Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 27 mai 1987, 65122, inédit au recueil Lebon
Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1985 et 9 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE LA DEFENSE CHARGE DES ANCIENS COMBATTANTS, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 10 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M. Georges X..., annulé la décision en date du 24 mai 1983 lui refusant le titre de déporté politique ;
2° rejette la demande de M. X... présentée devant le tribunal administratif de Nantes,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Aubin, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Sur le recours du SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE LA DEFENSE CHARGE DES ANCIENS COMBATTANTS :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que pour refuser à M. X... le titre de déporté politique le SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE LA DEFENSE CHARGE DES ANCIENS COMBATTANTS s'est fondé non sur une condamnation encourue par l'intéressé mais sur les faits qui avaient provoqué cette condamnation qu'il a estimé contraires à l'esprit de solidarité devant l'ennemi ; que la circonstance que ces faits aient été amnistiés par la loi du 6 août 1953 n'empêchait pas le secrétaire d'Etat de les retenir pour apprécier les droits de M. X... au titre sollicité ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision qui lui était déférée, le tribunal administratif s'est fondé sur le fait qu'elle avait été motivée par la présence au dossier de pièces provenant d'une procédure judiciaire ayant reposé sur des faits amnistiés ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.294 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont exclus du bénéfice du statut des déportés et internés politiques "ceux qui, au cours de leur déportation ou de leur internement, ont eu une attitude contraire à l'esprit de solidarité devant l'ennemi" ;
Considérant qu'il ressort de plusieurs témoignages précis et concordants figurant au dossier que M. X..., alors qu'il occupait au camp de Hactzungen les fonctions de "Vorarbeiter", a exercé à de nombreuses reprises et sans y être contraint par les autorités du camp, de graves brutalités sur certains détenus ; que la matérialité de ces faits n'est pas contredite par les témoignages favorables à M. X... qui figurent au dossier ; que le secrétaire d'Etat a pu légalement estimer que ces faits révélaient de la part de M. X... une attitude contraire à l'esprit de solidarité devant l'ennemi et lui refuser, pour ce motif, le titre de déporté politique ;
Sur les conclusions de M. X... :
Considérant que M. X... n'est pas recevable, à l'occasion du présent litige, relatif à ses droits au titre de déporté politique, à remettre en cause la décision du 25 juin 1980, devenue définitive, par laquelle lui a été refusé le titre de déporté résistant ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que lui soit reconnue cette qualité ne peuvent qu'être rejetées ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 10 octobre 1984 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. X... et les conclusions qu'il a présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, au secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à M. X....