CAA de PARIS, 6ème chambre, 24/01/2017, 15PA03503, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 septembre 2014, par laquelle la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne lui a pas reconnu la qualité de combattant.
Par une ordonnance n° 1432046 du 29 mai 2015 le vice président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre 2015 et 6 mars 2016, M. C... représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 29 mai 2015 du vice-président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'enjoindre à la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre de lui délivrer la carte d'ancien combattant dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre une somme de 1 500 euros à verser à Me B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il justifie de plus de 90 jours au sein d'une unité combattante de l'armée ;
- le tribunal s'est prononcé sans attendre que lui soit désigné un avocat au titre de l'aide juridictionnelle ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est aussi entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a été appelé à l'armée le 15 janvier 1957 et a été réformé seulement le 27 août suivant ; qu'à supposer même que ne doive pas être prise en compte la date du 5 janvier 1957 mais celle du 1er mai 1957 à laquelle il est entré au service de l'armée il justifie en tout état de cause de plus de 90 jours de présence ;
- la décision contestée méconnait aussi les dispositions de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors qu'il doit être regardé comme justifiant de quatre mois de service en Algérie avant le 2 juillet 1962 en application du dernier alinéa de cet article et ce alors même que serait prise en compte la date du 1er mai 1957 et non celle du 15 janvier 1957.
Par un mémoire enregistré le 29 mars 2016 l'office national des anciens combattants conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée est irrecevable dès lors qu'il s'agit d'un moyen de légalité externe, relevant donc d'une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 juin 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2016.
Les parties ont été informées, le 4 janvier 2017, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la demande de première instance du requérant n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et ne pouvait être rejetée par ordonnance prise sur le fondement de ces dispositions.
Un mémoire, enregistré le 5 janvier 2017, a été présenté pour M.C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...C...a sollicité auprès de l'Office national des anciens combattants l'attribution de la carte de combattant ; que par décision du
30 septembre 2014 la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre a rejeté sa demande ; que l'intéressé a saisi le Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande par ordonnance du 29 mai 2015 rendue en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dont M. C...interjette appel ;
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...), le vice-président du Tribunal administratif de Paris (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont pas manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ; que, devant le Tribunal administratif de Paris, M. C...a notamment rappelé sa situation militaire et fait valoir que la décision attaquée avait à tort retenu qu'il ne justifiait pas de 90 jours de présence en unité combattante ni de quatre mois de présence en Algérie avant le 2 juillet 1962 alors que ceci était selon lui contredit par l'extrait des services militaires et la copie de son livret militaire qu'il produisait à l'appui de sa demande ; qu'ainsi, cette demande était assortie de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que seule une formation collégiale pouvait, dès lors, régulièrement statuer sur cette demande de première instance ; que, par suite, l'ordonnance du 29 mai 2015 doit être annulée, sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de son irrégularité du fait qu'elle serait intervenue avant que le bureau d'aide juridictionnelle ait désigné un avocat pour l'assister ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M.C... ;
4. Considérant que la décision attaquée vise notamment les dispositions applicables du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et énumère les différentes conditions susceptibles d'ouvrir droit à la délivrance d'une carte de combattant en relevant à chaque fois que l'intéressé ne satisfait pas à ces conditions ; qu'elle contient ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée ; qu'ainsi le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 " ; qu'aux termes de l'article R. 223 de ce code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code " Sont considérés comme combattants : (...)D-Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : a) En Tunisie, à compter du 1er janvier 1952 ; b) Au Maroc, à compter du 1er juin 1953 ; c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. I.-Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ;2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; 3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; 4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; 6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. II.-Les listes des unités combattantes des armées de terre, de mer et de l'air, de la gendarmerie et des services communs et des formations des forces supplétives françaises assimilées sont établies par le ministre de la défense sur les bases suivantes : Sont classées, pour une durée d'un mois, comme unités combattantes ou formations assimilées, les unités et formations impliquées dans au moins trois actions de feu ou de combat distinctes au cours d'une période de trente jours consécutifs. Les éléments détachés auprès d'une unité reconnue comme combattante suivent le sort de cette unité. Des bonifications afférentes à des opérations de combat limitativement désignées peuvent être accordées. La liste de ces opérations et bonifications est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du secrétaire d'Etat aux anciens combattants " ; qu'aux termes de l'article L. 253bis du même code : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : Les militaires des armées françaises, Les membres des forces supplétives françaises, Les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ou le directeur général de l'organisme mentionné à l'article L. 517 qu'il a habilité détermine les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa, y compris lorsque ces services se sont poursuivis au-delà du 2 juillet 1962 dès lors qu'ils n'ont connu aucune interruption " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que sont considérées comme combattants, pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus, notamment les personnes ayant appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation assimilée à une unité combattante ou satisfaisant à une autre des conditions posées par l'article R. 224 D précité et qu'en outre, pour une personne ayant servi en Algérie, en Tunisie ou au Maroc une durée de quatre mois de services dans l'un de ces pays est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat requises par ailleurs ;
7. Considérant que si M. C...a été appelé au service de l'armée le 15 janvier 1957, il n'est entré au service de l'armée que le 1er mai 1957 et n'a été appelé à l'activité au centre de sélection de Télegma que le 7 août 1957 avant d'être réformé à compter du 27 août suivant ; que s'il fait valoir qu'il était ainsi " potentiellement au service de l'armée depuis le 15 janvier 1957 ", il ressort de son livret militaire qu'il a été " appelé à l'activité le 7 août 1957 services comptant du I.5.57 " et ne peut dès lors se prévaloir de la période du 15 janvier au 1er mai 1957 ; que dans ces conditions, il ne justifie pas de quatre mois complets de service en Algérie et ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 253 bis pour se voir délivrer la carte du combattant ; que par ailleurs il est constant que le centre de sélection de Tergma ne fait pas partie des unités considérées comme combattantes et que le requérant ne satisfait à aucune autre des conditions posées par l'article R. 224 D précité ;
8. Considérant que si M. C...fait valoir qu'il n'a pu, en dépit des démarches effectuées, obtenir l'extrait signalétique de ses services militaires, son parcours militaire tel qu'il a été rappelé ressort de son livret individuel dont la photocopie est versée au dossier, sans qu'il établisse ni n'allègue que l'extrait signalétique demandé aurait pu apporter une information complémentaire de nature à remettre en cause les mentions apposées sur son livret individuel et à lui ouvrir droit à la délivrance de la carte de combattant ; que l'impossibilité de se voir délivrer l'extrait signalétique, pour regrettable qu'elle soit, est dès lors sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 30 septembre 2014, par laquelle la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne lui a pas reconnu la qualité de combattant ; que sa demande de première instance ainsi que ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour administrative d'appel, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1432046 du vice-président du Tribunal administratif de Paris du 29 mai 2015 est annulée.
Article 2 : La demande de première instance de M. C...est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. C...devant la Cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre de la défense.
Copie en sera adressée à l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 janvier 2017.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLE
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLOLa République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03503