CAA de DOUAI, 1ère chambre - formation à 3, 13/12/2018, 16DA02353, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 novembre 2014 par laquelle le Premier ministre a refusé de lui accorder le bénéfice de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 au profit des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale.
Par un jugement n° 1500886 du 7 octobre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 12 décembre 2016 et le 3 janvier 2017, et un mémoire, enregistré le 23 novembre 2018, Mme B..., représentée par la SCP Dablemont-E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me C...E..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B...relève appel du jugement du 7 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2014 par laquelle le Premier Ministre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'aide financière instaurée par le décret du 27 juillet 2004.
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code / (...) ".
3. Le décret du 27 juillet 2004, dont la légalité est contestée par voie d'exception, institue une mesure d'aide financière, d'une part en faveur des orphelins dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national durant l'Occupation soit comme déporté résistant au sens de l'article L. 272 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, soit comme déporté politique au sens de l'article L. 286 de ce même code et a trouvé la mort en déportation, et, d'autre part, en faveur des orphelins dont le père ou la mère a été arrêté et exécuté comme interné résistant ou interné politique au sens respectivement des articles L. 274 et L. 290 de ce même code. L'objet de ce texte est ainsi d'accorder une mesure de réparation destinée aux seuls orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la période de l'Occupation, suite au décès en déportation ou à l'exécution sommaire de leur parent, à l'exclusion des orphelins des personnes mortes après leur retour de déportation, en temps de paix. Compte-tenu tenu de cet objet, et au regard de la situation différente dans laquelle se trouvent ces deux catégories de personnes en raison des conditions dans lesquelles le décès de leur parent est intervenu et de celles dans lesquelles elles-mêmes se trouvaient à la date de ce décès, cette différence de traitement n'apparaît pas manifestement disproportionnée. Dans ces conditions et compte tenu de la nature des crimes commis à l'égard des victimes, le décret contesté n'est entaché ni de méconnaissance du principe d'égalité, ni d'une discrimination illégale au regard des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, en n'accordant une mesure de réparation particulière qu'à leurs seuls orphelins et en excluant, comme le conteste la requérante, les orphelins des déportés morts postérieurement à leur retour de déportation.
4. Il est constant que M. A... B..., père de Mme B..., est décédé à Auby le 23 décembre 1973, soit vingt-huit ans après sa libération du camp de concentration de Dachau dans lequel il avait été déporté et interné de 1942 à 1945. Par suite, et alors même que la réalité des souffrances endurées par M. B... n'est pas contestable et qu'il est effectivement mort des suites de sa déportation, les circonstances de son décès n'entrent pas dans les prévisions des dispositions du décret du 27 juillet 2004 qui réservent le bénéfice de la mesure de réparation qu'elles instituent aux personnes dont le père ou la mère a trouvé la mort en déportation.
5. Il ressort des termes de la décision en litige que pour refuser à Mme B... le bénéfice de l'aide institué par le décret du 27 juillet 2004, le Premier ministre s'est uniquement fondé sur la circonstance que son père est décédé après son retour de déportation. Le moyen tiré de ce que les dispositions de ce décret, applicables aux seules personnes mineures de vingt et un ans au moment où la déportation du parent est intervenue, serait entachée de discrimination illégale sur ce point est en tout état de cause inopérant à l'encontre de la décision attaquée et doit, par suite, être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au Premier ministre et à Me C...E....
N°16DA02353 3