Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 7 décembre 1983, 25441, publié au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 décembre 1983
Num25441
Juridiction
Formation3 / 5 SSR
PresidentM. Grévisse
RapporteurM. Hassan
CommissaireM. Labetoulle

Requête de M. X... tendant :
1° à l'annulation du jugement du 22 mai 1980 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à ce que soit annulée la décision du 17 janvier 1979 par laquelle le ministre de l'éducation a refusé de prendre en compte pour le calcul de sa pension de retraite certains services et bonifications mentionnés à son état des services militaires ;
2° à l'annulation de cette décision du ministre de l'éducation du 17 janvier 1979 ;
3° au renvoi du requérant devant le ministre de l'éducation pour qu'il soit procédé à la révision de sa pension ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; le code des pensions civiles et militaires de retraite ; la loi du 14 avril 1924 ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration à la demande présentée devant le tribunal administratif : Considérant qu'aux termes de l'article R. 77 du code des tribunaux administratifs, " La requête introductive d'instance ... doit contenir l'exposé sommaire des faits et moyens " ; que la demande présentée par M. René X... devant le tribunal administratif de Bordeaux, et tendant à l'annulation de la décision en date du 17 janvier 1979 par laquelle le ministre de l'éducation a refusé de procéder à la révision de sa pension de retraite, soulève à l'appui de ces conclusions le moyen tiré de l'absence de prise en compte, lors de la liquidation de la pension dont il s'agit, de certains services et bonifications mentionnés sur l'état signalétique établi au nom de l'intéressé par l'autorité militaire ; qu'ainsi, cette demande doit être regardée comme contenant l'exposé sommaire des moyens exigé par les dispositions précitées ;
Au fond : Cons. qu'aux termes de l'article L. 281 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, " En ce qui concerne les déportés résistants, le temps passé en détention ou en déportation est compté comme service militaire actif dans la zone de combat, dans une unité combattante, et donne droit ... pour la retraite, au bénéfice de la campagne double jusqu'au jour du rapatriement, augmenté de six mois ... Le bénéfice des campagnes est supputé conformément aux dispositions de l'article 36 de la loi du 14 avril 1924 portant réforme du régime des pensions civiles et militaires " ; que, selon les dispositions du A de cet article 36, reprises au A de l'article R. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite " Le bénéfice de la double campagne ne prendra fin, pour tout blessé de guerre, qu'à l'expiration d'une année complète à partir du jour où il a reçu sa blessure " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les déportés résistants ayant été blessés pendant leur détention ou leur déportation ont droit à une bonification égale au double de la durée comprise entre le début de leur détention ou déportation et soit la date du rapatriement, soit celle de l'expiration du délai d'un an suivant le jour où ils ont reçu leur blessure, si cette seconde date est postérieure à la première ; que la bonification ainsi calculée est ensuite augmentée de six mois ; que les dispositions de l'article 38 de la loi du 14 avril 1924, reprises à l'article R. 21 du code des pensions civiles et militaires de retraite, selon lesquelles la période fictive accordée comme bonification ne peut jamais dépasser le double de la durée effective du service auquel elle se rapporte ne peuvent s'appliquer à la bonification accordée aux déportés résistants, qui, en vertu des dispositions expresses de l'article L. 281 précité, est supérieure au double de la durée effective de la détention ou déportation ;
Cons., d'une part, qu'il est constant, que M. X..., auquel a été reconnue la qualité de déporté résistant, a été déporté au camp de concentration de Dachau du 27 décembre 1944 au 15 mai 1945, et qu'il a été regardé comme blessé de guerre le jour même de sa déportation ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X... a droit, pour la liquidation de sa pension de retraite, au bénéfice de la campagne double pour une période d'une année complète à partir du 27 décembre 1944, augmenté de six mois ; que, par suite, M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a statué sur ses conclusions relatives aux bonifications auxquelles il a droit ;
Cons., d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 281 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que seul le temps passé en détention ou en déportation est compté comme service militaire effectif, et pris en compte, en application de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans la constitution du droit à pension ; que, par suite, les périodes supplémentaires fictives accordées comme bonification, si elles s'ajoutent aux services affectifs pour la liquidation de la pension, en application du premier alinéa de l'article L. 12 du même code, ne sauraient, ni en totalité, ni en partie, être comptées comme services effectifs ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de la demande de M. X... tendant à ce que la durée fictive ajoutée à celle de sa déportation pour qu'une année complète soit atteinte à partir de la date de sa blessure, conformément aux dispositions de l'article R. 14-A de ce code, soit comptée au nombre de ses services effectifs ;

annulation du jugement et de la décision ; renvoi du requérant devant le ministre de l'éducation nationale et du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, pour qu'il soit procédé à la révision de la pension militaire de retraite dont il est titulaire ; rejet du surplus des conclusions de sa requête .