CAA de PARIS, 6ème chambre, 18/04/2017, 16PA01435, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'avis du 9 juillet 2013 par lequel la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) s'est prononcée défavorablement sur sa demande d'admission à la retraite pour invalidité, la décision du même jour par laquelle la CNRACL a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension d'invalidité ainsi que la décision du 25 septembre 2013 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, enfin, l'arrêté du 7 octobre 2013 par lequel le président du conseil général de Seine-et-Marne l'a licenciée pour inaptitude physique à compter du 1er novembre 2013.
Par un jugement n°1309830 du 26 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a annulé, d'une part, l'avis du 9 juillet 2013 par lequel la CNRACL a estimé que Mme A...ne pouvait être admise à la retraite pour invalidité et, d'autre part, la décision du 7 octobre 2013 par laquelle le président du conseil général de Seine-et-Marne a licencié Mme A...pour inaptitude physique.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 avril 2016 et des mémoires enregistrés les 17 octobre 2016 et 8 novembre 2016, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 26 février 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2013 par laquelle la CNRACL a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension d'invalidité ainsi que la décision du 25 septembre 2013 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise relative à l'imputabilité de son invalidité à l'accident de service dont elle a été victime le 1er mars 2006 ;
4°) de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision lui refusant le bénéfice d'une pension d'invalidité méconnait les dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, car son invalidité a été contractée ou aggravée pendant une période au cours de laquelle elle acquérait des droits à pension ;
- sa pathologie est imputable au service, et en particulier à l'accident de trajet subi le 1er mars 2006.
Par des mémoires en défense enregistrés les 2 septembre et 25 octobre 2016, le département de Seine-et-Marne, représenté par la SELARL Bardon et de Faÿ, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il a annulé la décision du 7 octobre 2013 par laquelle le président du Conseil général de Seine-et-Marne a licencié Mme A... pour inaptitude physique ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés à l'appui des conclusions dirigées contre la décision du 7 octobre 2013 sont inopérants dès lors qu'il se trouvait en situation de compétence liée du fait de l'intervention d'un avis négatif de la CNRACL portant sur l'admission à la retraite pour invalidité de MmeA... ;
- ils ne sont, en tout état de cause, pas fondés ; l'inaptitude définitive de Mme A...est exclusivement imputable à une maladie congénitale et son état ne s'est pas aggravé pendant une période au cours de laquelle elle acquérait des droits à pension ;
- l'expertise sollicitée à titre subsidiaire revêtirait un caractère frustratoire.
Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2016, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant que celui-ci a annulé l'avis du 9 juillet 2013 par lequel elle s'est prononcée défavorablement sur la demande d'admission à la retraite, pour invalidité, de MmeA....
Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Le 14 mars 2017, un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des appels incidents du département de Seine-et-Marne et de la CNRACL, qui soulèvent un litige distinct de l'appel principal, a été communiqué aux parties.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Petit,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour le département de Seine-et-Marne.
1. Considérant que MmeA..., fonctionnaire territorial relevant du cadre d'emploi des assistants médico-techniques, employée par le département de Seine-et-Marne, a été victime d'un accident de trajet le 1er mars 2006 ; que le 9 novembre 2006, la commission de réforme a constaté son inaptitude définitive aux fonctions de laborantine qu'elle exerçait avant son accident ; qu'aucun reclassement n'étant intervenu, le comité médical a conclu, le 26 août 2010, à l'inaptitude définitive de Mme A...à toute fonction ; que le 16 août 2012, l'intéressée a sollicité son admission à la retraite pour invalidité et le bénéfice d'une pension d'invalidité ; que le 9 juillet 2013, la CNRACL a, d'une part, rendu un avis défavorable à l'admission à la retraite de Mme A...pour invalidité et, d'autre part, décidé de ne pas lui accorder le bénéfice d'une pension d'invalidité ; que, le 7 octobre 2013, le président du conseil général de Seine-et-Marne, tirant les conséquences de l'avis ainsi rendu par la CNRACL, a prononcé le licenciement de l'intéressée, pour inaptitude physique ; que par un jugement du 26 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'avis de la CNRACL défavorable à une admission à la retraite pour invalidité ainsi que la décision de licenciement, mais a rejeté les conclusions de Mme A...dirigées contre le refus de la CNRACL de lui accorder le bénéfice d'une pension d'invalidité ; que Mme A...doit être regardée comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ces dernières conclusions ; que le département de Seine-et-Marne et la CNRACL présentent des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du jugement en tant que celui-ci a annulé, respectivement, la décision de licenciement pour inaptitude physique du 7 octobre 2013, et l'avis défavorable de la CNRACL ;
Sur les appels incidents du département de Seine-et-Marne et de la CNRACL :
2. Considérant que la légalité, d'une part, du licenciement de Mme A...pour inaptitude physique, d'autre part, de l'avis de la CNRACL du 9 juillet 2013, défavorable à l'admission à la retraite de la requérante, constituent des litiges distincts de celui soulevé par l'appel principal ; que le département de Seine-et-Marne et la CNRACL n'ont présenté leurs conclusions que postérieurement à l'expiration du délai d'appel ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'appel principal :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La liquidation de la pension intervient : (...)2° Lorsque le fonctionnaire est mis à la retraite pour invalidité et qu'il n'a pas pu être reclassé dans un emploi compatible avec son état de santé " ; que selon l'article L. 27 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. / L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : " Le droit à pension est acquis : ... 2° Sans condition de durée des services aux fonctionnaires rayés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions. " ; que selon l'article 30 du même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. " ; que l'article 31 du même décret dispose : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. " ; qu'aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) " ; qu'enfin, selon l'article 39 du même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande soit d'office (...). L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des nombreux certificats médicaux versés au dossier et notamment ceux du Docteur Franck, expert en rhumatologie auprès de la Cour d'appel de Bordeaux, que si Mme A...souffrait déjà d'une pathologie lombaire lorsque celle-ci a été recrutée par le département de Seine-et-Marne comme agent non titulaire en 1998, puis titularisée en 2002, cette pathologie était faiblement symptomatique ; que l'intensité et la fréquence des lombalgies se sont accrues à compter de 2005 et une " décompensation " s'est produite à l'occasion de l'accident de trajet survenu le 1er mars 2006 ; que cette " décompensation " a conduit ensuite à un placement en congé de maladie, puis à une mise en disponibilité d'office en novembre 2007 ; qu'elle a abouti au constat de l'incapacité de la requérante à exercer les fonctions afférentes au poste de travail, puis à celui d'une incapacité définitive et absolue ; que cette évolution de l'état de santé de Mme A...doit dès lors être regardée comme une aggravation de la maladie au sens des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite et du décret du 26 décembre 2003 ; que cette aggravation est intervenue au cours d'une période durant laquelle MmeA..., en situation d'activité puis de congé de maladie, acquérait encore des droits à pension ; que, par suite, la condition exigée par l'article 39 du décret du 26 décembre 2003 pour bénéficier, sans condition de durée de cotisation, d'une pension pour invalidité, doit être regardée comme satisfaite ; qu'il s'ensuit que la décision du 9 juillet 2013 par laquelle la CNRACL a refusé d'accorder à Mme A...le bénéfice de la pension d'invalidité prévue au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires d'invalidité est entachée d'illégalité ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de la CNRACL de lui accorder le bénéfice d'une pension d'invalidité ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne la somme demandée par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'enfin, les conclusions présentées par le département de Seine-et-Marne au titre des mêmes dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 9 juillet 2013 par laquelle la CNRACL a refusé d'accorder à Mme A... le bénéfice de la pension d'invalidité prévue au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires d'invalidité est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Melun du 26 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au département de Seine-et-Marne et à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs-Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
V. PETITLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01435