Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 2 juin 2000, 95NT01211, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 juin 2000
Num95NT01211
JuridictionNantes
Formation3E CHAMBRE
RapporteurM. SANT
CommissaireMme COËNT-BOCHARD

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 août 1995, présentée pour Mme Annie X..., en son nom personnel et en sa qualité d'administratrice légale de son fils Thomas, demeurant au lieu-dit La Grellerie au Bignon (44140), par Me BASCOULERGUE, avocat au barreau de Nantes ;
Mme X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91684 du 14 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de son mari, Jean-François X..., décédé le 14 septembre 1994, tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'économie, des finances et du budget du 28 janvier 1991 lui refusant le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L.28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
2 ) d'annuler la décision contestée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2000 :
- le rapport de M. SANT, président,
- les observations de Me COULOGNER, substituant Me BASCOULERGUE, avocat de Mme Annie X...,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées ... en service ... et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps ... peut être radié des cadres par anticipation ..." ; qu'aux termes de son article L.28 : "Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L.27 a droit à une rente viagère cumulable avec la pension rémunérant les services" ; que son article L.31 précise : "La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un règlement d'administration publique. - Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances ..." ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R.4 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. - Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession" ; que l'article R.38 dudit code dispose : "Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L.28 est attribuable si la radiation des cadres ... (survient) avant la limite d'âge et (est imputable) à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ..." ; qu'enfin, aux termes de son article R.49 : " ...La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et considérations propres à éclairer son avis ... - L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L.31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs" ;
Considérant que M. Jean-François X..., instituteur à l'école primaire publique de Bouffay à Clisson (Loire-Atlantique), atteint d'une discrète hémiparésie droite et de troubles du langage à la suite d'une rupture d'anévrisme de l'artère sylvienne gauche survenue en mai 1986, a été radié des cadres, à compter du 1er juillet 1990, et admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité résultant de l'exercice de ses fonctions d'instituteur ; que, toutefois, le ministre de l'économie, des finances et du budget, par décision du 7 septembre 1990, lui a refusé le bénéfice de la rente viagère prévue à l'article L.28 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, pour critiquer le jugement rejetant la demande présentée par son mari, décédé en cours d'instance, et tendant à l'annulation de cette dernière décision, Mme Annie X... soutient que le Tribunal administratif n'a retenu que les appréciations contestables d'un seul rapport médical ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que ledit rapport a été rédigé par le docteur Y..., qui avait examiné M. X..., le 5 novembre 1986, pour rechercher si l'effort qu'il avait fourni le 5 mai 1986 en participant avec ses élèves à une course en terrain dénivelé, avait été suffisant pour déclencher l'affection décelée les jours suivants ; qu'après avoir indiqué que l'anévrisme de l'artère sylvienne gauche, dont M. X..., alors âgé de trente deux ans, avait été opéré le 28 mai 1986, était d'origine congénitale, le rapport conclut qu'en l'absence de traumatisme crânien et d'effort inhabituel le jour où est survenue l'hémorragie méningée, durant une activité qu'il pratiquait chaque semaine, aucun ne permettait d'affirmer que la course avait déclenché la rupture d'anévrisme, et qu'elle n'avait été tout au plus qu'un "petit élément déclenchant" ;
Considérant que, d'une part, la circonstance que la rupture d'anévrisme ayant entraîné l'invalidité de M. X... se soit manifestée à l'occasion du service ne suffit pas à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre l'exécution dudit service et l'affection dont il a été atteint ou même son aggravation ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que M. X... ait eu à exercer ses fonctions dans des conditions particulièrement pénibles, ni même qu'il ait eu à fournir, le 5 mai 1986, un effort plus important que lors des cours d'éducation physique précédents ; qu'enfin, si la commission de réforme départementale, réunie respectivement les 11 septembre et 7 décembre 1989, puis le 1er mars 1990, a estimé que l'arrêt de travail, l'invalidité de 45 % et l'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions d'instituteur avaient pour origine un accident vasculaire cérébral, à la suite d'un effort physique imputable au service, ses procès-verbaux ne précisent pas les éléments qui auraient été de nature à prouver une telle imputabilité au service qui n'est pas apportée par le rapport médical du docteur Y... du 5 novembre 1986, dont les conclusions imputant l'invalidité à une malformation congénitale n'ont pas été remises en cause dans les rapports des deux autres médecins ayant suivi l'évolution de l'état de santé de M. X... ; que, par suite, Mme X... n'apportant pas la preuve que l'infirmité de son mari résulterait d'un fait précis et déterminé de service, ni que son état pathologique aurait été aggravé par le service qu'il avait à assurer, le ministre de l'économie, des finances et du budget, qui n'était pas tenu de suivre l'avis de la commission de réforme départementale, était en droit d'estimer que l'affection de M. X... n'avait pas de lien avec le service ; que l'importance du préjudice subi par ce dernier, sa volonté d'obtenir une affectation adaptée à son état ou la circonstance que, dans l'attente de la proche liquidation annoncée de sa rente viagère, il avait acquis des chevaux et du matériel pour une nouvelle activité dans une association destinée à la rééducation motrice des handicapés, ne sauraient influer sur son droit à une telle rente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de son mari ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme Annie X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Annie X..., au ministre de l'éducation nationale et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.