CAA de NANTES, 3ème chambre, 09/06/2017, 15NT03743, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 juin 2017
Num15NT03743
JuridictionNantes
Formation3ème chambre
PresidentMme PERROT
RapporteurM. Eric GAUTHIER
CommissaireM. GIRAUD
AvocatsSELARL BAZIN & CAZELLES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des conséquences de l'accident de service dont elle a été victime le 8 janvier 2006.

Par un jugement n° 1401002 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU à lui verser la somme de 5 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2015 Mme C...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme totale de 60 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et capitalisation des intérêts ;

3°) à défaut, d'ordonner une expertise et de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de provision ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute du CHU est engagée dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un aménagement de son poste de travail, en méconnaissance des restrictions médicales émises par le médecin du travail, et qu'elle a été contrainte de démissionner ;
- la responsabilité sans faute du CHU est engagée pour la réparation de ses dommages ne présentant pas un caractère patrimonial ;
- elle a subi un préjudice financier, des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances physiques et morales ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2016 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- le contentieux n'est pas lié à hauteur de la somme demandée de 60 000 euros ;
- les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 mars 2017 la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2017 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.


1. Considérant que MmeB..., aide-soignante au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen depuis le 10 avril 2000 a, le 8 janvier 2006, ressenti une douleur brutale et aiguë de l'épaule gauche en mobilisant un patient ; que cet accident a été reconnu imputable au service ainsi que les rechutes survenues entre le 19 avril 2006 et le 26 novembre 2008 ; que, du 15 avril 2008 au 21 octobre 2010, Mme B...a exercé ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; que le 6 janvier 2010, elle a ressenti de nouvelles douleurs aiguës et a été placée en arrêt de travail jusqu'au 21 octobre 2010 ; que son état de santé est consolidé à la date du 22 octobre 2010 ; que Mme B...a demandé la condamnation de son employeur à réparer les préjudices non déjà indemnisés au titre de l'accident de service ; qu'elle relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a limité à 5 000 euros la somme que le CHU a été condamné à lui verser ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de MmeB... ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que les dispositions légales et réglementaires instituant un régime forfaitaire de réparation des accidents de service et des maladies professionnelles au profit des fonctionnaires concernés, et qui ont pour objet la réparation des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par l'accident ou la maladie professionnelle, ne font pas obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés forfaitairement ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ;

3. Considérant que Mme B...soutient que la responsabilité pour faute du CHU de Caen est engagée dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un aménagement de son poste de travail en méconnaissance des restrictions médicales émises par le médecin du travail ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si les avis médicaux et fiches d'aptitude émis indiquaient que l'intéressée devait éviter le port de charges lourdes et ne pas travailler plus de deux nuits consécutives, Mme B...n'établit pas que l'établissement n'aurait pas respecté ces restrictions médicales, alors au contraire que les pièces fournies par l'établissement hospitalier, et en particulier la lettre du 16 mai 2014 du cadre de santé responsable de l'intéressée de décembre 2006 à décembre 2010, attestent que les affectations de l'intéressée tenaient compte de ces contraintes ; qu'il résulte également des états annuels de service de Mme B...que celle-ci n'a travaillé plus de deux nuits consécutives qu'à quatre reprises, aux mois de juillet 2007, septembre 2007, novembre 2007 et juin 2008, et que cette situation ne s'est pas reproduite en 2009 ; qu'ainsi aucune faute ne peut être reprochée au CHU de Caen à ce titre ;

4. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction que c'est à la demande de l'intéressée, formulée le 28 septembre 2010, que le bénéfice de la cessation anticipée d'activité a été accordé à Mme B...et que sa démission a été acceptée ; qu'aucun des éléments produits ne permet d'établir que, ainsi qu'elle le soutient, l'intéressée aurait été contrainte de démissionner ; qu'ainsi Mme B...n'établit pas que l'établissement aurait ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à son égard ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante est seulement fondée à obtenir une réparation complémentaire des préjudices qu'elle soutient avoir subis sur le fondement de la responsabilité sans faute du CHU ;

Sur les préjudices :

6. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, la cessation anticipée d'activité résulte de la seule volonté de l'agent de démissionner ; qu'ainsi, Mme B...ne peut prétendre à la réparation du préjudice financier qui résulterait de sa radiation des cadres ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme B...invoque l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire, ni la circonstance que l'agent a ressenti ponctuellement des douleurs aiguës, ni les attestations produites, peu circonstanciées et rédigées près de huit ans après les faits relatés, ne permettent d'établir la réalité d'un tel préjudice ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle;

9. Considérant que si Mme B...demande, pour la première fois en appel, une somme de 20 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de telles prétentions excèdent le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, alors qu'il ne s'agit pas d'un élément nouveau apparu postérieurement au jugement ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à la condamnation du CHU à lui verser une somme au titre du déficit fonctionnel permanent ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'en ce qui concerne ses souffrances physiques et morales et les troubles dans ses conditions d'existence Mme B...se borne à rappeler les différents examens médicaux et arrêts de travail subis ; que ces préjudices ont été justement appréciés par le tribunal en lui accordant la somme de 5 000 euros ;

11. Considérant, enfin, que le préjudice d'agrément, qui ne saurait résulter des difficultés à accomplir certaines tâches ménagères, n'est pas établi ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 5 000 euros la somme que le CHU de Caen a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B...le versement au CHU de Caen de la somme que celui-ci demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Caen présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au centre hospitalier universitaire de Caen.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 9 juin 2017.

Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. Le Réour

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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