CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 31/05/2016, 14MA03387, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite ainsi que la décision explicite du 15 mai 2012 par lesquelles le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de son malaise survenu le 8 juin 2007 et la requalification des congés de maladie subséquents du 11 juin 2007 au 31 août 2008, de condamner le SDIS des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 15 337 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de traitement subie pour la période du 1er septembre 2007 au 31 août 2008.
Par un jugement n° 1103657,1204594 du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 15 mai 2012 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014, M. A..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juin 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de condamner le SDIS des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 15 337 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de traitement subie pour la période du 1er septembre 2007 au 31 août 2008 ;
3°) de mettre à la charge du SDIS des Bouches-du-Rhône la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le contentieux ayant été lié, ses conclusions indemnitaires sont recevables ;
- l'arrêté du 15 mai 2012 est entaché d'un double vice de procédure dès lors qu'aucun spécialiste des maladies mentales n'était présent au cours de la séance du 1er mars 2012 de la commission de réforme et que cette dernière était irrégulièrement composée ;
- les conditions de l'accident de service étant remplies, il est fondé à demander la reconnaissance du caractère imputable au service des congés maladies du 11 juin 2007 au 31 août 2008 ;
- il aurait dû, par voie de conséquence, bénéficier du maintien d'un traitement plein pour la période en cause en application des dispositions de l'article 57-2° de la loi du 26 janvier 1984.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2016, le service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête depuis la nouvelle décision prise le 22 décembre 2014, refusant à nouveau d'imputer au service l'état de santé de l'intéressé ;
- subsidiairement, la requête n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeE..., représentant M.A..., et de Me D... représentant le service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône.
1. Considérant que M. A..., sapeur-pompier professionnel affecté au SDIS des Bouches-du-Rhône a été victime, le 8 juin 2007, d'un malaise dans les locaux de la direction départementale desdits services ; qu'il a été placé en arrêt de travail dès le 11 juin suivant prolongé jusqu'au 31 août 2008 pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel ; que, par courrier du 20 janvier 2011, il a sollicité la requalification en accident de service de son malaise ainsi que la reconnaissance de l'imputabilité au service des congés maladies subséquents ; que si le tribunal, dans son jugement du 12 juin 2014, a annulé pour vice de procédure la décision du président du SDIS rejetant, le 15 mai 2012, cette demande, il a toutefois rejeté les conclusions indemnitaires du requérant fondées sur l'illégalité fautive de cette décision ; que M. A... doit être regardé comme interjetant appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné l'administration à l'indemniser des pertes de traitements subies pour la période du 1er septembre 2007 au 31 août 2008 en conséquence du défaut de reconnaissance de l'imputabilité au service dudit accident ;
Sur l'exception de non-lieu opposée par le SDIS des Bouches-du-Rhône :
2. Considérant que la circonstance qu'en application du jugement contesté, le SDIS des Bouches-du-Rhône a pris au terme d'une nouvelle procédure, le 22 décembre 2014, une nouvelle décision de refus d'imputabilité au service de l'état de santé de M. A..., ne prive pas d'objet les conclusions de l'appelant à fin de condamnation dudit service qui sont fondées sur la faute qu'aurait commise l'administration en refusant de prendre en charge au titre des accidents du travail les arrêts de maladie subséquents ; que, par suite, l'exception de non-lieu opposée par le SDIS des Bouches-du-Rhône ne peut être accueillie ;
Sur la responsabilité :
3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.(...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) " ;
4. Considérant qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en sortant, le 8 juin 2007, d'un entretien avec le directeur des ressources humaines, M. A... a subi un malaise constaté par le médecin-chef du service, suivi de troubles d'ordre psychiatriques dont le traitement a justifié son placement en arrêt de travail dès le lundi 11 juin suivant jusqu'à sa mise à la retraite d'office le 31 août 2008 ; qu'il en résulte également, clairement, que l'annonce qui lui a été faite, au cours de cet entretien, de ce qu'il n'obtiendrait pas sa promotion au grade de capitaine alors que son inscription sur la liste d'aptitude à ce grade arrivait à expiration, est la cause directe de la brusque décompensation psychique de M. A..., lequel n'avait présenté auparavant aucune pathologie d'ordre psychiatrique ; que cette annonce est intervenue dans un contexte d'opposition systématique de la hiérarchie de l'appelant à sa promotion, au demeurant relevé par un arrêt définitif de la Cour en date du 18 juin 2013 précisant que le SDIS n'avait apporté aucun élément de nature à justifier le refus de promouvoir l'intéressé au grade de capitaine dès l'été 2004, soit par son inaptitude professionnelle à occuper un tel niveau hiérarchique, soit plus généralement par l'intérêt du service, et condamnant pour ce motif cet établissement public à lui verser
50 000 euros en réparation de ce préjudice ; que, dans ces conditions, et alors même que l'entretien en question aurait été sollicité par M. A... lui-même et que divers soucis d'ordre privé avaient pu l'affecter à cette époque, cette brusque décompensation psychique et les troubles anxio-dépressifs sévères subséquents qui ont conduit à sa mise à la retraite pour invalidité, laquelle n'aurait pas eu lieu dans un cadre relationnel normal établi par sa hiérarchie, doit être regardée comme résultant d'un accident de service ; que, par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service du malaise survenu le 8 juin 2007 et de prendre en charge au titre des accidents du travail les arrêts de maladie de M. A... qui s'en sont suivis, le SDIS des Bouches-du-Rhône a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Sur l'évaluation du préjudice :
6. Considérant que, s'agissant de la période allant du 11 septembre 2007 au 31 août 2008, l'appelant justifie suffisamment, par la production de l'ensemble des bulletins de salaires couvrant ladite période, avoir perçu un demi-traitement, soit une perte mensuelle nette s'élevant en moyenne à la somme de 1 000 euros ; que M. A... soutenant à juste titre qu'il avait droit à être maintenu en congé de maladie avec le bénéfice de son plein traitement jusqu'à sa mise à la retraite d'office le 31 août 2008, il sera fait une juste appréciation de la perte de revenus correspondante subie par ce dernier en lui allouant la somme de 12 000 euros ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation du SDIS des Bouches-du-Rhône à l'indemniser des pertes de traitement subies du fait de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident intervenu le 8 juin 2007 ainsi que des congés maladies subséquents ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 12 juin 2014 dans cette mesure et de condamner le SDIS des Bouches-du-Rhône à verser à M. A... la somme de 12 000 euros au titre du préjudice patrimonial subi ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le SDIS des Bouches-du-Rhône demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS des Bouches-du-Rhône une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône est condamné à verser à M. A... la somme de 12 000 euros.
Article 2 : Le jugement du 12 juin 2014 du tribunal administratif de Marseille est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2016 où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mai 2016.
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