CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 06/12/2016, 15MA03204, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A...épouseB..., représentée par la SCP Margall d'Albenas, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 26 juillet 2013 par laquelle le Premier ministre a refusé de lui accorder le bénéfice de l'aide financière instaurée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 au profit des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale et d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1302692 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2015, Mme D...A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1302692 du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2015 ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 1 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard de l'article R. 751-2 du code de justice administrative, dès lors que le greffier n'a pas signé l'expédition dudit jugement ;
- la décision de refus du 26 juillet 2013 est insuffisamment motivée ;
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 lui est inopposable, en tant qu'il méconnaît le principe d'égalité au sens de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'au sens de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette même convention ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit, tirée de la méconnaissance des prescriptions du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.
Une mise en demeure a été adressée le 13 septembre 2016 au Premier ministre.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renouf,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 751-2 du code de justice administrative : " Les expéditions des décisions sont signées et délivrées par le greffier en chef (...) " ; que les modalités de notification du jugement sont sans incidence sur sa régularité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 751-2 du code de justice administrative doit être rejeté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de la décision du Premier ministre que la décision attaquée devant le tribunal administratif contient l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 susvisé : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue./ Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ. " ; qu'aux termes de l'article L. 290 du même code : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur-le-champ " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des écritures de Mme A... que son père n'a pas été déporté pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ni n'a été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code ; qu'ainsi, la demande de Mme A... ne satisfait à aucune des conditions fixées limitativement par les dispositions précitées pour bénéficier de la mesure de réparation qu'elles instituent ;
5. Considérant, d'autre part, que le décret précité institue une mesure d'aide financière, d'une part, en faveur des orphelins dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national durant l'Occupation soit comme déporté résistant au sens de l'article L. 272 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, soit comme déporté politique au sens de l'article L. 286 de ce code, et a trouvé la mort en déportation et, d'autre part, en faveur des orphelins dont le père ou la mère a été arrêté et exécuté comme interné résistant ou interné politique au sens, respectivement, des articles L. 274 et L. 290 de ce code ; que l'objet de ce texte est ainsi d'accorder une mesure de réparation aux seuls orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la période de l'Occupation ; que compte tenu de la nature des crimes commis à l'égard de ces victimes, le décret contesté n'est pas, contrairement à ce que soutient Mme A..., entaché d'une discrimination illégale au regard des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en n'accordant une mesure de réparation particulière qu'à leurs seuls orphelins et en excluant, comme le conteste l'intéressée, les orphelins des prisonniers de guerre morts en détention ; que, de même, la différence de traitement entre d'une part les orphelins des déportés résistants, des déportés politiques, des internés résistants et des internés politiques, bénéficiaires de la mesure de réparation prévue par le décret contesté et d'autre part, les orphelins exclus du bénéfice de cette mesure de réparation, n'est pas, pour les raisons sus-indiquées, manifestement disproportionnée, eu égard à leur différence de situation et compte tenu de l'objet de la mesure ; qu'ainsi, quelle que soit l'inhumanité des conditions de détention que le père de Mme A... a subies, le décès de celui-ci en détention ne peut ouvrir à la requérante un droit au bénéfice de la mesure de réparation instituée par le décret du 27 juillet 2004 précité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 juillet 2013 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide financière prévue à l'article 1er du décret n° 2004-751 du 26 juillet 2004 ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...épouse B...et au Premier ministre.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
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N° 15MA03204