CAA de BORDEAUX, 3ème chambre - formation à 3, 24/05/2018, 17BX01534, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 mai 2018
Num17BX01534
JuridictionBordeaux
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentM. DE MALAFOSSE
RapporteurMme Sabrina LADOIRE
CommissaireM. de la TAILLE LOLAINVILLE
AvocatsGRANRUT SOCIETE D'AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision n° 081-14 du 22 mars 2011 par laquelle le directeur des ressources humaines et des relations sociales de La Poste l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 25 avril 2011, d'enjoindre à La Poste de lui présenter des demandes de reclassement ou de détachement, de le réintégrer, en procédant à la reconstitution de sa carrière, et de le rétablir dans ses droits à pension et ses droits sociaux jusqu'à ce que la commission de réforme se prononce sur son aptitude.

Par un jugement n° 1100478 du 8 janvier 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 22 mars 2011 et a enjoint à La Poste de procéder à la réintégration de M. A... à compter du 25 avril 2011.

Procédure devant la cour :

Par une première requête enregistrée le 12 février 2016, sous le numéro 16BX00611, la société anonyme (SA) La Poste a demandé à la cour d'annuler, à titre principal, ce jugement du tribunal administratif de La Réunion en date du 8 janvier 2016 ou, à titre subsidiaire, son article 2, et de rejeter les demandes de M.A.... Par une seconde requête, enregistrée le même jour, sous le numéro 16BX00612, la SA La Poste a demandé à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 8 janvier 2016.

Par un arrêt n° 16BX00611, 16BX00612 du 12 juillet 2016, la Cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête n° 16BX00612, a rejeté le surplus des conclusions de la Poste et a mis à la charge de cette société une somme de 1 000 euros à verser à M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 16 mai 2017, le président de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle pour l'exécution de l'arrêt n° 16BX00611 rendu par la Cour en date du 12 juillet 2016.

Par des mémoires enregistrés les 1er juin, 29 juin, 6 juillet, 19 juillet 2017, 11 août, 14 août, 25 août 2017, 21 septembre 2017, et le 26 mars 2018, M. A...demande à la cour :
- de faire exécuter par La Poste l'arrêt qu'elle a rendu le 12 juin 2016, sous astreinte ;
- d'enjoindre à la SA La Poste de lui accorder l'imputabilité au service au titre du 2° de l'article 34 de la loi du 11 Janvier 1984 ;
- subsidiairement, dans l'hypothèse où La Poste maintiendrait une imputabilité au service au titre du 4° de l'article 34, de prononcer sa réintégration effective à compter du 25 avril 2011, date de son éviction illégale du service, sur l'emploi qu'il occupait ou un emploi équivalent ;
- de lui verser une indemnité au titre de son éviction et d'enjoindre à la Poste de déduire de la somme de 199 084,14 euros qui devrait lui être attribuée, les montants de ses pensions perçues afin de ne pas engendrer de graves troubles dans ses conditions d'existence en le soumettant à un impôt excessif par rapport à celui dont il aurait dû s'acquitter s'il n'avait pas été irrégulièrement évincé ;
- de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- La Poste lui a notifié un arrêté du 22 mai 2017, lui accordant le bénéfice du congé de longue maladie prévu par le 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 au titre d'une maladie contractée dans l'exercice de ses fonctions ; or, s'il avait demandé à bénéficier, le 28 mars 2017, d'un congé sur le fondement de ces dispositions, il avait finalement sollicité, le 29 mars 2017, le bénéfice de ce congé en vertu du 2° de l'article 34 de cette même loi ;
- à l'issue de son congé de longue maladie, La Poste aurait dû mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 30 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, à savoir son reclassement et la consultation de la commission de réforme ; en ne suivant pas cette procédure, elle a commis une illégalité fautive. Il a d'ailleurs contesté la décision du 22 mai 2017 devant le tribunal administratif de La Réunion le 26 juin 2017 ;
- le directeur de La Poste devrait reconnaitre l'imputabilité de sa pathologie au service jusqu'au 18 juillet 2016, et le réintégrer dans ses fonctions à compter du 19 juillet 2016, date de la réunion du comité médical ;
- la décision du 22 mai 2017 le lèse sur le plan financier et administratif ; elle le contraint à rembourser le montant de sa pension perçue depuis le 1er mai 2011 et le place à demi-traitement entre les 25 avril 2013 et 24 avril 2016 ;
- en outre, le directeur de La Poste lui a imposé, par décision du 19 juin 2017, une disponibilité d'office du 25 avril au 18 juillet 2016, décision qu'il a également contestée devant le tribunal administratif le 26 juin 2017 ; cette position le prive en effet de sa rémunération, de ses droits à l'avancement et à la retraite et du droit de percevoir des indemnités journalières ;
- La Poste n'a pas exécuté le jugement et l'arrêt susvisé dès lors qu'elle ne l'a pas réintégré ; dans son mémoire du 2 novembre 2016, elle avait reconnu qu'il était apte à reprendre ses fonctions à temps complet mais ne l'a pas invité à présenter une demande de reclassement ni ne lui a proposé de poste vacant ; or, le comité médical s'était prononcé en faveur de sa réintégration à temps plein à compter du 19 juillet 2016 et ne lui a pas proposé de reclassement à défaut coché la case prévue à cet effet sur le procès verbal ; en le convoquant pour de nouvelles expertises médicales, La Poste cherche à retarder sa réintégration ;
- sa mise à la retraite d'office pour invalidité sans avoir consulté la commission de réforme et sans avoir tenté de le reclasser est une éviction illégale ;
- il ne conteste pas la décision du 22 mai 2017 mais uniquement la non-exécution de la décision du 4 février 2016 prise en vue de le réintégrer le 24 avril 2011, en exécution du jugement n° 1100478 ; il a également contesté la non-exécution de cette décision devant le tribunal administratif de La Réunion le 20 juillet 2016 ;
- le principe de non-rétroactivité des actes ne permet pas à La Poste de réformer, par la décision du 22 mai 2017, la décision du 4 février 2016 portant réintégration au 24 avril 2011 laquelle ne pouvait pas être abrogée ni retirée ; Ainsi, cette décision du 22 mai 2017 portant attribution d'un congé de longue durée faisant l'objet du jugement rendu sous le n° 1200817 relève d'un litige distinct de celui portant sur l'exécution du jugement n° 1100478 et de l'arrêt 16BX00611 relatif à son éviction illégale du service ;
- les décisions de mise en disponibilité d'office des 19 juin et 7 août 2017 créeront des troubles dans ses conditions d'existence en le contraignant à rembourser les montants de la pension qu'il a perçue depuis mai 2011 (240 000 € environ), et les indemnités perçues de la Mutuelle Générale au titre du Congé de longue Maladie (27 484,32 €) qui lui ont été octroyées pour la période allant du 25 avril 2009 au 24 avril 2011 ;
- si La Poste a reconstitué sa carrière administrativement, comme le montre la fiche individuelle de gestion du 25 juillet 2017, elle ne l'a pas réintégré physiquement ainsi que le préconisait le comité médical, n'a pas demandé l'annulation de sa mise à la retraite au service des pension de l'Etat, ni procédé à la régularisation de sa paye à la suite de l'avis d'aptitude aux fonctions rendu par le comité médical le 26 octobre 2016 ; les indices supplémentaires réintégrés dans sa situation administrative n'ont produit aucun effet pécuniaire sur sa situation bien qu'une décision de réintégration ait été édictée depuis le 4 février 2016 ;
- la reconstitution de sa carrière est erronée ; La Poste doit le faire bénéficier d'une anticipation des droits à avancement d'échelon pour les années 2011 à 2016 en prenant en compte son affectation en zone urbaine sensible ; or, sur la fiche EDART produite par La Poste, cette anticipation d'avancement prévue pour son affectation en zone urbaine sensible s'est arrêtée à l'année 2010, aucun rappel d'ancienneté n'ayant été effectué pour les années 2011 à 2016 ;
- elle n'a pas procédé à la reconstitution de ses droits sociaux ; sa période d'éviction du service à compter du 24 avril 2011 pour sa mise à la retraite d'office pour invalidité doit être assimilée à une période de services effectifs ; ainsi, La Poste doit accomplir les diligences nécessaires pour que cette reconstitution soit prise en considération dans ses droits à pension et à retraite additionnelle et doit donc verser aux organismes de sécurité sociale et à la caisse de retraite complémentaire (RAFP), les cotisations patronales et salariales liées à cette éviction, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait ;
- La Poste doit également informer le service des pensions de retraite de l'Etat de cette situation car sa réintégration induira un rappel d'arrérages de pension perçus indûment pour un montant total de 248 095,64 euros pour la période de mai 2011 à décembre 2017 ; il sera d'ailleurs contraint, dans ce cas, de solliciter une indemnité pour éviction illégale pour la période considérée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 juillet et 7 septembre 2017, et le 9 mars 2017, la SA La Poste demande à la cour :
- de rejeter la requête de M.A... ;
- de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la requête de M. A...en exécution de l'arrêt rendu par la cour est irrecevable :
- le requérant ne peut contester, à l'occasion d'une demande d'exécution, la légalité de décisions intervenues postérieurement à la décision juridictionnelle en cause ; il ne saurait davantage contester la nouvelle décision prise par l'administration en exécution de la décision annulée ; enfin, les modalités de la reconstitution de carrière opérée par l'administration présentent le caractère d'un litige distinct qui ne peut être appréhendé par le juge de l'exécution ; le juge saisi de l'exécution d'un jugement doit uniquement s'assurer de la réintégration juridique de l'intéressé à la date de l'éviction ;
- M. A...se bornant à présenter des développements dont le juge de l'exécution ne peut connaître et dont le tribunal est en outre saisi par des demandes distinctes, sa requête est irrecevable.
Sur le bien-fondé de sa demande :
- La Poste a déjà exécuté l'arrêté n° 16BX00611 rendu par la cour le 12 juillet 2016 ;
En ce qui concerne les conséquences de l'annulation du refus de La Poste de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé :
- la décision du 22 mai 2007 accordant à l'intéressé un congé de longue durée imputable au service s'inscrit dans le prolongement du jugement n° 1200817 du tribunal administratif de la Réunion et de la demande que l'intéressé lui-même avait présenté le 28 mars 2017 ;
- ce jugement n'imposait pas à La Poste de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé mais seulement de régulariser la procédure mise en oeuvre en intégrant à la commission de réforme un médecin psychiatre et en lui permettant de disposer d'une expertise médicale conformément à sa demande ;
- en plaçant l'intéressé en congé de longue durée à raison d'une affection mentale contractée dans l'exercice de ses fonctions, d'abord à plein traitement (du 25 avril 2008 au 24 avril 2013), puis à demi-traitement (du 25 avril 2013 au 24 avril 2016), La Poste a assuré l'exécution du jugement du tribunal administratif de La Réunion en allant au-delà de ce qu'il impliquait et en faisant entièrement droit aux prétentions de l'intéressé ;
- en tout état de cause, les dispositions du 2° de l'article 34 de la loi de 1984 invoquées par le requérant ne lui sont pas avantageuses dès lors qu'elles ne lui permettent de conserver un plein traitement que durant un an ;
En ce qui concerne les conséquences de l'annulation de la mise à la retraite d'office de M. A...pour invalidité :
- le placement de l'intéressé en congés de longue durée à raison d'une maladie contractée en service permettait de le placer dans la position qu'il aurait occupée s'il n'avait fait l'objet de la mesure annulée, tout en répondant à ses demandes au titre de l'imputabilité au service de son affection ; en lui accordant un tel congé entre le 25 avril 2008 et le 24 avril 2016, La Poste l'a également implicitement mais nécessairement réintégré dans ses effectifs sur cette période ; elle l'a donc réintégré juridiquement à la date à laquelle est intervenue la décision le plaçant à la retraite d'office pour invalidité annulée, le 25 avril 2011 ;
- en raison des inaptitudes résiduelles de l'intéressé à la date de son placement à la retraite d'office annulé et de l'impossibilité d'engager rétroactivement une procédure de reclassement, cette réintégration juridique ne pouvait s'accompagner d'une réintégration effective sur un emploi équivalent à celui qu'il occupait précédemment ;
- la reconstitution de la carrière d'un agent à la suite de l'annulation contentieuse de son éviction du service implique de le placer sur la période considérée dans la position qu'il aurait occupée s'il n'avait pas fait l'objet de la mesure annulée ; en vertu de l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, le fonctionnaire en position d'activité ayant expiré ses droits à congés pour raisons de santé et qui ne peut reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité d'office, s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé à son reclassement dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984, ou encore admis à la retraite après avis de la commission de réforme, s'il est reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions et qu'il n'a pu être reclassé sur un poste adapté à son état de santé ; ainsi, en le plaçant, par une décision du 22 mai 2017, en congé de longue durée à raison d'une maladie contractée dans l'exercice de ses fonctions sur la période allant du 25 avril 2008 au 24 avril 2016, La Poste a rétroactivement reconstitué sa carrière en tenant compte, tant de sa situation que de ses demandes ; à la suite de l'expiration de ses droits à congés de longue maladie, le 24 avril 2016, elle a envisagé plusieurs solutions, à savoir une mise à la retraite d'office, un reclassement ou une mise en disponibilité d'office et a finalement opté pour sa mise en disponibilité du 25 avril au 18 juillet 2016 par la décision du 19 juin 2017 ;
- enfin, l'annulation de la mise à la retraite d'office de l'intéressé impliquait de rechercher une solution à sa situation contemporaine au sein de l'entreprise, et plus précisément, de chercher à le reclasser sur un poste adapté à son état de santé ; La Poste a entrepris des démarches en vue de vérifier l'aptitude de l'intéressé à la reprise de ses fonctions au sein de l'entreprise et l'a convoqué devant la médecine du travail et le comité médical ; toutefois, alors que le dernier poste sur lequel l'intéressé exerçait ses fonctions n'était plus disponible, et que les avis demeuraient insuffisamment précis pour la renseigner sur le type de poste sur lequel elle pouvait l'affecter, elle n'a pu immédiatement procéder à ce reclassement et a décidé de le soumettre à une nouvelle expertise médicale ;
Sur la reconstitution des droits sociaux de l'intéressé :
- il a été procédé à la reconstitution de ses droits sociaux ;
Sur la recherche d'une solution à sa situation actuelle :
- la Poste devait, pour obtenir des précisions sur le type de fonctions qui pouvaient lui être confiées, le soumettre à un nouvel examen médical avant de procéder à son reclassement ;
- la convocation à un examen médical par le médecin agréé le 8 août 2017 était d'autant plus nécessaire que son affection psychologique présente un caractère évolutif et contingent ; il devait se présenter le 19 septembre à un autre rendez-vous afin qu'un poste approprié puisse lui être confié mais n'a pas déféré à cette convocation ; le blocage de la procédure de reclassement est donc imputable à son attitude.

Par ordonnance du 12 mars 2018, la clôture d'instruction a été reportée en dernier lieu au 5 avril 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi du 16 juillet 1980 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

2. Par un jugement n° 1100478 du 8 janvier 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 22 mars 2011 par laquelle le directeur des ressources humaines et des relations sociales de La Poste a admis M. A...à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 25 avril 2011 et a enjoint à La Poste de procéder à la réintégration de ce dernier à compter du 25 avril 2011, en indiquant les modalités de cette réintégration. Par un arrêt du 12 juillet 2016, la cour de céans a rejeté les conclusions de la Poste tendant à l'annulation de ce jugement. Le 17 octobre 2016, M.A..., qui soutient que La Poste ne s'est pas acquittée de l'ensemble de ses obligations à la suite de l'arrêt du 12 juillet 2016, demande à la cour de prononcer les mesures rendues nécessaires pour la bonne exécution de cet arrêt.


Sur les conclusions de M. A...à fin d'exécution :

En ce qui concerne la réintégration de M.A... et la reconstitution de sa carrière :

3. L'annulation d'une décision ayant irrégulièrement évincé un fonctionnaire impose à l'autorité compétente de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé à la date de cette décision, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière et, à défaut d'une nouvelle décision d'éviction ou d'une décision de mise à la retraite, de prononcer sa réintégration effective dans un emploi correspondant à son grade.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par M.A..., que par décision du 4 février 2016, La Poste a procédé à sa réintégration juridique à compter du 25 avril 2011, date à compter de laquelle avait pris effet sa mise à la retraite pour invalidité dont l'annulation avait été prononcée par les décisions juridictionnelles dont le requérant demande l'exécution. Par suite, La Poste ayant correctement exécuté cet arrêt sur ce point, les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prononcer sa réintégration juridique au 25 avril 2011 sont irrecevables.

5. En deuxième lieu, il résulte de la fiche individuelle de gestion de carrière de M. A..., émise le 19 juillet 2017, que ce dernier a bénéficié des avancements d'échelon jusqu'au 8 juillet 2015, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas sérieusement. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la Poste reconstitue ses avancements de carrière sont irrecevables.
6. En troisième lieu, M. A...reproche à la Poste de l'avoir placé en congés de longue durée sur le fondement des dispositions du 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, entre le 25 avril 2008 et le 24 avril 2016, et soutient qu'il aurait dû bénéficier d'un congé de longue maladie sur le fondement du 2° de ces mêmes dispositions jusqu'à son rétablissement ou sa mise à la retraite. De même, il fait valoir qu'ayant été déclaré apte à exercer ses fonctions à compter du 19 juillet 2016, La Poste ne pouvait, ainsi qu'elle l'a fait par décision du 19 juin 2017, le placer en disponibilité d'office au motif qu'il aurait épuisé ses droits à congés maladie. Toutefois, par ces conclusions, M. A...conteste finalement la décision du 22 mai 2017 qu'avait prise La Poste afin d'assurer l'exécution du jugement n° 1200817 du 8 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de la Réunion avait annulé la décision du 3 septembre 2012 refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de son état de santé. Ainsi, les conclusions par lesquelles le requérant conteste son placement en congé de longue durée puis en disponibilité, comme d'ailleurs il le reconnaît, portent sur les modalités retenues pour reconstituer sa carrière et relèvent donc de litiges distincts de celui qui a été tranché par l'arrêt du 12 juillet 2016, dont il n'appartient pas à la Cour de connaître dans le cadre de la présente instance. M. A...a d'ailleurs contesté le bien-fondé de ces deux décisions des 22 mai et 19 juin 2017 par des demandes enregistrées devant le tribunal administratif de La Réunion les 18 et 26 juin 2017.

7. En quatrième lieu, dans le dernier état de ses écritures, M. A...déclare renoncer au bénéfice du reclassement professionnel que La Poste devait lui proposer en exécution du jugement susvisé et sollicite uniquement sa réintégration sur un emploi équivalent à celui qu'il occupait préalablement à son éviction. Toutefois, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal a uniquement ordonné à La Poste de procéder au reclassement de M. A...ou, en cas d'impossibilité de le reclasser dans un emploi d'un autre corps, d'envisager le renouvellement de ses congés sur le fondement des 3° ou 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ou sa mise à la retraite pour invalidité en application de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires. Ainsi, et contrairement à ce que soutient M.A..., l'exécution du jugement susvisé du tribunal administratif n'implique pas d'ordonner à La Poste de le réintégrer effectivement sur un emploi équivalent à celui qu'il occupait.

En ce qui concerne la reconstitution de ses droits sociaux et à pension de retraite :

8. Par l'effet de l'annulation prononcée par le jugement et l'arrêt susmentionnés, La Poste était tenue, non seulement de réintégrer juridiquement M.A..., ainsi qu'elle l'a fait, mais également de rétablir l'intéressé dans ses droits à pension, en procédant à la régularisation des cotisations afférentes à sa période d'éviction, dès lors que l'exécution de ces décisions juridictionnelles impliquait que soient redressés les effets de l'éviction irrégulière sanctionnée par le juge de l'excès de pouvoir, et que l'intéressé soit réputé s'être trouvé rétroactivement dans une position comportant accomplissement de services effectifs du point de vue de la législation sur les pensions.

9. Le directeur de La Poste devant, ainsi qu'il a été dit plus haut, prononcer la réintégration juridique de M. A...à compter de la date d'effet de la décision de sa mise à la retraite d'office, soit le 25 avril 2011, il devait également prendre les mesures de nature à régulariser les droits à pension de retraite qu'aurait acquis M. A...en l'absence de l'éviction illégale. La fiche de paye de M. A...du mois de décembre 2017 et les tableaux produits par La Poste le 12 mars 2018 révèlent que le directeur de La poste a effectivement reconstitué les droits sociaux de l'intéressé, en versant les cotisations correspondantes à la caisse de retraite dont il relevait. Par suite, et sans qu'il soit besoin de demander à La Poste de produire une attestation des caisses de retraite, cette dernière doit être regardée comme ayant correctement exécuté cet arrêt sur ce point. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint à La Poste de régulariser ses droits à pension.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

10. En premier lieu, en vertu de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...). ". Selon l'article 37 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " A l'issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu'autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais (...). ".

11. Il résulte des dispositions précitées que lors du placement d'un fonctionnaire en congé de longue durée, ce dernier ne peut plus percevoir les indemnités attachées à l'exercice effectif des fonctions parmi lesquelles figure la bonification versée au titre de l'affectation en zone urbaine sensible " ZUS ". Par suite, M. A...n'exerçant plus ses fonctions de responsable des ressources humaines au centre postal situé à Sainte-Clotilde depuis le 25 avril 2008, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû continuer à percevoir cette indemnité durant la période en cause.

12. En second lieu, M. A...sollicite le versement d'une indemnité au titre de son éviction irrégulière et demande à ce que soit déduite de la somme de 199 084,14 euros que devrait lui allouer La Poste, les montants des pensions qu'il a perçues durant la période considérée afin qu'il ne soit pas soumis à un impôt excessif par rapport à celui dont il aurait dû s'acquitter s'il n'avait été irrégulièrement évincé. Cependant, ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice né d'une décision illégale et celles portant sur les modalités de versement de l'indemnité y afférente soulèvent un litige distinct des conclusions tendant à l'exécution du jugement susvisé et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par La poste sur le fondement de ces dispositions.

14. M.A..., qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat, ne justifie pas des frais qu'il aurait exposés dans le cadre de la présente instance. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions susvisées doivent être rejetées.







DECIDE :



Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint à La Poste de régulariser ses droits à pension.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la SA La Poste. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la Réunion.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 mai 2018.

Le rapporteur,
Sabrina LADOIRE Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX01534