CAA de NANCY, 1ère chambre - formation à 3, 13/12/2018, 18NC01165, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2015 par lequel le ministre de la justice l'a titularisé dans le corps des surveillants pénitentiaires en tant que cet arrêté limite sa reprise d'ancienneté à trois mois et neuf jours, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1600954 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 avril, 2 mai et 22 août 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2015 par lequel le ministre de la justice l'a titularisé dans le corps des surveillants pénitentiaires en tant que cet arrêté limite sa reprise d'ancienneté à 3 mois et 9 jours ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au ministre de la justice de reconstituer sa carrière en prenant en compte les 10 années de services accomplis en qualité de militaire sous contrat ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- en sa qualité d'ancien militaire, bénéficiaire de la procédure d'accès aux emplois réservés, il avait droit, conformément à l'article L. 4139-3 du code la défense, à la reprise de la durée de ses services effectifs accomplis en qualité de militaire sous contrat lors de sa titularisation dans le corps des surveillants pénitentiaires ;
- l'arrêté contesté méconnaît le principe d'égalité dès lors que d'anciens militaires placés dans la même situation que lui ont bénéficié de la reprise d'ancienneté qui lui a été refusée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
La ministre soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2018.
Un mémoire présenté par M. B...a été enregistré le 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.B....
Une note en délibéré présentée par M. B...a été enregistrée le 27 novembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été nommé le 22 septembre 2013 dans un emploi réservé aux militaires et anciens militaires en qualité d'élève à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire. Nommé stagiaire le 2 juin 2014, il a été titularisé par un arrêté du 10 décembre 2015 et classé à compter du 2 septembre 2015, date de sa titularisation, au 2ème échelon du grade de surveillant pénitentiaire du corps des personnels d'encadrement et d'application des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire avec une ancienneté conservée de trois mois et neuf jours. Par un courrier du 22 janvier 2016, M. B...a contesté cet arrêté devant la directrice de l'administration pénitentiaire en demandant à ce que la durée de ses services accomplis en qualité de militaire sous contrat entre 2000 et 2010 soit reprise en totalité pour le calcul de son ancienneté dans le corps des surveillants pénitentiaires. M. B...fait appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2015 en tant que cet arrêté a limité sa reprise d'ancienneté à trois mois et neuf jours, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : 1° Aux militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394 ; 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils ". Aux termes de l'article R. 396 du même code, alors en vigueur : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : -remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. / L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4139-4 du même code : " Durant le détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3, le militaire perçoit une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. Aucune promotion n'est prononcée durant ce détachement et le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration ou de sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil ". En application de l'article L. 4139-14 de ce code : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : (...) / 8° Lors de la titularisation dans une fonction publique, ou dès la réussite à un concours de l'une des fonctions publiques pour les militaires ne bénéficiant pas du détachement prévu au premier alinéa de l'article L. 4139-1, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre ".
4. Ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée. En revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite.
5. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., militaire engagé par contrat le 29 août 2000, a été radié des cadres de l'armée le 29 août 2010. Eu égard à la cessation de son état militaire, l'intéressé a été nommé élève surveillant le 22 septembre 2013 sans être placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation dans le corps des personnels d'encadrement et d'application des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire. Ainsi, il ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 4139-3, citées au point 3, qui réservent toute reprise d'ancienneté au seul militaire placé en position de détachement dans l'attente de sa titularisation. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 10 décembre 2015 limitant la reprise de son ancienneté à trois mois et neuf jours, correspondant aux trois quarts de la durée de ses services effectués entre janvier et septembre 2012 en qualité d'adjoint de sécurité auprès du ministère de l'intérieur, méconnaîtrait ces dispositions.
6. En second lieu, la circonstance, à la supposer établie, que des collègues de M.B..., également anciens militaires, auraient bénéficié d'une reprise d'ancienneté lors de leur nomination dans le corps des surveillants pénitentiaires est sans incidence sur la légalité des décisions contestées qui ont été prises conformément aux dispositions légales et réglementaires précitées. Dès lors, le moyen tiré d'un prétendu manquement au principe d'égalité entre fonctionnaires ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 18NC01165