cet égard. Elle a, ensuite, estimé que l'absence, à la date des faits litigieux, d'un protocole formel de prévention des risques psychosociaux au sein des juridictions administratives ne suffisait pas à caractériser, à elle seule, une méconnaissance par le Conseil d'Etat de ses obligations en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des magistrats et agents de ces juridictions, dès lors qu'outre la saisine du président de la mission d'inspection des juridictions administratives, d'autres mécanismes d'alerte sur l'existence de tels risques, notamment par la saisine des interlocuteurs mentionnés au point précédent, étaient mobilisables au sein de la juridiction administrative. En statuant ainsi, la cour n'a pas, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, entaché son arrêt d'erreur de droit. 6. En deuxième lieu, si M. C... soutient que la cour a omis de répondre à son moyen tiré de ce que le Conseil d'Etat, en ne procédant pas, alors qu'il en avait fait expressément la demande auprès du président de la mission d'inspection des juridictions administratives par un courrier du 21 mai 2012, aux investigations qui auraient permis d'analyser les dommages qui lui avaient été causés par la maladie qu'il avait contractée en service et de déterminer les responsabilités dans la survenue des faits qui en étaient à l'origine, avait méconnu les dispositions prescrivant l'ouverture d'une telle enquête en cas d'accident de service ou de maladie professionnelle, il résulte de l'instruction que cette argumentation, laquelle n'était du reste pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ni de la référence aux dispositions instituant une telle obligation, était uniquement invoquée à l'appui des développements du requérant sur le régime d'indemnisation auquel il estimait avoir droit, de sorte que la cour n'était pas tenue d'y répondre spécifiquement. 7. En troisième lieu, le requérant soutient que, pour écarter le moyen tiré de ce que la maladie qu'il a contractée dans l'exercice de ses fonctions au tribunal administratif de Montpellier résultait du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet de la part de la présidente de cette juridiction entre 2003 et 2006 et était à ce titre imputable à une faute de l'Etat justifiant une réparation intégrale des préjudices qui y étaient directement liés, la cour a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'il se bornait à reprendre en appel son argumentation de première instance sur ce point et a, en conséquence, insuffisamment motivé son arrêt et méconnu son office en adoptant les motifs retenus par le tribunal administratif de Paris aux points 5 à 10 de son jugement du 14 mars 2019. Toutefois, ces moyens ne peuvent qu'être écartés dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'avait fait état en appel d'aucun élément nouveau susceptible de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre dont les premiers juges n'auraient pas déjà tenu compte pour conclure, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les faits qu'il avait rapportés n'étaient pas, au vu des échanges contradictoires des parties, constitutifs d'une situation de harcèlement moral mais étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement qui n'excédaient pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique de la présidente du tribunal administratif de Montpellier et qui tenaient notamment, selon les termes de ce jugement, à la position de confrontation et d'opposition systématiques dans laquelle M. B... s'était lui-même placé vis-à-vis de sa cheffe de juridiction au regard des objectifs légitimes de traitement des dossiers dans un délai raisonnable poursuivis par cette dernière. 8. En quatrième et dernier lieu, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur e point, a estimé que l'accroissement de la charge de travail des magistrats, résultant de la mise en œuvre, au sein du tribunal administratif de Montpellier, de méthodes de travail destinées à optimiser le traitement de dossiers contentieux afin de résorber le stock important d'affaires anciennes de la juridiction et de diminuer un délai de jugement pouvant atteindre pour certaines d'entre elles près de sept ans, n'avait pas manifestement excédé leurs capacités de travail, la cour se bornant, à cet égard, à relever que cet effort exceptionnel n'était pas d'une ampleur telle qu'il devait être regardé comme de nature à faire courir un danger pour leur santé. Contrairement à ce que soutient M. C..., en statuant ainsi, la cour n'a pas subordonné l'engagement de la responsabilité de l'Etat à ce titre à l'existence d'une faute lourde. Le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que la cour n'a pas, dans son appréciation de l'impact de cette charge de travail supplémentaire sur son état de santé, tenu compte des tâches que lui avait personnellement confiées sa hiérarchie, dès lors qu'en jugeant l'alourdissement de la charge de travail des magistrats compatible avec l'exigence de protection de leur santé, les juges d'appel ont implicitement mais nécessairement estimé que les objectifs de résultats assignés à chacun des magistrats de la juridiction, dont M. B..., n'étaient pas déraisonnables au regard de leur capacité individuelle de travail. Quant aux préjudices invoqués par le requérant résultant de son placement en congé pour raison de santé de 2006 à 2011 : 9. En premier lieu, de première part, aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service, (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. " Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable au litige et dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 822-2 à L. 822-4 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27/ du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. / Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature, s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an ; / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. / Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée ; / (...) ". Aux termes de l'article 63 de la même loi, dans sa version applicable au litige : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement. " 10. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. L'administration a l'obligation de maintenir l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre le service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui en remplit les conditions soit placé en congé de longue maladie ou en congé de longue durée, le cas échéant à l'initiative de l'administration. Il a alors droit, dans le premier cas, au maintien de son plein traitement pendant trois ans et, dans le second, au maintien de son plein traitement pendant cinq ans et à un demi-traitement pendant trois ans. 11. De deuxième part, aux termes de l'article 1er du décret du 26 août 2010, entré en vigueur le 30 août 2010, relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés, dans sa version applicable au litige : " I. - 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; / 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables ; / 3° Les dispositions qui prévoient, pour certains régimes indemnitaires spécifiques rétribuant des sujétions particulières, leur suspension à compter du remplacement de l'agent dans ses fonctions demeurent applicables. / II. - Toutefois, les agents bénéficiaires des congés mentionnés au 1° du I ne peuvent, durant ces périodes de congés, acquérir de nouveaux droits au titre des primes et indemnités non forfaitaires qui ont le caractère de remboursement de frais et au titre des primes non forfaitaires qui sont liées à l'organisation et au dépassement du cycle de travail. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice des indemnités attachées à l'exercice des fonctions est maintenu, dans les conditions ainsi définies, aux fonctionnaires de l'Etat placés soit en congé de maladie ordinaire soit en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service. Dans ce second cas, les fonctionnaires bénéficiant du maintien de l'intégralité de leur traitement en vertu des dispositions du second alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 citées au point 9, conservent également le bénéfice intégral de ces régimes indemnitaires, dans le respect, quand ceux-ci prévoient une modulation, des dispositions de ce décret. 12. De dernière part, aux termes de l'article 1er du décret du 14 décembre 2007 relatif au régime de l'indemnité de fonction des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : " Il peut être alloué aux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel une indemnité de fonction comprenant deux parts : / - une part tenant compte des responsabilités, du niveau d'expérience et des sujétions afférentes aux fonctions exercées, dite part fonctionnelle ; / - une part tenant compte des résultats obtenus et de la manière de servir, dite part individuelle. " 13. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par un arrêté du 10 septembre 2012, le vice-président du Conseil d'Etat a reconnu l'imputabilité au service de la maladie de M. C... et requalifié les congés de longue maladie et de longue durée qui lui ont été accordés entre le 22 août 2006 et 21 août 2011 en congé pour maladie contractée dans l'exercice des fonctions, régi par les dispositions du second alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, et que si M. B... a, à ce titre, bénéficié du reversement des sommes qu'il aurait dû percevoir à plein traitement du 22 août 2009 au 21 août 2011, ces sommes n'incluaient pas les parts individuelle et fonctionnelle de son indemnité de fonctions. 14. De première part, pour juger que le requérant ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 1er du décret du 26 août 2010 citées au point 11 pour réclamer le maintien de son régime indemnitaire, en complément du versement de l'intégralité de son traitement, pour la période courant à compter du 22 août 2006, la cour a rappelé sans erreur de droit qu'elles ne sont entrées en vigueur que le 30 août 2010. De deuxième part, si M. B... soutenait devant les juges d'appel que lui était dû, pour l'ensemble de la période du 22 août 2006 au 21 août 2011, le versement de l'intégralité des indemnités accessoires sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 du décret du 14 mars 1986, l'invocation de ces dispositions, régissant le maintien du régime indemnitaire en cas de congé de longue durée, était inopérante dès lors que les congés de longue maladie et de longue durée qui lui ont été octroyés sur la période en cause avaient été requalifiés en congé pour maladie contractée dans l'exercice des fonctions, lequel congé était régi par le second alinéa du 2° du I de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 cité au point 9. En outre, pour la période du 22 août 2006 au 29 août 2010, M. C..., qui n'a bénéficié ni d'une allocation temporaire d'invalidité, ni d'une rente viagère d'invalidité, ne pouvait prétendre, eu égard à ce qui a été dit au point 2, au titre de l'obligation du Conseil d'Etat de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle, sauf dans l'hypothèse où ces chefs de préjudice seraient directement liés à une maladie imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de son employeur. Enfin, en retenant que, pendant la période au cours de laquelle l'intéressé a été placé en congé de maladie imputable au service, l'indemnité de fonction prévue par l'article 1er du décret du 14 décembre 2007, destinée à rémunérer les services assurés au sein de ces juridictions et à compenser notamment les sujétions afférentes, était attachée à l'exercice effectif de fonctions, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance alléguée par le requérant que cette indemnité puisse constituer près du tiers de la rémunération des magistrats administratifs, la cour n'a pas, contrairement à ce que soutient M. C..., entaché son arrêt d'erreur de droit. En ce qui concerne la procédure de reclassement du requérant : 15. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 30 novembre 1984 relatif au reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, pris en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 cité au point 9, dans sa version applicable au litige : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. " Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. / (...) / La procédure de reclassement telle qu'elle résulte du présent article doit être conduite au cours d'une période d'une durée maximum de trois mois à compter de la demande de l'agent ". 16. D'autre part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade. Ainsi, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de son maintien illégal sans affectation. Pour déterminer l'étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches qu'il appartient à l'intéressé d'entreprendre auprès de son administration, eu égard tant à son niveau dans la hiérarchie administrative que de la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d'un traitement sans exercer aucune fonction. Dans ce cadre, sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause qui débute à la date d'expiration du délai raisonnable dont disposait l'administration pour lui trouver une affectation, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. 17. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, si le requérant a adressé au vice-président du Conseil d'Etat un courrier du 25 juin 2011 sollicitant, dans l'hypothèse où ne serait pas reconnue l'imputabilité au service de sa maladie, le bénéfice des dispositions relatives au reclassement des fonctionnaires reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il ne l'a informé que par un nouveau courrier du 13 juillet 2011 de son souhait d'être finalement reclassé, s'il était déclaré inapte à reprendre les fonctions qui étaient les siennes au sein du tribunal administratif de Montpellier, sur un autre emploi, au besoin au sein d'un autre corps. A la suite de l'avis du 20 juillet 2011 par lequel le comité médical départemental de l'Hérault a proposé la réintégration dans son corps de M. C... à compter du 22 août 2011 et précisé qu'il était définitivement inapte à ses fonctions mais restait apte à un reclassement, le vice-président du Conseil d'Etat a, par un arrêté du 10 septembre 2012, prononcé la réintégration de l'intéressé dans son corps d'origine à compter du 22 août 2011. Par un arrêté du 30 mai 2013, le vice-président du Conseil d'Etat a reclassé M. C... sur un poste de chargé de mission au sein du centre de recherche et de documentation de la Cour nationale du droit d'asile à compter du 1er juin 2013. Ainsi, M. C... a été maintenu en position d'activité sans affectation mais avec traitement du 22 août 2011 jusqu'au 30 mai 2013, soit pour une durée totale d'un an, neuf mois et huit jours, et non, contrairement à ce qu'il soutient, pour une durée de près de deux ans. En fixant à un an et demi la période de maintien de M. C... sans affectation ayant excédé le délai raisonnable dont disposait l'administration pour le reclasser, constitutive d'une faute engageant la responsabilité de l'Etat, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier. 18. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que M. C... n'était pas fondé à demander l'indemnisation de la perte de revenus résultant du retard pris par l'administration pour le reclasser et tenant à l'absence de régularisation d'un demi-traitement perçu en juillet 2012 en lieu et place d'un plein traitement ainsi qu'au non-versement de son indemnité de fonction, la cour a relevé, d'une part, que l'intéressé avait bénéficié à ce titre, en novembre 2013, d'un rappel d'indemnité de 13 500 euros. M. C... n'est pas fondé à soutenir que la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant que cette indemnité correspondait à un rappel dû au titre de la période pendant laquelle il devait être regardé comme ayant été indument maintenu en position d'activité sans affectation, alors qu'elle correspondait à l'indemnité de fonction qui lui était due au titre de l'année 2013 à raison de ses fonctions de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel détaché comme chargé de mission auprès de la Cour nationale du droit d'asile, le document attestant de la nature de cette somme n'ayant été versé à l'instruction pour la première fois par M. C... qu'à l'appui de son pourvoi en cassation. D'autre part, si la cour a également relevé qu'il ne justifiait pas des primes et indemnités dont il bénéficiait dans le cadre de son détachement sur un emploi d'administrateur civil ce qui ne permettait pas de déterminer la différence entre la rémunération à laquelle il aurait pu prétendre en l'absence de retard pris par l'administration pour le reclasser et celle qu'il a effectivement perçue, ce motif, qui présente un caractère surabondant, ne saurait davantage être utilement critiqué en cassation. Enfin, c'est par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation que la cour a relevé, au vu des pièces du dossier qui lui était soumis, que la rémunération de M. B... pour le mois de juillet 2012 avait bien été assurée à plein traitement. 19. En troisième et dernier lieu, le fonctionnaire maintenu en position d'activité, sans pour autant être affecté sur un emploi correspondant à son grade, et qui, en dépit de l'absence d'accomplissement de services effectifs, continue de percevoir son traitement conserve à ce titre ses droits à l'avancement. L'absence de reclassement de M. C... dans un délai raisonnable à compter de sa réintégration dans son corps d'origine est ainsi restée sans incidence sur les possibilités d'avancement dont l'intéressé a continué à bénéficier au cours de la période pendant laquelle, à la suite de cette réintégration, il a été maintenu en position d'activité sans affectation avec versement de son traitement. Dès lors, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans erreur de droit que la cour a jugé que n'était pas établie, en l'espèce, l'existence d'un lien de causalité entre la faute que l'administration a commise en tardant à reclasser M. C... et le fait qu'il n'a pas été promu au grade de premier conseiller avant le 1er décembre 2013. 20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que présente le garde des sceaux, ministre de la justice, au même titre. Sur le pourvoi incident : 21. En se bornant à soutenir que le délai de plus d'un an mis en l'espèce par l'administration pour procéder au reclassement de l'intéressé ne présente pas un caractère fautif en raison de la rareté des vacances de postes hors contentieux dans le corps dont il relève, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne justifie pas des raisons qui expliquent ce délai de reclassement excessif, alors au demeurant que M. C... fait état de recherches de possibilités de reclassement qu'il a lui-même initiées à compter de mai 2012. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le délai déraisonnable mis par l'administration à reclasser M. B... constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard. 22. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident du garde des sceaux, ministre de la justice, doit être rejeté. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi principal de M. C... et le pourvoi incident du garde des sceaux, ministre de la justice, sont rejetés. Article 2 : Les conclusions présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée au secrétariat général du Conseil d'Etat. ECLI:FR:CECHS:2025:476209.20250806
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 18/07/2025, 476311
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle la directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Essonne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 12 mars 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Par un jugement n° 1908052 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande. Par un arrêt n° 21VE03126 du 31 mai 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme B.... Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A... B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... B..., adjointe gestionnaire au lycée Alexandre-Denis à Cerny, en Essonne, a été victime le 12 mars 2018, dans son bureau, d'un infarctus du myocarde. Par une décision du 16 mai 2019, la directrice académique des services départementaux de l'éducation nationale de l'Essonne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime. Par un jugement du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision, ainsi que la décision implicite, née le 11 septembre 2019, rejetant le recours gracieux formé par Mme B..., et a enjoint à la directrice académique des services départementaux de l'éducation nationale de l'Essonne de procéder au réexamen de la demande de Mme B.... Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a annulé ce jugement et rejeté sa demande. Sur le cadre juridique applicable : 2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa version antérieure à sa modification par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 3. D'autre part, aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portants droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 mentionnée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ". Les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique de l'Etat, le 24 février 2019, lendemain de la publication du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la fonction publique d'Etat, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour l'application de ces dispositions à cette fonction publique. 4. Pour l'application de l'ensemble de ces dispositions, qu'elles soient antérieures ou postérieures à l'intervention de l'ordonnance du 19 janvier 2017 mentionnée ci-dessus, constitue un accident tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Il résulte des mêmes dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est victime d'un tel accident, cet accident, avant comme après l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 19 janvier 2017, est, quelle qu'en soit la cause, présumé imputable au service s'il est survenu dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. Il en va en particulier ainsi pour un accident cardio-neurovasculaire, l'état de santé antérieur du fonctionnaire n'étant alors de nature à constituer une circonstance particulière que s'il est la cause exclusive de l'accident. Sur le pourvoi de Mme B... : 5. Pour faire droit à l'appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la cour a jugé qu'un infarctus du myocarde survenu pendant l'exercice des fonctions ne pouvait être reconnu imputable au service que s'il présentait un lien direct, certain et déterminant avec l'exécution du service et qu'en l'espèce, un tel lien n'était pas établi dès lors que l'état de santé antérieur de Mme B... présentait des facteurs de risque et qu'elle n'avait produit aucun effort physique violent et inhabituel au moment de l'évènement. En statuant ainsi, alors que l'accident s'est produit dans le temps et le lieu du service et qu'il lui appartenait par conséquent de rechercher si l'état de santé antérieur de l'intéressée était la cause exclusive de cet accident, la cour a méconnu les règles énoncées au point précédent. 6. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 31 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles. Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré à l'issue de la séance du 27 juin 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure. Rendu le 18 juillet 2025. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Nicole da Costa La secrétaire : Signé : Mme Elsa SarrazinECLI:FR:CECHR:2025:476311.20250718
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17/07/2025, 495253
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 23 septembre 2021 du directeur départemental de la mer de la Corse-du-Sud lui refusant le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à l'administration de lui attribuer cette allocation. Par un jugement n° 2101404 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marie Lehman, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., attachée principale en poste à la direction départementale des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud, a été victime d'un syndrome d'épuisement professionnel reconnu imputable au service au rang des maladies professionnelles non désignées sur un tableau des maladies professionnelles. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud ayant rejeté sa demande tendant à l'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité et implicitement rejeté son recours gracieux contre ce refus. 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, alors applicable, désormais codifié à l'article L. 824-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". 3. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : (...) / c) Soit d'une maladie reconnue d'origine professionnelle dans les conditions prévues par les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; (...) ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, devenu, lors de l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, le septième alinéa de cet article : " Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé ". Aux termes de l'article R. 461-8 du même code : " Le taux d'incapacité mentionné au septième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ". 4. D'autre part, il résulte également des termes des septième et huitième alinéas de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 que les agents souffrant d'une maladie reconnue d'origine professionnelle en application du b) ou du c) du même article ne peuvent bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité " que dans la mesure où l'affection contractée serait susceptible, s'ils relevaient du régime général de sécurité sociale, de leur ouvrir droit à une rente en application du livre IV du code de la sécurité sociale et de ses textes d'application. / La demande d'allocation doit, à peine de déchéance, être présentée dans le délai d'un an à partir du jour où le fonctionnaire a repris ses fonctions après la consolidation de la blessure ou de son état de santé (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée (...), dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation (...) de l'état de santé de l'intéressé ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux maladies d'origine professionnelle en vertu de l'article L. 461-1 du même code : " Une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail atteinte d'une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé. / (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 434-2 : " Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente (...) ". Aux termes de l'article R. 434-1 de ce code : " Le taux d'incapacité prévu aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 434-1 et au deuxième alinéa de l'article L. 434-2 est fixé à 10 % ". 5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 à 4 que le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité, au titre d'une invalidité résultant d'une maladie reconnue imputable au service ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale et ayant entraîné, au moment de cette reconnaissance, un taux d'incapacité permanente de 25 %, est subordonné au constat, après consolidation de l'état de santé de l'intéressé, d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 10%. 6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la commission départementale de réforme a, lors de sa séance du 30 avril 2015, émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service, au titre des maladies professionnelles non désignées sur un tableau des maladies professionnelles, de la pathologie dont souffrait Mme A..., après que le taux d'incapacité permanente affectant l'intéressée eut été évalué par le médecin expert mandaté par la direction départementale des territoires et de la mer à au moins 25 %. D'autre part, il ressort des pièces de ce même dossier que, lors de sa séance du 29 juin 2017, la commission de réforme, saisie dans le cadre de la demande d'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité, a constaté que la consolidation de l'état de santé de l'intéressée était intervenue le 7 septembre 2016 et qu'à cette date, son incapacité permanente partielle était de 10%. Dès lors, en jugeant que le taux de 10 % d'incapacité permanente partielle entraîné par cette maladie, constaté lors de la consolidation de son état de santé, n'était pas de nature à lui ouvrir droit à l'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité au motif qu'il était inférieur à 25 %, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 8. Il résulte de l'instruction que la pathologie dont souffre Mme A..., qui n'est pas désignée sur un tableau des maladies professionnelles, a été déclarée en lien avec le service et a initialement entraîné un taux d'incapacité de 25 %, ce qui a conduit à la reconnaître comme maladie professionnelle. L'incapacité permanente partielle constatée au moment de la consolidation de son état de santé, le 7 septembre 2016, étant de 10 %, Mme A... pouvait prétendre à une allocation temporaire d'invalidité à compter de cette date. Elle est donc fondée à demander l'annulation de la décision du 23 septembre 2021 du directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud refusant de lui reconnaître ce droit ainsi que de la décision par laquelle son recours gracieux a été implicitement rejeté, qui étaient fondées sur le seul motif que le taux d'incapacité permanente partielle constaté au moment de la consolidation de son état de santé était inférieur à 25%. 9. Il suit de là qu'en l'absence d'autre motif de refus invoqué par l'administration, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, d'accorder à Mme A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 7 septembre 2016, date de constatation officielle de la consolidation de son état de santé, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 26 avril 2024 du tribunal administratif de Bastia est annulé. Article 2 : La décision du directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud du 23 septembre 2021 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par Mme A... sont annulées. Article 3 : Il est enjoint à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, d'accorder à Mme A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 7 septembre 2016, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté. Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Copie en sera adressée au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.ECLI:FR:CECHR:2025:495253.20250717
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 15/07/2025, 23TL02903, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État à lui verser la somme globale de 733 315,15 euros au titre des préjudices qu'il estimait avoir subis à la suite de l'accident de service, survenu le 21 juillet 2011, et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2107141 du 24 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 20 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, a rejeté le surplus de sa demande et a mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Marco, de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Sagardoytho et Marco, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement rendu le 24 octobre 2023 ; 2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 733 315,15 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de l'accident, survenu le 21 juillet 2011 ; 3°) de dire et juger que le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité ne s'impute pas sur les indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel permanent ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en l'absence de sanglage des bottes de foin sur le camion, la responsabilité pour faute de l'Etat dans l'accident de service ainsi subi doit être retenue, et ce, en dépit de l'absence de poursuites pénales du chef de groupe de la mission ; - la réparation intégrale de ses préjudices doit, en conséquence, lui être accordée ; - les pertes de gains professionnels futurs sont d'un montant annuel de 18 059,64 euros ; - l'incidence professionnelle et notamment la perte de chance d'une carrière dans l'armée peut également être indemnisée ; - le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité n'avait pas à être imputé sur l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent ; - ses souffrances endurées doivent être réparées par la somme de 20 000 euros ; - le préjudice esthétique temporaire, fixé à 2 000 euros par les premiers juges, sera confirmé ; - le déficit fonctionnel permanent doit être porté à la somme de 34 800 euros ; - le préjudice esthétique permanent, au regard de la circonstance qu'il est âgé de 30 ans à la date de la consolidation, sera fixé à 4 000 euros ; - le préjudice d'agrément, au regard des nombreuses activités physiques pratiquées, sera fixé à 20 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : Sur les préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer : - contrairement à ce qui est soutenu, le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité a été imputé, à juste titre, sur les indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel permanent ; - l'indemnité sollicitée au titre du déficit fonctionnel permanent est manifestement excessive ; - les pertes de gains professionnels ne sont pas établies dès lors que M. A... a continué de percevoir sa solde jusqu'à sa date de radiation des cadres le 17 janvier 2015 ; il en va de même pour la période postérieure à cette date, M. A... ne bénéficiant d'aucun droit au renouvellement de son contrat et ayant au demeurant rapidement retrouvé un emploi ; - les premiers juges ont estimé à bon droit que l'incidence professionnelle devait être réparée à hauteur de 20 000 euros ; Sur les préjudices que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer : - l'indemnité sollicitée par l'appelant au titre des souffrances endurées est surévaluée ; - il en va de même de l'indemnité sollicitée par l'appelant au titre du préjudice esthétique permanent ; - le préjudice d'agrément a été évalué à la juste somme de 6 000 euros et sera confirmé. Par une ordonnance du 24 février 2025, la date de clôture d'instruction a été fixée au 14 avril 2025. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., maréchal des logis, a été victime d'un accident de service, le 21 juillet 2011, alors qu'il aidait au déchargement d'un camion tracteur dans le cadre d'une mission d'assistance gouvernementale aux agriculteurs en difficulté en raison de la sécheresse. A ce titre, il a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité concédée à titre définitif à compter du 20 février 2015 au taux de 60%. Le 24 avril 2015, un protocole transactionnel en réparation des préjudices subis d'un montant global de 15 200 euros lui a été proposé. A la suite du recours gracieux présenté le 30 mars 2018, il lui a été proposé, le 29 mai 2018, un nouveau protocole transactionnel d'un montant global de 16 300 euros. M. A... a refusé la transaction et a introduit une requête tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme globale de 733 315,37 euros, qui a été rejetée par une ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, rendue le 3 mai 2021, au motif que l'intéressé n'avait pas préalablement saisi la commission de recours des militaires. Par un courrier du 1er juin 2021, M. A... a présenté une nouvelle demande indemnitaire qui a été rejetée par une décision du 9 juin 2021. Il a alors saisi la commission de recours des militaires qui, par une décision du 4 novembre 2021, a rejeté son recours. Par un jugement rendu le 24 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et a rejeté le surplus de sa demande. M. A... relève appel du jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à cette somme. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat : 2. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. 3. Si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 5. La responsabilité pour faute de l'Etat, retenue par le tribunal administratif de Toulouse, n'est pas contestée à hauteur d'appel et il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été retenue à tort par lesé premiers juges. En conséquence, M. A... est fondé à solliciter la réparation intégrale de ses préjudices sur ce fondement. En ce qui concerne les préjudices : S'agissant des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer : 6. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant au versement d'une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total de ces préjudices, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. Quant aux pertes de gains professionnels futurs : 7. En se bornant à soutenir que son revenu annuel perçu, avant l'accident de service, était de 21 747,72 euros et qu'il convient seulement de soustraire le montant annuel de la pension militaire d'invalidité de 3 688,08 euros pour en déduire une perte de revenus annuelle de 18 059,64 euros et, après application du taux de rente viagère de 36,408, des pertes futures d'un montant total de 657 515,37 euros, M. A... n'établit pas la réalité d'une perte de revenus à la date de consolidation de son état de santé, à savoir le 5 septembre 2014, alors notamment que son contrat, arrivé à échéance le 31 janvier 2012, a été renouvelé pour le temps de son congé de maladie avec perception de l'intégralité de sa solde jusqu'à sa radiation des contrôles, le 17 janvier 2015 et qu'il a retrouvé, un emploi, dès le 9 novembre 2015, pour un montant mensuel brut de 1 728,13 euros auquel s'ajoute sa pension militaire d'invalidité d'un montant mensuel de 500 euros. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, ce poste n'a pas à faire l'objet d'une indemnisation. Quant à l'incidence professionnelle : 8. M. A... a été engagé, par contrat, le 6 mai 2003, à l'âge de 20 ans, en tant que militaire du rang dans une armée renouvelant les contrats des engagés par période de cinq ans avec une limite légale de durée de service fixée à 25 ans en vertu de l'article L. 4139-16 du code de la défense. Il est devenu sous-officier, sous contrat, le 1er février 2007, et il n'était sujet à aucun trouble antérieurement à l'accident de service. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que M. A... a été privé d'une chance sérieuse d'obtenir le renouvellement de son engagement au-delà de son terme. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant à la somme de 20 000 euros, ainsi que l'ont fait à bon droit les premiers juges. Quant au déficit fonctionnel permanent : 9. Le déficit fonctionnel permanent de M. A..., qui a une perte de la flexion dorsale et une ankylose de l'articulation tibio-talienne, a été estimé à 15%. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, incluant les troubles définitifs dans les conditions d'existence du militaire, en l'évaluant à la somme de 23 500 euros, qui a été retenue par les premiers juges. Quant au montant total des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer et au droit de M. A... à recevoir une indemnisation complémentaire : 10. D'une part, compte tenu de la finalité de la pension militaire d'invalidité rappelée aux points 2 et 3, l'appelant ne saurait sérieusement soutenir que le capital représentatif de la pension ainsi perçue n'avait pas à être déduit des postes de préjudice que sont l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent. 11. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. A... s'est vu attribuer une pension militaire d'invalidité au taux de 55% du 30 novembre 2014 au 19 février 2015 et de 60 % à compter du 20 février 2015 dont le montant annuel est de 3 583,62 euros. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de convertir ce montant annuel en un capital, selon les tables de mortalité de l'institut national de la statistique et des études économiques de la population générale 2017-2019 et publiées à la Gazette du Palais. Sur la base de ces éléments rapportés à une victime de sexe masculin, âgée de 31 ans à la date de consolidation, le coefficient de capitalisation s'élève à 48,979 à un taux d'intérêt égal à 0% de sorte que le montant capitalisé de la pension militaire d'invalidité de M. A... s'élève à 175 522,12 euros. Si ce dernier peut prétendre, ainsi qu'il a été dit aux points 8 et 9, à une indemnisation à hauteur des montants respectifs de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et de 23 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, le total de ces sommes est inférieur au montant du capital représentatif de la pension militaire d'invalidité. Dans ces circonstances, ces deux postes de préjudice ne sauraient donner lieu à une indemnisation complémentaire. 12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas en droit de prétendre à une indemnisation complémentaire des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. En ce qui concerne les préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à M. A... n'a pas pour objet de réparer : 13. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise, réalisée le 28 janvier 2015, que les souffrances endurées par M. A..., ont été évaluées à 4,5 sur une échelle de 7, en raison d'une hospitalisation itérative, de plusieurs interventions chirurgicales, d'une immobilisation trainante sur plusieurs mois et d'une rééducation de plus de six mois en centre dédié et en ambulatoire. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à M. A... la somme de 10 000 euros, au demeurant, retenue par les premiers juges. 14. En deuxième lieu, le préjudice esthétique temporaire, évalué à 3 sur une échelle allant de 1 à 7, au regard des difficultés majeures de marche qui n'est rendue possible qu'avec deux cannes anglaises, peut être fixé à la somme, non contestée, par les parties, de 2 000 euros. 15. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a subi un préjudice esthétique permanent évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert, en lien avec une boiterie modérée permanente nécessitant l'usage d'une canne. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à l'intéressé une somme de 2 000 euros à ce titre. 16. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a subi un préjudice d'agrément en raison de l'abandon de toutes les activités physiques et sportives, de la limitation des activités avec ses enfants et de l'impossibilité de conduire une voiture. M. A... soutient à cet effet qu'il ne peut plus pratiquer la pelote basque, la musculation, le motocross, le footing, le vélo tous terrains et le rugby. A cet égard, il justifie avoir pratiqué le rugby en tant que licencié de la fédération française, de 2004 à 2008 dans la catégorie sénior puis un " rugby loisir " au sein du club " Lous Arousecs " de Navarrenx (Pyrénées-Atlantiques) de 2008 à 2011. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice subi par le requérant, seulement âgé de 31 ans au 5 septembre 2014, date de consolidation de son état de santé, en l'évaluant à la somme de 6 000 euros. 17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a limité son indemnisation à la somme de 20 000 euros. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme sollicitée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL02903 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/07/2025, 24NT03238, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours préalable contre la décision du ministre des armées du 2 octobre 2020 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 2108258 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 juin 2024 ; 2°) d'annuler la décision contestée et de reconnaître son droit à révision de pension ; 3°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale aux fins d'évaluation de l'aggravation de ses infirmités ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - les blessures à la cheville droite survenues en 1996 et en 2005 résultent d'une instabilité et d'une fragilité de la cheville qui résultent elles-mêmes directement des blessures antérieurement reçues durant le service de sorte que l'imputabilité au service de l'aggravation de son infirmité ne saurait être écartée du seul fait que les blessures de 1996 et 2005 ont eu lieu après son départ de l'armée ; - la lésion de sa cheville droite n'est pas stabilisée à ce jour ; - des difficultés nouvelles par rapport à celles décrites lors de l'octroi initial de sa pension ont été mises en évidence et traduisent un accroissement de la gêne fonctionnelle résultant de ses séquelles du traumatisme du genou gauche ; - aucun élément autre que sa blessure du genou gauche n'est à l'origine de l'aggravation de cette infirmité ; cette aggravation résulte du vieillissement physiologique et est imputable à son infimité initiale ; - les très nombreux examens médicaux et interventions chirurgicales que nécessite le traitement de ses infirmités démontrent par eux-mêmes la réalité de l'aggravation de ses infirmités durant les 23 années qui séparent l'attribution de la pension définitive et la décision de la commission de recours de l'invalidité confirmant le refus opposé à sa demande d'aggravation. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bougrine, - les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique - et les observations de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans l'armée du 7 novembre 1983 au 21 mai 1990, s'est vu concéder par un arrêté du 5 septembre 1995 une pension militaire d'invalidité au taux global de 50 % au titre de séquelles d'entorse de la cheville droite (30 %) et de séquelles de traumatisme du genou gauche (20 %). Par un arrêté du 9 février 1998, cette pension a été octroyée définitivement au taux global de 40 % en retenant un taux de d'invalidité de 20 % au titre de chacune des deux infirmités. Le 20 mars 2019, M. B... a demandé la révision de sa pension pour aggravation. Cette demande a été rejetée par une décision du ministre des armées du 2 octobre 2020. Par une décision du 28 mai 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté le recours préalable contre cette décision ministérielle de rejet. M. B... relève appel du jugement du 18 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité. 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Sur l'infirmité " séquelles d'entorse de la cheville droite " : 3. De première part, il résulte de l'instruction que le 18 juillet 1984, il a été constaté une blessure de la cheville droite de M. B... reconnue imputable par présomption. Des récidives, se traduisant par des entorses, sont survenues le 19 août 1985 et le 15 février 1986. Les séquelles de ces entorses ont justifié l'octroi, par un arrêté du 5 septembre 1995 et pour une durée de trois ans, d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %. Cette pension a ensuite été concédée à titre définitif, par un arrêté du 9 février 1998, au taux, s'agissant de cette première infirmité, de 20 %. Si la fiche descriptive des infirmités établie le 24 février 1998 n'en fait pas explicitement état, il résulte de l'avis de la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité du 18 novembre 1997 et de celui de la commission consultative médicale du 11 décembre 1997, auxquels se réfère cette fiche, que le taux de 20 % alors retenu a été justifié par la circonstance que la " symptomatologie séquellaire actuelle " de M. B... aurait, en partie, été imputable à un accident de travail survenu le 21 février 1996, postérieurement à sa radiation des contrôles mais aussi de l'octroi de sa pension initiale. Cependant, il résulte du rapport médical d'attribution d'incapacité permanente du 7 octobre 1996 que l'accident du 21 février 1996, dont la prise en charge au titre de la législation relative aux accidents du travail a d'ailleurs été refusée au motif qu'il n'avait pas entrainé de séquelles indemnisables, s'est seulement manifesté par un gonflement de la cheville entrainant un " lâchage du pied " lors d'un déplacement de M. B... sur son lieu de travail. Les énonciations de l'expertise médico-légale réalisée le 13 septembre 1996 selon lesquelles " L'état antérieur est enregistré, mais ne joue pas de rôle dans la mesure où il n'a pas été modifié par l'évènement du 22.02.96 " sont équivoques et ne permettent pas de considérer que le gonflement de la cheville observé le 22 février 1996 ne serait pas la conséquence des séquelles d'entorses de la cheville droite au titre desquelles M. B... bénéficie d'une pension. 4. De deuxième part, la commission de recours de l'invalidité s'est fondée sur l'avis émis le 2 septembre 2020 par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, lequel a fait siennes les conclusions du rhumatologue auquel a été confié l'expertise diligentée dans le cadre de l'instruction de la demande de révision et relevé, d'une part, que l'expertise ne mettait pas en évidence, par comparaison avec celle réalisée le 25 juin 1997, d'aggravation du déficit fonctionnel au regard des déficits de flexion et que, d'autre part, l'instabilité de la cheville apparue à la suite d'une entorse survenue le 12 janvier 2015 n'était pas imputable. Dans son rapport du 18 août 2020, l'expert indique que " Les constatations cliniques étant à peu près similaires à celles établies lors de l'attribution des taux d'IPP ", sans d'ailleurs préciser s'il s'agit de ceux retenus lors de la concession provisoire ou lors de la concession définitive, les " taux d'IPP sont inchangés ". L'expert estime que l'invalidité de M. B... n'a pas évolué tout en s'appuyant, pour préconiser le maintien des taux d'invalidité, sur la non imputabilité des séquelles de l'entorse survenue en 2015 soit postérieurement à la détermination de ces taux qu'il estime pourtant devoir être maintenus faute d'évolution. Enfin, par sa teneur, l'expertise, qui, de surcroît, ne distingue pas rigoureusement les troubles fonctionnels résultant des séquelles de l'entorse de la cheville droite et celles du traumatisme du genou gauche, ne rend pas compte de la gêne fonctionnelle subie par M. B... à la date de sa demande de révision. 5. De troisième part, il résulte des diverses pièces médicales versées à l'instruction que l'instabilité de la cheville existante à la date de la demande de révision est consécutive à l'entorse survenue en janvier 2015. Le développement d'une " arthropathie post-traumatique " a également été mise en évidence à l'occasion notamment d'un examen d'imagerie médicale réalisé le 12 mars 2015. Aucun élément de l'instruction ne permet d'exclure que, comme le soutient le requérant, l'entorse de 2015, à l'instar de la blessure de 1996, trouve directement et entièrement sa cause dans les séquelles d'entorse de la cheville droite au titre desquelles M. B... perçoit une pension. 6. En définitive, alors que l'expertise sur laquelle se sont appuyés tant le ministre des armées que la commission de recours de l'invalidité souffre d'inconsistance et d'imprécision et qu'il existe un doute quant à la filiation entre l'infirmité pensionnée et les blessures reçues en 1996 et 2015, il résulte de l'instruction que sont apparus de nouveaux troubles, telle l'instabilité de la cheville, susceptibles d'avoir aggravé le déficit fonctionnel de M. B.... Dans ces conditions, la cour n'est pas en mesure de se prononcer sur les droits à pension de M. B.... Sur l'infirmité " séquelles du traumatisme du genou gauche " : 7. M. B... bénéficie d'une pension au titre des séquelles qu'il a conservées des deux blessures reçues au genou gauche les 22 mai 1988 et 28 octobre 1988. Il aurait également souffert d'une dysplasie rotulienne bilatérale. 8. Il résulte des nombreuses pièces produites par M. B... ainsi que de l'avis sur pièces rendu le 16 juin 2021 par un médecin expert consulté par le requérant que l'état clinique du genou gauche a fortement évolué entre 1998 et 2019. En particulier, l'arthrose, déjà observée au printemps 1997, comme en témoigne, notamment, le courrier du chirurgien orthopédiste ayant pratiqué une méniscectomie du segment moyen du genou gauche, s'est significativement aggravée, conduisant un chirurgien orthopédique et traumatologique à envisager, dès le mois de novembre 2018, une arthroplastie totale du genou. Ce même chirurgien a établi un lien, dans ses courriers des 27 septembre et 19 novembre 2018, entre la gonarthrose de M. B... et ses antécédents ligamentaires. Ce lien avait également été mis en évidence par un autre chirurgien orthopédique indiquant, dans un certificat du 9 avril 1999, que M. B... " dans les suites d'un traumatisme au niveau du genou gauche a présenté une laxité antéro-interne du genou. Cette laxité a entrainé un début d'arthrose fémoro-tibiale interne ". Il apparait, en outre, que, alors que l'expertise du 23 juin 1997 a mis en relation le dérangement du genou gauche consécutif au traumatisme et une destruction cartilagineuse majeure, M. B... a présenté, à partir de 2017, une symptomatologie de corps étrangers intra-articulaires et de chondropathies en lien avec son arthrose et susceptible d'avoir entrainé les " blocages " du genou décrits par l'intéressé. Au vu de ces éléments, la seule circonstance, qui fonde l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 2 septembre 2020, que la comparaison entre les expertises du 23 juin 1997 et du 18 août 2020 révèlerait une mobilité articulaire stable ne permet pas de lever les doutes sérieux, que font naitre les pièces versées à l'instruction, quant à l'aggravation de l'infirmité et l'accroissement du déficit fonctionnel qui en découle. 9. Il y a lieu, par suite, d'ordonner, en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise aux fins et dans les conditions prévues par le dispositif du présent arrêt. DÉCIDE : Article 1er : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire par un chirurgien orthopédiste et traumatologique ou par un rhumatologue. Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il pourra solliciter la désignation d'un sapiteur et accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 3 : L'expert aura pour mission : - de prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. B..., en ce qui concerne les deux infirmités en litige, se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ; En ce qui concerne la cheville droite : - de dire si la survenance des blessures de la cheville droite survenues en 1996 et 2015 trouvent leur cause, en tout ou partie, dans les entorses subies entre 1984 et 1986 ; - dans la négative, de préciser dans quelle mesure le déficit fonctionnel de M. B... à la date du 20 mars 2019 peut être rattaché, d'une part, à l'infirmité pensionnée et, d'autre part, aux blessures survenues en 1996 et 2015 ; - en se plaçant à la date du 20 mars 2019, de décrire l'état de l'infirmité " séquelles d'entorse de la cheville droite " et d'expliciter les incapacités fonctionnelles qui en résultent ; - de fixer le taux d'invalidité correspondant aux séquelles d'entorse de la cheville droite, à la date du 20 mars 2019, en faisant le départ, le cas échéant, avec les taux d'invalidité rattachables à des causes étrangères ; En ce qui concerne le genou gauche : - de dire si M. B... souffre de séquelles de dysplasie rotulienne bilatérale et, dans l'affirmative, si cette infirmité trouve son origine dans les traumatismes du genou gauche subis en 1988 ; - de déterminer si la gonarthrose, la détérioration cartilagineuse et le développement de corps étrangers intra-articulaires sont la conséquence des traumatismes subis au genou gauche en 1988 ou procèdent d'une cause étrangère ; - en se plaçant à la date du 20 mars 2019, de décrire l'état de l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou gauche " et d'expliciter les incapacités fonctionnelles qui en résultent ; - de fixer le taux d'invalidité correspondant aux séquelles de traumatisme du genou gauche, à la date du 20 mars 2019, en faisant le départ, le cas échéant, avec les taux d'invalidité rattachables à des causes étrangères ; - de façon générale, de donner tous autres éléments d'information nécessaires. Article 4 : Le rapport d'expertise sera déposé par voie électronique au greffe de la cour et l'expert en notifiera des copies aux parties, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties. Article 5 : L'expert appréciera, l'utilité de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport. Article 6 : Les frais et honoraires d'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 7 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président assesseur, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025. La rapporteure, K. BOUGRINELe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 24NT03238
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 15/07/2025, 23TL03015, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 22 septembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'il a formé contre la décision de la ministre des armées du 18 février 2021 refusant de faire droit à sa demande de pension pour l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative ", de fixer le taux d'invalidité relatif à cette infirmité au taux de 12% et d'ouvrir ses droits à pension militaire d'invalidité à ce titre à compter de la date de sa demande de pension et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n°2106512 du 24 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 septembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 18 février 2021 du ministre des armées refusant de faire droit à sa demande de pension pour l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative ", a fixé les droits à pension de M. B... au titre de cette infirmité à 12% à compter du 14 août 2019 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2023 et le 21 février 2025, le ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement rendu le 24 octobre 2023 en ce qu'il a retenu un taux d'invalidité de 12% pour l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative " ; 2°) de dire que le taux d'invalidité relatif à cette infirmité est inférieur à 10% ; 3°) de confirmer la décision la commission de recours de l'invalidité du 22 septembre 2021. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de droit et induit des difficultés d'exécution ; - le tribunal s'est mépris sur la finalité de la pension militaire d'invalidité au point 5 du jugement ; - les douleurs ne font pas partie des troubles fonctionnels que recouvre une infirmité ; - le taux d'invalidité, pour cette infirmité, au regard d'une gêne fonctionnelle minime, doit être fixé à moins de 10%. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2024 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 18 mars 2025, M. A... B..., représenté par Me Petitgirard, conclut au rejet de la requête et, demande, par la voie de l'appel incident, de condamner le ministre des armées à liquider sa pension militaire d'invalidité au taux de 15% et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocate, en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Il fait valoir que : - les moyens soulevés ne sont pas fondés ; - contrairement à ce qui est allégué, la pension militaire d'invalidité doit indemniser non seulement les pertes de revenus et l'incidence professionnelle mais également le déficit fonctionnel ; - les douleurs ont été prises en compte, à juste titre, au titre de ses troubles fonctionnels et de l'atteinte à son état général ; - la pension d'invalidité, au regard du taux de 12% retenu par l'expert désigné par la sous-direction des pensions, doit être liquidée au taux de 15%. Par une ordonnance du 24 février 2025, la date de clôture d'instruction a été reportée au 25 mars 2025. M. B... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., caporal de l'armée de terre, radié des contrôles le 8 octobre 2020, a subi un accident le 9 octobre 2018 et a présenté, le 24 juillet 2019, une demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " douleur sterno-claviculaire droite " qui a été enregistrée le 14 août 2019. Par une décision du 18 février 2021, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité est inférieur au minimum indemnisable de 10% pour l'ouverture du droit à pension. Le 31 mai 2021, M. B... a présenté un recours administratif préalable contre cette décision. Le 22 septembre 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours. Par un jugement, rendu le 24 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 septembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. B... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité et a fixé à 12% le pourcentage de pension d'invalidité de M. B... au titre de l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative ", à compter du 14 août 2019. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. B... sollicite l'attribution d'une pension d'invalidité au taux de 15%. Sur la régularité du jugement : 2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit ni de l'erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué. Il ne peut davantage utilement invoquer, pour contester la régularité de ce jugement, les difficultés d'exécution qu'il induit. Sur l'appel principal : 3. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. En ce qui concerne les motifs d'annulation : 4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) ". 5. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales. 6. Pour annuler la décision du 22 septembre 2021 de la commission de recours de l'invalidité, les premiers juges ont estimé, d'une part, qu'en refusant de prendre en considération, dans l'évaluation du taux d'invalidité de l'infirmité, les douleurs chroniques de M. B..., l'administration avait entaché sa décision d'une erreur de droit et, d'autre part, qu'en retenant un taux d'invalidité inférieur à 10%, elle avait commis une erreur d'appréciation. 7. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général ". 8. D'une part, eu égard à la réparation forfaitaire à laquelle les militaires peuvent prétendre au titre des préjudices mentionnés au point 5 incluant les douleurs permanentes, qui participent de la gêne fonctionnelle, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que les douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite de M. B... n'avaient pas à être prises en compte pour déterminer le montant de la pension. 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". 10. Si le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 18 janvier 2021, a retenu une " discrète limitation de la mobilité " et une " légère raideur de l'épaule droite " et a évalué le taux d'invalidité à un pourcentage inférieur à 10%, au regard des " géodes dégénératives de l'épiphyse claviculaire droite sans lésion fracturaire " révélées par l'imagerie par résonance magnétique, réalisée le 24 décembre 2018, il résulte toutefois de l'instruction et notamment de l'expertise médicale, ordonnée par la sous-direction des pensions, dont les conclusions ont été remises, le 28 décembre 2020, que l'infirmité, en lien direct avec l'accident de service, concerne l'épaule droite, qui est douloureuse avec perte de mobilité en antépulsion de 20 degrés, un peu en abduction et rotation, et devant donner lieu à un taux définitif d'invalidité de 12%, selon le guide-barème des invalidités, pour " raideur articulaire sur épaule dominante portant sur la propulsion et sur l'abduction ". Cet avis médical est, par ailleurs, corroboré par les avis de deux médecins de l'antenne médicale de Pamiers (Ariège) et de l'hôpital des armées Robert Picqué de Villenave d'Ornon (Gironde), émis les 22 janvier et 12 décembre 2019, relevant que M. B... présente une douleur sterno-claviculaire persistante et chronique apparaissant de manière itérative sur des mouvements anodins ou météorologiques. En outre, le 20 septembre 2020, la commission de réforme des militaires a conclu à l'absence d'aptitude physique de M. B... à l'exercice des fonctions afférentes aux emplois de son grade, ce qui a conduit à sa radiation des cadres. Dans ces conditions, le ministre des armées ne saurait sérieusement soutenir que le taux d'invalidité relatif à cette infirmité doit être fixé à un taux inférieur à 10 %. 11. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 septembre 2021 de la commission de recours de l'invalidité. Sur l'appel incident : 12. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Selon l'article L. 125-3 de ce code : " Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5. Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...). " Le guide barème des invalidités prévoit un taux d'invalidité compris entre 10 et 30% lorsque ces raideurs de l'épaule concernent la propulsion et l'abduction. 13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, le taux d'invalidité de M. B... doit, au regard notamment de l'expertise ordonnée par la sous-direction des pensions, être fixé à 12%. En conséquence, l'intimé est fondé, dans le cadre de ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident, à demander, conformément au principe figurant à l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, cité au point précédent, l'ouverture d'une pension d'invalidité à hauteur de 15% à compter du 14 août 2019, date de l'enregistrement de sa demande et à solliciter la liquidation des droits à pension correspondants. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a fixé à 12% son taux d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 15. M. B... ayant obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Petitgirard, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à son profit au titre des frais liés au litige. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté. Article 2 : M. B... a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 15% au titre de l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative " à compter du 14 août 2019. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Petitgirard en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées, à M. A... B... et à Me Petitgirard. Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL03015 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/07/2025, 24NT02633, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté le recours qu'il a formé contre la décision de la ministre des armées lui refusant l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre d'acouphènes gauches permanents ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale. Par un jugement n° 2107635 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours de l'invalidité du 28 avril 2021 et enjoint au ministre des armées de prendre une nouvelle décision en retenant un taux d'invalidité, au titre des acouphènes gauches permanents, de 20 %. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 août 2024 et le 19 décembre 2024, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 juin 2024 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes. Il soutient que : - M. A... n'a pas apporté la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre les acouphènes bilatéraux permanents dont il se prévaut et ses fonctions militaires ; - les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Parent, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise médicale. Il demande, en outre, la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - c'est à bon droit que le tribunal a reconnu l'imputabilité de ses acouphènes à son accident de service et retenu un taux d'invalidité, au titre de cette infirmité, de 20 % ; - il n'est pas établi que le signataire de la fiche descriptive des infirmités et celui de la décision de la commission de recours de l'invalidité aient bénéficié d'une délégation de signature ; - la décision de la commission de recours de l'invalidité est insuffisamment motivée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bougrine, - et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a servi dans l'armée de terre entre 1989 et 2022. Bénéficiaire d'une pension militaire d'invalidité au titre d'infirmités lombaires, il s'est prévalu, dans des demandes présentées les 26 et 27 juin 2018, de trois infirmités nouvelles. Par un arrêté du 7 décembre 2020 et une fiche descriptive des infirmités du 15 décembre 2020, le ministre des armées a accepté de pensionner l'infirmité résultant des séquelles d'une luxation de l'épaule gauche. Il a, en revanche, rejeté la demande de M. A... relatives, d'une part, à une hypoacousie bilatérale et, d'autre part, à des acouphènes permanents de l'oreille gauche. M. A... a, s'agissant de ces seuls acouphènes, formé un recours préalable obligatoire devant la commission de recours de l'invalidité, laquelle l'a rejeté par une décision du 28 avril 2021. Le ministre des armées relève appel du jugement du 18 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 28 avril 2021 et jugé que les acouphènes permanents de l'oreille gauche ouvraient droit à pension à raison d'un taux d'invalidité de 20 %. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la constatation de l'infirmité, résultant d'acouphènes, invoquée par M. A... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...) ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. Il résulte de l'instruction que, le 19 juin 1992, M. A... a subi, à l'occasion d'un entrainement consistant à franchir un fossé d'eau dans un caisson, un accident barotraumatique, à l'issue duquel il s'est plaint, selon les termes du rapport du chef de corps du 6 juillet 1992, " des oreilles et d'un défaut d'audition ". Le 21 mars 2006, M. A... a fait état, auprès d'un médecin militaire, d'" acouphènes intermittents, sans plus de gêne ". Pour les besoins de l'instruction de la demande de pension, une expertise médicale a été confiée à un oto-rhino-laryngologue (ORL). Ce dernier a estimé, dans son rapport du 15 octobre 2020, que cette infirmité, dont il a évalué le taux d'invalidité à 20 %, était " en relation directe et certaine avec le barotraumatisme du 19/06/1992 ". L'expert précise qu'il a sollicité l'avis d'un autre ORL. La commission de recours de l'invalidité a néanmoins, estimé, en s'appuyant sur l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 9 novembre 2020, que la preuve de l'imputabilité des acouphènes à l'accident du 19 juin 1992 n'était pas apportée dès lors que " le livret médical de M. A..., qui ne mentionnait pas l'existence d'un acouphène à la date du barotraumatisme du 19 juin 1992, ni a fortiori de prise en charge médicale, faisait état de son apparition quatorze ans après le barotraumatisme de 1992 ". L'avis du 9 novembre 2020 relève, en outre, que postérieurement à cet accident, le profil médical de M. A... établi le 2 mars 1993 a retenu pour l'item " Oreille et audition ", le coefficient 1 (O=1), soit le plus élevé. Toutefois, il ne résulte d'aucun élément versé à l'instruction que l'apparition d'acouphènes consécutive à un barotraumatisme serait insusceptible de se manifester plusieurs années plus tard. Il n'est pas davantage établi que le classement O=1 serait incompatible avec la constatation de lésion ou de gêne alors, au demeurant, que, d'une part, une hypoacousie a été observée dès l'incorporation M. A... et que, d'autre part, ce dernier ne s'est plaint d'acouphènes qu'en 2006. Enfin, l'étude médicale, produite par le ministre, relative aux traumatismes sonores aigus et dont il ressort que les acouphènes résultant de tels traumatismes sont quasiment constants et souvent de timbres aigus, ne saurait suffire, alors même que M. A... s'est, dans un premier temps, plaint d'acouphènes seulement intermittents, à infirmer l'analyse de l'expert. Surtout, cette étude définit les traumatismes sonores aigus qu'elle traite comme des lésions secondaires à une exposition excessive à des bruits traumatisants et ne concerne pas les barotraumatismes. Il résulte ainsi de l'instruction et, en particulier, du rapport d'expertise du 15 octobre 2020, que la preuve de l'imputabilité des acouphènes permanents de l'oreille gauche dont souffre M. A... à l'accident subi le 19 juin 1992 doit être regardée comme apportée. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin, eu égard aux éléments versés à l'instruction rappelés au point 4, d'ordonner une expertise médicale, que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours de l'invalidité et lui a enjoint d'octroyer à M. A... une pension au taux de 20 % au titre des acouphènes gauches permanents. Sur les frais liés au litige : 6. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : l'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président assesseur, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025. La rapporteure, K. BOUGRINELe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 24NT02633
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de PARIS, 6ème chambre, 15/07/2025, 23PA02324, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande tendant à l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité, et la décision du 29 mars 2021 par laquelle le ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports, et le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont rejeté son recours gracieux contre cette décision et ont refusé de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité et une rente viagère d'invalidité. Par un jugement n° 2111529/6-1 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 novembre 2020, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Maujeul, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 2023 en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 mars 2021 ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen selon lequel la décision du 29 mars 2021 a illégalement retiré la décision du recteur de l'académie de Paris du 9 octobre 2017, qui a admis l'imputabilité au service de l'agression dont elle a été victime ; - il ne comporte pas les signatures exigées aux articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ; - la décision du 29 mars 2021 est entachée d'un vice de procédure tenant à ce qu'elle n'a pas eu accès à son dossier administratif ; - elle a illégalement retiré la décision du recteur de l'académie de Paris du 9 octobre 2017 ; - elle est entachée d'erreur de droit au regard de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 ; - elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la Cour de transmettre la requête de Mme A... au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. Elle soutient que le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort sur la demande de Mme A..., et que son jugement n'est pas susceptible d'appel. Par une ordonnance du 24 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2025. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., bibliothécaire à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC), a été placée en arrêt de travail à la suite d'une altercation survenue sur son lieu de travail le 16 décembre 2016. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par une décision du recteur de l'académie de Paris du 9 octobre 2017. Mme A..., qui a repris le travail à mi-temps thérapeutique le 8 janvier 2018, a, avant d'être admise à la retraite pour invalidité le 1er septembre 2020, sollicité le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité. Elle a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande, ainsi que la décision du 29 mars 2021 par laquelle les ministres de l'éducation, de la jeunesse et des sports, et de l'enseignement supérieur et de la recherche ont refusé de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité et une rente viagère d'invalidité. Par un jugement du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 novembre 2020, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande Elle fait appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 mars 2021. 2. L'article R. 811-1 du code de justice administrative dispose que : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions (...) ". 3. D'une part, en vertu de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". Aux termes de l'article 4 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'allocation temporaire d'invalidité est soumise en matière contentieuse aux règles applicables aux pensions, y compris s'agissant des règles relatives aux voies de recours contre les décisions des tribunaux administratifs. Une action relative à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité relève donc des litiges en matière de pensions, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, un jugement relatif à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité, demandée par un fonctionnaire ou un agent public avant la liquidation de sa pension est, au sens de ces dispositions, un jugement tranchant un litige en matière de pensions qui, comme tel, est insusceptible d'appel. 5. D'autre part, la demande d'un fonctionnaire tendant à l'annulation de la décision lui refusant, sur le fondement de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'octroi d'une rente viagère d'invalidité relève pareillement des litiges en matière de pensions au sens du 7°) de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, sur lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. 6. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A..., tendant à l'annulation de la décision du 29 mars 2021 refusant de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité et une rente viagère d'invalidité, doit être transmise au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris. Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2025. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, A. LOUNIS La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 23PA02324
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 6ème chambre, 15/07/2025, 23PA02195, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 avril 2021 par laquelle le ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports a refusé de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité. Par un jugement n° 2112023/6-1 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. A..., représentée par Me Callon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 2023 ; 2°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports du 26 avril 2021 mentionnée ci-dessus ; 3°) d'enjoindre au ministre de lui accorder l'allocation temporaire d'invalidité sollicitée, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision attaquée a illégalement retiré la décision du recteur de l'académie de Paris du 4 décembre 2018 reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 6 novembre 2017 ; - elle a été prise en méconnaissance de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 24 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2025. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la Cour pour connaitre de la requête de M. A..., qui doit être transmise au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du même code, un jugement relatif à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité tranchant un litige en matière de pensions au sens de l'article R. 811-1 de ce code, et n'étant pas susceptible d'appel. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., professeur certifié de mathématiques, a été victime le 6 novembre 2017 d'un infarctus du myocarde alors qu'il dispensait un cours devant des élèves. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par une décision du recteur de l'académie de Paris du 4 décembre 2018. M. A... a par la suite sollicité le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité. Il fait appel du jugement du 24 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports du 26 avril 2021, lui refusant cette allocation. 2. L'article R. 811-1 du code de justice administrative dispose que : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions (...) ". 3. En vertu de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". Aux termes de l'article 4 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'allocation temporaire d'invalidité est soumise en matière contentieuse aux règles applicables aux pensions, y compris s'agissant des règles relatives aux voies de recours contre les décisions des tribunaux administratifs. Une action relative à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité relève donc des litiges en matière de pensions, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, un jugement relatif à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité, demandée par un fonctionnaire ou un agent public avant la liquidation de sa pension est, au sens de ces dispositions, un jugement tranchant un litige en matière de pensions qui, comme tel, est insusceptible d'appel. 5. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A..., tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2021 refusant de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité, doit être transmise au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris. Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2025. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, A. LOUNIS La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 23PA02195
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 9ème chambre, 10/07/2025, 24PA02399, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat au versement de la somme de 140 763 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il impute à l'accident de service du 25 juin 2020. Par un jugement n° 2115228 du 29 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 70 721,59 euros, a mis à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 31 mai 2024, M. B..., représenté par Me Renoult, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 29 mai 2024 en tant qu'il a limité l'indemnisation due au titre de son déficit fonctionnel permanent à la somme de 52 800 euros ; 2°) de condamner l'administration à lui verser la somme de 124 921,59 euros dont 110 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens. Il soutient que : - le préjudice fonctionnel permanent consécutif à son accident de travail survenu le 25 juin 2020, qui a été évalué à 50 % selon le barème des pensions civiles et militaires, doit être indemnisé sur la base de ce même barème et sur la base du barème Mornet, soit, compte tenu de son âge à la date de consolidation de son état de santé et de la valeur du point d'indemnisation fixé à 2 200 euros, à hauteur de 110 000 euros ; - en retenant un point d'indemnisation à hauteur de 1 760 euros et un taux d'incapacité permanente partielle de 30 %, les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur de droit. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2024, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lorin, - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été victime le 25 juin 2020, sur le lieu et dans l'exercice de ses fonctions de principal du collège René Cassin de Noisy-le-Sec, d'un malaise, pris en charge au titre de la législation sur les accidents de service par une décision du recteur de l'académie de Créteil du 11 juin 2021. Par un courrier du 3 novembre 2021, M. B... a sollicité l'indemnisation de l'ensemble des préjudices qu'il impute à cet accident de service sur le fondement de la responsabilité sans faute. A la suite du rejet implicite de sa demande, il a saisi le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement rendu le 29 mai 2024 et sur la base d'un rapport d'expertise médicale ordonnée par la juridiction, a condamné l'Etat à lui verser la somme globale de 70 721,59 euros. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation due au titre de son déficit fonctionnel permanent à la somme de 52 800 euros. 2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport rendu le 8 janvier 2024 par l'expert désigné par le tribunal administratif de Montreuil, que M. B... souffre d'un syndrome anxiodépressif sévère, retentissant sur les actes de la vie courante et dans les conditions d'existence, avec un désintérêt majeur, un repli sur soi, des ruminations, une adynamie, un sentiment de dévalorisation, d'inutilité et de honte, et parfois, une perte du désir de vivre. Pour évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent global de M. B..., l'expert s'est référé à deux indicateurs : le barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun et le barème prévu par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. L'expert désigné a ainsi retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 30 % au titre du premier de ces barèmes et de 50 % au titre du second. 3. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de prendre en compte, pour l'évaluation du préjudice de déficit fonctionnel permanent d'un agent, le barème indicatif prévu par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, lequel a pour objet de déterminer le taux d'incapacité permettant de calculer la rente d'invalidité d'un fonctionnaire. Ainsi, si la détermination du taux d'invalidité en matière de rente d'invalidité implique, à l'exclusion de toute autre méthode d'évaluation, l'utilisation de ce barème, il n'en va pas de même en l'espèce, M. B... poursuivant, sur le fondement de l'engagement de la responsabilité de l'Etat sans faute, la réparation du déficit fonctionnel permanent résultant de son accident de service. Est par elle-même sans incidence sur la détermination de ce préjudice la circonstance que, par un jugement distinct du 29 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 11 avril 2023 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil avait limité le taux d'incapacité permanente partielle de M. B... à 20 % et retenu que ce taux devait être fixé à 50 % selon le barème des pensions civiles et militaires de retraite, conformément à un premier rapport d'expertise du 27 avril 2022 établi à la demande de l'administration. 4. D'autre part, alors que le barème de droit commun utilisé par l'expert est indicatif, M. B..., qui se borne à se prévaloir du barème prévu par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne conteste pas les conclusions du rapport d'expertise médicale du 8 janvier 2024 et ne présente aucune pièce justificative susceptible de remettre en cause l'appréciation portée par l'expert, ainsi que le taux de 30 % de déficit fonctionnel permanent qu'il a retenu. Par suite, compte tenu du caractère simplement indicatif du barème Mornet, de l'âge du requérant, né en 1954, à la date non contestée de consolidation de son état de santé, le 6 janvier 2022, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent de M. B... en l'évaluant à la somme de 52 800 euros, qui lui a été allouée par les premiers juges, lesquels n'étaient pas tenus de faire application du barème prévu par le code des pensions civiles et militaires de retraite. 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montreuil a limité à la somme de 52 800 euros l'indemnisation qui lui a été accordée en réparation de son déficit fonctionnel permanent. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil. Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient : - M. Lemaire, président, - Mme Boizot, première conseillère, - Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 10 juillet 2025. La rapporteure, C. LORIN Le président, O. LEMAIRE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 24PA02399
Cours administrative d'appel
Paris