Cour Administrative d'Appel de Versailles, 1ère Chambre, 04/02/2010, 08VE03838, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision04 février 2010
Num08VE03838
JuridictionVersailles
Formation1ère Chambre
PresidentM. GAILLETON
RapporteurMme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
CommissaireM. DHERS
AvocatsLE BRET-DESACHE

Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Josiane A, demeurant ..., par Me Le Bret-Desachet ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707631 en date du 10 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 24 352,80 euros en réparation du préjudice subi en raison de la faute commise par l'Etat en ne lui accordant pas dès l'année 2000 le bénéfice de la rente instituée par le décret du 27 juillet 2004 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 24 352,80 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et capitalisation des intérêts, et, en outre, la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral subi par elle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que le gouvernement a méconnu le principe d'égalité et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en traitant différemment les orphelins de parents victimes de persécutions antisémites, seuls bénéficiaires de l'indemnisation instituée par le décret du 13 juillet 2000, et les autres orphelins ceux visés par le décret du 27 juillet 2004, alors pourtant que les deux catégories d'orphelins se trouvent dans une situation identique au regard de l'objectif poursuivi ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et notamment son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble son premier protocole additionnel ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ;

Vu le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2010 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;


Considérant que le décret susvisé du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation prenant la forme d'une indemnité en capital ou d'une rente viagère, en faveur de toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation lorsqu'elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue ; que le décret du 27 juillet 2004 a, quant à lui, institué une mesure de réparation similaire en faveur des personnes mineures au moment des faits, dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et a trouvé la mort en déportation, ainsi qu'en faveur des personnes, mineures de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code ;

Considérant que, par une décision du 24 octobre 2005, le Premier ministre a accordé à Mme A, sur le fondement des dispositions du décret du 27 juillet 2004, une aide sous forme de rente viagère à compter du 1er septembre 2004 ; que celle-ci demande réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait qu'elle n'a pu bénéficier de l'aide qu'à compter de cette date, alors que les bénéficiaires du décret du 13 juillet 2000 ont, quant à eux, obtenu réparation dès l'entrée en vigueur de ce décret, ce qui constitue à ses yeux une différence de traitement injustifiée ;

Considérant que, ni le principe d'égalité, ni les dispositions de la Constitution, ni les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ne s'opposent à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
Considérant que les personnes tombant sous le coup des mesures antisémites ont fait l'objet, pendant l'Occupation de la France, d'une politique d'extermination systématique qui s'étendait même aux enfants ; qu'ainsi, eu égard à l'objet de la mesure qu'il avait décidée, le gouvernement a pu, sans méconnaître le principe constitutionnel d'égalité, ni la prohibition des discriminations fondées sur la race, regarder les mineurs dont le père ou la mère a été déporté dans le cadre des persécutions antisémites pendant l'Occupation comme placés dans une situation différente de celle des orphelins des victimes des autres déportations criminelles pratiquées pendant la même période ; que la différence de traitement pratiquée au bénéfice des premiers n'est pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier, et des situations particulières dans lesquelles ils se sont trouvés et ne touche d'ailleurs qu'à l'application dans le temps du bénéfice de la réparation, une réparation financière analogue ayant été accordée à l'ensemble des bénéficiaires ; que, par suite, l'Etat n'a pas commis de faute en refusant de verser à Mme A une rente viagère à compter de l'année 2000, dès lors que l'intéressée ne bénéficiait que de la réparation instituée par le décret du 27 juillet 2004 et que l'article 5 de celui-ci ne prévoit le versement de la rente qu'à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été reçue ; qu'il ne peut, dès lors, être accordé à Mme A aucune indemnisation de ce chef ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation supplémentaire ; que l'Etat n'étant pas, en l'espèce, la partie perdante, les conclusions de Mme A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;


DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.


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N° 08VE03838 2