Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 2 mars 1999, 96PA00639, inédit au recueil Lebon
(1ère chambre A)
VU l'ordonnance en date du 15 février 1996, enregistrée au greffe de la cour le 8 mars 1996, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le recours présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;
VU le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 décembre 1995 et le mémoire ampliatif, enregistré au greffe de la cour le 9 mai 1996, présentés par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n 9211379/6 en date du 9 mai 1995 en tant que le tribunal, à la demande de M. Y..., a annulé la décision du 1er juin 1992 par laquelle il a refusé d'homologuer comme blessures de guerre les lésions que M. Y... avait déclaré avoir subies le 30 juin 1954 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris en tant qu'elle tend à l'annulation de cette décision ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre ;
VU la circulaire du 1er janvier 1917 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 1999 :
- le rapport de M. LEVASSEUR, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE, a refusé, par une décision du 1er juin 1992, d'homologuer deux blessures que M. Y... soutenait avoir reçues respectivement les 25 mai et 30 juin 1954 au Viêtnam ; que, par un jugement du 9 mai 1995, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision en tant qu'elle refusait l'homologation des blessures subies le 30 juin 1954 et a rejeté la demande de M. Y... relative à la blessure reçue le 25 mai 1954 ; que le ministre fait appel de ce jugement en tant que celui-ci a annulé le refus d'homologation de la blessure subie le 30 juin 1954 ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.36 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de celles de l'instruction du 1er janvier 1917 reprises par l'instruction du 8 mai 1963, il faut entendre par blessure de guerre toute lésion résultant d'une action extérieure se rattachant directement à la présence de l'ennemi c'est-à-dire au combat, ou s'y rattachant indirectement en constituant une participation effective à des opérations de guerre préparatoires ou consécutives au combat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de trois témoignages directs et concordants émanant de MM. X... et Z..., appartenant alors aux forces françaises engagées en Indochine, et de Mme A... Thi Moi, témoin civil des combats, que M. Y..., immédiatement après avoir été désarmé par des soldats viêt minh, a été violemment frappé à la tête alors qu'il se penchait vers un de ses camarades étendu sur le sol ; que la matérialité de ces faits est corroborée par plusieurs autres témoignages d'anciens prisonniers français d'un camp viêt minh qui ont assisté à l'arrivée de M. Y... souffrant d'importantes blessures à la tête ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, les lésions qu'il a ainsi subies se rattachent directement à une action consécutive au combat en présence de l'ennemi et doivent, alors même que l'intéressé avait été fait prisonnier, être regardées comme des blessures de guerre au sens des instructions précitées ;
Considérant qu'il ressort de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 1er juin 1992 en tant qu'elle a rejeté la demande d'homologation de la blessure de guerre subie par M. Y... le 30 juin 1954 ;
Article 1er : La requête du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejetée.