Conseil d'Etat, Section, du 28 septembre 2001, 218310, publié au recueil Lebon
Date de décision | 28 septembre 2001 |
Num | 218310 |
Juridiction | |
Formation | SECTION |
President | M. Labetoulle |
Rapporteur | Mme Guilhemsans |
Commissaire | M. Courtial |
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 23 juillet 1998 au secrétariat de la commission spéciale de cassation des pensions, puis transmis au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Abdelkader X..., ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 28 octobre 1997 par lequel la cour régionale des pensions de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 mai 1995 du tribunal départemental des pensions du Gard qui avait rejeté son recours dirigé contre le refus du ministre de la défense de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 ;
Vu l'article 26 de la loi de finances rectificative n° 81-734 du 3 août 1981 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., de nationalité algérienne, qui a servi dans l'armée française du 1er décembre 1952 au 1er décembre 1955, a présenté le 7 septembre 1992 une demande de pension militaire d'invalidité ; que M. X... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 octobre 1997 par lequel la cour régionale des pensions de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 mai 1995 du tribunal départemental des pensions du Gard qui avait rejeté son recours dirigé contre le refus du ministre de la défense de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ;
Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981 : "Les pensions, rentes ou allocations viagères attribuées aux ressortissants de l'Algérie sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat et garanties en application de l'article 15 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie ne sont pas révisables à compter du 3 juillet 1962 et continuent à être payées sur la base des tarifs en vigueur à cette même date. Elles pourront faire l'objet de revalorisations dans des conditions et suivant des taux fixés par décret" ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article : "Les dispositions prévues aux alinéas ci-dessus sont applicables aux prestations de même nature, également imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat, qui ont été attribuées aux ressortissants de l'Algérie après le 3 juillet 1962 en vertu des dispositions du droit commun ou au titre de dispositions législatives ou réglementaires particulières et notamment en application du décret n° 62-319 du 20 mars 1962" ; qu'il ressort des travaux préparatoires de cette loi que les dispositions précitées de l'article 26 ont eu notamment pour objet, d'une part, de permettre le maintien de la pratique administrative consistant à verser aux ressortissants de l'Algérie, dont les droits à pension, rente ou allocation viagère se sont ouverts avant comme après le 3 juillet 1962, des indemnités ayant les mêmes caractéristiques que celles, non révisables, non réversibles et pouvant être revalorisées par décret, qui avaient été prévues par l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959, et, d'autre part, de conférer à l'ensemble de ces prestations la nature de pensions, rentes ou allocations viagères ; qu'il en résulte, d'une part, que le législateur a entendu permettre que des droits à pension d'invalidité, ouverts après le 3 juillet 1962 et donc en dehors du champ d'application de l'article 15 susmentionné de la déclaration du 19 mars 1962, soient concédés à des ressortissants de l'Algérie et, d'autre part, qu'il a nécessairement entendu écarter pour cette concession l'application aux ressortissants algériens, des dispositions de l'article L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vertu desquelles le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension militaire d'invalidité est suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français ;
Considérant, dès lors, qu'en jugeant que M. X..., qui avait perdu la nationalité française par suite de l'indépendance de l'Algérie le 3 juillet 1962 et n'avait pas usé de la faculté que lui donnait l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 de conserver cette nationalité, ne pouvait, en application des dispositions de l'article L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, prétendre à un droit à pension d'invalidité, la cour régionale des pensions de Nîmes a fait une fausse application des dispositions législatives précitées ; que M. X... est, par suite, fondé à demander l'annulation de cet arrêt ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la cour régionale des pensions de Montpellier ;
Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Nîmes du 28 octobre 1997 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Montpellier.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelkader X... et au ministre de la défense.