Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, du 24 novembre 1993, 91NT00232, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 novembre 1993
Num91NT00232
JuridictionNantes
Formation1E CHAMBRE
PresidentM. Verot
RapporteurM. Aubert
CommissaireM. Chamard

VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mars 1991, présentée par M. René MILLOT demeurant, Minaouet Grignallou, route du Phare de Pouldohan (29128) Tregunc ;
M. MILLOT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 1991 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 1987 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation a rejeté sa demande de révision de sa pension de retraite ;
2°) d'annuler la décision implicite du 13 juin 1987 refusant la révision de sa pension de retraite ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les arrérages de la pension à laquelle il peut prétendre, ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 1993 :
- le rapport de M. AUBERT, conseiller,
- les observations de M. MILLOT,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,

Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 susvisée : "il est créé des cours administratives d'appel compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs, à l'exception de ceux portant sur les recours en appréciation de légalité, sur les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales, et sur les recours pour excès de pouvoir formés contre les actes réglementaires. Toutefois, les cours administratives d'appel exerceront leur compétence sur les recours pour excès de pouvoir autres que ceux visés à l'alinéa précédent et sur les conclusions à fin d'indemnités connexes à ces recours selon les modalités fixées par décrets en Conseil d'Etat ..." ;
Considérant que, par une correspondance du 12 février 1987, M. MILLOT a demandé au ministre de l'économie, des finances et de la privatisation la révision de sa pension civile de retraite pour que soit prise en compte une bonification au titre de services aériens commandés à laquelle il prétendait avoir droit ; qu'eu égard à la nature de cette demande relative aux droits à pension de l'intéressé, la requête présentée par M. MILLOT devant le Tribunal administratif de Rennes et dirigée contre les actes pris par le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation à la suite de ladite demande présentait le caractère d'un recours de plein contentieux, alors même que le requérant se bornait à solliciter l'annulation desdits actes ; que, par suite, il appartient à la Cour en vertu des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1987, de se prononcer sur l'appel formé par M. MILLOT contre le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 13 février 1991, rejetant ladite requête ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que M. MILLOT a contesté devant le Tribunal administratif de Rennes notamment la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation sur sa demande du 12 février 1987 tendant à la révision de sa pension ; que le jugement attaqué a omis de statuer sur ces conclusions ; que ce jugement doit, dès lors, être annulé en tant qu'il est entaché de cette omission ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la demande présentée devant les premiers juges ;
Au fond :
Sur la demande de révision de pension :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers : "Lorsqu'une décision juridictionnelle devenue définitive émanant des tribunaux administratifs ou du Conseil d'Etat a prononcé l'annulation d'un acte non réglementaire par un motif tiré de l'illégalité du règlement dont cet acte fait application, l'autorité compétente est tenue, nonobstant l'expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande ayant un objet identique et fondée sur le même motif, lorsque l'acte concerné n'a pas créé de droits au profit des tiers" ; que, toutefois, une telle obligation ne saurait s'imposer à l'administration lorsque des dispositions législatives font obstacle à ce qu'il soit fait droit à cette demande ;
Considérant que, pour demander la révision de sa pension de retraite de brigadier de police, M. MILLOT, qui a servi dans le groupement aérien de la sécurité civile, fait valoir que le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a, le 6 novembre 1985, confirmé l'annulation d'une décision du ministre de l'intérieur rejetant la demande de révision de pension présentée par M. X... pour le même motif que celui qu'il invoque et tiré de ce que les services aériens commandés qu'il a effectués lui ouvrent droit à la bonification de pension prévue à l'article L 12 d) du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des fiches portant désignation des services, produites par M. MILLOT, que celui-ci demande le bénéfice de bonifications pour l'exécution de services aériens commandés, à raison de "missions de préparation au combat" et de "missions de secours" ; que, d'une part, et à supposer même que M. MILLOT puisse se prévaloir des dispositions de l'article R 20 1°) B du code des pensions civiles et militaires de retraite qui déterminent les catégories de services aériens ouvrant droit aux bonifications au profit des personnels civils, les missions qu'il invoque ne sont sont pas au nombre de celles qui, limitativement énumérées par ces dispositions, peuvent légalement ouvrir droit à bonification pour des personnels civils ; que, d'autre part, si de telles missions ouvrent droit à bonification au profit des personnels militaires en vertu du A du même article R 20 1°), M. MILLOT, qui appartenait à un corps de personnels civils, ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne pouvait être légalement fait droit à la demande de M. MILLOT qui, par suite, n'est pas fondé à soutenir qu'en application de l'article 2 précité du décret du 28 novembre 1983, l'administration était tenue de procéder à la révision de sa pension et que la décision implicite de rejet de cette demande serait, pour ce motif, entachée d'illégalité ;
Considérant que la circonstance que d'autres titulaires de pensions de retraite qui se seraient trouvés dans la même situation que M. MILLOT auraient obtenu le bénéfice de la bonification pour services aériens commandés, est sans incidence sur la décision par laquelle sa demande de révision de sa pension, en date du 12 février 1987, a légalement été rejetée ;
Sur la demande d'indemnité :

Considérant que, si, devant la Cour, M. MILLOT demande la réparation du préjudice résultant de la faute qu'aurait commise l'administration en ne prenant pas, dans un délai raisonnable, les dispositions réglementaires prévues par l'article L 12 d) du code des pensions civiles et militaires de retraite et qui lui permettraient de bénéficier de la bonification de sa pension, une telle demande, fondée sur une cause juridique nouvelle n'est pas recevable et ne peut, par suite, être accueillie ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que M. MILLOT succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Rennes, en date du 13 février 1991, est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions en annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation sur la demande de M. MILLOT du 12 février 1987 tendant à la révision de sa pension.
Article 2 - Les conclusions de la demande de M. MILLOT tendant à l'annulation de la décision implicite précitée et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à M. MILLOT, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre du budget.