Conseil d'Etat, 3 SS, du 25 novembre 1987, 87689, inédit au recueil Lebon
Vu la requête enregistrée le 25 mai 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Pasquin X..., demeurant ... , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 24 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 août 1984 du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et victimes de guerre lui refusant l'attribution du titre de déporté politique ;
°2 annule pour excès de pouvoir cette décision,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Frydman, Auditeur,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Le titre de déporté politique est attribué aux Français ou ressortissants français qui, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ne bénéficiant pas de l'ordonnance du 6 juillet 1943, ont été : ... °3 Soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi, notamment l'Indochine, sous réserve que ladite incarcération ou ledit internement répondent aux conditions qui sont fixées aux articles R.327 à R.334" ; qu'aux termes de l'article L.287 : "Sont exclues du bénéfice de l'article L.286 les personnes visées aux alinéas 2 et 3 dudit article, qui n'ont pas été incarcérées pendant au moins trois mois, à moins qu'elles se soient évadées ou qu'elles aient contracté pendant leur internement une maladie ou une infirmité, provenant notamment de tortures, susceptibles d'ouvrir droit à pension à la charge de l'Etat" ;
Considérant que M. X... a été détenu par les autorités japonaises du 30 juin à la fin du mois de juillet 1945 au camp de Hoa Binh, reconnu comme lieu de déportation par l'arrêté du 22 janvier 1951, auquel renvoie l'article A 160-°3 du code susvisé ; que, si la durée de cet internement a été inférieure à trois mois, il ressort des pièces versées au dossier, et notamment d'attestations délivrées tant par des témoins ayant connu M. X... à Hoa Binh que par un médecin lui ayant dispensé des soins au retour de ce camp, que le requérant a contracté, lors de cette détention, la dysenterie amibienne ; qu'il est constant que M. X... s'est vu concéder, du fait des séquelles de cette affection, une pension militaire d'invalidité ; que, par suite, la circonstance que la durée de son internement ait été inférieure à trois mois ne saurait légalement faire obstacle à ce que le titre de déporté politique soit attribué à M. X..., alors qu'il n'est pas contesté qu'il remplit les autres conditions mises par les dispositions précitées à l'obtenion de ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 24 août 1984 susvisée du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et victimes de guerre ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 24 mars 1987 et la décision du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et victimes de guerre en date du 24 août 1984 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au secrétaire d'Etat aux anciens combattants.