Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 23/10/2013, 357131, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 23 octobre 2013 |
Num | 357131 |
Juridiction | |
Formation | 8ème et 3ème sous-sections réunies |
Rapporteur | M. Jean-Marc Vié |
Commissaire | Mme Nathalie Escaut |
Avocats | COPPER-ROYER |
Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 3 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11/00010 du 7 décembre 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a confirmé le jugement n° 09/00107 du 23 novembre 2010 du tribunal des pensions de l'Hérault déclarant irrecevable sa demande de pension ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Copper-Royer, son avocat, de la somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu l'instruction interministérielle n° 568 A du 22 août 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Copper-Royer, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé à être indemnisé des dommages corporels qu'il aurait subis à l'âge de dix ans, du fait de l'explosion d'une grenade survenue en 1967 dans un ancien cantonnement militaire français, en Algérie ; que par une lettre en date du 13 août 2009, l'ambassade de France à Alger a rejeté cette demande au motif qu'elle n'entrait pas dans les prévisions de l'instruction interministérielle n° 568 A du 22 août 1968 fixant les conditions d'attribution d'allocations viagères en faveur de certains nationaux algériens victimes en Algérie de dommages corporels dus à un attentat ou à un acte de violence ; que M. B...a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de l'Hérault, puis devant la cour régionale des pensions de Montpellier, qui ont rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les juridictions des pensions ne sont compétentes que pour les contestations soulevées par l'application du livre Ier et du livre II de ce code ; que les litiges relatifs à l'allocation forfaitaire et viagère versée en application de l'instruction interministérielle du 22 août 1968, qui ne constitue pas une pension servie en application de ce code, ne sont pas au nombre de ceux sur lesquels il appartient aux juridictions des pensions de se prononcer ;
3. Considérant que la demande dont le tribunal des pensions de l'Hérault a été saisi par M. B...était dirigée contre une décision lui refusant l'attribution de cette allocation ; que, dès lors, en n'annulant pas d'office, pour incompétence, le jugement de ce tribunal, saisi du litige, la cour régionale des pensions de Montpellier a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le jugement du tribunal des pensions de l'Hérault du 23 novembre 2010 doit être annulé ;
6. Considérant que, lorsqu'en la qualité de juge d'appel que lui confère l'application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat annule un jugement rendu en première instance au motif que la juridiction administrative saisie n'était pas compétente, il peut, soit, en vertu des dispositions de l'article R. 351-1 du même code, attribuer le jugement de l'affaire à la juridiction administrative compétente en première instance, soit évoquer et statuer immédiatement sur la demande présentée en première instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions de l'Hérault ;
7. Considérant, d'une part, que l'attribution d'une allocation forfaitaire et viagère au titre de l'instruction interministérielle du 22 août 1968 constitue une mesure purement gracieuse dont le refus ne peut donner lieu à un recours par la voie contentieuse ; que, par suite, les conclusions tendant à l'attribution de cette allocation présentées par M. B... ne sont pas recevables ; qu'elles ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
8. Considérant, d'autre part, que si M. B...entend se prévaloir, pour la première fois devant le Conseil d'Etat, de la responsabilité pour faute ou sans faute de l'Etat français à raison de l'explosion de cette grenade, cette demande ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée, s'agissant d'un accident survenu en 1967 sur le territoire de l'Algérie, dans un cantonnement qui n'appartenait plus à l'Etat français ;
9. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par Me Copper-Royer, avocat de M. B... ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 7 décembre 2011 et le jugement du tribunal des pensions de l'Hérault du 23 novembre 2010 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal des pensions de l'Hérault et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de la défense.