Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 9 décembre 1988, 70147, inédit au recueil Lebon
Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 3 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 17 avril 1985 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de Mme X..., la décision du 27 mai 1982 du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET en tant qu'elle refuse de verser à Mme X... les arrérages de sa pension liquidée sur la base du 8ème échelon de son grade à compter du 1er janvier 1974,
2°) rejette la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Lévis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X..., ancien agent de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, a présenté, le 27 septembre 1977, au ministre de la défense une demande tendant à ce que la pension qui lui avait été accordée et qui avait été liquidée sur le 7°échelon de son grade le soit sur le 8°échelon, au motif qu'elle justifiait, à la date de sa mise à la retraite, de plus de six mois d'ancienneté dans ce dernier échelon ; que cette demande a été rejetée le 24 novembre 1977 ; que toutefois, par décision du 27 mai 1982, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET a admis "à titre exceptionnel et gracieux" la révision de la pension de l'intéressée sur la base du 8°échelon de son grade à compter de cette dernière date ; que Mme X... a demandé au tribunal administratif de Marseille, qui a fait droit à ses conclusions, l'annulation de cette décision en tant qu'elle fixait à cette date l'effet de la révision et non au 1er janvier 1974 ;
Considérant, d'une part, que le ministre ne conteste pas que le refus primitivement opposé à Mme X... était intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision retirant la décision de rejet erronée prise le 24 novembre 1977 avait un caractère purement gracieux et ne pouvait dès lors être déférée au juge administratif ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : à tout moment en cas d'erreur matérielle, dans un élai de six mois à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit" ; que l'erreur commise par l'administration ne reposait pas, comme le ministre le reconnaît lui-même, sur un raisonnement juridique, mais était purement matérielle ; qu'ainsi Mme X... pouvait, en vertu des dispositions précitées de l'article L.55 du code des pensions, solliciter la rectification de cette erreur à tout moment ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L.53 du même code : "lorsque par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures" ; que la décision du 27 mai 1982 ayant implicitement rapporté la décision de rejet erronée prise en 1977, il y a lieu, pour apprécier si des arrérages se sont trouvés prescrits, de faire état de la première demande de révision de l'intéressée, présentée comme il a été dit ci-dessus le 27 septembre 1977 ; que Mme X... était entrée en jouissance de sa pension en 1968 ; que, dans ces conditions et en application des dispositions ci-dessus rappelées, elle n'a encouru la prescription que pour les arrérages antérieurs au 1er janvier 1974 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision attaquée en tant qu'elle refuse de verser à Mme X... les arrérages de sa pension sur la base du 8ème échelon de son grade à compter du 1er janvier 1974 ;
Article ler : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget et à Mme X....