Conseil d'Etat, Section, du 5 mai 1967, 69684, publié au recueil Lebon
Requête du sieur X..., tendant à l'annulation d'un jugement du 27 décembre 1961 par lequel le Tribunal de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 octobre 1957 par laquelle le ministre des Ancien-combattants et victimes de guerre a rejeté sa demande d'attribution du titre d'interné-résistant, ensemble à l'annulation pour excès de pouvoir de ladite décision;
Sur la recevabilité de la requête susvisée du sieur X... :
CONSIDERANT que, par un jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 27 décembre 1961, la demande du sieur X... tendant à l'annulation d'une décision ministérielle en date du 31 octobre 1957 lui refusant le titre d'interné-résistant a été rejetée au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions légales pour prétendre à ce titre ; que, par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 8 mars 1963, ce jugement a été confirmé au motif nouveau que la demande présentée en première instance par le sieur X... était tardive ;
Considérant qu'à l'appui du nouvel appel formé par le sieur X... contre le jugement du 27 décembre 1961, le requérant se fonde sur l'article 2 de la loi du 20 octobre 1965 relative à certains délais de recours devant la juridiction administrative aux termes duquel ; les personnes qui, antérieurement à la prolongation de la présente loi, se sont pourvues, dans le délai du recours contentieux, contre une décision expresse sont relevées de la forclusion résultant du défaut de recours contre la décision implicite de rejet. Les requérants, auxquels cette forclusion a été opposée par une décision de justice passée en force de chose jugée, sont admis à présenter nouveau pourvoi dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi ;
Considérant qu'ii résulte des pièces du dossier que le sieur X..., qui entre dans la catégorie des personnes visées par la loi susmentionnée, a formé, dans le délai du recours contentieux, un recours gracieux contre la décision expresse du 31 octobre 1957, lui refusant le titre d'interné-résistant ; que, pour retenir la forclusion de la demande présentée en première instance, le Conseil d'Etat s'est fondé sur ce que le recours contentieux formé par le sieur X... contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre des Anciens combattants et victimes d e guerre, sur le recours gracieux à lui adressé, avait été présenté après l'expiration du délai imparti par l'article 1er, alors en vigueur, de la loi du 7 juin 1956 ; qu'ainsi le sieur X... doit être regardé comme entrant dans le champ d'application de l'article 2 précité de la loi du 20 octobre 1965 qu'en vertu du 2e alinéa dudit article il est admis à présenter un nouveau pourvoi dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi du 20 octobre 1965 ; que la forclusion, dont le sieur X... est relevé, ayant été opposée non par le Tribunal administratif mais par le Conseil d'Etat, Ce pourvoi se trouve valablement introduit sous la forme d'un nouveau appel contre le jugement du Tribunal administratif de Marseille ; que, dés lors, la requête susvisée dont le sieur X... a saisi à cette fin le Conseil d'Etat le 13 avril 1966, c'est-à-dire dans le délai de six trois susvisé, est recevable ;
Sur la légalité de la décision ministérielle du 31 octobre 1957 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 286 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : le titre de déporté-résistant ou d'interné-résistant est attribué aux personnes qui, ayant été arrêtées, ont été ensuite exécutées, déportées ou internées, à la condition expresse que la cause déterminante de l'exécution, de la déportation ou de l'internement soit un des actes qualifiés de résistance à l'ennemi définis à l'article R. 287 ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le sieur X... a été arrêté par les allemands le 13 mai 1941 alors que, porteur d'une arme, il franchissait la ligne de démarcation, et qu'il a été détenu pour ce fait à la maison centrale de Clairvaux, du 22 mai au 28 août 1941 ; qu'il est constant qu'il s'était signalé en zone nord par son activité résistante et avait fait l'objet de mesures de surveillance spéciales auxquelles il a cherché à se soustraire en tentant de franchir la ligne de démarcation ; qu'au surplus, après avoir été relâché, il réussit à passer en zone sud où il rejoignit aussitôt la résistance intérieure française ; que, dans ces conditions, la tentative de franchissement de la ligne de démarcation qui a entraîné son arrestation le 13 mai 1941 doit être regardée comme constituant un acte qualifié de résistance au sens de l'article R. 28I-50 ; que le requérant est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 décembre 1961, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre des Anciens combattants lui a refusé le titre d'interné-résistant ;
Sur les dépens de première instance :
Considérant que lesdits dépens doivent, dans les circonstances de l'affaire, être supportés par l'Etat ; ... Annulation du jugement et de la décision du 31 octobre 1957 par laquelle le ministre des Anciens combattants a refusé au sieur X... le titre d'interné-résistant et de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé, par lui contre la décision du 31 octobre 1957 ; dépens de première instance et d'appel mis à la charge de l'Etat .