CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 03/07/2017, 15BX00407, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 juillet 2017
Num15BX00407
JuridictionBordeaux
Formation6ème chambre - formation à 3
PresidentM. LARROUMEC
RapporteurMme Florence REY-GABRIAC
CommissaireMme MOLINA-ANDREO

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 9 juillet 2012 qui le titularise comme gardien de la paix, en tant qu'il ne tient pas compte de l'ancienneté acquise au titre des services militaires effectués.

Par un jugement n° 1203936 du 14 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2015 et un mémoire, enregistré le 4 février 2016, M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 janvier 2015 ;

2°) d'annuler la décision prise par le ministre de l'intérieur le 12 novembre 2012 rejetant implicitement sa demande tendant à la reprise de ses années de service en tant que militaire précédemment à son admission au sein de la police nationale dans le cadre de la procédure des emplois réservés ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre en compte sa bonification indiciaire d'ancienneté au titre de ses années de service en tant que militaire, soit 16 ans et 1 mois, de reconstituer sa carrière et de prendre, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, un nouvel arrêté prononçant son reclassement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :
- l'administration ne lui a notifié aucune décision à la suite de sa demande du 14 septembre 2012 ; la décision de rejet n'est donc pas motivée, en violation des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen ;
- le refus opposé à sa demande est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les textes ne prévoient pas que la reprise d'ancienneté du militaire ayant bénéficié d'un emploi réservé soit subordonnée à son détachement ; les dispositions de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ne font pas obstacle à l'application des articles L. 4139-1 et suivants du code de la défense, et en particulier de son article L. 4139-3 ; elles ne font pas non plus obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 397-2 du code des pensions militaires ; or, il relève bien de ces dispositions ; au jour de son intégration à l'école de la police nationale de Toulouse, le 2 novembre 2009, il n'était pas encore radié des effectifs de l'armée, cette radiation étant intervenue le même jour ; or, les textes prévoient que l'intégration ou la titularisation de l'intéressé lui permet de bénéficier de la reprise de son ancienneté de services militaires ; il ressort également des termes de l'article R. 4139-20 du code de la défense, comme de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004, que le militaire doit être classé, dans son nouveau corps, à un grade et un échelon dotés d'un indice égal ou à défaut, immédiatement supérieur à celui dont il bénéficiait en tant que militaire ; dès lors, il aurait dû bénéficier, à son entrée dans la police nationale, de l'échelon 6 ; les précédents jurisprudentiels ne subordonnent pas la reprise d'ancienneté au détachement militaire ;
- son absence de reclassement est d'autant plus illégitime que des camarades militaires, dans des situations similaires, ont vu leur ancienneté militaire reprise, ce dont il justifie par la production de leurs arrêtés de titularisation ; il y a donc rupture de traitement entre des fonctionnaires placés dans des situations strictement identiques ;
- il sollicite donc son classement à l'échelon 6 rétroactivement au 1er novembre 2011 et la reconstitution de sa carrière au sein de la police nationale, ainsi que de rappel de traitement correspondant à compter du 1er novembre 2011 ;
- le conseil supérieur de la fonction militaire, qu'il a interrogé, répond que le refus de toute reprise d'ancienneté d'un militaire dans le cadre des emplois réservé, et non en position de détachement, sur le fondement de l'article L. 4139-3 du code de la défense ou de l'article L. 397-2 du code des pensions militaires n'est pas fondé.


Le ministre de l'intérieur a produit un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, par lequel il conclut au rejet de la requête de M.A....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004, modifié ;
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., né en 1972, a été recruté le 1er octobre 1993 par le ministère de la défense comme engagé volontaire. Son contrat a été renouvelé sans interruption jusqu'au 2 novembre 2009. Ayant réussi au concours de recrutement de la session de février 2008 de gardien de la paix de la police nationale dans la catégorie des emplois réservés, il a été, sur sa demande, rayé des cadres de l'armée active et admis à faire valoir ses droits à pension à compter du 2 novembre 2009. Il a été nommé élève-gardien de la paix le 1er novembre 2009 et a intégré l'école de la police nationale de Toulouse en tant que stagiaire le 2 novembre 2009. Par arrêté du ministre de l'intérieur du 9 juillet 2012, il a été titularisé dans le grade de gardien de la paix au 1er échelon à compter du 1er novembre 2011, avec une ancienneté fixée au 1er novembre 2010. Il a demandé l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il ne tient pas compte, pour la détermination de son ancienneté, de ses services en qualité de militaire, accomplis du 1er octobre 1993 au 1er novembre 2009. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 14 janvier 2015, qui a rejeté sa demande, en concluant en appel à l'annulation de la décision implicite de rejet qu'a opposé le même ministre à son recours hiérarchique formé le 14 septembre 2012 à l'encontre de l'arrêté du 9 juillet 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. A...fait valoir que les premiers juges auraient omis de statuer sur l'absence de motivation de la décision implicite de rejet opposée à son recours hiérarchique, il ressort de ses écritures de première instance qu'il n'avait pas invoqué ce moyen, n'ayant au demeurant pas contesté devant eux ladite décision implicite, intervenue en cours d'instance.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, M. A...n'avait invoqué en premier instance aucun moyen de légalité externe. Par suite, le moyen relevant de cette cause juridique, tiré de l'absence de motivation de la décision implicite de rejet opposé à son recours hiérarchique, invoqué pour la première fois en appel, n'est, en tout état de cause, pas recevable.
4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : (...) 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils ". Aux termes de l'article R. 396 du même code : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : / - remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; / - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4139-4 du même code : " Durant le détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3, le militaire perçoit une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. Aucune promotion n'est prononcée durant ce détachement et le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration ou de sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil. ". Selon l'article L. 4139-14 dudit code : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : / 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) / 8° Lors de la titularisation dans une fonction publique, ou dès la réussite à un concours de l'une des fonctions publiques pour les militaires ne bénéficiant pas du détachement prévu au premier alinéa de l'article L. 4139-1, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre. ".

6. Ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée. En revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite.

7. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de la défense a fait droit à la demande de résiliation de contrat présentée par M. A...et l'a radié des cadres de l'armée en lui ouvrant droit à pension à compter du 2 novembre 2009, date à laquelle celui-ci a entamé sa formation initiale de gardien de la paix. Faute d'avoir sollicité son placement en position de détachement, dans l'attente de sa titularisation dans le corps des gardiens de la paix, qui a été effective au 1er novembre 2011, M. A...n'avait pas conservé, à cette date, la qualité de militaire et ne pouvait dès lors plus se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 4139-3 du code de la défense. Il s'ensuit que c'est sans méconnaître ces dispositions que le ministre de l'intérieur a rejeté la demande du requérant.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 4139-20 du code de la défense : " L'intégration est prononcée par l'autorité ayant le pouvoir de nomination dans le corps d'accueil. Le militaire est alors radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration. / Le militaire est nommé à l'emploi dans lequel il a été détaché et classé dans le corps, en tenant compte, le cas échéant, des responsabilités correspondant à son emploi d'intégration, à un grade et à un échelon doté d'un indice égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui dont il bénéficiait en qualité de militaire ". M.A..., qui n'était pas en position de détachement et ne pouvait donc solliciter son intégration, ne peut utilement invoquer ces dispositions.

9. En quatrième lieu, aux termes l'article 8 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " (...) A l'issue du stage, les gardiens de la paix reconnus aptes sont titularisés et placés au 1er échelon de leur grade. (...) Les gardiens de la paix issus d'un autre corps ou cadre d'emplois dans les conditions prévues à l'article 12 du décret du 9 mai 1995 susvisé sont placés, lors de leur titularisation, à un échelon comportant un indice égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient en dernier lieu dans leur précédent corps ou cadre d'emplois. (...) Les gardiens de la paix qui ont eu auparavant la qualité (...) de volontaire servant en tant que militaire dans la gendarmerie nationale sont classés, lors de leur titularisation, avec une reprise d'ancienneté égale aux trois quarts des services accomplis en cette qualité. ". Aux termes de l'article 12 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Sauf dispositions contraires des statuts particuliers, la titularisation dans un corps des services actifs de la police nationale est prononcée au 1er échelon du corps. / Toutefois, les fonctionnaires visés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, ainsi que les ouvriers d'Etat soumis à la loi du 2 août 1949, nommés dans un corps des services actifs de la police nationale, sont titularisés à un échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps d'origine (...) ". M. A..., qui, en sa qualité de militaire, ne relevait pas des dispositions de l'article 12 du décret du 9 mai 1995 et qui ne servait pas non plus en tant que volontaire dans la gendarmerie nationale, ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 10 du décret du 23 décembre 2004 : " Lors de la titularisation dans le grade de gardien de la paix, la durée du stage, à l'exclusion de sa prolongation éventuelle, est prise en compte pour l'ancienneté acquise au 1er échelon ". Faute pour M. A...de pouvoir prétendre à l'application des dispositions plus favorables de l'article R. 4139-6 du code de la défense, le ministre de l'intérieur était tenu de rejeter sa demande tendant à la prise en compte de son ancienneté de services en qualité de militaire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ce refus porterait atteinte au principe d'égalité entre fonctionnaires d'un même corps est inopérant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.




DECIDE :
Article 1er : la requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.

Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX00407