Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18/02/2010, 09NC00638, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision18 février 2010
Num09NC00638
JuridictionNancy
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentM. VINCENT
RapporteurM. Michel BRUMEAUX
CommissaireM. COLLIER
AvocatsSCP GASSE-CARNEL-GASSE

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 avril 2009, présentée pour M. Michel A, demeurant ..., par Me Gasse ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801283 en date du 24 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 4 500 euros au titre de son préjudice moral et une indemnité mensuelle de 1 274,43 euros à compter du 1er juillet 2007 jusqu'à la date d'intervention du présent arrêt ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ces indemnités ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- si le médecin inspecteur de la santé publique avait désigné un autre médecin spécialiste agréé, ses conclusions auraient pu être différentes et avoir une influence sur l'avis du comité médical supérieur ;
- cet avis aurait pu être favorable concernant son aptitude au travail et sa réintégration progressive dans l'administration, au besoin par un mi-temps thérapeutique, ou amener à son reclassement en application du décret du 30 novembre 1984 ;

- l'irrégularité touchant à la désignation du médecin agréé lui a fait perdre toute possibilité d' être réintégré ;

- il résulte d'un principe général du droit qu'il appartient à l'employeur d'un agent inapte physiquement à occuper un emploi de le reclasser dans un autre emploi ; or, son administration ne lui a rien proposé de tel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; le ministre conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A en application de l'article L. 761-1 du code de la justice ; le ministre fait valoir que le comité médical s'est prononcé deux fois dans le même sens, le 15 juin puis le 5 octobre 2006, et été confirmé par le comité médical supérieur ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 septembre 2009, présenté pour M. A ; il maintient l'ensemble de ses conclusions et soutient que :

- la contre-expertise effectuée constitue la pièce la plus importante du dossier soumis au comité médical supérieur ; le tribunal administratif a estimé qu'elle n'a pas de crédit du fait d'avoir été réalisée par le concubin du psychiatre qui a donné son avis dans le cadre de la première saisine du comité médical départemental le 15 juin 2006 ;

- le certificat du médecin délivré dans le cadre de la saisine du comité départemental du 26 septembre 2006 doit être examiné avec prudence, émanant d'un praticien ayant des relations contractuelles avec le centre hospitalier de Ravenel dans lequel exerce le psychiatre qui a émis le premier avis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiées ;

Vu le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Gasse, avocat de M. A ;
Vu la note en délibéré présentée le 1er février 2010 par M. A ;


Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, attaché territorial à la préfecture des Vosges, placé en congé de longue durée depuis 2001, a obtenu, après avis du comité médical départemental en date du 15 juin 2006, une ultime prolongation de ce congé jusqu'au 29 novembre 2006 et a été mis à la retraite pour invalidité avec effet au 30 novembre 2006 par arrêté du ministre de l'intérieur en date du 22 août 2006 ; que l'intéressé ayant contesté la régularité de la procédure suivie devant le comité médical départemental, ce dernier a émis un nouvel avis le 5 octobre 2006, conforme au précédent ; que le préfet des Vosges a alors, par arrêté du 10 octobre 2006 pris conformément à cet avis, prolongé une nouvelle fois ce congé jusqu'au 29 novembre 2006, le ministre de l'intérieur, par arrêté du 19 octobre 2006, admettant de nouveau le requérant à la retraite pour invalidité à compter du 30 novembre 2006 ; qu'enfin, le comité médical supérieur, saisi à la demande de M. A, a confirmé le 26 juin 2007 l'avis émis par le comité médical départemental le 5 octobre 2006 ;

Considérant, en premier lieu, que s'il résulte de l'instruction que l'expertise psychiatrique du 20 février 2007 sur le fondement de laquelle s'est prononcé le comité médical supérieur a été confiée à un praticien vivant maritalement avec le médecin agréé auquel avait été confiée l'expertise psychiatrique du 24 mai 2006, et si cette circonstance est effectivement de nature à porter un doute sur l'impartialité de cette expertise et, par voie de conséquence, sur la régularité de la procédure suivie devant le comité médical supérieur, le requérant n'établit pas toutefois la réalité du préjudice moral et du préjudice professionnel allégués, faute de produire un quelconque élément d'ordre médical propre à mettre en doute le bien-fondé des conclusions de l'expert, qui a conclu à son inaptitude à l'exercice de toute activité professionnelle ; que l'intéressé n'établit pas ainsi avoir perdu une chance sérieuse d'être réintégré dans l'administration ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes... ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 novembre 1984 susvisé : Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ; qu'enfin, aux termes de l'article L.29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi nº 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office... ;

Considérant qu'il résulte des dispositions susmentionnées, qui s'inspirent d'un principe général du droit, que lorsqu'il a été constaté qu'un agent se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi statutaire, il appartient à l'administration de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, sa radiation des cadres ;


Considérant que, par avis en date du 5 octobre 2000 du comité médical départemental, M. A a été reconnu inapte à toutes fonctions et à toute profession ; que, par suite, l'administration n'a pas méconnu les dispositions précitées en le radiant des cadres sans l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un autre emploi et n'a pas, par voie de conséquence, commis ce faisant de faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices allégués ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat sur le même fondement ;


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
''
''
''
''
2
09NC00638