CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 22/06/2017, 16LY02688, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 juin 2017
Num16LY02688
JuridictionLyon
Formation4ème chambre - formation à 3
PresidentM. FRAISSE
RapporteurMme Céline MICHEL
CommissaireM. DURSAPT
AvocatsPOULET-MERCIER-L'ABBE MARJOLAINE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 mars 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie l'a radié des cadres de la fonction publique pour invalidité à compter du 8 juillet 2010 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi.

Par un jugement n° 1401265 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2016, M. A...B..., représenté par Me D...'Abbé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2013 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

3°) d'enjoindre au ministre de lui proposer un emploi adapté à sa pathologie.

Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen, fondé, tiré de l'absence de saisine de la commission de réforme ;
- sa demande de première instance n'était pas tardive ;
- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente ;
- cet arrêté n'est pas motivé ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'expertise médicale préalable ;
- son inaptitude totale et définitive n'est établie par aucun document à caractère médical ;
- le ministre a méconnu son obligation de reclassement ;
- sa mise à la retraite pour invalidité opère un déclassement professionnel important pour lui.


Par lettre du 16 mai 2017 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de ce que les conclusions d'excès de pouvoir de la demande de première instance de M. B...étaient tardives et de ce que les conclusions indemnitaires de cette demande n'étaient pas recevables pour défaut de réclamation préalable.


Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- il était en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté contesté ce qui rend l'ensemble des moyens inopérants ;
- subsidiairement, les moyens soulevés ne sont pas fondés.


Par un mémoire en réponse aux moyens d'ordre public enregistré le 22 mai 2017, M. B... soutient que sa demande de première instance n'était pas tardive et qu'il ne reprend pas ses conclusions indemnitaires en appel.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;



Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel, rapporteur,
- les conclusions de M.C...,
- et les observations de M.B... ;


1. Considérant que M.B..., technicien supérieur principal de l'équipement affecté à la direction départementale du territoire de l'Isère, a bénéficié à compter du 7 juillet 2005 d'un congé de longue durée avant d'être reconnu définitivement inapte à l'exercice de toute fonction par le comité médical départemental de l'Isère dans son avis du 25 août 2009 ; que, par un arrêté du 13 mars 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie l'a radié des cadres pour invalidité à compter du 8 juillet 2010 ; que M. B...a saisi le tribunal administratif de Grenoble aux fins d'annulation de cet arrêté, de condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice moral résultant de son déclassement professionnel et d'injonction à l'Etat de lui proposer un emploi adapté à sa pathologie ; que M. B...relève appel du jugement du 24 mai 2016 en tant que le tribunal administratif a rejeté les conclusions d'excès de pouvoir de sa demande ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4 du code de pensions civiles et militaires de retraite : " Le droit à la pension est acquis : (...) / 2° Sans condition de durée de services aux fonctionnaires radiés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 29 du même code " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires a congés de maladie prévus (...) au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi (...), soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. " ; qu'aux termes de l'article 48 de ce décret : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire de l'Etat qui a été, à l'issue de la période de congés de longue durée, reconnu par le comité médical définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, ne peut qu'être admis à la retraite, soit d'office, soit sur sa demande, après avis de la commission de réforme ; qu'il appartient à l'autorité administrative, qui est tenue de placer l'intéressé dans une position statutaire régulière, de placer d'office l'agent en position de disponibilité jusqu'à ce que la commission de réforme se soit prononcée sur sa radiation des cadres, et de saisir cette commission dans les plus brefs délais suivant l'avis du comité médical ; que l'administration ne pouvait dès lors radier des cadres M. B...sans avoir saisi préalablement la commission de réforme ; que, par suite, l'arrêté du 13 mars 2013, qui est en outre insuffisamment motivé en fait, est illégal ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions d'excès de pouvoir de sa demande ;

6. Considérant qu'eu égard au motif qui la fonde, l'exécution de l'annulation prononcée n'implique pas que l'administration propose à M. B...un emploi adapté à sa pathologie ; que le présent arrêt implique seulement que le ministre saisisse la commission de réforme dans un délai de deux mois afin qu'elle se prononce sur l'inaptitude de M. B...à l'exercice de tout emploi ;
DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1401265, rendu le 24 mai 2016 par le tribunal administratif de Grenoble, est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 mars 2013 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de la transition écologique et solidaire de saisir la commission de réforme afin qu'elle se prononce sur l'inaptitude de M. B...à l'exercice de tout emploi, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2017, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour,
Mme Michel, président- assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juin 2017.
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N° 16LY02688