Conseil d'État, 1ère SSJS, 30/12/2015, 368528, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis :
- d'annuler la décision du 13 juillet 2010 par laquelle le recteur de l'académie de la Réunion a refusé de l'admettre à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 21 décembre 2010 ;
- d'enjoindre au recteur de l'académie de la Réunion de faire droit à sa demande ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article L. 12 et du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Par une ordonnance n° 1000831 du 28 février 2011, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Saint-Denis a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité. Par un jugement n° 1000831 du 28 février 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté la demande de M.A....
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par une ordonnance n° 13BX00994 du 22 avril 2013, enregistrée le 15 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 9 avril 2013 au greffe de cette cour, présenté par M.A....
Par ce pourvoi et par quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 10 septembre 2013, 12 septembre 2013, 1er août 2014 et 20 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 28 février 2013 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 12, L. 24, R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite au droit de l'Union européenne, et notamment aux articles 6 et 157 du traité sur l'Union européenne et aux articles 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ou de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur l'affaire C-173/13 pendante devant elle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celle de 48 euros au titre de l'article R. 761-1 du même code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- la loi n° 2010-1130 du 9 novembre 2010 ;
- l'arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,
- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. A...;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ". En vertu de l'article R. 37 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois, pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption, dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 10 juin 2010, M.A..., fonctionnaire ayant accompli quinze années de services effectifs et père de trois enfants, a saisi son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension, à compter du 21 décembre 2010, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Sa demande a été rejetée par une décision du recteur de l'académie de la Réunion du 13 juillet 2010, au motif qu'il ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions. M. A...se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et conteste, à l'occasion de ce pourvoi, l'ordonnance du 28 février 2011 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Saint-Denis a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article L. 12 et du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant le tribunal administratif :
3. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations ".
4. En premier lieu, la circonstance que le président du tribunal administratif de Saint-Denis a fait application de l'article R. 771-5 du code de justice administrative, en décidant qu'il n'y avait pas lieu de communiquer aux autres parties la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A..., n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard. Par suite, il ne peut utilement s'en prévaloir.
5. En deuxième lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif dans son jugement du 28 février 2013, les dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent un avantage distinct de celui sollicité, sur le fondement de l'article L. 24 du même code, par M.A.... Les dispositions de l'article L. 12 n'étaient donc pas applicables au litige. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune nouvelle circonstance de fait, à celui retenu par l'ordonnance attaquée, dont il justifie le refus de transmission de la question soulevée, s'agissant des dispositions critiquées de cet article.
6. En troisième lieu, tout d'abord, en vertu de la répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution, le droit à l'admission à la retraite et à la liquidation de leur pension ouvert par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite aux fonctionnaires parents de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, figure au nombre des garanties fondamentales relevant du domaine de la loi, de même que la soumission de ce droit à la condition que l'activité des intéressés ait été interrompue. En revanche, le législateur n'est, en tout état de cause, pas resté en deçà de sa compétence en renvoyant à un décret la détermination des cas d'interruption de l'activité.
7. Ensuite, en ouvrant le bénéfice de l'admission à la retraite et de la liquidation de la pension à l'ensemble des fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants, à la condition qu'ils aient interrompu leur activité, les dispositions contestées reconnaissent la même possibilité de choix aux femmes et aux hommes et ne sauraient ainsi être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité.
8. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 24, en tant qu'elles s'appliquent à des demandes postérieures à la publication de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 dont elles sont issues, ne portent pas atteinte à des situations légalement acquises et ne remettent pas en cause des effets pouvant légitimement être attendus de telles situations. Elles ne méconnaissent pas plus le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif.
9. Enfin, les dispositions de l'article L. 24, qui ne sont, en tout état de cause, pas inintelligibles, ne méconnaissent pas le droit de propriété. Si M. A...soutient également que les dispositions qu'il critique seraient manifestement inappropriées à la finalité poursuivie, il n'indique pas, ce faisant, quel serait le droit ou la liberté garantis par la Constitution auquel elles porteraient atteinte.
10. Par suite, en regardant la question dont il était saisi comme dépourvue de caractère sérieux, le magistrat délégué n'a pas inexactement qualifié la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le magistrat délégué a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.
Sur le pourvoi :
12. En premier lieu, aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). / 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre.
13. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs.
14. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et si la maternité est ainsi normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. En particulier, les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants et ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants, atteignant ainsi 23 % pour quatre enfants et plus. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation.
15. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision litigieuse, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées ci-dessus, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale et est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
16. Il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Saint-Denis aurait commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré du caractère discriminatoire des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, ainsi que les moyens tirés de la contrariété de ces dispositions, d'une part, à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, d'autre part, en tout état de cause, aux articles 20, 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
17. Pour les mêmes motifs, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.
18. En deuxième lieu, aux termes du VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " La durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l'Etat et des militaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite est celle qui est en vigueur lorsqu'ils atteignent l'âge auquel ou l'année au cours de laquelle ils remplissent les conditions de liquidation d'une pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la présente loi (...) ". Ces dispositions se bornent à fixer les règles applicables pour déterminer le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein et sont sans incidence sur la détermination des conditions à remplir pour obtenir la jouissance anticipée de sa pension. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le droit de M. A... à la liquidation de sa pension de retraite devait être apprécié selon les règles en vigueur à la date du 21 décembre 2010 à compter de laquelle il demandait à bénéficier de sa pension.
19. En troisième lieu, les articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite pouvaient, sans revêtir de caractère rétroactif, faire référence, pour déterminer les conditions du droit à la jouissance de la pension, aux conditions dans lesquelles les fonctionnaires ont interrompu leur activité pour la naissance de leurs enfants, alors même que ces naissances peuvent être antérieures à la date de publication des dispositions dont ces articles sont issus. En examinant la légalité de la décision attaquée, qui rejetait la demande de M. A...tendant à bénéficier de sa pension de retraite à compter du 21 décembre 2010, au regard des dispositions de ces articles, issues respectivement de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005, le tribunal n'en a pas fait, contrairement à ce qui est soutenu, une application rétroactive.
20. En quatrième lieu, M. A...a présenté sa demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension le 10 juin 2010, soit plus de cinq ans après la publication du décret du 10 mai 2005 dont est issu l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par suite, et en tout état de cause, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il n'était pas fondé à se prévaloir du principe de sécurité juridique pour soutenir que les dispositions de cet article ne pouvaient lui être appliquées.
21. En cinquième lieu, M. A...ne conteste pas que, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'était pas applicable au litige. Par suite, les moyens qu'il soulève, tirés de la contrariété de cet article et de l'article R. 13 du même code, pris pour son application, à différents textes ou principes de niveau supérieur sont dépourvus de toute incidence sur le bien-fondé du jugement attaqué.
22. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. A... soutient pour le surplus que le tribunal a omis de se prononcer sur les moyens tirés de la violation des articles 6, 8, 13, 17 et 18 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 20, 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'illégalité des articles R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, de la méconnaissance du principe de sécurité juridique et de celle de la décision créatrice de droit de partir à la retraite anticipée dont il bénéficiait et qu'il a commis une erreur de droit en écartant ses moyens tirés du détournement de pouvoir commis par le législateur, de la contrariété de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 aux articles 6, 8, 13, 17 et 18 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance de l'article 8 de cette convention par la décision de lui opposer une condition d'interruption d'activité. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.
23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de M. A...la contribution pour l'aide juridique mentionnée par l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la date d'introduction du pourvoi.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.