COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 6ème chambre - formation à 3, 14/02/2013, 11LY02930, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 14 février 2013 |
Num | 11LY02930 |
Juridiction | Lyon |
Formation | 6ème chambre - formation à 3 |
President | M. CLOT |
Rapporteur | M. Philippe SEILLET |
Commissaire | M. POURNY |
Avocats | GRANRUT AVOCATS |
Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, présentée pour M. A...B..., domicilié... ;
M. B...demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement no 0903032 du Tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2011 en tant qu'il a limité à 12 445,93 euros l'indemnité mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ;
2°) de mettre à la charge de l'ONIAM les sommes de 108 764 euros et 26 000 euros au titre des pertes de revenus actuelles et futures, 24 638 euros au titre de l'incidence professionnelle, 514,51 euros au titre des frais divers, 43 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 25 000 euros au titre des douleurs, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 150 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le Tribunal devait faire une indemnisation poste par poste ; que le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé en prenant toute la période de contamination ; que son affection chronique est à l'origine d'importants effets secondaires, notamment d'une fatigue intense ; que ces troubles se sont accrus pendant les phases de traitement ; que l'expert a estimé ses souffrances à 3,5/7 ; qu'il a été mis en invalidité en raison d'un état anxio-dépressif ; que l'expert a qualifié son préjudice d'agrément de majeur ; qu'il a subi un préjudice spécifique de contamination ; qu'il a subi des pertes de revenus en raison de sa mise en congé de longue maladie et des pertes de droits à la retraite ; qu'il a exposé des frais de déplacement pour l'expertise d'un montant de 514,51 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, transmis par télécopie le 27 avril 2012, confirmé le 30 avril 2012, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), tendant au rejet de la requête ;
Il soutient que le jugement doit être réformé en tant qu'il a retenu, à... ; qu'il n'entend pas remettre en cause l'analyse du Tribunal sur la matérialité des transfusions sanguines ; qu'il existe un doute sérieux sur l'imputabilité de la contamination aux transfusions ; que l'expert semble retenir que le risque nosocomial est important ; que le frère de M. B...a été contaminé par le virus de l'hépatite C ; que la contamination intra-familiale fait partie des risques connus de transmission du VHC ; qu'à titre subsidiaire, il sollicite l'application du barème indicatif publié le 1er septembre 2011 ; qu'une provision de 5 000 euros a été versée ; que l'hépatite est modérée et ne justifie pas une indemnité supérieure à 3 750 euros ; que l'Office s'en remet à la sagesse de la Cour pour indemniser les douleurs ; que le requérant ne justifie d'aucune activité de loisirs antérieurement à sa contamination ; que le caractère évolutif de la pathologie n'est pas avéré et ne justifie pas la réparation d'un préjudice spécifique de contamination ; qu'il est vraisemblable que l'état dépressif du requérant est lié aux problèmes familiaux rencontrés et non à sa contamination ; qu'il était aussi porteur d'une grave pathologie cardiaque ; que le traitement dépresseur mis en place postérieurement à sa mise en invalidité ne peut avoir eu une influence sur sa vie personnelle ; que son départ à la retraite est imputable à sa pathologie cardiaque ; que les frais divers allégués ne sont pas justifiés ;
Vu le mémoire, transmis par télécopie le 5 juin 2012, confirmé le 6 juin 2012, présenté pour M.B..., tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que l'expert a souligné que le facteur de risque dominant reste le risque transfusionnel ;
Vu l'ordonnance du 24 mai 2012 fixant la clôture d'instruction au 22 juin 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 juin 2012, présenté pour M.B..., tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que l'hépatite C a joué un rôle causal majeur dans son placement en retraite anticipée pour invalidité ;
Vu l'ordonnance du 28 août 2012 par laquelle la date de clôture de l'instruction a été reportée au 9 novembre 2012 ;
Vu la lettre, en date du 28 août 2012, par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué dès lors que le Tribunal n'a pas communiqué la demande de M. B...à l'Etat (service des pensions de La Poste et de France Télécom), en application de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 novembre 2012, présenté pour La Poste, représentée par le président de son conseil d'administration et pour le service des pensions de retraite de La Poste et de France Télécom, représenté par son directeur en exercice, qui concluent à la condamnation de l'ONIAM à verser à la Poste la somme de 80 859,09 euros et à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché de nullité, au motif de l'absence d'information de La Poste du recours en responsabilité introduit par M.B..., qui avait fait état de sa qualité d'ancien fonctionnaire de cet établissement public, au regard des dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, applicables à La Poste en vertu des dispositions de l'article 43 de la loi du 2 juillet 1990 ;
- c'est à tort que les premiers juges, après avoir reconnu l'ONIAM entièrement responsable de la contamination de M. B...par le virus de l'hépatite C, ont rejeté les demandes de sa part tendant à la réparation de ses préjudices à caractère patrimonial, au titre des chefs de préjudice " pertes de revenus " et incidence professionnelle, dès lors que l'intéressé a cessé son activité en raison de l'hépatite C dont il était atteint et non du fait de problèmes cardiaques, la complication cardiaque dont il a été victime étant survenue après sa mise en congé de longue maladie, le 17 juillet 2003 ;
- La Poste est fondée à prétendre, sur le fondement des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, au remboursement des sommes versées à son agent pendant sa période d'interruption de service, au titre de ses traitements et accessoires ;
- La Poste est également fondée à réclamer au responsable des dommages le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations versées ou maintenues durant la période du 5 juin 2003 au 5 juin 2006, ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article 2 du décret n° 98-255 du 31 mars 1998 ;
Vu l'ordonnance du 19 novembre 2012, rouvrant l'instruction jusqu'au 14 décembre 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2012, présenté pour l'ONIAM, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs et conclut, en outre, au rejet des conclusions de La Poste ;
Il soutient, en outre, que :
- La Poste, à laquelle il appartient de rapporter la preuve de l'imputabilité directe, certaine et exclusive de l'intégralité des sommes dont elle sollicite le remboursement à la seule pathologie hépatique de M.B..., n'établit pas l'imputabilité à cette pathologie des congés de maladie de l'intéressé, qui a présenté par ailleurs une pathologie cardiaque, et donc des prestations versées et maintenues à l'intéressé durant ces périodes ;
- La Poste ne peut se prévaloir, en l'absence d'une disposition législative spéciale dérogatoire à l'ordonnance du 7 janvier 1959, des dispositions de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 ;
- en l'absence d'accident de service, La Poste ne peut se prévaloir des dispositions du décret n° 98-255 du 31 mars 1998 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et de France Telecom ;
Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment son article 67 ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;
Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;
Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;
Vu l'arrêté du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
Vu l'avis du Conseil d'Etat n° 343823 du 18 mai 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Camarata, avocat de M. B...et de Me Fitoussi, avocat de l'ONIAM ;
1. Considérant que M. A...B...a subi en 1969 à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon une chirurgie cardiaque sous circulation extra corporelle ; que son infection par le virus de l'hépatite C (VHC) a été diagnostiquée en novembre 2002 ; que M. B... a demandé réparation à l'Etablissement français du sang (EFS) des conséquences dommageables de sa contamination ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon, considérant que l'hypothèse de la contamination transfusionnelle de M. B... présentait un degré de vraisemblance suffisant, a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l'EFS, à lui verser en réparation de ses préjudices une somme de 12 445,93 euros ; que M. B... demande la réformation de ce jugement en tant que le Tribunal a fait une estimation insuffisante de ses préjudices ; que l'ONIAM, qui critique le principe de ses obligations, conclut au rejet de la requête et que La Poste demande la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 80 859,09 euros, correspondant aux sommes versées à son agent pendant sa période d'interruption de service, au titre de ses traitements et accessoires, des charges patronales afférentes aux rémunérations versées ou maintenues durant la période du 5 juin 2003 au 5 juin 2006, ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article 2 du décret n° 98-255 du 31 mars 1998 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 susvisée : " I. Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite de l'infirmité ou de la maladie. II. Cette action concerne notamment : Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; (...) Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires (...)" ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite ordonnance : " Lorsque la victime ou ses ayants droit engagent une action contre le tiers responsable, ils doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci à peine de nullité du jugement fixant l'indemnité. A défaut de cette indication, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée par toute personne intéressée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif (...) " ; qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée relative à l'organisation du service public de la Poste et des Télécommunications : " (...) La liquidation et le service des pensions allouées, en application du code des pensions civiles et militaires de retraite, aux fonctionnaires de La Poste et France Télécom sont effectués par l'Etat. (...) " ; qu'aux termes de l'article 43 de cette même loi : " Les dispositions de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 (...) sont applicables aux recours exercés par la Poste et France Télécom en ce qui concerne leur personnel fonctionnaire " ;
3. Considérant que, lorsque la victime d'un accident est un fonctionnaire de La Poste, les dispositions combinées de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, relative aux actions en réparation civile de l'Etat, et de l'article 43 de la loi du 2 juillet 1990 créent pour le juge administratif l'obligation de mettre en cause l'Etat et La Poste, en vue de l'exercice par ceux-ci de l'action subrogatoire qui leur est ouverte de plein droit par l'article 1er de la même ordonnance, contre le tiers responsable de l'accident ;
4. Considérant que M. B...a saisi le Tribunal administratif de Lyon d'une demande, initialement dirigée contre l'établissement français du sang, auquel a été substitué en cours d'instance l'ONIAM, tendant à la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que le demandeur avait indiqué sa qualité d'agent de La Poste ; que les premiers juges se sont abstenus de mettre régulièrement en cause l'Etat et La Poste en leur communiquant la demande de M. B...; que le tribunal administratif a ainsi méconnu les dispositions précitées de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement, à l'exception des dispositions de l'article 1er par lesquelles il a mis l'établissement français du sang hors de cause ;
5. Considérant que la Cour ayant communiqué la requête au ministre de l'économie et des finances et à La Poste, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B...et La Poste ;
Sur les obligations de l'ONIAM :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique issu du I de l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4 (...) " ; qu'en confiant à l'ONIAM, établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, la mission d'indemniser, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, les dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le VHC dans la mesure où ces dommages ne sont pas couverts par les prestations versées par les tiers payeurs et sans préjudice de l'exercice par l'office d'un recours subrogatoire contre " la personne responsable ", le législateur a institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale ; qu'il s'ensuit que, dans l'exercice de la mission qui lui est confiée par ces articles, l'ONIAM est tenu d'indemniser à ce titre et non en qualité d'auteur responsable ; qu'il en résulte que les tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage entrant dans les prévisions de l'article L. 1221-14 ne peuvent exercer contre l'ONIAM le recours subrogatoire prévu par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale, 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 ni, s'agissant de l'Etat, le recours direct prévu par l'article 32 de cette loi ;
7. Considérant, toutefois, qu'aux termes du IV du même article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ; que ces dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 sont entrées en vigueur le 1er juin 2010 ; que l'ONIAM se trouve donc substitué à l'établissement français du sang dans la présente instance relative à l'indemnisation du préjudice résultant de la contamination de M. B... tant à l'égard de la victime que des tiers payeurs ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;
9. Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la preuve de l'innocuité des produits sanguins transfusés à M. B...n'a pu être rapportée ; qu'en outre, l'expert qui a examiné l'intéressé a relevé l'absence de toxicomanie, de varices, d'acupuncture et a écarté l'hypothèse de la contamination par voie sexuelle ; que s'il a identifié au titre des facteurs de risques possibles de contamination par le virus de l'hépatite C, la coloscopie pratiquée chez le patient en 2001, il s'agit d'une simple hypothèse non corroborée par d'autres éléments, alors que le requérant souffre d'une hépatite chronique évoluant certainement depuis de nombreuses années ; que l'hypothèse d'une contamination par le frère de M.B..., hémophile, qui est porteur de quatre génotypes viraux différents, ce qui n'est pas le cas du requérant, s'avère peu probable ; que le doute devant profiter au patient, sa contamination doit donc être présumée comme ayant pour origine les transfusions reçues en 1969 au centre hospitalier Edouard Herriot de Lyon ; que, par suite, la réparation des conséquences dommageables de la contamination de M. B...par le virus de l'hépatite C incombe à l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;
Sur les droits à réparation de M.B... :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
11. Considérant que M. B...a été hospitalisé pour la réalisation d'une ponction de biopsie du foie, le 21 mai 2003 ; qu'il a été placé en congé de longue maladie du 5 juin 2003 au 4 juin 2006, à la suite duquel il a été mis à la retraite pour invalidité ; qu'il demande réparation des pertes de revenus et des droits à la retraite résultant de cette situation ainsi que de l'incidence professionnelle de la cessation de son activité ;
12. Considérant que l'intéressé ne donne aucune indication sur la durée de son hospitalisation nécessitée par la biopsie du foie ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'il a été hospitalisé en juillet 2003, pour des malaises, et a subi, le 17 juillet 2003 une intervention cardiaque consistant en une valvuloplastie et un remplacement des valves aortiques et mitrales ; que l'expert a relevé qu'en septembre 2006, M. B...était, sur le plan hépatique, asymptomatique et présentait un bon état général ; qu'il n'a suivi aucun traitement contre le virus de l'hépatite C avant le mois d'avril 2007 ; qu'une lettre du docteur Charmion en date du 20 novembre 2007 précise qu'il est en invalidité depuis 2006 à la suite de problèmes cardiaques ; qu'il résulte également d'une lettre du service des pensions de La Poste et de France Télécom du 16 janvier 2012, produite par le requérant, que sa mise en retraite pour invalidité résulte de la constatation de ce qu'il présentait un ensemble d'infirmités le rendant inapte à toute fonction à La Poste et que le comité médical de La Poste avait évalué, le 21 février 2006, le taux global d'invalidité de M. B... à 54 %, dont 10 % pour une hépatite C et 20 % pour dépression, alors que durant la période de janvier 2003 à janvier 2007, M. B...avait dû prodiguer des soins à son épouse, atteinte d'une sclérose latérale amyotrophique, dont elle est décédée en janvier 2007, ainsi que l'avait indiqué le requérant à l'expert dans une lettre du 12 novembre 2008 ; que, dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que M. B...a été placé en congé de longue durée à compter le 5 juin 2003 et qu'un médecin cardiologue a attesté, le 3 février 2011, que l'état cardiaque de l'intéressé ne nécessitait pas une mise en invalidité, le lien entre sa contamination par le virus de l'hépatite C et les congés de maladie pris au cours de la période du 5 juin 2003 au 4 juin 2006, ainsi que sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 5 juin 2006, ne présente pas de caractère certain ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à demander à être indemnisé par l'ONIAM de ses pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de la cessation de son activité professionnelle ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
12. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les préjudices à caractère personnel de M. B...peuvent faire l'objet d'une indemnisation globale, dès lors qu'ils n'ont pas été pris en charge par la Mutuelle générale de la Loire ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a suivi une bithérapie du 23 avril 2007 au 8 décembre 2008, qui lui a causé des effets secondaires ; qu'il a subi des souffrances physiques inhérentes aux différents examens médicaux, évaluées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7, ainsi que des souffrances morales résultant de la crainte de la maladie ; que l'expert estime que son état est consolidé au 4 décembre 2008, avec une probabilité de guérison élevée ; qu'il n'est atteint d'aucune incapacité permanente partielle ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ses préjudices personnels, y compris le préjudice d'agrément, en les évaluant à la somme de 12 000 euros ;
Sur les conclusions de La Poste :
14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 11, le lien entre la contamination de M. B... par le virus de l'hépatite C et les congés de maladie pris au cours de la période du 5 juin 2003 au 4 juin 2006 ne présente pas de caractère certain ; que, dès lors, La Poste n'est pas fondée à demander le remboursement des sommes versées à son agent pendant sa période d'interruption de service, au titre de ses traitements et accessoires, et des charges patronales afférentes aux rémunérations versées ou maintenues durant ladite période ; que ses conclusions tendant au bénéfice de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article 2 du décret n° 98-255 du 31 mars 1998 doivent être rejetées, par voie de conséquence ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM doit être condamné à verser à M. B...une somme de 12 000 euros au titre de ses préjudices personnels, sous déduction de la provision de 5 000 euros versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés de la Cour du 13 novembre 2009 ;
Sur les dépens :
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais de déplacement et d'hébergement supportés par M. B...pour se rendre à l'expertise judiciaire en mars 2008, incluant les frais de véhicule, les péages, et les frais d'hôtel pour une personne, s'élèvent à 514,51 euros ; qu'il y a lieu de mettre cette somme à la charge de l'ONIAM, ainsi que la somme de 2 489 euros correspondant aux frais d'expertise ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme au titre des frais exposés par La Poste et par le service des pensions de La Poste et de France Télécom et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 à 5 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2011 sont annulés.
Article 2 : L'ONIAM versera à M. B...la somme de 12 000 euros, en réparation de ses préjudices personnels, sous déduction de la provision de 5 000 euros.
Article 3 : Les dépens mis à la charge de l'ONIAM sont fixés à la somme de 3 003,51 euros.
Article 4 : L'ONIAM versera la somme de 1 500 euros à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B...et les conclusions de La Poste et du service des pensions de La Poste et de France Télécom sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à l'ONIAM, au ministre de l'économie et des finances, à La Poste, au service des pensions de La Poste et de France Télécom et à la Mutuelle générale de la Loire.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2013.
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