CAA de BORDEAUX, 3ème chambre - formation à 3, 27/09/2018, 16BX03772, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision27 septembre 2018
Num16BX03772
JuridictionBordeaux
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentM. DE MALAFOSSE
RapporteurM. David KATZ
CommissaireMme DE PAZ
AvocatsCATHERINE PERRINEAU SARL AVOCAT

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 21 novembre 2013 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de La Rochelle l'a radiée des cadres à compter du 1er octobre 2012.

Par un jugement n° 1400201 du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande et a mis à sa charge pour moitié les frais de l'expertise médicale ordonnée par cette juridiction.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2016, MmeC..., représentée par la SCP Pielberg-B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400201 du tribunal administratif de Poitiers du 18 mai 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2013 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de La Rochelle l'a radiée des cadres à compter du 1er octobre 2012 ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de La Rochelle une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :
- le jugement méconnaît l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen, qu'elle avait expressément soulevé, tiré de ce que la délégation de signature n'avait pas été publiée ; il s'est borné à indiquer que le directeur général du centre communal d'action sociale (CCAS) disposait d'une délégation de signature ;
- il n'a jamais été justifié de la publication de la délégation de signature délivrée le 9 novembre 2012 au directeur général de cet établissement public ;
- cette délégation ne porte, concernant les agents, que sur l'application des décisions du président du CCAS relatives à l'emploi du personnel ; or, il n'est pas établi que la décision en litige, signée par le directeur général, soit l'application d'une décision de ce président dès lors qu'il n'a édicté aucun acte en ce qui concerne le cas de MmeC... ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ; elle ne reprend notamment pas l'avis de la commission de réforme ; la motivation par référence n'est pas régulière ;
- aux termes des dispositions de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984, de l'article 2 du décret du 30 novembre 1984 et de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires, la radiation des cadres pour inaptitude physique d'un agent ne peut intervenir que lorsqu'il a fait l'objet d'un reclassement et que l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résulte pas du service ; en l'espèce, la maladie à l'origine de son inaptitude était directement imputable au service, comme l'a d'ailleurs jugé le tribunal administratif de Poitiers le 22 janvier 2014 dans son jugement n° 1201929, en s'appuyant sur le rapport d'expertise du docteur Abelin ; elle ne pouvait dès lors être radiée des cadres, sa maladie à l'origine de son inaptitude étant imputable au service ; ainsi, le CCAS était tenu d'abroger l'arrêté du 21 novembre 2012 l'ayant placée à la retraite pour invalidité, en vertu de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a mis à sa charge une partie des dépens dès lors que sa maladie était imputable au service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2017, le centre communal d'action sociale de La Rochelle conclut au rejet de la requête de Mme C...et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- l'arrêté de délégation de fonction et de signature à M.A..., directeur général, a fait l'objet d'une publication régulière, comme en témoigne le tampon de la préfecture, et ainsi que l'a relevé le tribunal en mentionnant que la délégation de signature était " régulière " ;
- cette délégation de signature habilitait M. A...à prendre les décisions appliquant les décisions du président relatives à l'emploi du personnel et donc, les radiations ; le directeur du CCAS était l'autorité compétente pour prononcer la radiation des cadres ;
- à la suite de l'avis de la commission de réforme du 27 mai 2011 qui avait émis un avis défavorable à une retraite pour invalidité au motif que l'inaptitude définitive ne concernait que les fonctions initiales de l'agent, il devait proposer un reclassement à MmeC... ; cependant, il lui appartient seulement d'établir qu'il a cherché à reclasser son agent ; le CCAS a permis à l'intéressée de poursuivre une formation et l'a accompagnée dans la recherche d'un poste adapté ; des offres de la bourse de l'emploi lui ont été adressées par courrier du 13 octobre 2011, dont certaines auraient pu convenir à son profil et ses compétences ; néanmoins, l'intéressée a refusé tout reclassement ;
- par un avis du 18 novembre 2011, la commission départementale de réforme a déclaré Mme C...inapte totalement et définitivement à toute fonction ; dès lors, le CCAS n'était plus tenu de l'inviter formellement à présenter une demande de reclassement ; ainsi la radiation pour inaptitude est la conséquence de l'inaptitude totale et définitive de l'agent ; par suite, sans qu'il soit besoin de tenir compte de la circonstance que la maladie est imputable au service, le CCAS pouvait prononcer sa retraite d'office pour invalidité ; la commission nationale de retraite des agents des collectivités locales a confirmé sa mise à la retraite pour invalidité par décision du 11 octobre 2012 ;
- compte tenu de la personnalité de MmeC..., mise en exergue par le rapport du docteur Abelin en date du 20 septembre 2013, l'imputabilité au service des troubles dont elle souffre est contestable ; ainsi, ses congés maladie ne peuvent se rattacher à un accident de service ;
- en tout état de cause, rien ne s'opposait à ce que le CCAS radie des cadres Mme C... pour cause de retraite pour invalidité imputable au service du fait de l'avis favorable de la CNRACL ; ainsi, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation.

Vu la demande de communication de pièce en date du 6 juin 2018.

Vu le mémoire en production de pièce enregistré le 7 juin 2018 présenté pour le CCAS en réponse à la mesure d'instruction.

Par ordonnance du 22 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2018 à 12h00.

Mme C...s'est vue refuser le bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 29 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Katz,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant MmeC..., et de MeE..., représentant le centre communal d'action sociale de La Rochelle.


Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., qui exerçait les fonctions d'auxiliaire de puériculture au sein du centre communal d'action sociale (CCAS) de La Rochelle, a été radiée des cadres à compter du 1er octobre 2012 par une décision du président de cet établissement public en date du 21 novembre 2013. L'intéressée a saisi le tribunal administratif de Poitiers qui, par un jugement du 18 mai 2016, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision et a mis à sa charge, pour moitié, les frais de l'expertise médicale ordonnée le 25 septembre 2013 par la présidente de cette juridiction. Mme C...relève appel de ce jugement.


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont estimé, au point 2 du jugement attaqué, que le directeur général, signataire de la décision en litige, disposait d'une délégation " régulière " de signature qui lui avait été délivrée le 9 novembre 2012. Ce faisant, ils doivent être regardés comme ayant écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet acte, dans toutes ses branches, y compris la régularité de la publication de cette délégation de signature. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché son jugement d'une omission à statuer doit être écarté.


Sur la légalité de la décision contestée :

3. En premier lieu, pour contester la décision du 21 novembre 2013, Mme C...excipe de l'illégalité de la décision du 21 novembre 2012 par laquelle le président du CCAS de La Rochelle a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité, en faisant valoir que la maladie à l'origine de son invalidité serait imputable au service.

4. Aux termes de l'article 27 du code des pensions civiles et militaires : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article (...) ". Selon l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". L'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dispose : " (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite (...). ".

5. Contrairement à ce que soutient MmeC..., il ne ressort pas des dispositions précitées qu'un fonctionnaire dont la maladie serait imputable ou aggravée par les fonctions qu'il exerce au service d'une personne publique ne puisse faire l'objet d'une mesure de mise à la retraite pour invalidité. Par conséquent, MmeC..., qui ne conteste pas qu'elle était effectivement atteinte d'une invalidité justifiant sa mise à la retraite, ne peut utilement se prévaloir du fait que sa pathologie ou l'aggravation de celle-ci serait imputable au service. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 21 novembre 2013 doit être écarté.

6. En second lieu, Mme C...soutient que la décision du 21 novembre 2013 serait entachée d'incompétence et d'un défaut de motivation.

7. Aux termes de l'article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : 1° De l'admission à la retraite ; 2° De la démission régulièrement acceptée ; 3° Du licenciement ; 4° De la révocation ". En vertu de ces dispositions, l'admission à la retraite d'un fonctionnaire, fût-ce pour invalidité, entraîne nécessairement la radiation des cadres de ce dernier.

8. Dès lors que, par la décision du 21 novembre 2013, qui n'était pas illégale ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme C...avait été mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er octobre 2012, le directeur général du centre communal d'action sociale de La Rochelle était tenu de prononcer la radiation des cadres de l'intéressée. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision du 21 novembre 2013 portant radiation des cadres de Mme C...serait entachée d'incompétence et d'une insuffisance de motivation sont inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.


Sur les frais d'expertise :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 308,30 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers en date du 25 septembre 2013, pour moitié à la charge du CCAS et de MmeC....


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de La Rochelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C..., la somme que demande le CCAS de La Rochelle sur le fondement de ces mêmes dispositions.


DECIDE :


Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 308,30 euros, sont dans une égale proportion, mis à la charge du centre communal d'action sociale de La Rochelle et de Mme C....
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de La Rochelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au centre communal d'action sociale de La Rochelle.


Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

Le rapporteur,
David KATZ
Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03772