Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 29 juin 1994, 135444, mentionné aux tables du recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 20 mars et 17 juillet 1992 présentés par M. Roger X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 7 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 septembre 1989 du secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre lui refusant le titre de déporté politique ;
2°) annule cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Auditeur,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de M. Pierre Y... :
Considérant que M. Y... ne justifie d'aucun intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien de la requête de M. X... ;
Sur la requête de M. X... :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article R.330 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Les prisonniers de guerre et les travailleurs en Allemagne non volontaires, qui ont été transférés par l'ennemi dans l'un des camps ou prisons énumérés dans l'arrêté visé à l'article L.329 pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, peuvent, après avis de la commission nationale susvisée, obtenir le titre de déporté politique si, en plus des conditions ci-dessus fixées pour l'attribution de ce titre, ils justifient avoir subi leur détention jusqu'à la libération du camp ou de la prison ou s'être évadés auparavant (...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été requis en 1943 au titre du service du travail obligatoire en Allemagne ; que la circonstance qu'il ait, par la suite, adhéré au groupement dit des "Jeunesses Ouvrières Françaises Travaillant en Allemagne" et ait, à ce titre, suivi en France un stage de formation à l'issue duquel il a été envoyé en Allemagne et exercé des fonctions d'encadrement dans un camp de jeunes ouvriers français en Allemagne ne saurait lui faire perdre la qualité de travailleur en Allemagne non volontaire ; qu'en raison de son attitude patriotique il a été arrêté le 15 août 1944 par la Gestapo et incarcéré dans différentes prisons ou camps de concentration jusqu'à sa libération par les troupes américaines ; que, dès lors, il satisfait aux conditions fixées par l'article R. 330 du code précité pour l'attribution du titre sollicité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre en date du 12 septembre 1989 lui refusant le titre de déporté politique ;
Article 1er : L'intervention de M. Pierre Y... n'est pas admise.
Article 2 : Le jugement en date du 7 novembre 1991 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre en date du 12 septembre 1989 sont annulés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Roger X... et au ministre des anciens combattants et victimes de guerre.