CAA de PARIS, 6ème chambre, 18/04/2017, 16PA00442, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à ce que la pathologie dont elle souffre soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice de ses fonctions ;
2°) de porter à huit années la durée du congé de longue durée qui doit lui être accordé ;
3°) d'enjoindre à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de la placer à ce titre en congé de longue durée.
Par un jugement n° 1424561/5-2 du 26 novembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2016, et par un mémoire complémentaire enregistré le 21 octobre 2016, Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 novembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de la placer à ce titre en congé de longue durée à compter du 4 janvier 2008 ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas analysé son mémoire enregistré le 5 novembre 2015 et sa note en délibéré ;
- il a à tort accueilli la fin de non-recevoir soulevée par le ministre ;
- sa pathologie anxio-dépressive survenue en 2002 et ses aggravations survenues en 2007 et en 2011 sont imputables au service ;
- le jugement du tribunal et la décision du ministre sont entachés d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2017.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 3 mars 2017, Mme B...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elle demande en outre à la Cour :
1°) d'ordonner une expertise médicale ;
2°) d'ordonner une enquête aux fins de recueillir les témoignages nécessaires ;
3°) d'ordonner que son dossier administratif et son dossier médical lui soient transmis en intégralité.
Elle soutient en outre que :
- la commission de réforme réunie le 7 juillet 2011, au sujet de l'imputabilité au service de sa pathologie, était irrégulièrement composée ; l'avis de la commission est irrégulier ; sa demande n'a pas été examinée ;
- des témoignages établissent ses qualités professionnelles ;
- elle invoque les articles L. 27 à L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984,
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MmeB....
Une note en délibéré, enregistrée le 12 avril 2017, a été présentée par MmeB....
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...B...a exercé les fonctions d'éducatrice au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse, en qualité d'agent contractuel puis de titulaire à partir d'octobre 1982 ; qu'elle a été titularisée dans le corps des chefs de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse à compter du 1er septembre 1998 ; qu'elle a été placée en congé pour longue maladie à plusieurs reprises à partir du mois de janvier 2003 ; que, par un arrêté du 27 mars 2015 pris pour l'exécution d'un jugement du Tribunal administratif de Paris du 23 décembre 2013, elle a été placée en congé de longue durée du 4 janvier 2008 au 3 janvier 2013 ; que, par lettre du 25 juin 2014, elle a demandé, d'une part, que la maladie dont elle souffre soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice de ses fonctions et, d'autre part, que son congé de longue durée tienne compte de cette reconnaissance ; que Mme B...fait appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision rejetant implicitement ces demandes ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) " ; que le tribunal administratif a, après avoir visé et analysé la requête et les mémoires des parties, visé en outre le mémoire présenté par Mme B...le 5 novembre 2015 postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 9 septembre 2015, qui ne contenait pas d'élément nouveau, et sa note en délibéré présentée le 18 novembre 2015 ; qu'il n'était pas tenu de les analyser ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'en estimant que la maladie dont souffre Mme B...ainsi que ses éventuelles aggravations pouvant être rattachées à l'exercice de ses fonctions sont antérieures à l'année 2005, en relevant que Mme B...a demandé pour la première fois le 17 mars 2011 que sa maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice de ses fonctions, soit plus de quatre années après la première constatation médicale de la maladie ou de son aggravation, et en en déduisant que cette demande était tardive au regard des dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement ; que le bien-fondé de ce jugement est sans incidence sur sa régularité ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 visée ci-dessus : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans " ; qu'aux termes de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 visé ci-dessus : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le dossier est soumis à la commission de réforme. Ce dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. La demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de la maladie " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il est constant que Mme B...a présenté sa première demande de reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie anxio-dépressive au service le 17 mars 2011 ;
6. Considérant, d'autre part, que Mme B...qui soutient avoir été atteinte d'une pathologie anxio-dépressive à partir de la fin de l'année 2002, ne conteste pas avoir été placée en congé de longue maladie en raison de cette pathologie au mois de janvier 2003 ; que les éléments qu'elle soumet à la Cour ne permettent pas de considérer le courrier du 17 août 2007 par lequel la directrice départementale de la protection judiciaire de la jeunesse de Seine-Saint-Denis a saisi le comité médical départemental afin de connaître son avis sur son aptitude à la poursuite de l'exercice de ses fonctions, l'entretien qui s'est tenu le 18 octobre 2007 entre cette directrice et MmeB..., les avis défavorables rendus par les comités médicaux consultés sur sa demande de placement en congé de longue durée en 2011 et l'arrêté du 27 octobre 2011 la radiant des cadres pour invalidité, comme révélant une aggravation de sa pathologie imputable au service ; qu'ainsi la maladie dont souffre Mme B... est antérieure à mars 2007 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la demande de Mme B...tendant à la reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie, au service, était tardive au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article 32 du décret susvisé du 14 mars 1986 ; que les autres moyens invoqués par la requérante sont dès lors inopérants ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale ou une enquête, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00442