Conseil d'Etat, 3 SS, du 2 avril 1990, 90205, inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 7 août 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement du 18 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 février 1984 par lequel le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et des victimes de guerre lui a refusé le titre d'interné-résistant ;
2° d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Angeli, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 273 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ... : "Le titre d'interné-résistant est attribué à toute personne qui a subi, quel qu'en soit le lieu ... une détention minimum de trois mois pour acte qualifié de résistance à l'ennemi" ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 292, les personnes arrêtées par les japonais et qui ont été internées dans une prison ou un camp de concentration peuvent prétendre au titre d'interné-résistant lorsque l'arrestation et l'internement ont eu lieu entre le 9 mars 1945 et la date de la libération effective de la prison ou du camp ; que l'article R. 319 prévoit que les demandes d'attribution du titre d'interné-résistant doivent être accompagnées de pièces établissant la matérialité ou la durée de l'internement, la matérialité d'un acte qualifié de résistance, et l'existence d'un lien de cause à effet entre l'acte et l'internement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une attestation délivrée par l'ancien chef d'un groupe de résistance en Indochine ainsi que d'une citation à l'ordre du régiment décernée au requérant par le Général X..., documents produits pour la première fois devant le Conseil d'Etat, que M. Y..., qui était en poste en Annam en qualité de fonctionnaire de la police au moment du coup de force japonais du 9 mars 1945 s'est dérobé aux recherches de l'ennemi en rejoignant un groupe de résistants au sein duquel il s'est livré à des activités de liaison et de sabotages qui constituent des actes qualifiés de résistance au sens de l'article R. 287 du même code ; qu'il résulte des pièces versées au dossier qu'il a été arrêté à la suite de ces activités puis interné au mois d'avril 1945 et libéré le 23 août 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demand tendant à l'annulation de la décision du 8 février 1984 du secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants rejetant sa demande d'attribution du titre d'interné-résistant ;
Article 1er : Le jugement du 18 juin 1987 du tribunal administratif de Marseille et la décision du 8 février 1984 du secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et des victimes de guerre.