CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02311, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 mai 2017
Num15NT02311
JuridictionNantes
Formation3ème chambre
PresidentMme PERROT
RapporteurM. François LEMOINE
CommissaireM. GIRAUD
AvocatsCABINET MADIGNIER

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes, au besoin après avoir ordonné une expertise destinée à vérifier les données statistiques utilisées, d'annuler la décision du 4 janvier 2011 du ministre de la défense rejetant sa demande d'admission à la retraite anticipée, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande conformément aux textes en vigueur, de condamner " Orange ou le service de pension de France Telecom et La Poste et/ou l'État " à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire.

Par un jugement n° 1100391 du 29 mai 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 juillet 2015 et 7 janvier 2016 M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2015 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) à titre principal, d'annuler cette décision du 19 janvier 2011 du ministre de l'intérieur :
3°) de condamner " Orange, l'État ou le service de pension de La Poste ou la CNRACL à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision ;
4°) à titre subsidiaire d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL la production des données statistiques exploitées et des méthodes utilisées pour affirmer que les écarts de pension entre hommes et femmes fonctionnaires varient de 9,8 % jusqu'à 23 % en fonction du nombre d'enfants, et de désigner un expert pour vérifier cette statistique ;

5°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme des entiers dépens, dont les frais d'expertise, et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la décision n° 372426 E...du Conseil d'État 27 mars 2015 a été prise par une formation contentieuse dont la composition méconnaît le principe d'impartialité de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, certains membres de cette formation de jugement ayant pris part à des avis rendus antérieurement dans les sections administratives du Conseil sur les dispositions en litige ;
- elle se fonde sur des données statistiques non vérifiables en méconnaissance du principe de l'égalité des armes ; ces données n'apparaissent dans aucune donnée publique accessible et leur utilisation constitue un procédé déloyal ;
- la bonification pour enfant prévue par les dispositions de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et de l'article R. 37 de ce même code modifié par le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, accordée sous condition d'interruption d'activité n'est pas un critère étranger au sexe des travailleurs ; les juridictions civiles ont estimé que ce droit à jouissance immédiate à la retraite dans le cadre des régimes spéciaux, qui a pour effet d'accorder aux fonctionnaires féminins un avantage en fin de carrière, est indirectement discriminatoire ; la condition d'interruption d'activité est ouverte systématiquement aux femmes dans une proportion telle que les hommes ne peuvent de fait en bénéficier et qu'elle aggrave les inégalités ;
- de nombreuses statistiques tendent, au contraire de ce qu'affirme le ministre, à démontrer que l'interruption d'activité a un faible impact sur le niveau de salaire et de pension dans la fonction publique ; c'est en revanche le caractère partiel ou complet qui a le plus fort impact sur le niveau de pension et ce temps partiel concerne les femmes à 80 % ;
- les dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent une discrimination indirecte en violation du droit de l'Union européenne, et notamment des dispositions du paragraphe 4 de l'article 141/154 du TFUE, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Léone C-173/13 du 17 juillet 2014 ;
- il y aura lieu pour la cour d'apprécier les droits du requérant selon les règles en vigueur à la date de sa demande ;
- ces dispositions ainsi que la décision du Conseil d'Etat citée plus haut méconnaissent le principe de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

La requête a été communiquée le 11 septembre 2015 au ministre de la défense et à la direction des constructions navales qui n'ont pas produit de mémoire.

Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. B...n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2015 la Caisse des dépôts et consignations conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :
- n'ayant été saisie d'aucune demande ou proposition de pension, la requête de M. B...n'est pas recevable, la caisse n'ayant pris elle-même aucune décision sur cette pension ;
- la requête dirigée contre le Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) n'est pas recevable faute de décision prise par ce fonds vis-à-vis de M. B...qui ne lui adressé aucune demande ;
- la demande indemnitaire de M.B..., adressée à " l'État, Orange, le service de pension de La Poste ou la CNRACL " n'est pas recevable faute de liaison préalable du contentieux à l'égard de la CNRACL dès lors qu'il ne relève pas du régime de retraite géré par cette caisse, ou du FSPOEIE ;
- aucun des moyens développés par M. B... n'est fondé.

Par une ordonnance du 20 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2017 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 15NT02311 QPC du 26 janvier 2016, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...par mémoire du 7 janvier 2016.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.


1. Considérant que M. B..., né le 9 septembre 1963, fonctionnaire du ministère de la défense détaché au sein de la société DCNS et père de trois enfants, a saisi, le 9 décembre 2010, son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension à compter du 30 juin 2011 après avoir accompli quinze années de services effectifs, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que du bénéfice de la bonification pour enfants prévue par les dispositions de l'article L. 12 du même code ; que cette demande a été rejetée par une décision du 4 janvier 2011 de la société DCNS au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions ; que M. B... relève appel du jugement du 29 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Considérant que pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de M.B..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur les motifs énoncés aux points suivants :

En ce qui concerne la bonification pour enfant :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ;

5. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de la décision n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'Etat qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, toujours selon la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015, les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics indiquent que si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ;

6. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ;

7. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 du traité instituant la communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ;

9. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 4 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

10. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué, de rejeter les mêmes moyens exposés par M. B...dans sa requête ;
Sur les autres moyens :
11. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la question de l'impartialité des membres de la formation de jugement ayant siégé dans l'instance qui a donné lieu à la décision M. E...n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État statuant au contentieux ; que les moyens tirés des vices propres qui seraient susceptibles d'avoir entachés cette décision, étrangère au présent litige, sont inopérants ;

12. Considérant, d'autre part, que s'il est de l'office du juge d'appel de faire application, dans les litiges qui lui sont soumis, des règles nationales et des règles communautaires éclairées le cas échéant par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il ne lui appartient pas de porter sa propre appréciation sur la question de savoir si, par sa décision n° 372426 du 27 mars 2015, le Conseil d'État a fait, en se prononçant en tant que juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, pour déterminer si et dans quelle mesure les dispositions litigieuses du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient justifiées par des facteurs objectifs, une application de l'arrêt précité C-173/13 de la Cour de justice européenne conforme aux indications données par cette juridiction ou a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; que, par suite, il n'y a pas davantage lieu pour lui de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de cette question ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de nouvelles questions préjudicielles, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., au ministre de la défense, à la direction des constructions navales, à la Caisse des dépôts et consignations, au Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État et au ministre des finances et des comptes publics.


Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 mai 2017.


Le rapporteur,





F. Lemoine

Le président,





I. Perrot

Le greffier,




M. A...


La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.




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N° 15NT02311