Conseil d'Etat, 2 / 6 SSR, du 11 décembre 1998, 161869, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 décembre 1998
Num161869
Juridiction
Formation2 / 6 SSR
RapporteurM. Mary
CommissaireM. Honorat

Vu 1°/, sous le n° 161869, la requête enregistrée le 23 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme X... demeurant ... ; M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 27 septembre 1993 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer des certificats de résidence portant respectivement les mentions "salarié" et "membre de famille" ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°/, sous le 161892, la requête enregistrée le 26 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 27 septembre 1993 par laquelle lepréfet du Rhône a refusé de délivrer à lui-même et à son épouse des certificats de résidence portant respectivement les mentions "salarié" et "membre de famille" ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail, notamment son article R. 341-4 ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 161869 et 161892 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans sa rédaction en vigueur depuis le premier avenant audit accord en date du 22 décembre 1985 : "Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention salarié ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par l'administration française" ;
Considérant que les stipulations susvisées habilitent les services compétents à opérer sur l'exercice d'une activité salariée par un ressortissant algérien un contrôle fondé sur la situation de l'emploi de la nature de celui prévu par l'article R. 341-4 du code du travail ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article R. 341-4 précité dudit code : " ... la situation de l'emploi n'est pas opposable à certaines catégories de travailleurs déterminées en fonction soit des liens entretenus avec la France par leur pays d'origine, soit des services qu'ils ont eux-mêmes rendus à la France, soit de l'ancienneté de leur séjour en France. Un arrêté du ministre chargé du travail énumère ces catégories" ;
Considérant que, pour refuser à M. X... la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention "salarié", le préfet de la région Rhône-Alpes s'est fondé sur la situation de l'emploi dans la région ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été affecté, en Algérie, au 19ème régiment du génie du 1er novembre 1953 au 30 avril 1955 et du 20 juin 1955 au 28 juin 1956 ; qu'il s'est vu décerner à cet égard un titre de reconnaissance de la Nation à valeur recognitive ; que, par suite et alors même que l'unité dans laquelle il a servi ne figure pas sur la liste des unités combattantes prévue par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. X... doit être regardé comme ayant rendu des services à la France au sens des dispositions réglementaires précitées ; que, dès lors, le préfet ne pouvait légalement, pour le motif ci-dessus exposé, lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, ainsi que, par voie de conséquence, rejeter la demande présentée par son épouse d'un certificat de résidence portant la mention "membre de famille" ; que les requérants sont ainsi fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X... la somme de 3 000 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 13 juillet 1994 et les décisions du préfet de la région Rhône-Alpes du 27 septembre 1993 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme X... la somme de 3 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Abdallah X... et au ministre de l'intérieur.