Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29/07/2011, 10PA04710, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 29 juillet 2011 |
Num | 10PA04710 |
Juridiction | Paris |
Formation | 4ème chambre |
President | M. PERRIER |
Rapporteur | M. Ermès DELLEVEDOVE |
Commissaire | Mme DESCOURS GATIN |
Avocats | MAZETIER |
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre 2010 et 28 juin 2011, présentés pour M. Abdelkader A, demeurant chez M. B, ..., par Me Mazetier ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0918562/12 en date du 12 avril 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er juillet 2005 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer la carte du combattant dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros, à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu la décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 du Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2011 :
- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance en date du 12 avril 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er juillet 2005 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : /Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date ,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. /Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229. ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises :1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; /Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; /Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; / 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; /4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;/ 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. (...) ; que l'arrêté inter ministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment 1. Les formations de harkis (...) ;
Considérant que, par la décision susvisée en date du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les mots du troisième alinéa de l'article L. 253 bis, possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domicilié en France à la même date , au motif que le législateur ne pouvait établir, au regard de l'objet de la loi et pour l'attribution de la carte du combattant, une différence de traitement selon la nationalité ou le domicile entre les membres de forces supplétives et que l'exigence d'une telle condition de nationalité et de domiciliation est contraire au principe d'égalité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l' attestation de services militaires établie par les services du ministère de la défense le 5 décembre 2001 que M. A a servi dans les forces supplétives françaises en qualité de harki du 4 février 1959 au 31 mars 1962 ; qu'il a donc été membre des forces supplétives françaises pendant une période d'au moins 4 mois et remplit ainsi la condition de services et de durée posée par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; que, dès lors, M. A, qui invoque expressément le moyen tiré de la discrimination qui lui a été opposée en raison de sa nationalité et de son domicile, est fondé à soutenir que le préfet a, pour ce motif, entaché sa décision d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par cette l'ordonnance, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er juillet 2005 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant au motif qu'il ne possédait pas la nationalité française et n'était pas domicilié en France ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant, implique nécessairement la délivrance à M. A de la carte sollicitée ; qu'il y a lieu de prescrire au préfet de délivrer à l'intéressé la carte du combattant dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mazetier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros, à ce titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Paris en date du 12 avril 2010 et la décision du préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en date du 1er juillet 2005 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, de délivrer à M. A, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, la carte du combattant. Le préfet tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 3 : L'Etat versera à Me Mazetier la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
''
''
''
''
2
N° 10PA04710