Cour administrative d'appel de Marseille, 1e chambre, du 22 novembre 2001, 98MA00883, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 novembre 2001
Num98MA00883
JuridictionMarseille
Formation1E CHAMBRE
RapporteurMme FEDI
CommissaireM. BENOIT

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 4 juin 1998 sous le n° 98MA00883, présentée par M. René X..., demeurant ... ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 94-3759, en date du 2 avril 1998, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête dirigée contre la décision, en date du 20 septembre 1994, par laquelle le ministre des anciens combattants a opposé un refus à sa demande d'attribution du titre de prisonnier du Viet-Minh ;
2°/ d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu la loi n° 89-1013 du 31 décembre 1989 portant création du statut de prisonnier du Viet-Minh ;
Vu le décret n° 77-1088 du 20 septembre 1977 ;
Vu le décret n° 81-314 du 6 avril 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2001 :
- le rapport de Mme FEDI, premier conseiller ;
- les observations de M. X... ;
- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, devant le Tribunal administratif de Montpellier, M. X... a soutenu que l'absence de soins, durant sa détention, dans les camps de l'organisation dite "Viet-Minh", dès l'apparition des premiers symptômes d'une maladie imputable à une alimentation carencée durant les mois précédents son arrestation, avait entraîné la perte de ses dents ; que les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Montpellier, en date du 2 avril 1998, doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 portant création du statut de prisonnier du Viet-Minh : "Le statut de prisonnier du Viet-Minh s'applique aux militaires de l'armée française qui, capturés par l'organisation dite "Viet-Minh" entre le 16 août 1945 et le 20 juillet 1954, sont décédés en détention ou sont restés détenus pendant au moins trois mois. Toutefois, aucune durée minimum n'est exigée des personnes qui se sont évadées ou qui présentent, du fait d'une blessure ou d'une maladie, une infirmité dont l'origine est reconnue imputable à la captivité par preuve dans les conditions fixées à l'article L.2 ou au premier alinéa de l'article L.213 du code des pensions militaires et des victimes de guerre" ; qu'en vertu dudit article L.213 : "Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant notamment : / Pour les victimes elles-mêmes, que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits définis aux paragraphes 1er et 2 de la section 1" ; que, d'après les articles L.195 et L.200 du même code auxquels renvoient les dispositions précitées, sont réputées causées par des faits de guerre les infirmités résultant des maladies contractées en captivité et consécutives à des mauvais traitements subis dans des camps de prisonniers ou à des privations résultant d'une détention ordonnée par l'ennemi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X..., lieutenant du 1er R.E.C a bien été capturé par l'organisation dite "Viet-Minh", le 20 juillet 1954, sa détention qui a pris fin le 30 août 1954, a duré moins de trois mois ;
Considérant que la circonstance qu'en application des dispositions des décrets du 20 septembre 1977 et du 6 avril 1981, une pension ait été attribuée au requérant en raison, notamment d'infirmités réputées résulter de sa détention, ne dispense pas M. X... de rapporter la preuve qui lui incombe de l'imputabilité des infirmités qu'il invoque à un ou plusieurs faits précis de sa captivité qualifiés de fait de guerre ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de témoignages de camarades de captivité, que si durant sa détention, M. X... a été victime de privations, de mauvais traitements et a été contraint à des exercices pénibles, une mauvaise alimentation, durant les mois qui ont précédé son arrestation, est à l'origine d'une maladie ayant entraîné la chute de ses dents ; que si les premiers symptômes de cette maladie sont apparus durant la captivité, qui n'a duré qu'un mois et dix jours, le requérant ne démontre pas que l'absence de soins immédiats soit à l'origine des séquelles constatées ;
Considérant que M. X... n'établit pas que les conséquences de l'altération auditive consistant en des acouphènes directement imputables à l'explosion d'une grenade survenue avant sa capture, ainsi que le syndrome asthénique, la colite et les rhumatismes vertébraux dont il souffre aujourd'hui, aient pour origine ou aient été manifestement aggravés par les conditions de sa détention, qui avait été précédée de plusieurs mois de combats dans des conditions difficiles ; que, par suite, les infirmités dont se prévaut M. X... ne peuvent être regardées comme en relation directe et certaine avec des faits précis de sa captivité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre des anciens combattants a refusé de lui délivrer le titre de prisonnier du Viet-Minh ;
Article 1er : Le jugement en date du 2 avril 1998 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.