CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 09/05/2017, 15BX01426, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 mai 2017
Num15BX01426
JuridictionBordeaux
Formation6ème chambre - formation à 3
PresidentM. LARROUMEC
RapporteurMme Florence REY-GABRIAC
CommissaireMme MOLINA-ANDREO
AvocatsCABINET GARNAULT REMBAUVILLE BUREAU TASSY ; CABINET GARNAULT REMBAUVILLE BUREAU TASSY ; CABINET GARNAULT REMBAUVILLE BUREAU TASSY

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 1 763 904 euros au titre de ses préjudices économique et moral et de ceux de ses trois enfants à la suite de l'accident mortel dont a été victime leur conjoint et père, le lieutenantD....

Par un jugement n° 1302979 du 11 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à Mme C...ainsi qu'à ses filles la somme globale de 122 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sous réserve de la déduction de la provision de 85 000 euros qui leur a déjà été versée.



Procédures devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015 sous le n° 15BX01426, le ministre de la défense demande à la cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2015 en ce qu'il a retenu une indemnisation excessive au regard du préjudice subi.

Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
- cependant, les sommes auxquelles a été condamné l'Etat en réparation du préjudice moral subi par Mme C...et ses filles ont été excessivement appréciées par rapport aux sommes généralement accordées par la jurisprudence pour un chef de préjudice similaire ; en outre, celles-ci ont déjà bénéficié d'une exécution provisoire à hauteur de 85 000 euros, ordonnée par le juge des référés ;
- le ministère de la défense indemnise à l'amiable les familles de militaires morts pour le service de la nation en leur allouant les sommes généralement accordées par le juge administratif ; en l'espèce, la nécessaire égalité de traitement entre les militaires est méconnue du fait de l'importance des sommes allouées par le tribunal.


Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2015, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa fille mineure, et Mmes A...et F...D..., concluent, par la voie de l'appel incident :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement, en ce qu'il ne les a pas suffisamment indemnisées de leurs préjudices, en demandant 50 000 euros pour chacune des deux enfants mineures en réparation de leur préjudice moral, 191 988 euros en réparation du préjudice économique de Charlotte, 198 145 euros en réparation du préjudice économique d'Oriane, 150 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme C...et 891 796 euros en réparation de son préjudice économique, 50 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme A...D...et 181 975 euros en réparation de son préjudice économique, déduction faite de la provision déjà accordée, toutes sommes à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à verser à Mme C...et à ses trois filles la somme de 271 105,82 euros au titre de leurs seuls préjudices moraux, déduction faite de la provision déjà accordée, somme à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet de la requête ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- l'offre d'indemnisation du préjudice économique faite par le ministère de la défense le 25 mai 2009 n'a pas été suffisamment analysée par les premiers juges ;
- l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, car il a confié au lieutenant D...un avion défaillant, atteint d'une panne de propulseur en plein vol ; la panne moteur est établie ; le lieutenant D...était un pilote très expérimenté et rigoureux ; des défaillances avérées du contrôle aérien ont également conduit à l'accident ;
- la responsabilité de l'Etat est également engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- leurs préjudices moraux ont été insuffisamment indemnisés ; le décès de leur époux et père les a plongées dans une très grande détresse morale.



II) Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015 sous le n° 15BX01543, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa fille mineure, et Mmes A...et F...D..., représentées par MeG..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2015, en condamnant l'Etat à verser 50 000 euros à chacune des deux enfants mineures en réparation de leur préjudice moral, 191 988 euros en réparation du préjudice économique de Charlotte, 198 145 euros en réparation du préjudice économique d'Oriane, 150 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme C...et 891 796 euros en réparation de son préjudice économique, 50 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme A...D...et 181 975 euros en réparation de son préjudice économique, déduction faite de la provision déjà accordée, toutes sommes à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en condamnant l'Etat à verser à Mme C... et à ses trois filles la somme de 271 105,82 euros au titre de leurs seuls préjudices moraux, déduction faite de la provision déjà accordée, somme à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à la confirmation du jugement ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- l'offre d'indemnisation du préjudice économique faite par le ministère de la défense le 25 mai 2009 n'a pas été suffisamment analysée par les premiers juges ; elle équivaut bel et bien à une reconnaissance de sa responsabilité par l'Etat ; en vertu du principe de l'estoppel, même s'il n'est pas reconnu par la jurisprudence administrative française, l'Etat ne peut revenir sur son offre antérieure ; cette offre, qui était bien une décision, valait reconnaissance explicite et sans réserve de responsabilité ;
- l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, car il a confié au lieutenant D...un avion défaillant, atteint d'une panne de propulseur en plein vol ; la panne moteur est établie ; l'avion était techniquement défectueux ; le lieutenant D...était un pilote très expérimenté et rigoureux ; des défaillances avérées du contrôle aérien ont également conduit à l'accident ;
- la responsabilité de l'Etat est également engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; en perdant leur époux et père, elles ont subi un préjudice anormal, grave et spécial ; dans ces conditions, on ne saurait, de surcroît à leur préjudice moral, exiger d'elles qu'elles apportent la preuve d'une faute de l'Etat pour demander réparation de leur préjudice économique ; en effet, la victime innocente est placée dans une situation différente selon l'existence ou non d'une faute de la puissance publique ;
- leurs préjudices moraux ont été insuffisamment indemnisés ; le décès de leur époux et père les a plongées dans une très grande détresse morale.


Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; en tout état de cause, le droit à indemnisation des consortsD..., en tant qu'ayants droit d'un militaire de carrière victime d'un accident de service est soumis au régime des pensions militaire d'invalidité et à la règle forfaitaire d'indemnisation qui en découle, ce qui ne fait cependant pas obstacle à une indemnisation du préjudice subi évalué en droit commun et du préjudice moral subi par les ayants droit ;
- cependant, les sommes auxquelles a été condamné l'Etat en réparation du préjudice moral subi par Mme C...et ses filles ont été excessivement appréciées par rapport aux sommes généralement accordées par la jurisprudence pour un chef de préjudice similaire ; en outre, celles-ci ont déjà bénéficié d'une exécution provisoire à hauteur de 85 000 euros, ordonnée par le juge des référés ;
- le ministère de la défense indemnise à l'amiable les familles de militaires morts pour le service de la nation en leur allouant les sommes généralement accordées par le juge administratif ; en l'espèce, la nécessaire égalité de traitement entre les militaires est méconnue du fait de l'importance des sommes allouées par le tribunal ;
- une erreur matérielle s'est glissée dans le jugement, la date de la demande préalable retenue par le juge étant le 21 mars 2008, et non le 21 mars 2006.


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant Mme C...et ses filles.





Considérant ce qui suit :

1. Le 23 mars 2004, à la fin d'une mission d'instruction élémentaire, dite de " pilotage d'accoutumance " de retour vers la base de Cognac, un aéronef militaire de modèle Epsilon TB30 s'est écrasé au sol, entraînant le décès de ses deux occupants, le pilote moniteur, le lieutenantD..., et l'élève officier qui l'accompagnait. Mme C...veuve D...a introduit un contentieux indemnitaire devant le tribunal administratif, en son nom et celui de ses trois filles alors mineures, en réclamant la condamnation de l'Etat à hauteur de 1 763 904 euros en réparation de leurs préjudices économique et moral. Par un jugement du 11 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à leur verser, en réparation de leur seul préjudice moral, la somme globale de 122 000 euros, sous réserve de la déduction de la provision de 85 000 euros qui leur a déjà été accordée par une ordonnance du 19 juillet 2012 du juge des référés de ce même tribunal. Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX01426, le ministre de la défense fait appel de ce jugement, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa dernière fille encore mineure, et Mmes A...et F...D..., ses filles devenues majeures, demandant, par la voie de l'appel incident, la réévaluation de cette condamnation. Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX01543, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa dernière fille, et Mmes A...et F...D..., font appel du même jugement, en réitérant leur demande de condamnation de l'Etat à réparer leurs préjudices à la fois économique et moral pour la somme de 1 763 904 euros. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.


Sur la responsabilité :

2. Les dispositions des articles L. 38 à L. 46 du code des pensions civiles et militaires de retraite, applicables aux ayants cause des militaires en vertu de l'article L. 47 dudit code, comme celles de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les ayants cause d'un militaire décédé lors d'un accident de service peuvent prétendre. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée par les ayants cause contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de celui-ci ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait, dès lors que la réparation forfaitaire qui leur est légalement allouée, en application des dispositions précitées, ne répare pas l'intégralité de ce dommage. Elles ne font pas non plus obstacle à ce que les ayants cause du militaire décédé, ainsi que ses autres ayants droit éventuels, obtiennent de l'Etat, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant, de manière distincte, leur préjudice moral et personnel.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

3. En application du principe énoncé au point précédent, la réparation du préjudice économique subi du fait d'un accident de service par les ayants droit d'un militaire décédé, au-delà des droits à réparation forfaitaire reconnus, pension de réversion ou capital-décès, ne peut être obtenue que dans le cas où cet accident est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de la personne publique.

4. Mmes C...et D...font valoir que l'aéronef que pilotait le lieutenantD..., pilote pourtant très expérimenté, était techniquement défaillant, qu'il a présenté une panne de propulseur en plein vol, que d'ailleurs les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête pénale font état de ce que, dans les derniers instants de vol, le moteur aurait eu des ratés, que ce modèle d'appareil, déjà ancien, était connu pour ses problèmes mécaniques en vol et avait déjà été source d'incidents souvent graves. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment du rapport public d'enquête technique établi par le Bureau enquête accidents de la défense (BEAD) en mars 2005, au demeurant seul rapport d'expertise figurant au dossier, que si l'examen des pales de l'hélice montre " le peu de puissance délivrée par le moteur au moment du crash ", il conclut à l'absence de défaut de maintenance ou de dysfonctionnement technique, dès lors que " tous les endommagements sont la conséquence du crash de l'appareil ", que " toutes les causes de dysfonctionnement connues sur les moteurs (...) ont été analysées et sont définitivement écartées " et qu'ainsi " aucun élément ni aucune hypothèse ne peut être émise concernant un quelconque dysfonctionnement du GMP [groupe motopropulseur]. Celui-ci était en bon état et devait être capable de fonctionner normalement s'il était correctement alimenté électriquement en air et carburant ". Si ce rapport relève que des difficultés de pilotage pouvaient être provoquées par l'ergonomie des commandes de l'appareil, il ne s'est ainsi livré qu'à une hypothèse, parmi l'ensemble de celles qui ont dû être analysées, hypothèse qui a été clairement écartée des causes possibles de l'accident. Si Mmes C...et D...se prévalent du compte-rendu d'un accident intervenu en août 2003 sur le même type d'appareil, relevant que l'Epsilon TB30 est considéré comme peu fiable, il ressort de ce même document, d'une part, que l'aéronef en cause lors de cet accident comportait de nombreux défauts d'entretien, d'autre part, qu'un programme de maintenance de l'ensemble de la flotte a été entrepris à compter du mois de décembre 2003 ce qui a nécessairement inclus l'appareil piloté par le lieutenantD.... Enfin, si Mme C...et Mme D...font valoir que, nonobstant l'absence de dysfonctionnement du GMP établie par le BEAD, il n'est pas établi que l'alimentation en électricité et en carburant aurait été correcte dès lors que certains éléments de l'aéronef, trop endommagés, n'ont pu être analysés et que les témoignages produits mentionnent des bruits irréguliers de ce moteur avant l'accident, ces circonstances n'établissent pas que le groupe motopropulseur de l'aéronef piloté par le lieutenant D...aurait été dépourvu des conditions requises précitées pour fonctionner normalement.

5. Mmes C...et D...se prévalent également d'un courrier en date du 25 mai 2009, par lequel le ministre de la défense, affirmant qu'il ne conteste pas la responsabilité de l'Etat dans cette affaire, a proposé à Mme C...une indemnisation détaillée des préjudices subis par elle-même et ses filles, à la fois économiques et moraux, pour un montant total de 271 105,82 euros. Cependant, il est constant que Mme C...n'a pas souhaité donné suite à ce qui, assorti d'actes de désistement aux noms de Mme C...et de sa fille majeure, doit être analysé comme une offre transactionnelle. Par suite, ce courrier ne saurait être regardé comme constituant, vis-à-vis de Mme C...un engagement ferme ou une promesse qui n'auraient pas été tenus. Dans ces conditions, alors en tout état de cause qu'il résulte des principes d'indemnisation exposés ci-dessus que l'Etat ne peut être condamné à payer une somme qu'il ne doit pas, la responsabilité de la puissance publique ne peut être mise en oeuvre en l'absence de promesse valant engagement. Par suite, Mmes C...et D...ne sont pas fondées à invoquer une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ou encore de loyauté contractuelle.

6. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. En l'absence de faute de l'Etat, Mmes C...et D...ne sont, dès lors, pas fondées à rechercher la réparation intégrale de leur préjudice économique.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

7. En premier lieu, Mmes C...et D...se prévalent d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors que le décès accidentel en service de leur époux et père leur aurait créée un préjudice anormal, grave et spécial. Cependant en faisant valoir qu'une victime ne peut être placée dans une situation différente selon le chef de préjudice subi, moral ou économique, ni subir des règles distinctes de réparation de ses préjudices selon l'ordre de juridiction saisi, elles ne démontrent, pas plus en appel qu'en première instance, l'existence de la rupture d'égalité qu'elles invoquent, donc d'une responsabilité sans faute de l'Etat, pour solliciter la réparation intégrale de leur préjudice économique.

8. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les ayants droit de la victime, militaire, sont en droit de solliciter la réparation par l'Etat de leur préjudice moral résultant du décès de leur conjoint et père survenu dans l'exercice de ses fonctions, même en l'absence de faute.

9. Les premiers juges ont considéré que Mme C...était fondée à demander la réparation du préjudice moral subi par elle-même ainsi que par ses filles, sans qu'une faute de la victime soit susceptible de justifier une atténuation de la responsabilité de l'Etat, absence de faute que ne conteste pas le ministre de la défense. Si ce dernier estime par ailleurs que le tribunal administratif a excessivement indemnisé ce préjudice, et Mmes C...et D...insuffisamment, il y a cependant lieu de considérer que le décès du lieutenantD..., alors âgé seulement de trente ans, a causé à son épouse, qui s'est retrouvée seule avec trois enfants en bas âge, ainsi qu'à ses filles, privées de leur père dès leur plus jeune âge, un important préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en portant l'indemnisation des intéressées à la somme de 60 000 euros pour l'épouse de la victime et 30 000 euros pour chacune de ses trois filles, soit une somme totale de 150 000 euros, sous déduction de la provision de 85 000 euros déjà versée en réparation de ce préjudice, mais augmentée des intérêts et de leur capitalisation.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter l'appel principal formé par le ministre de la défense, et de considérer que Mmes C...et D...sont fondées à demander, tant par la voile de l'appel principal que de l'appel incident, la réformation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2015 dans la mesure exposée au point précédent.


Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros chacune, que demandent Mme C...et Mmes D...sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 15BX01426 présentée par le ministre de la défense est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mmes C...ainsi qu'à ses filles la somme globale de 150 000 euros, en réparation de leur préjudice moral.
Article 3 : La somme mentionnée à l'article 2 sera majorée des intérêts à compter de la date de réception de la demande préalable du 21 mars 2008 en tenant compte de la provision de 85 000 euros déjà versée. Les intérêts échus le 30 décembre 2013 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, puis à l'échéance annuelle du 30 décembre 2014.
Article 4 : Le jugement n° 1302979 du 11 mars 2015 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 ci-dessus.
Article 5 : L'Etat versera à MmeC..., à Mme A...D...et à Mme F...D...la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les surplus des conclusions de l'appel principal comme de l'appel incident formés par Mmes C...et D...sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense, à Mme E...C..., à Mme A...D...et à Mme F...D....
Délibéré après l'audience du 10 avril 2017 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Axel Basset premier conseiller,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 mai 2017.

Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de la défense, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s15BX01426, 15BX01543