Conseil d'Etat, 3 SS, du 18 décembre 1991, 101431, inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 août 1988 et 20 décembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Idelmino Y..., demeurant chez Mme X..., ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 24 septembre 1985 par laquelle le secrétaire d'Etat aux anciens combattants lui a retiré le titre de déporté résistant et la décision du 19 mars 1986 par laquelle le sécrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants lui a retiré le titre de combattant volontaire de la Résistance ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Goulard, Auditeur,
- les observations de SCP la Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 319 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Toute décision prise par le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre pour l'attribution des titres visés aux articles L. 269, L. 272, L. 273, L. 286, L. 288, L. 305 et L. 317 et reconnue ultérieurement mal fondée, peut être rapportée par le ministre, à quelque date que ce soit, après avis de la commission nationale intéressée" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants peut retirer à tout moment toute décision "reconnue ultérieurement mal fondée" portant attribution du titre de combattant volontaire de la Résistance, visé à l'article L. 269 du code avant son abrogation par le décret du 28 février 1959 et du titre de déporté résistant, visé à l'article L. 272 ;
Sur la légalité de la décision du 24 septembre 1985 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 272 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Le titre de déporté résistant est attribué à toute personne qui, pour acte qualifié de résistance à l'ennemi, a été ... transférée par l'ennemi hors du territoire national, puis incarcérée ou internée dans une prison ou un camp de concentration ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites devant le tribunal administratif par le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, qui ne peut être réputé avoir acquiescé aux faits avancés par le requérant, que l'arrestation le 21 mars 1944 puis la déportation de celui-ci ont été causées par sa participation, le 1er ars 1944, à l'attaque à main armée d'une ferme à Solaize, opération qui avait le caractère non d'une opération ayant profité à la Résistance mais d'une infraction de droit commun commise au seul profit de ses auteurs, et notamment de M. Y... ; qu'ainsi la déportation de M. Y... n'a pas eu pour cause déterminante un acte qualifié de résistance à l'ennemi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 24 septembre 1985 lui retirant le titre de déporté résistant ;
Sur la légalité de la décision du 19 mars 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 254 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "La qualité de combattant volontaire de la Résistance est reconnue dans les conditions fixées au présent chapitre : 1° Aux titulaires de la carte de déporté ou d'interné résistant prévue au chapitre II ; ... 3° Aux personnes qui, pouvant justifier dans le cadre des dispositions édictées par le décret n° 366 du 25 juillet 1942 (F.F.C.) ou le décret du 20 septembre 1944 (F.F.I.) ou le décret n° 47-1956 du 9 septembre 1947 (R.I.F.) de leur appartenance à l'un des réseaux, unités ou mouvements reconnus par l'autorité militaire, au titre des F.F.C., des F.F.I. ou de la R.I.F. se sont mises, avant le 6 juin 1944, à la disposition d'une formation de la Résistance à laquelle a été attribuée la qualité d'unité combattante et ont effectivement combattu pendant trois mois. Son réputées unités combattantes, les unités reconnues officiellement comme telles dans les conditions prévues à l'article A. 119 ; 4° A toute personne qui, ayant appartenu pendant trois mois au moins, avant le 6 juin 1944, aux F.F.C., aux F.F.I. ou à la R.I.F., dans une zone occupée par l'ennemi, a en outre obtenu l'homologation régulière de ses services par l'autorité militaire dans les conditions fixées aux trois décrets précités au 3° ci-dessus ..." ;
Considérant que la qualité de combattant volontaire de la Résistance avait été reconnue à M. Y... en tant que titulaire de la carte de déporté résistant ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à bon droit que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants lui a retiré cette carte ; que, par suite, il n'a plus droit à la qualité de combattant volontaire de la Résistance en application du 1° de l'article R. 254 précité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... n'a appartenu aux Forces Françaises de l'Intérieur que du 20 janvier au 20 mars 1944 ; que le requérant n'apporte aucun élément probant à l'appui de son allégation selon laquelle il aurait combattu effectivement pendant trois mois au sein de ces forces ; qu'ainsi la qualité de combattant volontaire de la Résistance ne peut lui être reconnue en application des 3° ou 4° de l'article R. 254 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 19 mars 1986 par laquelle le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense chargé des anciens combattants lui a retiré le titre de combattant volontaire de la Résistance ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au secrétaire d'Etat aux anciens combattants.