Conseil d'Etat, 10 SS, du 15 juin 1994, 81203, inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 août 1986 et 10 décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme LABORATOIRES ARKOCHIM dont le siège est situé ... ; la société LABORATOIRES ARKOCHIM demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 27 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision de la commission départementale de contrôle de l'emploi obligatoire des mutilés de guerre notifiée par une lettre du préfet des Alpes-Maritimes en date du 17 février 1984 mettant à sa charge une redevance de 83 113 F pour l'embauche de douze salariés dans des catégories réservées aux mutilés et handicapés au cours de l'exercice 1981-1982, ensemble la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre du travail sur son recours hiérarchique introduit le 9 mars 1984, d'autre part, de la décision implicite de rejet de son opposition à état exécutoire résultant du silence gardé par le trésorier-payeur général des AlpesMaritimes durant un mois à compter de la présentation, le 31 mai 1985, de cette opposition, ensemble le commandement émis le 2 mai 1985 par la recette-perception de Vence d'avoir à payer la somme de 85 609 F et le titre de recette n° 48 en date du 17 février 1984, rendu exécutoire par le préfet des Alpes-Maritimes, pour un montant de 83 113 F ;
2°) annule ces décisions et la décharge de la somme de 85 609 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail, notamment ses articles L. 323-1 à L. 323-35 et R. 323-1 à R. 323-23 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Quinqueton, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société anonyme LABORATOIRES ARKOCHIM,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision mettant à la charge de la société LABORATOIRES ARKOCHIM une redevance de 83 113 F :
Considérant que pour rejeter comme irrecevable la demande de la société LABORATOIRES ARKOCHIM tendant à l'annulation de la commission départementale de contrôle de l'emploi obligatoire des mutilés de guerre réunie en formation commune avec la commission du contentieux des travailleurs handicapés mettant à sa charge une redevance de 83 113 F et notifiée par une lettre du préfet des Alpes-Maritimes en date du 17 février 1984, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que la société n'avait soulevé aucun moyen de droit ; qu'il résulte toutefois des visas du jugement attaqué que la société requérante avait soulevé un moyen non inopérant tiré de ce que, en méconnaissance de l'article R. 323-15 du code du travail, l'administration n'avait pas tenu compte, pour l'établissement de la redevance litigieuse, de l'emploi, régulièrement justifié auprès de la direction départementale du travail, de plusieurs travailleurs handicapés et pensionnés ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 27 juin 1986 doit être annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevable la demande de la société LABORATOIRES ARKOCHIM tendant à l'annulation de la décision des commissions départementales réunies en formation commune mettant à sa charge une redevance de 83 113 F ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société LABORATOIRES ARKOCHIM devant le tribunal administratif de Nice ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 323-15, 3ème alinéa, du code du travail : "ont droit à une réduction de la redevance, par application de l'article L. 323-4, les employeurs qui justifient avoir occupé dans les conditions de rémunération prévues par la législation en vigueur : des victimes civiles de la guerre, titulaires d'une pension d'invalidité autitre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; des mutilés du travail, titulaires d'une pension en vertu de l'un des textes mentionnés à la fin de l'article L. 3234, lorsque ceux-ci ont été victimes de leur accident dans une autre entreprise ; des travailleurs handicapés bénéficiaires des articles L. 323-9 et suivants et employés à titre facultatif" ; que la société soutient qu'elle a employé plusieurs pensionnés et handicapés entrant dans les catégories mentionnées à l'alinéa précédent, qu'elle en a régulièrement justifié l'emploi auprès de la direction départementale du travail, et qu'il n'en a pas été tenu compte dans l'établissement de la redevance litigieuse ;
Considérant qu'aux termes de l'article 53-4 du décret susvisé du 30 juillet 1963 : "lorsque le défendeur ou un ministre appelé à présenter ses observations n'a pas observé le délai qui, lors de la communication de la requête ou d'un mémoire ultérieur du requérant, lui a été imparti, il est réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans le mémoire du requérant" ; qu'il est constant que la requête a été communiquée au ministre des affaires sociales et de l'emploi le 11 décembre 1986 ; qu'il lui a été imparti un délai de deux mois pour produire sa défense ; que ledit ministre n'a produit aucune observation ; qu'ainsi le ministre doit être réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires de la société requérante ; que, dès lors, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la décision des commissions départementales siégeant en formation commune mettant à la charge de la société LABORATOIRES ARKOCHIM une redevance de 83 113 F doit être regardée comme ayant été fixée sans tenir compte de la réduction à laquelle cette société avait droit en application de l'article R. 323-15 du code du travail ; qu'elle doit par suite être annulée ;
Sur les conclusions en opposition à état exécutoire :
Considérant que, par voie de conséquence de l'annulation de la décision mettant à la charge de la société LABORATOIRES ARKOCHIM une redevance de 83 113 F, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté son opposition à état exécutoire, à demander l'annulation de cet état exécutoire, à demander l'annulation de l'ordre de recette et à soutenir que le commandement de payer émis le 2 mai 1985 qui en procède est dépourvu de base légale ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27juin 1986 est annulé.
Article 2 : La décision mettant à la charge de la société LABORATOIRES ARKOCHIM une redevance de 83 113 F, l'ordre de recette émis le 17 février 1984 par le préfet des AlpesMaritimes et l'état exécutoire émis par le préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 3 : Le commandement délivré le 2 mai 1985 à l'encontre dela société LABORATOIRES ARKOCHIM pour avoir paiement d'une somme de 83 113 F et de 2 496 F de frais est dépourvu de base légale.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société LABORATOIRES ARKOCHIM et au ministre du travail, de l'emploi et de laformation professionnelle.