Conseil d'Etat, Section, du 5 mai 1967, 69402, publié au recueil Lebon
1° REQUETE du sieur X..., tendant à l'annulation d'un jugement du 6 octobre 1965 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 1963 par laquelle le ministre des Anciens combattants et victimes de guerre a maintenu, sur recours gracieux du 2â mars 1961, le rejet opposé à sa demande d'attribution du titre de réfractaire, ensemble à l'annulation pour excès de pouvoir de ladite décision ;
Vu la loi du 7 juin 1956 ; la loi du 20 octobre 1965 ; le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; l'ordonnance du 31 Juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;
CONSIDERANT qu'il ressort des pièces du dossier que le sieur X... a formé contre la décision ministérielle en date du 10 janvier 1961, rejetant sa demande du titre de réfractaire, un recours gracieux parvenu le 27 mars 1961 à l'administration ; que ce recours s'est trouvé implicitement rejeté à l'expiration d'un délai de quatre mois en application de l'article 1er de la loi du 7 juin 1956 alors en vigueur ; que la décision explicite de rejet dudit recours, intervenue le 16 décembre 1963, ne pouvait avoir qu'un caractère confirmatif et n'était pas de nature à rouvrir le délai du recours contentieux ; qu'ainsi, comme l'a décidé à bon droit le Tribunal administratif de Strasbourg par le jugement attaqué, en date du 6 octobre 1965, la demande du sieur X..., formée le 13 février 1964 contre la décision ministérielle du 16 décembre 1963, avait encouru la forclusion résultant du défaut de recours contre la décision implicite de rejet ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 20 octobre 1965 relative à certains délais de recours devant la juridiction administrative, les personnes qui, antérieurement à la promulgation de la présente loi, se sont pourvues, dans le délai du recours contentieux, contre une décision expresse, sont relevées de la forclusion résultant du défaut de recours contre la décision implicite de rejet. Les requérants, auxquels cette forclusion a été opposée par une décision de justice passée en force de chose jugée, sont admis à présenter un nouveau pourvoi dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi ; que le requérant est recevable à demander le bénéfice de ces dispositions par voie de conclusions à l'appui de l'appel formé contre le jugement du 6 octobre 1965 qui a rejeté sa demande pour forclusion ;
Considérant que le sieur X..., qui demande l'attribution du titre de réfractaire, entre dans la catégorie des personnes visées par la loi susmentionnée ; qu'il s'est pourvu, dans le délai du recours contentieux, contre la décision expresse du 16 décembre 1963 et a encouru la forclusion résultant du défaut de recours contre la décision implicite de rejet ayant précédé cette décision expresse ; que, dés lors, et bien que ladite décision ait été prise sur un recours gracieux formé contre une précédente décision expresse du 10 janvier 1961, il est fondé à se prévaloir, en vertu de l'article 2, 1, alinéa, de la loi du 20 octobre 1965, du relèvement de la forclusion qu'il a encourue; que le jugement attaqué doit, en conséquence, être annulé ;
Considérant que l'affaire est en état ; qu'il y a lieu d'évoquer pour statuer immédiatement sur la demande présentée par le sieur X... devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 296 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, sont considérées comme réfractaires les personnes qui ; 4° sans avoir reçu l'ordre de réquisition ou de mutation, mais inscrites sur les listes de main-d'oeuvre ou appartenant à des classes de mobilisation susceptibles d'être requises, se sont dérobées préventivement en abandonnant leur entreprise ou le siège de leur activité, ou, à défaut d'être employées dans une entreprise ou d'exercer une activité, leur résidence habituelle, pour ne pas répondre à cet ordre ; 5e domiciliées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, annexés de fait, ont : a soit abandonné leur foyer pour ne pas répondre à un ordre de mobilisation dans les formations militaires ou paramilitaires allemandes ; b soit abandonné leur foyer, alors que faisant partie des classes mobilisables par les autorités allemandes, elles couraient le risque d'être incorporées dans les formations militaires ou paramilitaires allemandes ; c soit quitté volontairement les formations militaires ou paramilitaires allemandes dans lesquelles elles avaient été incorporées de force ;
Considérant que, si le sieur X... a quitté Metz le 30 mai 1942 pour se réfugier à Villiers-sur-Marne, il ne résulte pas du dossier qu'il ait quitté sa résidence pour se dérober préventivement à un ordre de réquisition ou de mutation ou pour ne pas répondre à un ordre de mobilisation dans les formations militaires ou paramilitaires allemandes ; qu'enfin il ne conteste pas qu'il n'appartenait pas à une classe mobilisable par les autorités allemandes ; qu'il n'est donc pas au nombre des personnes qui couraient le risque d'être incorporées dans lesdites formations ; que, dès lors, le requérant, qui ne relève d'aucune des autres catégories prévues par l'article L. 296 susmentionné et qui, au surplus, n'allègue pas avoir, depuis sa prétendue soustraction préventive, vécu, ainsi que l'exige l'article L. 296, en marge des lois et règlements, ne remplit pas les conditions prévues pour l'attribution du titre de réfractaire; qu'ii n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le ministre des Anciens combattants et victimes de guerre lui a refusé ce titre est entachée d'excès de pouvoir ;
Sur les dépens de première instance :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, ii y a lieu de mettre les dépens de première instance à la charge du sieur X... ; Annulation du jugement ; rejet de la demande du sieur X... et du surplus des conclusions de sa requête ; dépens de première instance et d'appel mis à sa charge .