Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 25 février 1999, 97NT00783, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 février 1999
Num97NT00783
JuridictionNantes
Formation3E CHAMBRE
RapporteurMme LISSOWSKI
CommissaireMme COËNT-BOCHARD

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 12 mai 1997, présenté par le ministre de l'intérieur ;
Il demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-3421 du 20 février 1997 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant en application de l'article L.4-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a annulé sa décision rejetant implicitement la demande des époux X... tendant à la révision du taux de la pension de réversion servie à Mme X... ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Rennes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police ;
Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 1999 :
- le rapport de Mme LISSOWSKI , premier conseiller,
- les observations de Me BOIS, avocat de M. et Mme X..., requérants,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes, saisi d'une demande présentée par M. et Mme X... à l'effet d'obtenir l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté implicitement sa réclamation en révision de la pension de réversion servie à Mme X..., a statué sans mettre en cause le ministre de l'économie et des finances, et a ainsi méconnu les dispositions de l'article R.66 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui font obligation au juge d'appeler ledit ministre à produire ses observations sur les demandes formées contre les décisions prises notamment en matière de pension de retraite ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que le jugement attaqué est ainsi entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Rennes ;
Sur les services accomplis par M. X... postérieurement au 21 décembre 1989 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : "Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : ...2 S'il ne jouit de ses droits civiques" ; qu'en vertu de l'article 24 de la même loi, la cessation définitive des fonctions qui entraîne la radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte de la déchéance des droits civiques ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.4 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le droit à pension est acquis : - 1 aux fonctionnaires après quinze années accomplies de services civils et militaires effectifs ..." ; qu'aux termes de l'article L.5 du même code : "Les services pris en compte pour la constitution du droit à pension sont : - 1 Les services accomplis en qualité de fonctionnaire titulaire, ... ; - 2 Les services militaires ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article L.9 du même code : "Le temps passé dans toutes positions statutaires ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf, d'une part, dans le cas où le fonctionnaire ... se trouve placé en position régulière d'absence pour cause de maladie et d'autre part, dans les cas exceptionnels prévus par une loi ou un règlement d'administration publique" ;

Considérant que M. X... a été condamné le 21 décembre 1989 par le Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc à une peine de huit mois d'emprison-nement pour recel d'objet obtenu par abus de confiance, dont quatre avec sursis, laquelle peine, conformément à l'article L.5-2 du code électoral dans sa rédaction alors applicable, s'opposait à ce qu'il fût inscrit sur les listes électorales et le rendait inéligible ; que par l'effet de cette condamnation, le requérant a été privé de ses droits civiques, alors même que le tribunal n'avait pas prononcé contre lui la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques prévue par l'article 42 du code pénal, alors en vigueur ; que M. X... ne pouvant être maintenu dans ses fonctions, le ministre de l'intérieur était tenu de le radier des cadres de la police nationale à compter du 21 décembre 1989, date du prononcé du jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc ; qu'il résulte de l'instruction, que si M. X... a seulement été radié par arrêté du 9 novembre 1990, cette décision l'a fait bénéficier d'un avantage auquel aucune disposition du code des pensions civiles et militaires de retraite, ni aucun autre texte ne lui permettait de prétendre ; que, par suite, M. et Mme X... ne sauraient se prévaloir utilement des droits que l'arrêté de radiation du 9 novembre 1990 était susceptible de conférer à M. X... au regard de sa situation statutaire, pour justifier du bien-fondé de leur demande de révision de pension ; que, si des retenues pour pension ont été versées au Trésor, cette circonstance n'est pas davantage de nature à ouvrir aux requérants droit à la révision de la pension litigieuse ; que, dès lors, M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'intérieur a rejeté implicitement leur demande de révision de la pension ;
Sur la bonification de la pension de retraite :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 1er de la loi susvisée du 8 avril 1957 : "Les agents des services actifs de police ... dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, égale à cinquante cinq ans, bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension ... pour invalidité ou pour limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités" ;
Considérant qu'il est constant que M. X..., qui n'était pas invalide, n'avait pas, à la date à laquelle il a été radié des cadres, été atteint par la limite d'âge de sa catégorie en application de l'article L.24-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite, même s'il comptait vingt cinq ans de services effectifs ; que, par suite, M. et Mme X... ne sont pas non plus fondés à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'intérieur a rejeté implicitement leur demande de révision de pension en vue de bénéficier de la bonification instituée par les dispositions précitées de l'article 1er, 1er alinéa, de la loi du 8 avril 1957 ;
Sur les conclusions de M. et Mme X... tendant à l'application des dispositions des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que le présent arrêt n'implique pas que l'administration prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé ; que, par suite, les conclusions de M. et Mme X... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte d'une somme de 1 000 F par jour de retard, de réviser le taux de la pension servie à Mme X..., sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que M. et Mme X... succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du 20 février 1997 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Rennes et leurs conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. et Mme X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.