Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 14 juin 1991, 80553 80835, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision14 juin 1991
Num80553 80835
Juridiction
Formation5 / 3 SSR
PresidentM. Combarnous
RapporteurM. Lasvignes
CommissaireM. Stirn

Vu, 1° sous le N° 80 553, le recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 juillet 1986 ; le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de M. X..., la décision du 11 septembre 1984 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de M. X... tendant à la révision de la pension militaire de retraite de celui-ci ;
2° de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu, 2° sous le N° 80 835, le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 juillet 1986, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de M. X..., la décision du 11 septembre 1984 par laquelle le ministre a rejeté la demande de M. X... tendant à la révision de sa pension militaire de retraite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le décret n° 75-1213 du 22 décembre 1975 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION et du MINISTRE DE LA DEFENSE sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite annexé à la loi du 26 décembre 1964 dans sa rédaction antérieure à la loi du 7 juin 1977 : "La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : - A tout moment, en cas d'erreur matérielle ; - Dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit ..." ;
Considérant que, par une décision en date du 11 septembre 1984, le MINISTRE DE LA DEFENSE a opposé la forclusion qu'édictent les dispositions précitées à la demande de M. X... tendant à obtenir la révision, pour erreur de droit, de la pension de retraite qui lui a été concédée ; que, pour annuler, par le jugement attaqué, cette décision, le tribunal administratif a entendu faire application des dispositions de l'article 2 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, aux termes duquel : "Lorsqu'une décision juridictionnelle devenue définitive émanant des tribunaux administratifs ou du Conseil d'Etat a prononcé l'annulation d'un acte non réglementaire par un motif tiré de l'illégalité du règlement dont cet acte fait application, l'autorité compétente est tenue, nonobstant l'expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande ayant un objet identique et fondée sur le même motif lorsque l'acte concerné n'a pas créé de droits au profit des tiers." ;

Considérant que ces dispositions, de valeur réglementaire, ne sauraient avoir pour effet de faire obstacle à une forclusion qui, comme les dispositions précitées du code des pensions, résulte de la loi ; que, par suite, et en tout état de cause, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les dispositions du décret susvisé du 28 novembre 1983 pour annuler la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant que si le ministre a produit devant le tribunal administratif une lettre du trésorier-payeur général de la Gironde l'informant que l'arrêté du 21 mai 1976 portant révision de la pension de M. X... aurait été transmis à celui-ci le 6 août 1976, il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que la décision contestée a été reçue à cette date par l'intéressé ; qu'il ne pouvait par suite, opposer à la demande de M. X... la forclusion prévue par l'article L. 55 du code ;
Considérant qu'aux termes de l'article 19 du décret du 22 décembre 1975 portant statuts particuliers des corps de sous-officiers de carrière de l'armée de l'air, "pour l'application de l'article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les sous-officiers de carrière admis à la retraite avant l'entrée en vigueur du présent décret sont reclassés à l'échelle de solde correspondant à leur qualification, à l'échelon de leur grade figurant à l'article 6 du présent décret et déterminé en fonction de leur ancienneté de service diminuée de six mois", et qu'aux termes de l'article 6 du même décret "les sous-officiers de chaque grade ont accès, en fonction de la durée des services militaires effectués aux échelons suivants, après treize ans de services, après dix-sept ans de services, après vingt-et-un ans de services" ; qu'il résulte de ce dispositions prises en application de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires modifié par l'article 1-IV de la loi du 30 octobre 1975, que, pour l'accès aux échelons susmentionnés, seule la durée des services militaires effectifs doit être prise en compte, même si ces services, à l'époque où ils ont été effectués, n'étaient pas admis pour l'avancement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au 1er janvier 1974, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, la durée des services militaires effectifs de M. X..., comprenant la période passée du 9 avril 1956 au 2 octobre 1957, à l'école des apprentis mécaniciens de l'armée de l'air, s'élevait à 17 ans, 8 mois et 22 jours ; que, pour réviser sa pension, à la suite de la réforme statutaire opérée par le décret du 22 décembre 1975 précité, sur la base des émoluments afférents à l'échelon "après 13 ans de services", l'administration a prétendu se fonder sur les dispositions de l'article 15 du décret du 10 août 1955 relatif à l'école des apprentis mécaniciens de l'armée de l'air aux termes desquelles "le temps passé à l'école avant l'âge de 18 ans n'est pas pris en compte pour la progressivité de la solde" ;
Considérant que ces dispositions ont été abrogées par l'intervention des dispositions précitées de la loi du 30 octobre 1975 et du décret du 22 décembre 1975 ; que, par suite, les services militaires effectifs de M. X... devant être pris en compte en totalité pour la détermination de l'échelon retenu pour la révision de sa pension, celle-ci devait être basée sur les émoluments afférents à l'échelon "après 17 ans de services" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE et le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision en date du 11 septembre 1984 du MINISTRE DE LA DEFENSE ;
Article 1er : Les recours du MINISTRE DE LA DEFENSE et du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Louis X..., au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget et au ministre de la défense.