CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 07/12/2017, 15LY03976, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 décembre 2017
Num15LY03976
JuridictionLyon
Formation4ème chambre - formation à 3
PresidentM. d'HERVE
RapporteurMme Céline MICHEL
CommissaireM. DURSAPT
AvocatsSPINOSI

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2012 par lequel le président de l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa tentative de suicide.

Par un jugement n° 1206672 du 7 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au président de l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble d'examiner à nouveau la demande d'imputabilité au service de la dégradation de l'état de santé de M. C..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.


Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2015, le 22 février 2016 et le 19 juillet 2016, l'université Grenoble-Alpes, venant aux droits de l'université Pierre-Mendès-France, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M.C... ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que tous les mémoires échangés entre les parties n'ont pas été régulièrement communiqués ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la tentative de suicide de M. C...n'est pas imputable au service dès lors qu'elle ne procède pas des conditions dans lesquelles il exerçait ses fonctions au sein de l'université et que son état dépressif s'était antérieurement manifesté ; cet événement ne présentait donc pas de lien direct avec le service ou avec un évènement survenu à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; la circonstance que la protection fonctionnelle lui a été accordée n'implique pas la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa tentative de suicide.


Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2016, M. A...C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 7 500 euros soit mise à la charge de l'université Grenoble-Alpes.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'université Grenoble-Alpes ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel ;
- les conclusions de M.D... ;
- et les observations de MeB..., représentant M.C... ;

1. Considérant que M.C..., professeur des universités, enseigne l'histoire moderne à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble, dont les droits et obligations ont été transférés à l'université Grenoble-Alpes à compter du 1er janvier 2016, ainsi qu'à l'université de Chambéry ; que l'une de ses étudiantes a porté plainte contre lui le 11 mars 2008 pour des faits de viols réputés commis en 2006 alors qu'ils entretenaient une relation ; que cette plainte a été classée sans suite le 18 août 2009 ; que, par un arrêté du 25 octobre 2012 qui a suivi l'avis défavorable de la commission de réforme du 15 novembre 2011, le président de l'université Pierre-Mendès France de Grenoble a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la tentative de suicide de M. C...après laquelle il a bénéficié d'arrêts de maladie du 14 mars 2011 au 1er avril 2011 ; que l'université Grenoble-Alpes relève appel du jugement du 7 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au président de l'université d'examiner à nouveau la demande d'imputabilité au service de la dégradation de l'état de santé de M.C... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...)Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) " ;

3. Considérant qu'un accident ou des évènements survenus sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, présentent, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant ces accident ou évènements du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service ; qu'il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec le service ; qu'il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a obtenu un 1er congé de maladie pour la période du 5 au 14 mars 2009, après sa convocation au mois de février 2009 à la gendarmerie d'Eybens et son placement à cette occasion en garde à vue les 9 et 10 mars 2009 ; qu'il a bénéficié d'autres congés de maladie pour la période du 2 au 24 septembre 2010, mois au cours duquel il a été entendu par le juge d'instruction dans le cadre de la plainte qu'il avait déposée pour dénonciation calomnieuse, puis après sa tentative de suicide, du 14 mars 2011 au 1er avril 2011 ; qu'il ressort du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, ainsi que du rapport d'examen spécialisé du médecin spécialiste en psychiatrie qui a examiné M. C...à sa demande le 21 mars 2014, que l'état dépressif de ce dernier a pour origine les manifestations de l'animosité dont il a fait l'objet de la part de son ancienne étudiante qui a répandu à l'envi durant les années 2008 et 2009 alors que la procédure judiciaire était toujours en cours, ses accusations de viols auprès des étudiants, personnels administratifs et enseignants des universités de Grenoble et Chambéry ; que l'expertise psychiatrique de son accusatrice, diligentée dans le cadre de l'information judiciaire ouverte après le dépôt de la plainte du requérant pour dénonciation calomnieuse, a décrit une personnalité " histrionique et affabulatrice " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la tentative de suicide de M. C...ait un lien direct, même partiel, avec l'attitude à son égard des enseignants et des présidents des universités où il enseignait jusqu'au classement sans suite de la plainte pour des faits de viols ; que, par suite, le président de l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble, en estimant par son arrêté contesté que la tentative de suicide de M. C... n'était pas imputable au service, n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté, le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif ;



5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...tant en appel qu'en première instance ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le président de l'université Pierre-Mendès-France se serait cru lié par l'avis émis par la commission de réforme sur l'imputabilité au service de la dégradation de son état de santé ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'université Grenoble-Alpes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 25 octobre 2012 du président de l'université Pierre-Mendès- France de Grenoble et lui a enjoint de réexaminer la demande d'imputabilité au service de la dégradation de l'état de santé de M.C... ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme que l'université Grenoble-Alpes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée par M. C...à ce titre soit mise à la charge de l'université Grenoble-Alpes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1206672 du tribunal administratif de Grenoble du 7 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'université Grenoble-Alpes est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'université Grenoble-Alpes et à M. A...C.... Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale.


Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 décembre 2017.
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N° 15LY03976